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Mythologie
 
 

 

 

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Histoire Romaine - traduction M. Nisard (1864)

Livre XXI - Rome, de 219 à 218

1. Causes de la seconde guerre punique ([XXI, 1 à XXI, 6])

 

Haines nationales et haine personnelle

[XXI, 1]

(1) Dans cette partie de mon ouvrage, qu'il me soit permis, à l'exemple de la plupart des auteurs qui placent une préface en tête de leur histoire, d'annoncer que je vais écrire la plus mémorable de toutes les guerres, celle que les Carthaginois, sous la conduite d'Hannibal, firent au peuple romain. (2) Jamais deux cités, deux nations plus redoutables, ne mesurèrent leurs armes; jamais Rome et Carthage elles-mêmes n'eurent autant de forces et de puissance; ce n'était pas non plus sans connaissance de l'art de la guerre, mais avec l'expérience acquise dans la première guerre punique, qu'elles se mesuraient ensemble. L'inconstance du sort, les chances des combats furent telles que le vainqueur fut plus près de succomber. (3) C'était plutôt une lutte de haine que de force: les Romains s'indignaient de voir les vaincus provoquer les vainqueurs, et les Carthaginois trouvaient qu'on avait traité les vaincus avec tyrannie et cupidité. (4) On rapporte aussi qu'Hannibal, à peine âgé de neuf ans, au milieu des caresses enfantines qu'il faisait à son père, le supplia de l'emmener en Espagne. La guerre d'Afrique venait d'être heureusement terminée, et Amilcar, sur le point d'entreprendre une expédition nouvelle, offrait un sacrifice aux dieux; il fait avancer son fils au pied des autels, et lui ordonne de jurer, en étendant la main sur la victime, qu'au plus tôt il sera l'ennemi de Rome. (5) Ce courage altier ne pouvait se consoler de la perte de la Sicile et de la Sardaigne: le désespoir, disait-il, avait fait céder trop vite la première de ces provinces; l'autre, au milieu des troubles de l'Afrique, avait été enlevée par la perfidie des Romains, qui avaient imposé un nouveau tribut.

Mort d'Hamilcar (229); Hasdrubal le remplace

[XXI, 2]

(1) Agité d'inquiétudes et de regrets, à peine il a conclu la paix avec Rome, que, pour relever la puissance de Carthage, il fait, pendant cinq années, la guerre en Afrique, puis en Espagne pendant neuf ans. (2) Nul doute qu'il ne méditât une expédition de plus haute importance. Si sa carrière se fût prolongée, les Carthaginois auraient, sous ses ordres, porté en Italie la guerre que son fils y porta dans la suite; (3) elle ne fut différée que par cette mort qui survint si à propos, et par l'enfance d'Hannibal. Un intervalle de près de huit années entre le père et le fils fut rempli par l'autorité d'Hasdrubal. D'abord favori d'Amilcar, qui voyait briller en lui la fleur de la jeunesse; (4) devenu ensuite son gendre à cause de ses qualités éminentes, et, par là, chef de la faction Barcine, si puissante auprès des soldats et du peuple, il resta, malgré les grands, seul maître de l'empire. (5) Plus politique que guerrier, en offrant l'hospitalité aux petits princes de l'Afrique, il se concilia par les monarques l'affection des sujets, et accrut ainsi, non moins que par la guerre et les armes, la puissance de Carthage. (6) Cependant la paix ne le sauva point. Un barbare, irrité de ce qu'il avait fait périr son maître, l'assassina au milieu de ses gardes: arrêté sur-le-champ, il montra un air aussi satisfait que s'il se fût échappé; et alors même qu'il était déchiré par les tortures, il garda une telle contenance que la joie surmonta chez lui la douleur, et qu'il sembla même sourire à ses bourreaux. (7) L'habileté d'Hasdrubal à gagner les peuples et à les soumettre à ses lois avait engagé les Romains à renouveler avec lui le traité d'alliance, aux conditions que l'Hèbre serait la limite des deux empires, et que Sagonte, placée entre les deux puissances, conserverait sa liberté.

La succession d'Hasdrubal (221)

[XXI, 3]

(1) Après la mort d'Hasdrubal, personne ne douta que l'initiative des soldats qui avaient sur-le-champ porté le jeune Hannibal dans le prétoire et l'avaient proclamé général d'un cri et d'une voix unanimes, ne fût confirmée par le suffrage du peuple. (2) Il avait à peine atteint l'âge de puberté, que déjà une lettre d'Hasdrubal l'avait mandé près de lui. Dans une délibération du sénat à ce sujet, la faction Barcine appuyait vivement la proposition: Hannibal, disait-elle, devait s'habituer au métier des armes et recueillir l'héritage de la puissance paternelle. (3) Hannon, chef de la faction contraire, prit la parole: "On vous adresse, dit-il, une demande qui paraît fort juste, et pourtant je suis d'avis qu'elle soit rejetée." (4) La bizarrerie de cette opinion ambiguë avait fixé l'attention générale. "Oui, reprit Hannon, Hasdrubal se croit pleinement autorisé à réclamer du fils ce qu'il prodigua au père, à la fleur de sa jeunesse. Mais nous sied-il à nous de permettre que nos jeunes gens, pour faire l'apprentissage de la guerre, soient livrés d'abord aux caprices de nos généraux? (5) Craignons-nous d'ailleurs que le fils d'Amilcar ne voie pas assez tôt l'image du pouvoir absolu, de l'autorité royale que son père a exercée? Et, lorsque le gendre de ce souverain commande à nos armées par droit héréditaire, le sceptre du fils pèsera-t-il trop tard sur notre tête? (6) Que ce jeune homme reste à Carthage; qu'il y apprenne, par l'obéissance aux lois et aux magistrats, à vivre au sein de l'égalité: tel est mon avis. Craignons que cette faible étincelle n'allume un jour un vaste incendie."

Débuts d'Hannibal en Espagne (224)

[XXI, 4]

(1) Quelques sénateurs, presque tous les plus sensés, partageaient cette opinion; mais, comme il arrive trop souvent, le parti le plus nombreux l'emporta sur le plus sage. Hannibal, dès son entrée en Espagne, attira sur lui tous les yeux. (2) "C'est Hamilcar dans sa jeunesse qui nous est rendu, s'écriaient les vieux soldats. Même énergie dans le visage, même feu dans le regard: voilà son air, voilà ses traits." Mais bientôt le souvenir de son père fut le moindre de ses titres à la faveur. (3) Jamais esprit ne se plia avec plus de souplesse aux deux qualités les plus opposées, la subordination et le commandement: aussi serait-il difficile de décider s'il était plus cher au général qu'à l'armée. (4) Point d'officier qu'Hasdrubal choisît de préférence, s'il s'agissait d'un coup de vigueur et de hardiesse; point de chef, qui sût inspirer au soldat plus de confiance, plus d'audace. (5) Plein d'audace pour affronter le péril, il se montrait plein de prudence au sein du danger. Nulle fatigue, n'épuisait son corps, ne brisait son âme. (6) Il supportait également le froid et le chaud. Ses repas avaient pour borne et pour règle les besoins de la nature et non la sensualité. Pour veiller ou pour dormir, il ne faisait nulle différence entre le jour et la nuit. (7) Il donnait au repos les moments que les affaires lui laissaient libres, et il ne provoquait le sommeil ni par la mollesse du coucher ni par le silence. On le vit souvent, couvert d'une casaque de soldat, s'étendre à terre au milieu des sentinelles et des corps de garde. (8) Ses vêtements ne le distinguaient nullement des autres: ce qu'on remarquait, c'étaient ses armes et ses chevaux. Il était à la fois le meilleur cavalier, le meilleur fantassin. Le premier, il s'élançait au combat; le dernier, il quittait la mêlée. (9) De grands vices égalaient de si brillantes vertus: une cruauté excessive, une perfidie plus que punique, rien de vrai, rien de sacré pour lui, nulle crainte des dieux, nul respect des serments, nulle religion. (10) Avec ce mélange de qualités et de vices, il servit trois ans sous les ordres d'Hasdrubal, sans rien négliger de ce qu'il fallait faire ou voir pour devenir un grand capitaine.

La première campagne d'Espagne (221-219)

[XXI, 5]

(1) Du jour même où il fut nommé général, il sembla que l'Italie lui avait été assignée pour département, et qu'il devait porter la guerre contre Rome. (2) Convaincu qu'il ne fallait pas perdre un moment, de peur que, s'il hésitait, il ne succombât, comme Hamilcar, son père, comme Hasdrubal, à quelque coup du sort, il résolut d'attaquer Sagonte. (3) Mais, comme le siège de cette ville devait infailliblement attirer sur lui les armes romaines, il marcha d'abord contre les Olcades, nation située au-delà de l'Hèbre, et qui se trouvait dans le lot des Carthaginois plutôt que dans leur dépendance; il voulait paraître ne pas attaquer Sagonte, mais être comme entraîné à lui faire la guerre par suite de ses conquêtes et de la soumission des peuples voisins. (4) Cartala, cité opulente, capitale des Olcades, est prise et pillée. Frappées de terreur, les places moins importantes se soumettent au vainqueur, qui leur impose un tribut. L'armée triomphante, chargée d'un riche butin, alla prendre ses quartiers d'hiver à Carthagène. (5) Là, par un généreux partage des dépouilles ennemies, par son exactitude à payer la solde qui était due, Hannibal s'attacha de plus en plus les soldats et les alliés; et, au retour du printemps, il dirigea ses armes contre les Vaccéens. (6) Hermandica et Arbocala sont emportées d'assaut; Arbocala, soutenue par la valeur et le nombre de ses habitants, opposa une longue résistance. (7) Les réfugiés d'Hermandica, joints à ceux des Olcades, peuple soumis l'année d'auparavant, soulèvent les Carpétans; (8) ils attaquèrent Hannibal dans sa retraite du pays des Vaccéens, non loin du Tage, et retardèrent sa marche, qu'embarrassait déjà le butin. (9) Hannibal n'engagea point l'action; il fit camper ses troupes sur la rive du fleuve, et, lorsque le silence l'avertit que ses adversaires étaient plongés dans le premier sommeil, il traversa le fleuve à gué: laissant ensuite, par la disposition de ses lignes, un espace aux ennemis pour marcher sur ses traces, il résolut de les surprendre au passage. (10) Sa cavalerie reçut l'ordre de commencer l'attaque dès qu'ils seraient entrés dans l'eau. L'infanterie, placée sur la rive, avait en tête quarante éléphants. (11) Les Carpétans, avec les débris des Olcades et des Vaccéens, étaient forts de cent mille hommes, armée invincible à terrain égal. (12) Naturellement présomptueux, comptant sur le nombre, persuadés que la crainte avait été la cause de la retraite d'Hannibal, certains que le seul obstacle à la victoire était le passage du fleuve, ils poussent un cri de guerre, et, sans ordre, sans guide, ils s'élancent dans les eaux, chacun à l'endroit le plus voisin. (13) De l'autre rive du fleuve, on envoie contre eux un gros de cavalerie, et il s'engage, au milieu du courant, une lutte inégale, (14) où l'infanterie, qui n'avait point le pied ferme, et qui redoutait d'être submergée, pouvait être facilement culbutée, même par des cavaliers sans armes, qui auraient poussé leurs chevaux au hasard; tandis que les cavaliers, libres de leurs mouvements et de leur armure, dont les chevaux avaient pied dans les endroits les plus profonds, combattaient de près et de loin. (15) Une grande partie fut engloutie dans le fleuve; quelques-uns, emportés vers les Carthaginois par la rapidité du courant, furent écrasés sous les pieds des éléphants; (16) les derniers, trouvant plus de sûreté à regagner leur rive, au moment où, dispersés çà et là, ils cherchaient à se réunir, et à se remettre de cet affreux désordre, virent paraître Hannibal à la tête d'un bataillon carré; il traversait le fleuve, et bientôt il les eut chassés du rivage. Le pays fut dévasté, et, quelques jours après, les Carpétans étaient soumis. (17) Dès lors tout le pays situé au-delà de l'Hèbre, Sagonte exceptée, subissait le joug de Carthage.

Sagonte envoie une délégation à Rome (218)

[XXI, 6]

(1) La guerre n'avait pas encore commencé avec Sagonte; mais déjà des contestations, germes de guerre, lui étaient suscitées avec ses voisins surtout avec les Turdétans. (2) L'auteur même du litige se présentait pour arbitre; il était clair que la force, et non le droit, l'emporterait: les Sagontins alors envoyèrent à Rome une députation pour demander des secours contre l'ennemi dont ils se voyaient menacés. (3) Publius Cornélius Scipion et Tibérius Sempronius Longus étaient consuls. La députation entendue dans le sénat, l'affaire mise en délibération, on fut d'avis de faire passer des députés en Espagne pour prendre des informations sur la situation des alliés: (4) dans le cas où leur cause paraîtrait juste, les ambassadeurs devaient sommer Hannibal de ne plus inquiéter les Sagontins, alliés de Rome; puis passer en Afrique, pour porter à Carthage les plaintes des alliés de Rome. (5) La députation à peine décrétée n'était point encore partie, qu'on reçut, plus tôt qu'on ne s'y attendait, la nouvelle du siège de Sagonte. (6) Alors l'affaire fut de nouveau déférée au sénat. Les uns assignaient pour département aux consuls l'Espagne et l'Afrique, et proposaient de combattre à la fois sur terre et sur mer, d'autres dirigeaient toutes les forces en Espagne, contre Hannibal; (7) d'autres enfin demandaient qu'on mît moins de précipitation dans une affaire de cette importance, et qu'on attendît le retour de la députation envoyée en Espagne. (8) Cet avis, qui paraissait le plus sage, l'emporta: on pressa le départ des députés Publius Valérius Flaccus et Quintus Baebius Tamphilus; ils avaient ordre d'aller trouver Hannibal à Sagonte, de se rendre à Carthage, s'il refusait de lever le siège, et même de demander qu'Hannibal leur fût livré en réparation de la rupture du traité.

 

 

 
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