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Les Capétiens


CHAPITRE CINQUIÈME : Louis IX (1226 à 1270)

 

VII : Gouvernement de Louis IX

 

            1° Une administration héritée de Philipe Auguste – Louis IX ne changea rien à l’administration qu’avait mis en place son grand-père Philippe Auguste. Le domaine royal, qui s’étendait sur la moitié du territoire français, resta divisé en prévôtés et bailliages

 

Rappelons que les baillis avaient pour fonction de rendre la justice (leur décision ne pouvait être cassée que par le roi), lever les impôts ou commander les armées.

Les baillis, bénéficiant d’une importante rémunération (une livre mensuelle alors que les chevaliers ne recevaient que 10 sous[1]), étaient soumis à une contrôle très strict.

Ils étaient assistés par des prévôts, chargés des affaires locales. Ces derniers pouvaient juger les roturiers mais pas les nobles, privilège des baillis (ces derniers pouvaient casser la décision des prévôts). En outre, certains cas leur échappaient, comme le meurtre et la trahison.

 

A noter que les baillis n’étaient pas des fonctionnaires permanents. Ainsi, ils ne pouvaient ni acquérir de biens, ni emprunter, ni marier leurs enfants dans leur circonscription. Ne restant que trois ans en charge, ils devaient rendre des comptes en sortant et restaient cinquante jours dans leurs provinces pour répondre aux plaintes formulées par leurs administrés.

 

Afin de renforcer les contrôles sur les fonctionnaires royaux, Louis IX établit des tournées d’inspection, confiées à des enquesteurs. Ces derniers furent choisis de préférence parmi les membres de l’Ordre des frères mineurs (franciscains.) ou de l’Ordre des Prêcheurs (dominicains.).

 

            2° Réforme de la justice – Louis IX était très préoccupé par les questions judiciaires. Les chroniques disent qu’il aimait rendre justice par lui même, sous un chêne au bois de Vincennes.

Toutefois, au-delà de ces images d’Epinal, le roi de France procéda à une importante réforme du système judiciaire.

Saint Louis rendant la justice, par Alexandre CABANEL, 1874, le Panthéon, Paris.

 

Ainsi, Louis IX promulgua en 1258 un édit abolissant les ordalies, (précisons toutefois que ces pratiques étaient sur la sellette depuis le XI° siècle).

 

L’ordalie, aussi appelée jugement de Dieu, était une vieille pratique héritée des invasions barbares. Si un tribunal ne parvenait pas à établir un verdict, l’accusé devait se soumettre à une épreuve physique.

L’ordalie pouvait être bilatérale, afin de départager deux plaignants : ces derniers livraient alors un combat judiciaire, le vainqueur, choisi par Dieu, étant innocenté. A noter que les femmes et les ecclésiastiques, dispensés de participer au combat, pouvaient se faire remplacer par un champion.

Mais il existait aussi de nombreuses ordalies unilatérales : l’accusé devait plonger sa main dans le l’eau bouillante, et s’il n’avait pas de séquelles, il était innocenté (il existait une variante avec un fer chauffé à blanc) ; l’accusé était plongé dans une rivière, s’il flottait, il était coupable, mais s’il coulait, il était innocenté ; l’accusé était gavé de pain et de fromage, s’il ne pouvait pas avaler, il était coupable ; etc.

 

Le système des ordalies persista encore quelques années, surtout dans le Languedoc, ou l’Inquisition continua à faire appel au jugement de Dieu jusqu’au XIV° siècle.

La noblesse, quant à elle, utilisa le duel judiciaire pendant encore plusieurs siècles[2].

L’abolition des ordalies fut une révolution au sein de la justice. Le duel judiciaire fut remplacé par l’instruction de la cause, c’est à dire une enquête sérieuse des faits, conduite suivant les règles empruntées soit aux tribunaux ecclésiastiques, soit aux anciens tribunaux romains.

Pour juger, il fallait maintenant connaître non seulement les diverses coutumes de France, mais aussi la loi romaine. Les grands seigneurs, qui n’étaient que des guerriers, ne tardèrent pas à s’y perdre. On leur donna donc des auxiliaires à ces derniers, soit de simples clercs, soit des petits nobles ou des bourgeois.

Ces hommes de loi, baptisés légistes, acquirent rapidement, sous Louis IX même, une place importante. Ainsi se formait une nouvelle classe de la société.

 

Les légistes, dévoués à la royauté, contribuèrent à étendre ses droits et ses prérogatives, contribuant à l’essor de la monarchie centralisée.

Ces derniers, étudiant la loi romaine, en adoptèrent les principes. Sous l’Empire, la loi disait : l’Empereur est la loi vivante. Les légistes, reprenant cette formule, dirent : si veut le roi, si veut la loi. Cette maxime fut particulièrement employée par les successeurs de Louis IX, qui donnèrent peu à peu naissance à une monarchie absolue.

 

            3° Louis IX et l’aristocratie – Sans chercher à détruire la féodalité, Louis IX s’attacha à corriger plusieurs de ses abus.

 

a) Le droit de guerre, la quarantaine-le-roi : l’un des plus graves était celui des guerres privées, que l’Eglise avait réprimé en partie par la Trêve de Dieu[3]. En effet, tout seigneur ayant été offensé avait le droit de prendre les armes pour se venger. Il en résultait de graves troubles, dont les paysans étaient les premières victimes.

Philippe Auguste avait établit la quarantaine-le-roi, qui fut renouvelée par une ordonnance promulguée par Louis IX en 1245 : avant d’en appeler aux armes, l’offensé devait attendre 40 jours. Quiconque ne respectait pas cette trêve était considéré comme traître et était passible de la peine de mort.

Dans l’intervalle, les agents royaux arrêtaient l’agresseur, le jugeaient, et la querelle était considérée comme terminée. 

Cependant, si l’accusé était absous, il demeurait sous la protection du roi, et l’attaquer équivalait à attaquer le roi lui même.

La quarantaine fut d’abord instaurée dans le domaine royal, puis dans tout le royaume, mais cette fois plus lentement. En effet, les seigneurs n’appréciaient guère cette nouvelle réforme.

 

b) Le droit de justice, l’appel : les seigneurs, petits et grands, abusaient aussi parfois de leur droit de justice. Louis IX prit un soin particulier à surveiller ce droit et à le soumettre à un contrôle rigoureux.

Ainsi, le roi de France décida d’instaurer le système des appels.

Autrefois, un noble, condamné, ne pouvait faire appel de la décision d’un juge qu’en le défiant à l’épée (il s’agissait d’une ordalie, dans la mesure où le vainqueur, choisi par Dieu, était donc innocent).

Louis IX décida qu’il était dès lors possible de faire appel d’un jugement, non seulement sur le domaine royal, mais aussi dans tout le royaume. 

Enfin, Saint Louis accrut le nombre de cas royaux, c’est à dire le nombre de causes qui ne pouvaient être que jugées par la cour du roi : sacrilège, fausse monnaie, concussion[4], simonie[5], etc.

 

c) Le droit de battre monnaie : après le droit de guerre privée et le droit de justice, Louis IX s’attaqua à un autre privilège régalien, celui de battre monnaie.

Il y avait à cette époque, en France, plus de 80 hôtels de monnaie (c’était là que l’on battait la monnaie.). Cette multitude de devises était pour le commerce un gêne considérable, d’autant plus que les monnaies seigneuriales étaient souvent altérées (l’on mélangeait des métaux moins précieux au cuivre qui servait à fabriquer la pièce, cette dernière étant donc au dessous de sa valeur nominale.).

Louis IX ne supprima pas les hôtels de monnaie, mais déclara que seule la monnaie royale aurait cours désormais dans le royaume, celle des seigneurs restant limitée à leur domaine.

La monnaie royale, inspirant beaucoup plus confiance que les autres, fut vite adoptée partout.

En outre, seul le roi eut désormais le droit de frapper des monnaies en or ou en argent, les seigneurs n’ayant plus que le droit de battre monnaie de cuivre ou de billon[6].

 

            4° Les villes et le commerce – Tout comme ses ancêtres, Louis IX favorisa les villes, qui souhaitaient s’affranchir de l’autorité des seigneurs.

 

a) Villes prévôtales et villes libres : à cette époque, l’on retrouvait deux catégories de cités : les villes prévôtales, très nombreuses, sous la dépendance immédiate de la couronne ; et les villes libres, appelées aussi communes.

 

Ces dernières conservaient leurs magistrats supérieurs ou maires, mais le roi se réservait la faculté de désigner le maire sur une liste de trois candidats présentée par les principaux bourgeois de la commune.

Les communes gardaient aussi le droit de répartir elles mêmes leurs impôts, mais sous le contrôle du pouvoir royal. Enfin, les maires, à la fin de leur mandat, étaient tenus de rendre des comptes au roi.

 

b) L’industrie et le commerce : depuis l’effondrement des villes, à la chute de l’Empire romain, le principal revenu provenait de la terre. Toutefois, l’on assistait depuis deux siècles à un nouvel essor du commerce international.

 

En effet, l’industrie française était assez active à l’époque, et ses produits déjà fort recherchés (draps, cuirs, bijoux, vins, etc.). Les ouvriers d’un même métier, dans une même ville, se groupaient en corporations ou jurandes. Ces dernières, protégées par l’Eglise, étaient pénétrées par l’esprit chrétien : chacune avait son Saint, ses fêtes, sa bannière.

 

On comptait 150 corporations à Paris. Ces dernières durent présenter leurs statuts au prévôt de la ville, qui réglaient les droits et les devoirs des maîtres et des ouvriers, les conditions et la durée de l’apprentissage, les mises de fonds dans la caisse commune, les dépenses de la corporation, les procédés de fabrication, les redevances payées à la couronne, etc.

La réunion de ces statuts forma le Livre des métiers, rédigé en 1268.

 

Le commerce, quant à lui, se faisait en général par associations, appelées compagnies, guildes, ou hanses.

On en comptait deux dans le nord de la France : la compagnie des marchands d’eau de Paris, à qui Louis IX accorda le monopole de l’approvisionnement de la capitale par voie fluviale[7] ; et la compagnie des marchands d’eau de Rouen. Les deux compagnies, opérant sur la seine, étaient rivales. En 1170, Philippe Auguste avait décidé que les marchands de Paris avaient autorité de Paris à Mantes ; les marchands de Rouen, de Mantes à la Manche.

 

Il arrivait que les villes se regroupent entre elles, comme se fut le cas de 17 villes de Champagne, de Picardie et de Flandre, qui formèrent la Hanse des XVII villes (cette association drapière commerçait principalement avec Londres, mais aussi avec la Méditerranée).

 

            5° Embellissement de Paris – Paris s’était considérablement agrandie sous le règne de Philippe II. Ainsi, alors que la capitale ne comptait que 25 000 habitants en 1180, en abritait le double lorsque Louis IX monta sur le trône.

 

Le roi de France, confirmant les privilèges de la compagnie des marchands d’eau de Paris, ôta toutefois la prévôté des mains des marchands, la confia à un proche, Etienne Boileau (ce dernier fut l’auteur du Livre des métiers, que nous avons évoqué plus tôt).

Toutefois, quelques années plus tard, en 1263, les marchands reçurent l’autorisation d’élire un prévôt des marchands, chargé uniquement des affaires commerciales. Mais au fil des siècles, ce dernier prit de plus en plus d’importance vis-à-vis du prévôt de Paris.

 

Bénéficiant d’importantes rentrées d’argent, le roi de France en profita pour multiplier les aumônes et mettre sur pied des établissements charitables.

Louis IX fit ériger dans la capitale la Sainte-Chapelle, où furent placés différentes reliques de la passion ramenées de Terre Sainte (1242) ; La Sorbonne, dans le quartier latin[8], du nom de son chapelain, Robert de Sorbon (1253) ; et l’hôpital des Quinze-Vingt, destiné à recevoir 300 chevaliers revenus de croisade, soit 15 x 20 (1260).

Par ailleurs, la Conciergerie, résidence royale depuis le X° siècle, fut restaurée et agrandie[9].

 

Enfin, ce fut sous le règne de Louis IX que fut érigée la cathédrale d’Amiens, la plus vaste de France par sa superficie (1269). En outre, se poursuivirent les travaux d’érection des cathédrales de Paris, Auxerre, Beauvais et Rouen[10].

 

            6° Louis IX, un roi saint ? – Louis IX, de par sa politique pacifique et ses arbitrages de conciliations, était considéré comme un saint de son vivant. Ainsi, la légende s’empara de bonne heure de la figure de ce souverain.

 

La chronique de Joinville nous raconte que ce souverain marqua l’esprit de ses contemporains par son abstinence, ses jeûnes, ses flagellations, et ses nombreuses veillées de prières.

Par ailleurs, la légende veut qu’il nourrissait les pauvres dans son propre palais, les servait, leur lavait les pieds, assisté par sa femme Marguerite.

 

A la mort de Louis IX, de nombreux prélats français se rapprochèrent du pape Grégoire X, élu en décembre 1271, afin de procéder à la canonisation du défunt.

Toutefois, la procédure fut longue, à une époque ou le Saint siège était corrompu par le pouvoir. La canonisation du roi fut finalement promulguée en 1297 par le pape Boniface VIII.

C’est ainsi qu’aujourd’hui, Louis IX est plus connu sous le nom de Saint Louis.

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[1] A noter qu’une livre valait vingt sous. Pour en savoir plus sur le système livre-sou-denier, adopté à l’époque carolingienne, voir le 4, section IV, chapitre deuxième, les Carolingiens.

[2] Les duels furent définitivement interdits au XVI° siècle, grâce à l’action de Richelieu, ministre de Louis XIII.

[3] La Paix de Dieu et la Trêve de Dieu, principes régissant la vie militaire, avaient été adoptés au cours du XI° siècle. Voir à ce sujet le b), 4, section III, chapitre premier, les Capétiens.

[4] L’on appelle concussion la perception illicite de biens par un agent public ou un particulier. 

[5] L’on appelle simonie la vente des biens ecclésiastiques.

[6] Un billon est une pièce de cuivre parfois mélangée d’argent.

[7] Le blason de Paris, arborant un bateau surmonté de fleur de Lys, provient de celui de la compagnie des marchands d’eau de Paris.

[8] Rappelons que l’université de Paris était installée dans le quartier latin (appelé ainsi car les écoliers faisaient l’apprentissage de cette langue morte).

[9] Cet édifice fut transformé en prison à la fin du XIV° siècle.

[10] Les travaux à Auxerre, Beauvais et Rouen furent achevés au XVI° siècle.

 
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