1° Les premières années de règne
Charles X (1824 à 1825) – Louis XVIII, décédé en septembre 1824, n’avait
pas d’enfants. Selon la règle de la primogéniture mâle, de fut donc
son frère cadet, Charles X, qui fut chargé de lui succéder.
Le
nouveau souverain, âgé de 67 ans, n’était guère touché par les idées
libérales. Ainsi, quelques mois après la disparition de son aîné, Charles X
se fit couronner dans la cathédrale de Reims, renouant avec la
tradition royale (29 mai 1826.).
Charles X en costume de sacre, par François GERARD, musée
Carnavalet, Paris.
Le
roi de France pouvait s’appuyer sur son premier ministre, le comte de
Villèle, ainsi que sur les assemblées.
Portrait de Jean Baptiste Villèle.
Rappelons qu’à l’époque la France avait opté un système bicaméral.
Ainsi, le pouvoir législatif étant partagé entre la Chambre des Pairs,
composée d’aristocrates, nommés à vie par le roi (leur charge était
héréditaire.) ; et la Chambre des députés des départements, élue par
le peuple tous les sept ans (cette dernière pouvait être néanmoins dissoute
par le roi.).
Si
le 29 septembre 1824, Charles X décida d’abolir la censure afin d’améliorer
sa popularité, mais il fit promulguer par la suite une série de mesures
réactionnaires.
Il
fut ainsi décidé, le 3 décembre 1824, que les officiers n’ayant pas été
employés depuis le 1er janvier 1816 seraient privés de leur
retraite militaire[1] ;
la loi sur le sacrilège, votée en avril 1825, punissait de mort les
profanateurs d’églises[2] ;
la loi d’indemnisation des émigrés, votée au même moment, visait à
indemniser les aristocrates qui avaient été dépossédés de leurs possessions
lors de la Révolution française.
A
noter que ces deux décrets, particulièrement impopulaires, furent très
contestés par les libéraux.
2° Les dernière années du ministère Villèle (1825 à 1828) –
Détenant une confortable majorité à l’assemblée, Villèle décida, en
février 1826, de présenter une loi sur le droit d’aînesse.
a)
La chute de Villèle : le projet de loi avait comme objectif, selon le
comte de Villèle, de préserver les grands domaines d’un morcellement
inéluctable (cela permettait au premier ministre de s’assurer du soutien de
la noblesse, favorisée grâce à cette loi.).
Toutefois, les discussions furent très vives à l’assemblée, car la loi
d’aînesse, si elle était acceptée, briserait un des acquis de la
Révolution et de l’Empire. Les députés décidèrent donc de la rejeter en mars
1826.
Mais Villèle, considérant peu de temps après que l’échec de la loi d’aînesse
était du à la trop grande influence politique des médias, décida de
présenter à l’assemblée une nouvelle loi sur la Presse. En effet, le premier
ministre souhaitait accroitre les taxes payées par les journaux, ainsi que
renforcer la censure. En cas de procès, seraient responsables le journaliste
ayant écrit le texte, l’éditeur, et le propriétaire du journal.
Le
12 mars 1827, la loi fut acceptée, mais la Chambre des pairs fit en sorte de
modifier le texte afin de rendre le texte inopérant. Villèle, fort marri,
décida alors de retirer son projet de loi (27 avril.).
Suite à ces évènements, Charles X et Villèle décidèrent de supprimer la
Garde nationale, dont certains membres avaient affiché trop ouvertement leur
hostilité envers le ministère. La disparition ce corps d’armée, vestige de
la Révolution française, ne plut guère aux Parisiens.
En
septembre, Villèle décida de dissoudre la chambre et de procéder à de
nouvelles élections. Le roi et son fils le duc d’Angoulême furent toutefois
opposés à cette décision, qu’ils jugeaient bien trop prématurée.
Toutefois, le 5 novembre 1827, la Chambre des députés fut dissoute, et 88
nouveaux députés virent s’installer à la Chambre des pairs.
Toutefois, les élections de la mi-novembre ne furent pas favorables à
Villèle. En effet, libéraux et royalistes décidèrent de faire bloc commun,
soucieux de renverser le gouvernement.
Au
final, la nouvelle assemblée se révéla très différente de la précédente.
Elle était composée d’une moitié de libéraux et d’une moitié d’Ultras, plus
une soixantaine de royalistes opposés au comte de Villèle.
Dans l’incapacité de constituer un nouveau gouvernement capable de
satisfaire les députés, Villèle présenta sa démission à Charles X le 3
janvier 1828[3].
Le roi de France, reconnaissant, nomma son ancien ministre
pair de France[4].
A
noter toutefois que Villèle, malgré ses idées réactionnaires, était un bon
financier. Ainsi, ce dernier parvint à mettre en place un budget de l’Etat
excédentaire, ce qui n’était pas arrivé depuis plusieurs années.
b)
La guerre d’indépendance grecque (1821 à 1830) : alors que Villèle
était de plus en plus contesté, Charles X décida d’intervenir dans la
guerre d’indépendance grecque, qui agitait la mer Egée depuis maintenant
plusieurs années.
Depuis le XIV° siècle, l’Empire ottoman était parvenu à augmenter sa sphère
d’influence en Grèce, face à un Empire byzantin de plus en plus affaibli. En
1453, les Turcs parvinrent finalement à s’emparer de Constantinople.
La prise de Constantinople
par les Turcs, par Jean Chartier, enluminure issue de l'ouvrage Chronique,
Belgique, XV°siècle.
Progressant toujours
plus au nord, les Ottomans assiégèrent Vienne (capitale de l’Autriche.) à
plusieurs reprises, sans jamais parvenir à prendre la ville.
La progression ottomane dans les Balkans (fin du XIV° siècle.).
Toutefois, si pendant longtemps l’Empire ottoman était apparu comme
invincible aux yeux des Européens, la situation évolua au cours du XVIII°
siècle. La Russie, royaume qui avait considérablement accru ses frontières
depuis le Moyen âge, décida alors d’en découdre avec les Turcs (l’objectif
des tsars était d’avoir accès à la Méditerranée.).
La
Russie ayant remporté la guerre russo-turque (1768 à 1774.), la
tsarine Catherine II obtint que les Grecs puissent commercer sous
pavillon russe. Grâce à ce traité, la flotte grecque ne tarda guère à
devenir très influente en Méditerranée.
Catherine II, tsarine de Russie.
En
1821, la Moldavie et la Valachie décidèrent de se révolter contre l’Empire
ottoman. Cette même année, le général Alexandre Ypsilantis reçut le
commandement de l’armée insurgée des mains del’Hétairie (il
s’agissait d’une société secrète, militant pour l’indépendance de la
Grèce.). En mars 1821, Ypsilantis rédigea une proclamation qui est
considérée par les historiens comme l’élément déclencheur de la guerre
d’indépendance grecque.
Bien accueilli par les habitants des régions insurgées, Ypsilantis fut
toutefois vaincu en moins d’un an par les troupes ottomanes. Toutefois, le
tsar Alexandre lui ayant interdit de se réfugier en Russie, le
général grec fut contraint de se diriger vers l’Autriche (il fut alors
emprisonné et mourut quelques années après.).
Toutefois, si Ypsilantis avait échoué, le mouvement indépendantiste n’avait
pas disparu. Alors que l’armée turque se trouvait dans les Balkans, les
Grecs se soulevèrent dans la région du Péloponnèse, massacrant les Turcs de
Morée.
Considérant la situation comme favorable, l’assemblée législative d’Epidaure
proclama l’indépendance de la Grèce.
Toutefois, les Turcs ne tardèrent pas à réagir, s’emparant de l’Epire et
attaquant le Péloponnèse.
C’est à partir de cette date que le philhellénisme commença à se
répandre en Europe. Le massacre de Chios, au cours duquel les Turcs
éliminèrent ou vendirent comme esclaves la quasi-totalité des habitants de
l’île, causa une vive émotion en Europe.
Scène des massacres de Scio, famille grecques attendant la mort ou
l'esclavage, par Eugene DELACROIX, 1824, musée du Louvre, Paris.
Outre la barbarie des faits, Chios était une ville réputée pour son économie
florissante, et dont la disparition causa beaucoup de torts au commerçants
européens.
La
propagation du philhellénisme était aussi l'œuvre de nombreux intellectuels
grecs apatrides, qui tentaient de diffuser dans leurs pays d'adoption l'idée
d'une Grèce indépendante, ou du moins officiellement autonome. Ainsi, nous
pouvons prendre l'exemple d'Adamantios Koraïs, un érudit grec réfugié
à Paris à partir de 1788, et qui tenta, via de nombreux écrits, de répandre
ses idéaux indépendantistes.
Statue d'Adamantios Koraïs, Montpellier.
Mais les puissances européennes, regroupées au sein de la
Sainte Alliance, avaient un sentiment mitigé vis-à-vis de l’indépendance
de la Grèce.
En
effet, l’objectif des souverains européens était de sauvegarder l’œuvre du
Congrès de Vienne, qui visait à mettre en place un équilibre
européen. Jusqu’à présent, les membres de l’alliance s’étaient attaqués aux
libéraux et aux indépendantistes, considérés comme des menaces à l’ordre
établi. Soutenir la révolution grecque était donc perçu comme illogique aux
yeux des membres de la Sainte Alliance (l’Autriche était le pays le plus
hostile à une intervention en Grèce.).
A
noter que seul le tsar Alexandre I° souhaiter soutenir les Grecs, son
objectif étant d’agrandir ses possessions au détriment de l’Empire ottoman.
A
noter qu’un autre motif de non-intervention fut la guerre civile qui déchira
la Grèce pendant plusieurs mois, opposant politiques et militaires
malgré la menace turque. Ainsi, les uns considéraient que la révolution
devait être portée par des idéaux démocratiques ; au contraire, les autres
considéraient que seul un régime dictatorial parviendrait à sauver
l’insurrection.
Le
sultan Mahmoud II, constatant les désaccords entre Grecs, décida
alors de contre-attaquer.
Le sultan Mahmoud II.
Constantinople fit ainsi appel à Méhémet Ali,
vice-roi d’Egypte, qui parvint à remporter plusieurs victoires contre les
Grecs (Ibrahim pacha, fils de Méhémet Ali, s’empara du
Péloponnèse à cette époque.).
Méhémet Ali, vice roi d'Egypte.
Entre 1824 et 1827, l’armée égyptienne remporta plusieurs victoires,
déportant en Egypte de nombreux Grecs réduits à l’esclavage (Athènes fut
prise en juin 1827.). C’est à partir de cette date que le tsar
Nicolas I°[5]
parvint à convaincre la France et l’Angleterre de soutenir la révolution
grecque (les deux nations n’appréciaient guère le rôle prépondérant de
l’Empire d’Autriche au sein de la Sainte Alliance.).
Français, Anglais et Russes signèrent le 6 juillet 1827 le traité de
Londres, souhaitant mettre en place une médiation entre la Grèce et
l’Empire ottoman. Ainsi, l’Etat grec était reconnu[6],
mais resterait soumis à la suzeraineté ottomane ; les trois puissances
signataires ne devraient pas profiter du conflit pour agrandir les
frontières de leurs Etats respectifs ; enfin, si les Turcs refusaient ce
traité, les signataires prendraient les armes contre eux.
La
flotte des alliés fut ainsi envoyée en Grèce, recevant l’ordre de ne pas
ouvrir le feu face aux navires turcs. Les amiraux russes, anglais et
français, rassemblés dans la baie de Navarin (la cité, se trouvant à l’ouest
du Péloponnèse, avait été prise par les Turcs en 1825.), décidèrent d’opérer une démonstration de force face à l’ennemi (20 octobre 1827.).
La bataille de Navarin, le 20 octobre 1827, par GARNERAY,
début du XIX° siècle, château de Versailles, Versailles.
Les navires européens furent alors attaqués par la marine turco-égyptienne,
commandée par Ibrahim Pacha[7].
Toutefois, la flotte russo-anglo-française ne tarda pas à riposter, causant
d’importants dégâts à la flotte ennemie.
Le soir de la bataille de Navarin, le 20 octobre 1827, par Auguste MAYER,
1840, musée de la Marine, Paris.
Ainsi, au soir de la bataille navale de Navarrin, les turco-égyptiens
avaient perdu 60 navires[8]
et 10 000 hommes (4 000 tués et 6 000 blessés.) ; les Européens, quant à
eux, ne déploraient qu’une centaine de tués et de blessés.
Plus tard, en fin d’année 1827, un contingent français de 15 000 hommes
débarqua en Morée. L’expédition commandée par le général Nicolas Joseph
Maison, aussi militaire que scientifique, fut une réussite, les
Français parvenant à chasser les troupes d’Ibrahim Pacha.
Entrevue du général Maison et d'Ibrahim
Pacha à Modon (près de Navarin), en septembre 1828, par LANGLOIS, début
du XIX° siècle, château de Versailles, Versailles.
En
novembre 1828, l’armée française commença à évacuer la région, ayant atteint
ses objectifs, mais certains militaires restèrent dans le Péloponnèse
jusqu’en 1833.
Le général Maison reçoit la reddition du château de Morée, le 30 octobre
1828, par LANGLOIS, début du XIX° siècle, château de Versailles,
Versailles.
L’Angleterre, favorable à une médiation entre la Grèce et l’Empire ottoman,
n’appréciait pas le comportement de la Russie, qui avait déclaré la guerre
aux Turcs en avril 1828.
Passant par le Caucase, le tsar s’empara d’Erzeroum en juin 1829 ; puis il
prit Andrinople, en août de la même année.
La
progression de l’armée russe vers Constantinople causa de vives inquiétudes
aussi bien du côté de l’Empire ottoman que des puissances européennes.
L’Angleterre décida alors de négocier diplomatiquement une issue favorable
au conflit, contraignant la Russie à reculer. Le sultan Mahmoud II, signant
le traité d’andrinople en septembre 1829, cédait aux Russes la partie
orientale de la mer Noire et les bouches du Danube ; reconnaissait la
souveraineté russe sur la Géorgie et l’Arménie, ainsi que l’indépendance de
la Serbie ; et devait payer une lourde indemnité de guerre.
Cette manœuvre britannique ayant empêché la Russie de prendre Constantinople
fut cependant très mal appréciée par les Russes, ce qui entraîna une
dégradation des relations diplomatiques entre ces deux royaumes.
Le
traité d’Andrinople ne garantissait toutefois pas l’indépendance des Grecs,
qui ne devinrent une nation indépendante qu’à la signature du traité de
Constantinople, en février 1832 (à noter toutefois que le royaume de
Grèce, en 1832, correspondait environ à la région du Péloponnèse.).
La Grèce en 1832.
Le
premier roi de Grèce fut Othon de Wittelsbach, fils de Louis I°,
roi de Bavière.
3° Le ministère de Martignac, un interlude faussement libéral
(janvier 1828 à août 1829) – Suite à la démission du comte de Villèle,
Charles X décida de nommer Jean-Baptiste Sylvère Gay, vicomte de
Martignac, au poste de ministre de l’intérieur (à noter qu’aucun premier
ministre ne fut nommé, Martignac occupant officieusement cette fonction.).
Le
nouveau venu, né en juin 1778, était un avocat d’origine bordelaise. A
l’origine proche des Ultras, Martignac s’était finalement rapproché des
doctrinaires, un groupe politique royaliste souhaitant concilier
monarchie et acquis de la révolution.
Le
nouveau gouvernement était particulièrement différent du précédent. Ainsi,
outre Martignac qui avait reçu le portefeuille de l’Intérieur, l’on y
trouvait entre autres Pierre Louis AugusteFerron, comte
de La Ferronnays (Affaires étrangères.), Antoine, comte Roy
(Finances.), Joseph Marie, comte Portalis (Justice.), Christophe
Chabrol de Crouzol (Marine[9].),
et Jean Baptiste de Caux de Blacquetot (Guerre.).
Dans un premier temps, le vicomte de Martignac fit voter une nouvelle loi
sur la presse (14 avril 1828.), visant à supprimer l’autorisation
préalable ainsi que certains procès (toutefois, la responsabilité des
propriétaires de journaux fut augmentée.) ; le 21 avril, une ordonnance
gouvernementale enleva au clergé la surveillance des écoles.
Les libéraux, considérant que la politique de Martignac était trop proche de
celle de Villèle, ils réclamèrent au premier ministre de procéder à une
épuration au sein de la fonction publique. Toutefois, Martignac se contenta
seulement de renvoyer une dizaine de préfets proches des Ultras (mi-novembre
1828.).
En
juillet, la session s’acheva sur une inquiétude générale, le vicomte de
Martignac n’ayant fait des émules ni parmi les libéraux, ni parmi les
Ultras.
Finalement, Martignac décida de décida de démissionner au début du mois
d’août 1829[10].
4° La nomination de Polignac, prélude à la révolution de
juillet (août 1829 à juillet 1830) – Charles X, après avoir renvoyé
Martignac, décida alors de renforcer ses liens avec les Ultras, nommant
Jules Auguste Armand Marie, comte de Polignac[11],
en tant que premier ministre.
Portrait de Jules Auguste Armand Marie, comte de Polignac.
a)
La constitution du nouveau gouvernement : cette nomination entraîna
de nombreuses contestations au sein de l’assemblée, le nouveau venu, proche
des Ultras, n’étant guère sensible aux idées libérales.
Par ailleurs, Polignac avait constitué un gouvernement plutôt réactionnaire,
dont les membres les plus critiqués étaient François Régis de La
Bourdonnaye, comte de La Brétèche, ministre de l’Intérieur (émigré lors
de la révolution, il avait été un des artisans de la Terreur blanche
de 1815.) ; et Louis Auguste Victor de Ghaisne, comte de Bourmont,
ministre de la Guerre (ayant combattu au sein de la Grande armée, il
avait trahi Napoléon en rejoignant Louis XVIII à Gand peu de temps avant la
bataille de Waterloo.).
Portrait
de Louis Auguste Victor de Ghaisne, comte de Bourmont.
Occupant aussi le portefeuille des Affaires étrangères, Polignac conserva
toutefois Christophe Chabrol de CrouzolAntoine (Finances.),
nommant Jean Joseph Antoine de Courvoisier à la Justice, et l’amiral
Marie Henri Daniel Gauthier, comte de Rigny, à la Marine[12].
Ce
nouveau ministère, très impopulaire, donna naissance à deux partis
d’opposition : le premier, un mouvement républicain dirigé par
Marie-Joseph Paul Yves Roch Gilbert du Motier, marquis de La Fayette[13]
; le second, la faction orléaniste, favorable à Louis Philippe III,
duc d’Orléans (il s’agissait d’un cousin de Charles X[14].).
Louis Philippe III, duc d'Orléans,
château de Chantilly, Chantilly.
b)
L’adresse des 221 et la dissolution de l’assemblée : en mars 1830,
Charles X prononça un discours devant les députés, menaçant implicitement
ces derniers de dissoudre l’assemblée s’ils s’opposaient avec véhémence à
Polignac.
Les députés décidèrent alors de protester, adressant au roi de France l’adresse
des 221.
Le
texte, signé par un peu plus de la moitié de l’assemblée, avait comme
objectif d’informer Charles X de la méfiance qu’éprouvaient les députés
envers le comte de Polignac.
Inquiet, le roi de France procéda à un remaniement ministériel le 20 avril
1830, mais renouvela sa confiance en Polignac. Puis, le 16 mai, Charles X
promulgua une ordonnance prononçant la dissolution de la Chambre des
députés. Les futures élections étant prévues pour l’été, le roi de France et
Polignac pensaient pouvoir profiter du prestige que leur conférerait la
prise d’Alger.
c)
La prise d’Alger : depuis le XVI° siècle, Alger était sous domination
de l’Empire ottoman. Toutefois, depuis maintenant plusieurs décennies, les
Turcs n’étaient plus aussi puissants qu’autrefois. Conscients de ce déclin,
les deys d’Alger[15]
ne tardèrent guère à afficher leurs velléités autonomistes. Ainsi, en 1830,
la cité était pratiquement indépendante de Constantinople.
Au
printemps 1827, Hussein Dey, souverain d’Alger, réclama au consul de
France une dette que l’Etat français avait contractée lors du Directoire.
Portrait d'Hussein Dey.
En
effet, à cette époque, le général Bonaparte avait acheté d’importantes
quantités de blé à des juifs algériens. Toutefois, le futur Empereur ne
s’était jamais acquitté de sa dette, considérant que le tarif exigé était
bien trop élevé.
S’étant endettés auprès du souverain d’Alger, les marchands de blé cédèrent
donc leur créance à Hussein Dey, qui demanda remboursement au consul de
France.
Toutefois, l’entrevue se déroula mal. Le consul, refusant de s’acquitter de
cette dette, aurait alors été frappé d’un coup d’éventail par Hussein Dey.
Charles X, apprenant la nouvelle, décida alors d’utiliser ce prétexte afin
de mettre un blocus devant Alger (avril 1827.). Le dey, malgré la menace,
refusa de céder ; les Français, quant à eux, ne souhaitait pas attaquer la
cité de peur d’une contre-attaque anglaise.
Ce
n’est finalement qu’en janvier 1830 que Charles X décida de lancer une
offensive contre Alger[16].
L’objectif était double : d’une part, prendre la cité et s’emparer du trésor
du dey ; d’autre part, renforcer le prestige de la monarchie afin d’obtenir
un bon score aux élections de l’été 1830.
Le
contingent français, composé de plus de 35 000 hommes et commandé par le
comte de Bourmont, débarqua à Sidi Ferruch le 13 juin 1830[17].
Ayant appris la nouvelle, Hussein Dey rassembla ses troupes en hâte,
soucieux de repousser les Français. Bien qu’ayant un net avantage numérique
(environ 50 000 soldats côté algérien.), Hussein Dey fut vaincu lors de la
bataille de Staouéli, le 19 juin.
Fusilier du 14° de ligne ayant participé à l'expédition d'Alger, musée de
l'Infanterie, Montpellier (à noter que c'est sous Charles X que les
militaires adoptèrent le pantalon garance.).
Dix jours plus tard, le comte de Bourmont arriva devant Alger, et commença à
assiéger la cité.
Le
4 juillet, les Français parvinrent à s’emparer de Fort-l’Empereur, une
forteresse du XVI° siècle surplombant la cité.
L'expédition d'Alger.
Le
comte de Bourmont, fort de cet avantage tactique, parvint à obtenir la
capitulation d’Alger dès le lendemain.
Suite à la prise de la cité, le comte de Bourmont proclama la tolérance
religieuse, et affirma de pas vouloir inquiéter les habitants d’Alger.
Ainsi, les beys[18]de Titteri et d’Oran décidèrent de
faire soumission.
Par la suite, au cours de l’été, les Français occupèrent Bône et Blida.
d)
Les quatre ordonnances de Saint Cloud : toutefois, la prise d’Alger
ne joua aucun rôle lors des élections de l’été 1830, les votes ayant eu lieu
avant la chute de la cité.
Ainsi, les suffrages accordèrent une large majorité aux libéraux, qui furent
274 à siéger au sein de la nouvelle assemblée. L’échec des Ultras était
aussi celui de Polignac, vivement désavoué par les électeurs.
Charles X, refusant de céder face aux députés, décida alors d’ajourner la
rentrée politique de l’assemblée au 1er septembre 1830. Puis, le
25 juillet, le roi de France promulgua les quatre ordonnances de Saint
Cloud.
Ces texte prévoyaient la suspension de la liberté de la presse (jugée
responsable de l’échec des Ultras.) ; la dissolution de l’assemblée ;
l’augmentation du cens (afin de favoriser les électeurs les plus aisés,
proches des ultramonarchistes.) ; et fixait la date des nouvelles
élections législatives.
[1]
Cela concernait entre autres cinquante lieutenants et trois
maréchaux de l’armée impériale.
[2]
A noter que cette loi, très contestée ne fut jamais véritablement
appliquée.
[3]
A noter que Villèle, se retirant de la vie politique, mourut en mars
1854.
[4]
A l’époque des Capétiens, il existait douze pairs de France, six
laïcs et six ecclésiastiques (il s’agissait des grands vassaux de la
couronne de France.). Toutefois, il y eut de plus en plus de pairs
au fil des siècles, ce qui entraîna une diminution du prestige de ce
titre.
[5]
Le tsar Alexandre I° était décédé en décembre 1825.
[6]
Mais les frontières de la Grèce n’étaient pas encore fixées.
[7]
Selon Ibrahim Pacha, les Turcs passèrent à l’offensive car les
Européens avaient des intentions hostiles.
[8]
60 navires perdus sur un total de 80 au début de l’affrontement.
[9]
Ce dernier était déjà en place sous le ministère Villèle, ayant
remplacé Aimé Marie Gaspard, vicomte de Clermont-Tonnerre, en
1824.).
[10]
Se retirant de la vie politique suite à sa démission, Martignac
mourut en mars 1832.
[11]
Polignac, né en 1780, avait participé à la conspiration de
Georges Cadoudal en 1804 (voir à ce sujet le 2, section I,
chapitre second, l’épopée napoléonienne.). Arrêté, il avait
toutefois réussi à s’évader, puis décida de prendre le chemin de
l’exil.
[12]
Le comte de Rigny avait participé à la bataille de Navarin et à
l’expédition de Morée.
[13]
La Fayette avait joué un rôle important lors de la guerre
d’indépendance américaine et de la Révolution française. Déclaré
hors la loi et contraint de quitter la France en 1792, La Fayette
joua un rôle mineur lors de l’Empire. Rallié au Bourbons lors de la
restauration, il se rapprocha toutefois des mouvements républicains
au cours des années 1820.
[14]
Louis Philippe III descendait de Philippe d’Orléans, frère de
Louis XIV. A noter toutefois que Louis Philippe II, père du
prétendant au trône, avait voté la mort de son cousin Louis XVI en
1793 (cette décision ne sauva pas le régicide de la guillotine, qui
fut exécuté en novembre 1793.).
[15]
Les deys étaient les souverains d’Alger. Toutefois, la charge étant
à vie et élective (et non héréditaire.), il n’était pas rare que des
élus soient assassinés par leurs opposants politiques.
[16]
Envoyant aux principales puissances européennes un courrier leur
annonçant l’attaque sur Alger, Polignac reçut l’approbation de la
Russie, de la Prusse et de l’Autriche, mais pas de l’Angleterre (qui
craignait que l’intervention n’aboutisse à une colonisation de
l’Algérie.).
[17]
A noter que les plans d’invasion d’Alger, utilisés par le comte de
Bourmont lors de l’expédition, avaient été réalisés par Napoléon
Bonaparte au cours de son règne.
[18]
Les beys (il s'agissait d'un titre ottoman.) étaient en quelque sorte l’équivalent des
préfets français.