Car un pays sans passé est un pays sans avenir...

 
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L'épopée napoléonienne (1799 - 1815)

 

CHAPITRE CINQUIEME : La première restauration et les Cent-Jours (1815)

 

I : La première restauration (avril 1814 à mars 1815)

           

            1° Le traité de Paris, prélude au congrès de Vienne (mai 1814) – A la fin du mois d’avril 1814, Louis, comte de Provence, arriva en France. Ce dernier, frère cadet de feu Louis XVI, monta alors sur le trône en adoptant le nom de Louis XVIII.

Arrivant à Paris, le nouveau souverain fut bien accueilli, la population étant lassé des guerres napoléoniennes.

L'arrivée de Louis XVIII sur le sol français.

 

Les aristocrates, chassés de France depuis maintenant plus de vingt ans, ne tardèrent pas à rentrer au pays. Ces derniers réclamèrent alors la restitution de leurs biens, vendus lors de la Révolution française ; les ecclésiastiques interdirent parfois les sacrements aux propriétaires de biens du clergé[1] ; plusieurs exactions contre les protestants eurent lieu dans le sud du pays ; etc.

A Paris, la Cour renoua avec l’étiquette d’antan, dilapidant avec faste d’importantes sommes d’argent. Charles, comte d’Artois, frère de Louis XVIII, vivait comme un étranger, ne sachant pas ce qu’était un département ou un préfet, et réclamant sans cesse que l’on débonapartise le pays.

 

Le roi de France, bien que considérant que son règne avait débuté le 8 juin 1795, jour du décès de son neveu Louis XVII, savait que la France avait considérablement évolué depuis 1789. Ce dernier promulgua alors la charte de Saint Ouen le 2 mai 1814, garantissant plusieurs libertés (individuelles, culte, presse, etc.). Par ailleurs, les titres et décorations remises sous l’Empire n’étaient pas remis en question.

Buste de Louis XVIII, musée des Invalides, Paris.

A noter par ailleurs que ce souverain décida néanmoins de s’installer aux Tuileries plutôt qu’à Versailles[2].

 

Le 30 mai, les membres de la sixième coalition firent la paix avec la France, signant le traité de Paris. Ce texte déterminait les nouvelles frontières de la France suite à la défaite de Napoléon Bonaparte.

 

Louis XVIII était confirmé sur le trône, et le royaume retrouvait ses limites de 1792, plus la Savoie et le Comtat Venaissin. Le pays perdait ainsi de nombreux territoires, conquis lors de la Révolution française et sous l’Empire, tels que les départements du Rhin, la Catalogne, la Belgique, la Hollande, le Piémont, la Toscane, etc. La France des 130 départements était ainsi démembrée.

La France en 1814, suite au premier congrès de Vienne.

 

En contrepartie, l’Angleterre rendait au nouveau souverain les îles des Caraïbes prises lors de la guerre (Guadeloupe, Martinique, et Réunion.), ainsi que les comptoirs du Sénégal. Toutefois, les Britanniques conservaient l’île Maurice, et Haïti restait indépendant[3].

 

A noter que les coalisés n’exigèrent de la France ni indemnité de guerre, ni frais d’occupation.

 

            2° Le congrès de Vienne (octobre à juin 1815) – le Congrès de Vienne se déroula sur plusieurs mois, ne prenant fin qu’au cours des Cent-Jours (nous reviendrons sur cet évènement au chapitre suivant.).

Le congrès de Vienne.

Ce congrès, rassemblant toute la noblesse d’Europe, fut l’occasion de multiples soirées et réceptions. Par ailleurs, les négociations furent particulièrement longues, leur objectif étant de redessiner les frontières de l’Europe.

 

Bien que les principaux négociateurs soient les vainqueurs de Napoléon (Autriche, Angleterre, Prusse et Russie.), la France eut néanmoins l’autorisation de prendre part aux négociations (ce pays parvint en outre à faire entrer trois autres nations au congrès : l’Espagne, le Portugal et la Suède[4].).

 

a) Nombreux pays, nombreux points de vue : lors des négociations, les coalisés ne tardèrent guère à révéler de sérieuses divergences. La Russie, dont l’objectif séculaire était de se rapprocher de l’Europe occidentale, souhaitait s’emparer de la Pologne et avoir accès à la Méditerranée ; L’Angleterre, soucieuse de conserver sa supériorité maritime, souhaitait mettre en place un équilibre des puissances en Europe ; la Prusse souhaitait récupérer ses territoires polonais, absorber les Etats allemands qui avaient été alliés à Napoléon, voire même annexer l’est de la France ; enfin, l’Autriche souhaitait que les Etats d’Allemagne restent indépendants afin de contrecarrer les projets de la Prusse[5].

 

Apparaissaient ainsi deux alliances, Angleterre et Autriche d’une part, Prusse et Russie d’autre part. Autrichiens et Anglais préféraient jouer la carte de l’équilibre des forces en Europe ; Prussiens et Russes, plus vindicatifs, souhaitaient au contraire profiter de la chute de Napoléon pour agrandir leurs Etats.

 

b) Les modifications territoriales : au final, ce fut la vision anglo-autrichienne (soutenue par la France.) qui l’emporta, tentant de mettre en place un équilibre des forces en Europe.

 

Conformément au traité de Paris, la France revenait à ses frontières de 1792, plus la Savoie et le Comtat Venaissin. Le pays abandonnait ainsi ses conquêtes de la Révolution française et de l’Empire (territoires d’Italie, Rhénanie, Hollande, Belgique, Catalogne, etc.).

 

La Hollande, redevenue indépendante, recevait la Belgique (ancienne possession autrichienne.), formant le Royaume Uni des Pays Bas. Ce pays retrouvait les anciennes colonies hollandaises, à l’exception de Ceylan, du Cap et de Guyana, conservées par les Anglais.

 

La Suède, en raison de sa participation à la sixième coalition, reçut la Norvège, mais la Finlande fut cédée à la Russie. Par ailleurs, la Poméranie suédoise (possession au nord de l’Allemagne.) fut cédée à la Prusse.

 

La Confédération du Rhin, créée par Napoléon en 1803 en remplacement de l’Empire Romain germanique, fut dissoute. Elle fut toutefois remplacée par la Confédération germanique, qui était particulièrement semblable à son prédécesseur. Cette nouvelle organisation, divisée en une trentaine d’Etats (contre près de 350 en 1789.), comptait en son sein les moitiés ouest de la Prusse et de l’Autriche.

 

L’Autriche retrouvait les territoires qu’elle avait perdus lors des guerres napoléoniennes. Toutefois, en compensation des Pays Bas cédés à la Hollande, l’Autriche reçut la Vénétie (ainsi que ses possessions sur la côte illyrienne.) et la Lombardie (ces possessions devinrent le royaume lombard-vénitien, Etat indépendant mais sous souveraineté autrichienne.).

Les Autrichiens reçurent en outre la Galicie et la Lodomérie, suite au quatrième partage de la Pologne.

 

Ainsi, la Pologne était une nouvelle fois dissoute. La Prusse s’empara d’une petite moitié ouest, mais la majeure partie du pays fut annexée par la Russie.

Les Russes s’emparèrent aussi de la Bessarabie, et, comme nous l’avons vu précédemment, de la Finlande.

 

En Italie, la carte géopolitique était totalement modifiée. Ainsi, le royaume de Piémont Sardaigne renaissait de ses cendres (il avait été annexé par Napoléon.), récupérant le comté de Nice et Gênes.

Le pape retrouvait les Etats pontificaux, annexés au royaume d’Italie, mais pas le Comtat Venaissin, qui restait à la France.

Par ailleurs, les petits Etats de la péninsule furent restaurés (Parme, Plaisance, Modène, la Toscane, etc.).

 

La Prusse sortait grande gagnante de ce partage, augmentant considérablement ses frontières. Comme nous venons de le voir, ce pays s’emparait du reste d’une partie de la Rhénanie (l’autre moitié étant cédée à la Hollande.), de la Poméranie suédoise, et de la moitié ouest de la Pologne.

 

L’Angleterre, quant à elle, ne réclama guère de territoires en Europe, se contentant d’ériger le Hanovre en royaume et d’en agrandir les frontières (à noter que le roi d’Angleterre Georges III était issu de la dynastie de Hanovre. Ses ancêtres, avant d’êtres appelés sur le trône britannique, étaient à l’origine princes-électeurs de Hanovre.).

Portrait de Georges III.

Par ailleurs, comme nous l’avons vu précédemment, les Anglais prirent l’île Maurice à la France ; Ceylan, le Cap et la Guyana à la Hollande ; l’île de la Trinité à l’Espagne ; l’île de Malte aux chevaliers de Malte[6] ; et les îles Ioniennes à Venise.).

 

A noter que de nouvelles modifications territoriales eurent lieu après les Cent-Jours, les puissances européennes profitant de la nouvelle défaite de Napoléon pour s’emparer de plus de territoires.

 

            3° L’arrivé de Louis XVIII sur le trône, le retour des émigrés (avril à mai 1814) – Suite à la signature du traité de Paris, les coalisés décidèrent de se retirer, laissant à Louis XVIII le trône de France.

 

Ce dernier, le 4 juin 1814, promulgua alors la Charte de 1814, texte de compromis reconnaissant les acquis de la Révolution et de l’Empire.

 

Ainsi, plusieurs droits et libertés étaient reconnus (droit individuels, droit de propriété, liberté de la presse, liberté d’expression, liberté religieuse, etc.).

Par ailleurs, la vente des biens nationaux[7] n’était pas remise en cause, seules les parcelles invendues étaient rétrocédées à leur dernier propriétaire ; l’ancienne noblesse était rétablie dans ses titres, et la noblesse impériale conservait les siens.

Enfin, le suffrage censitaire[8], adopté lors de la constitution de l’an X (1802.), était conservé ; la conscription était supprimée.

 

Louis XVIII détenait le pouvoir exécutif (chef des armées, il avait le droit de déclarer la guerre ou de faire la paix ; il gérait aussi la diplomatie française.). Par ailleurs, le roi de France avait aussi un pouvoir législatif, ayant l’initiative des lois et le pouvoir de la promulguer.

 

Les assemblées, au nombre de trois sous l’Empire (Sénat conservateur, Corps législatif et Tribunat.), furent réduites à deux. La Chambre des Pairs était composée d’aristocrates, nommés à vie par le roi (leur charge était héréditaire.) ; la Chambre des députés des départements, au contraire, était élue par le peuple et renouvelée d’un cinquième chaque année (cette dernière pouvait être néanmoins dissoute par le roi.).

Pour être électeur, il fallait avoir trente ans et payer 300 francs d’impôts directs ; pour être député, quarante ans et mille francs d’impôts directs. Ainsi, il n’y avait en France que 100 000 électeurs et 15 000 candidats éligibles.

 

A noter que cette constitution était particulièrement semblable à la monarchie constitutionnelle anglaise.

 

            4° Une première restauration difficile (juin 1814 à mars 1815) – Toutefois, la restauration ne faisait pas l’unanimité en France. En effet, si les élites étaient favorables à la restauration (clergé, noblesses, fonctionnaires, profession libérales, commerçants.), le peuple n’appréciait guère Louis XVIII.

Les anciens soldats de l’Empire, quant à eux, regrettaient Napoléon. Une ordonnance datée du 12 mai 1814, visant à réorganiser l’armée, avait réduit le nombre de régiments à 107 (contre 206 à l’origine.). De nombreux officiers, mis en non activité avec demi-solde, n’appréciaient guère leur nouvelle situation.


 

[1] Pour en savoir plus sur la vente des biens du clergé, voir le a), 3, section I, chapitre troisième, la Révolution française.

[2] Le château de Versailles, abandonné par Louis XVI puis pillé par les révolutionnaires, était dans un triste état en 1815.

[3] Pour en savoir plus sur la guerre à Haïti et l’indépendance de l’île, voir le b), 7, section III, chapitre premier, l’épopée napoléonienne.

[4] Rappelons que le roi de Suède, Charles XIV, était l’ancien maréchal français Jean Baptiste Bernadotte.

[5] A noter que la Prusse était l’ennemi traditionnel de l’Autriche. Au XVIII° siècle, les Prussiens s’étaient emparés de la Silésie, une riche région autrichienne.

[6] Les chevaliers de Malte formaient un ordre ancien, issu des croisades. L’ordre de Saint Jean de Jérusalem fut créé suite à la prise de Jérusalem par les croisés, en 1099. Toutefois, suite à l’éviction des Francs de Terre Sainte, les chevaliers furent contraints de se retirer à Chypre, puis à Rhodes. Les chevaliers de Rhodes furent toutefois chassés de leur île par les Ottomans en 1523, et ils se réfugièrent à Malte. Pour en savoir plus sur les croisades, cliquez ici. L’île de Malte avait été prise par les Français en 1798, puis par les Anglais en 1800.

[7] Il s’agissait des biens de la noblesse, confisqués sous la Révolution française.

[8] Seuls les citoyens actifs avaient le droit de vote : ces derniers devaient être de sexe masculin, avoir au moins 25 ans, être installé dans un canton depuis un an, et payer un cens équivalent à trois jours de salaire. Ces derniers représentaient environ 15% de la population française.

 
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