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Mythologie
 
 

 

 

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La troisième république (1870 - 1945)

CHAPITRE TROISIEME : La troisième république radicale

(juin 1894 à août 1914)

 

II : Anticléricalisme et mouvements sociaux (1902 à 1909)

           

            1° Le ministère Combes (juin 1902 à janvier 1905) – Malgré les bons résultats du bloc des gauches lors des dernières élections, Waldeck-Rousseau fut contraint de démissionner pour raison de santé, et fut remplacé par Emile Combes.

Emile Combes.

 

Ce dernier, radical, conserva seulement les ministres de son bord, nommant Maurice Rouvier[1] aux Finances et confirmant Delcassé aux Affaires étrangères.

 

a) L’application de la loi sur les associations (juillet 1902 à juillet 1903) : comme nous l’avons vu précédemment, la loi sur les associations avait été votée à l’été 1901. Les congrégations religieuses étant soumises à l’autorisation préalable, les trois quart des organismes se plièrent aux démarches administratives requises par le texte.

Cependant, si Waldeck-Rousseau n’était pas hostile aux congrégations[2], Combes était partisan d’une politique ferme de laïcité. Ainsi, non seulement le président du conseil fit fermer les congrégations n’ayant pas fait les démarches administratives (juillet 1902.), mais en outre il refusa de délivrer les autorisations attendues par la majorité des organismes (mars 1903.).

C’est ainsi que les nombreuses congrégations n’ayant pas été autorisées furent fermées par la force, malgré les véhémentes protestations des catholiques. Plusieurs affrontements éclatèrent entre 1902 et 1903, particulièrement dans les régions les plus attachées au catholicisme (Vendée, Bretagne, etc.).

Le carrefour Richelieu-Drouot, par Frédéric HOUBRON, 1902, musée Carnavalet, Paris.

 

a) Vers une séparation de l’Eglise et de l’Etat ? (été 1903) : la question cléricale refit surface à l’été 1903, suite à la mort du pape Léon XIII et de l’élection de son successeur Pie X. En effet, si le défunt, animé par une politique libérale, avait appelé à une réconciliation entre les catholiques français et la troisième république, Pie X était un pape bien plus conservateur.

Le pape Pie X.

 

En l’espace de quelques mois, les relations diplomatiques se dégradèrent très vite entre Paris et le Vatican. Ainsi, Combes fit retirer les crucifix dans les tribunaux, et interdit aux ecclésiastiques de se présenter au concours de l’agrégation (mars 1904.) ; par la suite, comme la constitution civile du clergé[3] et le concordat[4] le lui permettaient[5], le président du conseil refusa de ratifier la nomination des nouveaux évêques, tant que le Vatican n’accepterait pas les candidats présentés par le gouvernement (19 mars.) ; enfin, le 24 avril, par une note envoyée à toutes les chancelleries européennes, Pie X fit savoir que la visite d’Emile Loubet à Rome, venu rencontrer le roi d’Italie Victor Emmanuel III, était une offense pour le Saint Siège[6].

Diffusée dans la presse, la note provoqua la fureur des députés français. Ainsi, le 21 mai 1904, Combes rappela l’ambassadeur de France au Vatican ; puis, le 30 juillet, le gouvernement retira de l’ambassade les derniers membres qui y restaient, mettant terme aux relations diplomatiques entre les deux pays.

 

A l’été 1904, Combes s’interrogeait sur le devenir d’un concordat plus que centenaire. N’était il pas devenu archaïque, maintenant que les relations avec le Vatican étant rompues ? Ou bien fallait il conserver cet accord, qui, grâce à la nomination des évêques par l’Etat, permettait de surveiller le clergé ?

Ainsi, l’union de l’Eglise et de l’Etat, contrairement à ce que l’on pourrait croire aujourd’hui, n’était donc pas une idée pro-cléricale. Au contraire, elle permettait, aux yeux du gouvernement, de conserver le clergé sous l’égide de l’Etat.

 

c) L’entente cordiale (8 avril 1904) : comme nous l’avons vu précédemment, la France, quasiment sans alliés depuis 1815, s’était rapprochée de la Russie à la fin du XIX° siècle, signant avec le tsar Alexandre III une série de traités commerciaux et militaires[7] (à noter toutefois qu’en février 1904, la France préféra ne pas intervenir dans la guerre opposant Russie et Japon[8].).

 

Théophile Delcassé, ministre des affaires étrangères depuis 1898, décida par ailleurs de se rapprocher de l’Angleterre, nation pourtant considérée comme l’ennemie historique de la France[9] (à noter que les premiers rapprochements avec les Britanniques s’étaient effectués sous les règnes de Louis Philippe I° et Napoléon III.).

Empreint de pragmatisme et soutenu par la Chambre des députés, Delcassé obtint de Londres la signature d’une série d’accords diplomatiques, désignés sous le nom d’Entente cordiale (8 avril 1904.).

 

Ainsi, la France reconnaissait la domination de l’Angleterre sur l’Egypte, les Britanniques les prétentions françaises sur le Maroc ; les deux pays définissaient leurs zones d’influence respectives au Siam[10], un pays séparant la Birmanie (sous contrôle anglais.) et l’Indochine (protectorat français.) ; enfin, l’Angleterre reconnaissait le protectorat français sur Madagascar.

Malgré tout, cet accord ne constituait en rien une alliance ; cependant, cette série de traités fit néanmoins basculer l’Angleterre dans la sphère d’influence franco-russe, les Britanniques s’inquiétant du bellicisme allemand et de la puissance de la Triplice[11].

 

A noter qu’en décembre 1900 la France, sous l’égide de Delcassé, avait signé un accord secret avec l’Italie, la France reconnaissant aux Italiens leurs possessions en Lybie, l’Italie reconnaissant la domination française sur le Maroc.

Rome restait dans la Triplice, mais ses liens avec Berlin et Vienne étaient désormais distendus.

 

d) Le scandale des fiches (octobre 1904) : c’est à l’automne 1904 qu’éclata le scandale des fiches, une opération de fichage politico-religieux des officiers de l’armée française, commanditée par le gouvernement.

 

Dès son accession au pouvoir, Combes, soucieux de diffuser les idéaux républicains, avait diffusé une circulaire aux préfets, invitant ces derniers à favoriser les personnages […] sincèrement dévoués au régime. En outre, le président du conseil s’était attelé à une épuration de l’administration et de la magistrature, avant de s’attaquer à l’armée.

 

Ainsi, Combes mandata le général Louis André, ministre de la Guerre, afin de laïciser et républicaniser l’armée, à cette date encore très conservatrice.

Le général Louis André.

Ce dernier, s’appuyant sur les francs-maçons du Grand Orient de France[12], entreprit de ficher les officiers de l’armée française, s’appuyant sur leurs engagements politiques et religieux.

Près de 25 000 fiches furent donc rédigées en l’espace de quelques mois, divisées en deux par le général André. Ainsi, l’on retrouvait le dossier Corinthe[13], pour les « bons » officiers ; et le dossier Carthage[14], pour les militaires conservateurs et catholiques.

 

Cependant, ce fichage allait bien plus loin qu’un simple classement entre officier républicains et officiers catholiques. Ainsi, l’on retrouvait dans ces dossiers des mentions particulièrement insultantes et déplacées, telles que « cléricafard », « rallié à la république, n’en porte pas moins un prénom à particule », « a une femme très fortunée », « VLM[15] », etc.

 

C’est alors que Jean Baptiste Bidegain, un franc-maçon du Grand Orient ayant participé au fichage, regrettant le rôle qu’il avait joué, prit contact avec Jean Guyot de Villeneuve, un député nationaliste. Ce dernier, achetant à Bidegain un lot de fiches et de lettres émanant du ministère de la Guerre, présenta ces documents à la Chambre des députés en octobre 1904.

Devant l’immense tollé provoqué à l’assemblée, le gouvernement nia dans un premier temps être au courant de cette affaire ; mais en novembre le général André fut contraint de démissionner, un courrier faisant référence à ces fiches paraphé par le ministre de la Guerre ayant été porté à la connaissance des députés.

 

Combes, parvenant à conserver difficilement la majorité pendant encore quelques semaines, préféra démissionner le 19 janvier 1905.

A noter qu’outre la chute du ministère, le scandale des fiches entraîna une hausse de la méfiance des Français envers la franc-maçonnerie, à une époque ou l’antisémitisme (hérité de l’affaire Dreyfus.) était encore répandu.

Par ailleurs, les nombreux officiers catholiques, écartés en raison de leurs opinions religieuses, furent remplacés par de nombreux militaires certes républicains mais parfois incompétents. C’est ainsi que de nombreux historiens expliquent les premières défaites de l’armée française en 1914.

 

            2° Le ministère Rouvier (janvier 1905 à février 1906) – Suite à la démission d’Emile Combes, Loubet décida de confier à Maurice Rouvier la charge de président du conseil.

Maurice Rouvier.

Ce dernier constitua alors un ministère composé d’une majorité de radicaux et de quelques élus de l’Alliance républicaine (il s’agissait d’un parti de centre-droit.).

 

Rouvier, conservant le ministère des Finances, confirma Delcassé aux Affaires étrangères.

 

a) Les premiers mois du ministère Rouvier (1905) : début février 1905, Rouvier, prenant la parole à la chambre, présenta son programme : réforme militaire, séparation de l’Eglise et de l’Etat, instauration d’une caisse de retraite pour les ouvriers[16].

 

Ainsi, une loi de réforme militaire fut adoptée courant février, réduisant la durée du service militaire de trois à deux années[17], supprimant le tirage au sort et les exemptions[18].

Deux cartes de tirage au sort, "bon pour les filles" et "bon pour le service", début du XX° siècle, musée des Invalides, Paris.

Ce texte entraîna une réduction des effectifs militaires d’environ 55 000 hommes.

 

b) La séparation de l’Eglise et de l’Etat (mars à décembre 1905) : le principal fait marquant du gouvernement Rouvier fut la proclamation de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, votée à la Chambre des députés en décembre 1905 sur proposition de l’élu socialiste Aristide Briand[19].

Aristide Briand.

 

Comme nous l’avons vu précédemment, les relations diplomatiques avec le Vatican avaient été rompues sous le ministère Combes. Ce dernier, considérant cette rupture comme irréversible, avait alors mis en place une commission, chargée de réfléchir au bien fondé d’une séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Mais en raison du scandale des fiches, Combes fut contraint de démissionner, et Rouvier, nommé président du conseil, décida de proroger les travaux de la commission.  

 

Cette dernière, composée de 33 membres (dont un peu plus de la moitié étaient favorables à la séparation.), était présidée par Ferdinand Buisson, son rapporteur était Aristide Briand. Professeur de pédagogie à la Sorbonne, Buisson était partisan d’un enseignement obligatoire, gratuit et laïc, bien qu’il soit de confession protestante.

Après plusieurs mois de discussions acharnées (certains membres étaient partisans d’une séparation sans compromis, d’autres souhaitaient conserver l’union.), Briand déposa son projet de loi à la Chambre des députés le 23 mars 1905.

 

De nouveaux débats eurent lieu suite à la présentation du texte, mais l’idée d’une séparation était devenue inéluctable, même pour les députés catholiques.

De ce fait, si la rupture était consommée, il fallait toutefois négocier les termes du partage des biens ecclésiastiques, fixés à l’article 4 du texte de Briand.

Ainsi, alors que l’extrême-gauche souhaitait faire main basse sur les biens du clergé, les députés catholiques étaient hostiles à une dislocation de l’Eglise.

Dans un souci de compromis, Briand parvint à obtenir que les biens du clergé seraient distribués à des associations cultuelles[20] ; cependant, ces dernières seraient étroitement surveillées afin d’éviter que les bien de l’Eglise ne soit envoyés à l’étranger.

 

Finalement, après plusieurs mois de discussions, la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat fut votée par le Sénat et la Chambre des députés le 6 décembre 1905.

Dès lors, l’Etat ne rémunérait plus les prêtres et perdait son droit de veto sur la nomination des évêques. Par ailleurs, églises et cathédrales furent rattachées au ministère des Beaux-arts, chargé de leur entretien et de leur restauration.

 

c) Les élections présidentielles de janvier 1906 : en février 1906, le mandat d’Emile Loubet arrivait à expiration. Le président de la république ayant annoncé qu’il ne briguerait pas un second mandat, plusieurs députés présentèrent leur candidature.

 

Les deux principaux concurrents étaient Armand Fallières[21], membre de l’Alliance démocratique (parti de centre-droit.) ; et Paul Doumer[22], radical. 

Armand Fallières et Paul Doumer.

 

La Chambre des députés étant à l’époque dominée par le bloc des gauches, regroupant républicains, radicaux et socialistes, l’issue du scrutin semblait ne pas faire de doutes. Cependant, Doumer s’étant rapproché de la droite modérée, ses amis radicaux le considérèrent comme un renégat, et appelèrent à voter pour Fallières.

 

Ainsi, le 17 janvier, Fallières fut élu dès le premier tour, avec un peu plus de 52% des suffrages exprimés. Doumer, bien que désavoué par une partie de son camp, recueillait toutefois 43% des voix.

 

Le nouveau chef de l’Etat, suite à son élection, décida de conserver Rouvier au poste de président du conseil (à noter que Fallières n’entra en fonction qu’à la mi-février 1906.).

 

d) Le scandale des inventaires (février 1906) : malgré l’adoption de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat en décembre 1905, les remous n’étaient pas terminés pour autant.

Ainsi, le pape Pie X dénonça la promulgation de ce texte, s’opposant dans son encyclique Vehementer nos à l’abrogation unilatérale du concordat et à la création des associations cultuelles (14 février 1906.).

Par ailleurs, le souverain pontife condamna la création des associations cultuelles le 10 août 1906, dans une lettre adressée aux évêques français.

 

En France, les catholiques étaient divisés, certains approuvant la séparation, d’autres, proches du courant nationaliste, s’y opposant vigoureusement.

Cependant, la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat prévoyait la mise en place d’inventaires des biens de l’Eglise, afin de recenser les possessions du clergé. Cette mesure administrative, si elle se déroula dans de bonnes conditions dans la plupart des régions de France, rencontra de vives oppositions dans certains départements.

 

Ainsi, des affrontements eurent lieu en Vendée, en Bretagne[23], dans le Nord et dans le Massif central, régions traditionnellement catholiques.

Comme les manifestants refusaient de laisser entrer les fonctionnaires de l’Etat dans les églises, les préfets décidèrent parfois de faire appel à la gendarmerie ou à l’armée afin de faire appliquer la loi. C’est ainsi que les belligérants échangèrent des coups de feu dans plusieurs communes de France, comme à Monistrol-d'Allier, en Haute-Loire (février 1906.), et à Boeschepe, dans le Nord (mars 1906.).

 

Suite à ces incidents, le ministère Rouvier fut mis en minorité à la Chambre des députés, et le président du conseil décida de démissionner[24] (10 mars 1906.).

 

            3° Le bref ministère Sarrien (février à octobre 1906) – Armand Fallières, suite à la démission de Rouvier, décida de confier la charge de président du conseil à Ferdinand Sarrien[25].

Ferdinand Sarrien.

 

Le nouveau venu, radical modéré, entreprit alors de mettre en place un gouvernement d’ouverture, récupérant le portefeuille de la Justice. Ainsi, le ministère de l’Intérieur fut confié à Georges Clémenceau (radical.) ; Raymond Poincaré (Alliance démocratique.) reçut les Finances ; Aristide Briand (socialiste.) fut nommé ministre de l’Instruction publique et des Cultes ; Léon Bourgeois (radical.) eut le portefeuille des Affaires étrangères. 

 

a) La fin du scandale des inventaires (mars 1906) : Clémenceau, ministre de l’Intérieur, bien qu’anticlérical, préféra toutefois jouer la carte de l’apaisement avec les catholiques : je n’exposerai pas une vie humaine pour faire compter les chandeliers d’une église.

Ainsi, ce dernier diffusa une circulaire auprès des préfets en mars 1906, invitant ces derniers à ne pas faire usage de la force en cas de conflit, et à suspendre la procédure d’inventaire (à cette date, il ne restait que 5 000 lieux de culte à répertorier sur 70 000.).

 

A noter que les différents entre l’Etat et les catholiques ne se résorbèrent pas à cette date ; en effet, ce n’est qu’après la première guerre mondiale que l’Eglise se réconcilia avec la troisième république.

 

b) La catastrophe de Courrières entraîne une grève générale dans le nord de la France (printemps 1906) : le 10 mars 1906, un coup de grisou[26] dévasta plus de 100 kilomètres de mines, entre Courrieres et Lens.

Rapidement, des sauveteurs furent envoyés afin de porter assistance aux victimes de l’accident, parvenant à faire remonter plus de 500 mineurs.

Cependant, dès le 11 mars au soir, les ingénieurs mandatés par l’Etat décidèrent de mettre un terme aux recherches afin de ne pas perturber la reprise du travail. Ainsi, plusieurs galeries furent murées, un des puits fut bouché, et l’air fut évacué afin d’extraire la fumée.

 

Cette catastrophe, la plus importante d’Europe, fit 1099 morts et plusieurs centaines de blessés[27]. Mais la fin prématurée des recherches[28], la réouverture rapide des mines et l’expulsion des veuves des corons[29] firent beaucoup de mécontents.

Recherches au fond de la mine.

Ainsi, un vaste mouvement de grève se mit en place dans le nord de la France (soit près de  85 000 personnes.), touchant même la Belgique, afin de protester contre la gestion du sauvetage et les conditions de travail précaires.

 

Dans un premier temps, Clémenceau refusa d’envoyer la troupe, préférant rencontrer les grévistes afin de les informer que leur mouvement serait respecté ; cependant, suite à des échauffourées contre les dirigeants de la mine de Courrières, le ministre de l’Intérieur fit intervenir l’armée. Clémenceau annonça à cette occasion : je suis le premier des flics, ce qui valut au ministre de l’Intérieur son surnom de « premier flic de France. »

 

Malgré la mort  d’un militaire lors d’une rixe contre les mineurs courant avril, le mouvement prit fin début mai. Ainsi, la Compagnie des mines de Courrières concéda une augmentation de salaire à ses employés ; par ailleurs, les mineurs bénéficièrent d’une grande campagne de dons lancée dans toute la France, qui avait permis de collecter plus de six millions de francs.

 

Suite à la catastrophe de Courrières, Clémenceau fit voter une loi instaurant le repos hebdomadaire, afin de réprimer les velléités révolutionnaires des socialistes (juillet 1906[30].).

 

c) Du coup de Tanger à la conférence d’Algésiras (mars 1905 à avril 1906) : depuis maintenant plusieurs années, la France avait des vues sur le Maroc, malgré les prétentions de plusieurs pays européens, dont l’Allemagne et l’Espagne.

En 1901, suite à l’assassinat d’un négociant oranais voyageant dans le Rif, le gouvernement français conclut un accord fut conclu avec Abd al-Aziz, sultan du Maroc, afin de participer à la pacification du nord-est marocain.

Ainsi, dès 1905, le colonel Louis Hubert Lyautey[31] pénétra au Maroc, soucieux de mettre fin aux troubles à la frontière algéro-marocaine.

Le colonel Lyautey.

 

Toutefois, cette pénétration française ne plût guère à l’Empereur allemand Guillaume II[32], qui se rendit à Tanger fin mars 1905. Rencontrant le sultan Abd al-Aziz, le souverain germanique lui fit part de son soutien, et marquant sa désapprobation concernant les ambitions françaises au Maroc. Ainsi, Guillaume II se déclara prêt à la guerre si la France ne mettait pas un terme à sa politique marocaine.

Défilé des troupes allemandes à Tanger, mars 1905.

 

Suite au coup de Tanger, l’Allemagne réclama la tenue d’une conférence internationale afin de régler la question marocaine ; par ailleurs, les Allemands obtinrent le renvoi de Delcassé, ministre des Affaires étrangères jugé bien trop dangereux.

Rouvier ayant refusé l’idée d’une rupture diplomatique avec Berlin (et ce malgré la désapprobation de la presse revancharde.), la conférence fut finalement organisée en janvier 1906 à Algésiras.

 

Douze nations européennes avaient été invitées à cette importante réunion, ainsi que les Etats-Unis, dont le président Théodore Roosevelt avait été choisi comme médiateur[33].

Théodore Roosevelt.

Après plusieurs mois de discussions, la conférence d’Algésiras s’acheva sur une victoire diplomatique française (avril 1906.) : ainsi, les prétentions allemandes furent repoussées[34] ; la France et l’Espagne obtinrent un droit de regard sur l’administration marocaine, le maintien de l’ordre et le développement économique du pays[35].

 

d) Les élections législatives de mai 1906 : le mandat des députés arrivant à terme, de nouvelles élections législatives furent organisées en mai 1906.

 

Une fois de plus, la gauche sortait grand vainqueur de ce scrutin, obtenant 337 sièges (soit 132 radicaux-socialistes, 115 radicaux et 90 républicains.).

Les socialistes (qui avaient quitté le bloc des gauches en 1904.), qui n’avaient pas fait d’union avec les partis de gauches, obtenaient 74 sièges, soit une trentaine de plus qu’en 1902 (soit 20 indépendants et 54 membres de la SFIO[36].).

 

La droite, une nouvelle fois minoritaire, perdait des voix par rapport au précédent scrutin, n’obtenant que 174 sièges (soit 78 conservateurs, 66 libéraux et 30 nationalistes.).

 

e) Epilogue de l’affaire Dreyfus (juillet 1906) : comme nous l’avons vu précédemment, Alfred Dreyfus avait bénéficié d’une grâce présidentielle à l’été 1899, suite à son second procès (il avait été reconnu coupable de trahison avec circonstances atténuantes et condamné à dix ans de prison.).

 

Finalement, après plusieurs années d’une longue bataille judiciaire, la Cour de cassation décida le 12 juillet 1906 de casser le jugement de 1899.

Dreyfus, officiellement innocenté, fut alors réintégré dans l’armée et fut fait chevalier de la légion d’honneur.

Résumé de l'affaire Dreyfus en dessins, début du XX° siècle, musée des Invalides, Paris.

 

Quant à Emile Zola, principal défenseur de Dreyfus, qui était décédé en septembre 1902, ses cendres furent transférées au Panthéon en juin 1908. L’évènement fut toutefois émaillé d’incidents, provoqués par les nationalistes de la ligue des patriotes.

 

            4° Le long ministère Clémenceau (octobre 1906 à juillet 1909) – Malgré le bon score de la gauche aux législatives, Sarrien décida de démissionner en octobre 1906, souffrant de gastro-entérite[37].

Ainsi, le chef de l’Etat décida de nommer Clémenceau au poste de président du conseil.

Georges Clémenceau, début du XX° siècle.

 

a) La constitution du ministère Clémenceau (octobre 1906) : le Tigre[38], constituant un gouvernement radical, s’arrogea le ministère de l’Intérieur, confirma Briand à l’Instruction publique, nomma le colonel Picquart[39] à la Guerre, et confia à Joseph Caillaux le portefeuille des Finances.

Par ailleurs, Clémenceau instaura le ministère du Travail, un cabinet réclamé par l’extrême-gauche depuis la révolution de 1848[40]. Le président du conseil confia la gestion de ce portefeuille à René Viviani[41], un socialiste indépendant (à noter que l’objectif de Clémenceau était de pénaliser la SFIO, qui refusait l’alliance avec les radicaux, contrairement aux indépendants.).

René Viviani.

 

b) La fin des inventaires des biens du clergé, la mise en vigueur de la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat (fin 1906) : en novembre 1906, les inventaires des biens ecclésiastiques furent finalement achevés, malgré les protestations qui s’étaient fait entendre dans les régions les plus attachées au catholicisme.

La loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat entra donc en vigueur en décembre, malgré les protestations du pape Pie X. Ce dernier ne reconnaissant pas la création des associations cultuelles (à qui devaient revenir les biens du ecclésiastiques.), le gouvernement fit voter en novembre la loi sur la dévolution des biens du clergé, faisant des églises et cathédrales la propriété de l’Etat.

Notre-Dame, par Frédéric HOUBRON, 1901, musée Carnavalet, Paris.

 

c) Le premier flic de France et les brigades du Tigre (1907) : en fin d’année 1906, Clémenceau, malgré son surnom de premier flic de France, n’était pas en mesure de faire face à la montée de la délinquance.

En effet, alors que la criminalité s’appuyait sur les nouvelles technologies, les forces de police n’avaient pratiquement pas évolué depuis le début du siècle dernier.

Ainsi, il n’y avait pas de police nationale (elle était divisée en cantons.), les policiers étaient mal entraînés, et les charges administratives étaient lourdes. Ainsi, plus de 100 000 affaires criminelles n’avaient pas été résolues en 1906.

 

Afin de redorer le blason des forces de l’ordre, Clémenceau décida de créer les brigades régionales de police mobile[42] (surnommées les brigades du Tigre.), chargées d’opérer dans leurs régions respectives.

Ces hommes, entraînés à différentes techniques de combat, bénéficièrent des dernières méthodes d’investigation (fiches anthropométriques avec empreintes digitales.), utilisant les dernières technologies mises à disposition (télégramme, téléphone et automobile.).   

Voiture de grand tourisme Peugeot, 1909, musée des Arts & Métiers, Paris.

 

d) La révolte des vignerons du Midi (mars à juin 1907) : malgré un excédent de la balance commerciale (grâce aux exportations de voitures.), la France fut agitée, entre 1906 et 1909, par de très nombreux mouvements de grève : en mars 1906, une grève des électriciens priva les Parisiens de lumière pendant plusieurs jours[43] ; en avril, les fonctionnaires décidèrent de manifester afin de réclamer le droit de grève et de se syndiquer[44] (plusieurs fonctionnaires ayant adhéré à la CGT[45] furent donc licenciés pour faute professionnelle.).

La charge, boulevard Montmartre, par André DEVAMBEZ, 1902, musée d'Orsay, Paris.

 

L’une des plus importantes grèves de cette époque fut la révolte des vignerons du Languedoc, qui protestaient contre la mévente de leur vin.

 

La vigne, cultivée dans le sud de la France depuis l’époque romaine, avait grandement profité de la révolution industrielle. En effet, les viticulteurs avaient trouvé, grâce au développement des axes de communication, de nouveaux débouchés, vendant leur vin dans la capitale et dans le nord de la France.

De nombreux propriétaires terriens, soucieux d’augmenter leurs revenus, multiplièrent les exploitations vinicoles, ce qui entraîna une surproduction nationale au début du XX° siècle[46].

Cette surproduction provoqua une crise économique en 1907, frappant principalement le Midi.

 

Courant mars 1907, un premier mouvement de grève se déclencha à Argeliers, mené par Marcellin Albert[47], qui fut rapidement nommé secrétaire général de la Confédération générale des vignerons du Midi.

Marcellin Albert.

Les mécontents, protestant contre la multiplication des surfaces cultivées et la chaptalisation (le procédé, consistant à ajouter du sucre au jus de raisin,  permettait aux vignerons d’augmenter artificiellement le degré d’alcool du vin[48].), organisèrent au cours du printemps 1907 une série de manifestations très fréquentées (Narbonne, Béziers, Perpignan, Carcassonne, Nîmes, etc.).

Toutefois, le plus grand rassemblement se déroula à Montpellier le 9 juin 1907, où l’on compta la présence d’environ 500 000 manifestants.

 

Alors que Clémenceau, restant ferme, était convaincu que le mouvement s’essoufflerait de lui-même, environ 600 élus du Languedoc décidèrent de démissionner en signe de protestation contre la politique attentiste du gouvernement.

Le 13 juin, le président du conseil décida de riposter en ordonnant l’arrestation d’Ernest Ferroul, maire socialiste de Narbonne[49], ce provoqua des incidents dans la cité (deux manifestants furent tués.).

Le 18 juin, de nouveaux incidents éclatèrent à Narbonne, les manifestants tentant d’incendier la sous-préfecture (ils furent toutefois repoussés par la troupe.) ; le 21 juin, parti d’Agde, le 17° régiment d’infanterie de ligne fraternisa avec les habitants de Béziers[50].

Le 17° régiment d'infanterie de ligne fraternise avec les Biterrois.

 

Au mois de juin, Clémenceau eut l’idée d’inviter Marcellin Albert à Paris, le leader des vignerons étant alors recherché par la police. Le président du conseil, s’entretenant avec son interlocuteur le 23 juin, lui fit quelques promesses, et lui donna un billet de cent francs, destiné à payer le retour en train.

Cependant, lorsque Clémenceau exposa l’affaire aux médias, ces derniers firent d’Albert un « vendu », et ce dernier manqua de ce faire lyncher de retour à Argeliers. Le leader des vignerons fut alors contraint de s’exiler en Algérie.

 

A Paris, les députés décidèrent de réglementer la production de vin en adoptant le 29 juin 1907 une loi interdisant la chaptalisation. Par la suite, de mauvaises vendanges[51] entraînèrent une baisse de la production de vin, ce qui permit d’apaiser les esprits.

 

e) La grève de Draveil et Villeneuve-Saint-Georges (mai à juillet 1908) : suite à la révolte des vignerons du Languedoc en 1907, une nouvelle grève d’importance éclata en région parisienne courant mai 1908.

 

A cette époque, les cités de Draveil et Villeneuve-Saint-Georges, profitant de la géologie du terrain, s’étaient enrichies en implantant dans les sablières des industries d’extraction de sable[52].

Le travail des carriers était pénible (ils travaillaient dans l’eau.), travaillant au moins douze heures par jour, sept jours sur sept, pour un salaire de 50 centimes à l’heure.

Contestant leurs conditions de travail, les carriers des sablières de Draveil et Villeneuve-Saint-Georges constituèrent début mai 1908 le syndicat des carriers-puisatiers-mineurs de Chevreuse, et entamèrent un mouvement de grève. Ils réclamèrent alors une augmentation de salaire, l’adoption de la journée de dix heures et le repos hebdomadaire[53].

 

Les compagnies qui géraient les sablières de Draveil et Villeneuve-Saint-Georges, refusant le dialogue, décidèrent de fonder la Société des carrières de la Seine à la mi-mai 1908. Par ailleurs, afin de briser le mouvement de grève, elles employèrent des « jaunes » (c'est-à-dire des ouvriers non-grévistes.).

Fin mai, plusieurs « jaunes » furent pris à partie par les grévistes, motif qui permit aux forces de l’ordre d’intervenir (deux manifestants furent tués.).

 

Quelques jours plus tard, au début du mois de juin, des gendarmes surveillant le transport du sable furent pris à partie par un groupe d’émeutiers, qui matraquèrent les forces de l’ordre.

Dans l’après midi, un des gendarmes reconnut son agresseur et le poursuivit dans les rues de Vigneux.

Le fuyard se réfugia alors dans la salle de permanence du syndicat des carriers, où il fut suivi par les forces de l’ordre. Les gendarmes firent feu sur les ouvriers se trouvant là, faisant deux morts et une dizaine de blessés.

 

La fusillade fit grand bruit dans la presse et à la Chambre des députés, dans la mesure où les gendarmes avaient tiré sur une foule désarmée, pris au dépourvu, et dans laquelle se trouvait des femmes et des enfants.

Interpellé à la chambre par les socialistes, Clémenceau désavoua le comportement des forces de l’ordre, considérant que ces dernières avaient commis une bavure[54].

 

Le 20 juin, un accord fut trouvé, mais seule une compagnie (sur les trente présentes à Draveil et Villeneuve-Saint-Georges.) décida de l’appliquer.

Ainsi, les ouvriers de cette société reprirent le travail, mais prélevèrent chaque jour vingt sous sur leur salaire pour le reverser dans la caisse du comité de grève.

Par ailleurs, alors que des distributions de soupes étaient organisées pour les grévistes, quelques « jaunes » continuaient à travailler.

 

Le 30 juillet, la CGT organisa une importante manifestation à Vigneux, appelant à participer les maçons, charpentiers et terrassiers de la région parisienne.

Toutefois, alors que les manifestants marchaient dans le calme, un petit groupe d’environ 400 individus s’attaquèrent aux régiments de dragons chargés de maintenir l’ordre[55].

Défilé des dragons dans les rues de Villeneuve Saint Georges.

Ces derniers répliquèrent, faisant quatre tués et 200 blessés (dont 69 blessés du côté des forces de l’ordre.).

 

Clémenceau, jugeant la CGT seule responsable de ces débordements, procéda à l’arrestation des membres les plus influents de ce syndicat, décapitant provisoirement le mouvement (les adhérents qui ne furent pas arrêtés furent contraints de s’exiler.).

 

Finalement, début août 1908, un accord fut trouvé entre le patronat et les grévistes : 5 centimes d’augmentation, journée de dix heures et application de la loi sur le repos hebdomadaire (à noter toutefois que le syndicat des carriers ne fut pas reconnu par la Société des carrières.).

 

f) La Triple-Entente (31 août 1907) : comme nous l’avons vu plus tôt, France, Russie et Angleterre s’étaient rapprochés depuis maintenant plusieurs années.

Ainsi, une série de traités franco-russes avaient été signés à la fin du XIX° siècle ; par ailleurs, France et Angleterre avaient donné naissance à l’Entente cordiale au printemps 1904.

 

Le 31 août 1907, Russie et Angleterre signèrent une convention destinée à délimiter les sphères d’influence de ces deux pays en Perse, en Afghanistan et au Tibet.

Ainsi, la Perse était divisée entre deux zones d’influence, au nord la Russie, au sud l’Angleterre ; les Russes abandonnaient toute prétention sur l’Afghanistan ; enfin, le Tibet, Etat tampon, restait indépendant, mais sous suzeraineté de la Chine.

 

Une fois de plus, cet accord n’avait rien de militaire, mais cette série de traités, unissant France, Russie et Angleterre donnait naissance à la Triple-entente, alliance destinée à combattre la Triplice.

Allégorie de la Triple-entente, Russie, début du XX° siècle.

 

A noter cependant qu’en août 1908, les jeunes officiers de Turquie, déçus par la dégénérescence de l’Empire ottoman, décidèrent de tenter un coup de force contre le sultan Abdülhamid II. Ces militaires, membre du parti Comité union et progrès, s’emparèrent alors du pouvoir avec l’intention de régénérer l’Etat[56].

Mais pour ce faire, les Jöntürk[57] annoncèrent leur intention de demander l’aide de l’Allemagne (ces derniers ayant été formés dans ce pays.).

Au final, si la révolte des Jöntürk fit long feu (suite à la déposition du sultan, de nombreux exilés vinrent prendre la place des membres du CUP, plongeant l’Empire ottoman dans une situation désastreuse.), elle rapprocha la Turquie de la Triplice.

 

g) Une série de mesures sociales, adoptées… ou pas (1907 à 1909) : Clémenceau, malgré sa politique de fermeté vis-à-vis des grévistes, fut toutefois voter une série de réformes sociales à la Chambre des députés.


Ainsi, Joseph Caillaux, le ministre des Finances, déposa en février 1907 un projet de loi d’impôt sur le revenu, visant à remplacer les quatre « vieux » (c'est-à-dire taxe foncière, taxe mobilière
[58], impôt sur les portes et fenêtres[59], patente[60].). 

Accueilli favorablement à la Chambre des députés en mars 1909, le projet de loi fut cependant bloqué par le Sénat (l’impôt sur le revenu ne fut adopté qu’en 1914.).

 

En avril 1908, la loi sur les habitations bon marché[61], initiée par le député Ribot, fut adoptée à la chambre. Ce texte prévoyait la création de sociétés régionales de crédit immobilier, chargées de d’offrir aux familles des prêts à un taux d’intérêt de 2%.

 

Plus tard dans l’année, en juillet 1908, un projet de loi visant à abolir la peine de mort fut présenté à la Chambre des députés. Toutefois, malgré le soutien du gouvernement et des socialistes, une coalition regroupant la droite et le centre vota contre le texte.

 

Enfin, la loi sur le bien de famille insaisissable fut votée en juillet 1909, l’objectif du texte étant de lutter contre l’endettement dont souffraient les paysans. Ainsi, tout bien inférieur à 8 000 francs ne pouvait être saisi par les créanciers (mais il ne pouvait pas non plus être hypothéqué.).

 

h) Nouveaux incidents au Maroc (mars 1907 à mars 1910) : comme nous l’avons vu précédemment, la France (de concert avec l’Espagne.) avait obtenu un droit de regard sur l’administration marocaine en avril 1906, suite à la conférence d’Algésiras.

 

Mais de nouveaux troubles éclatèrent en mars 1907, suite à l’assassinat du directeur du dispensaire de Marrakech. Rapidement, le gouvernement français décida d’intervenir, et le colonel Lyautey, traversant la frontière, s’empara d’Oujda.

Toutefois, de nouveaux troubles éclatèrent le 30 juillet 1907. En effet, une dizaine d’ouvriers français furent massacrés à Casablanca, alors qu’ils travaillaient sur la construction d’un chemin de fer traversant un cimetière musulman.

Cette émeute incita le gouvernement Clémenceau à intervenir une fois de plus : ainsi, Casablanca fut bombardée par la flotte française, et Settat, capitale de la région du Chaouia, fut occupée[62] (février 1908.).

Le Maroc en 1910.

 

Cependant, alors que le corps expéditionnaire français, commandé par le général Albert Gérard Léo d'Amade[63], était parvenu à pacifier la Chaouia, le sultan Abd al-Aziz fut destitué par son frère, Moulay Abd al-Hafid (ce dernier se proclama sultan à Marrakech en juin 1908.).

Par ailleurs, le gouvernement Clémenceau découvrit en septembre que le consul d’Allemagne à Casablanca favorisait la désertion des soldats de la Légion étrangère d’origine autrichienne. Les déserteurs, arrêtés par la police alors qu’ils allaient s’embarquer, provoquèrent une bagarre, au cours de laquelle un agent du consulat allemand fut frappé.

L’affaire provoqua des remous dans la presse allemande, et le ministère allemand des Affaires étrangères réclama des excuses. Clémenceau, refusant de s’incliner (des excuses, jamais !), porta l’affaire devant la Cour internationale de La Haye[64], grâce au soutien de l’Angleterre et de la Russie. Finalement, après de longues discussions, un compromis fut trouvé en février 1909 : l’Allemagne reconnaissait à la France la liberté politique au Maroc, et, en échange, était associée à l’exploitation économique du Maroc.

 

Abd al-Hafid, bien qu’ayant été reconnu comme souverain du Maroc par les puissances européennes, restait dans une situation délicate.

Isolé et sans ressources, il décida donc de négocier avec la France en mars 1910. Ainsi, Abd al-Hafid s’engageait à respecter les accords d’Algésiras et à accepter la présence des troupes françaises au Maroc ; en contrepartie, la France lui consentit un prêt de 101 millions.  

 

i) Les derniers mois de règne du ministère Clémenceau (mars à juillet 1909) : alors que la France avait été agitée, de 1906 à 1908, par de nombreux mouvement sociaux, de nouvelles grèves éclatèrent au printemps 1909.

Les principales manifestations furent organisées par les fonctionnaires (principalement postiers et enseignants.), qui réclamaient le droit de grève. Clémenceau, vivement opposé au droit de grève dans la fonction publique, décida de révoquer 600 postiers grévistes.

 

En juillet 1909, alors que la cession parlementaire touchait à sa fin et que de nombreux élus étaient rentrés dans leurs circonscriptions, Clémenceau fut interpellé par Théophile Delcassé sur une série de questions techniques concernant la Marine[65].

Le président, refusant d’y répondre, fit alors voter un ordre du jour, qui fut rejeté à une courte majorité. Clémenceau, désavoué, fut alors contraint de démissionner.

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[1] Né en avril 1842, Rouvier fit des études de droit avant de travailler dans le secteur bancaire. Sous le second Empire, il participa à la rédaction de plusieurs journaux républicains. Elu député en 1871 sur les bancs de l’Union républicaine (ce parti, à l’origine radical, se fit de plus en plus modéré au fil des années.), il fut nommé président du conseil en 1887, puis ministre des Finances à plusieurs reprises jusqu’en 1893.

[2] Il se plaignit au Sénat de la sévérité avec laquelle la loi sur les associations fut appliquée.

[3] Adoptée en juillet 1790, la constitution civile du clergé, qui faisait de l’Eglise de France un mouvement indépendant, fut vivement critiquée par le pape Pie VI. Pour en savoir plus, voir le b), 3, section I, chapitre troisième, la Révolution française.

[4] Le concordat avait été signé en juillet 1801 par Napoléon I° et le pape Pie VII, soucieux de mettre un terme à plus d’une décennie de troubles religieux. Pour en savoir plus, voir le 1, section II, chapitre premier, l’épopée napoléonienne.

[5] En effet, la constitution civile du clergé prévoyait que les prêtres seraient rémunérés par l’Etat et dotés de droits civiques, les évêques seraient nommés par Paris ; le concordat, toujours en vigueur à l’époque, entérinait les acquis de 1790 et faisait du catholicisme la religion de la majorité des Français (et non religion officielle de France.). A noter que le concordat, supprimé en 1905 alors que l’Alsace et la Lorraine étaient sous domination allemande, est toujours en vigueur dans ces deux régions de nos jours.

[6] A noter que depuis 1870, le Saint Siège avait perdu sa domination sur Rome, annexée par le royaume d’Italie.

[7] Pour en savoir plus à ce sujet, voir le c), 11, section 3, chapitre deuxième, la troisième république.

[8] La paix entre les deux pays fut signée en septembre 1905, consacrant la défaite russe (évacuation de la Manchourie, au nord est de la Chine ; cession du la moitié sur de l’île Sakhaline.).

[9] Voir les pages consacrées aux guerre de Cent ans, guerre de Sept ans, guerre d’indépendance américaine, guerres napoléoniennes, etc.

[10] A noter que le Siam fut un des seuls pays d’Asie du sud-est a avoir évité une colonisation occidentale.

[11] Rappelons que la Duplice avait été mise en place quelques mois après le congrès de Berlin, en 1879 ; en 1881, l’Italie se rapprocha de l’Allemagne et de l’Autriche, donnant naissance à la Triplice.

[12] Le Grand Orient de France fut fondé en 1773, suite à sa scission avec la Grande Loge de France. Ces deux loges existent encore de nos jours.

[13] Du proverbe latin non licet omnibus adire Corinthum ; c'est-à-dire « il n’est pas donné à tout le monde d’aller à Corinthe. »

[14] Du latin Delenda est Carthago ; il faut détruire Carthage.

[15] C'est-à-dire « va à la messe. »

[16] A noter que la loi sur les retraites, après de longs débats, ne fut adoptée qu’au printemps 1910.

[17] Le service militaire avait été abaissé de cinq à trois années en 1886. Voir à ce sujet le 2, section III, chapitre deuxième, la troisième république.

[18] Le tirage au sort permettait à une partie des jeunes d'échapper au service militaire. Par ailleurs, une loi militaire datant de juillet 1872 prévoyait une exemption de service militaire pour les jeunes bourgeois, les ecclésiastiques, les enseignants, les fils uniques, etc. Voir à ce sujet le a), 4, section I, chapitre deuxième, la troisième république.

[19] Briand était un avocat né en mars 1862. Elu député en 1902, il siégea aux côtés des socialistes.

[20] Il s’agissait d’un statut équivalent aux associations loi 1901, mais exclusivement destiné à l’exercice d’un culte (à noter que l’enseignement au sein des associations cultuelles était interdit.).

[21] Fallières était un avocat né en novembre 1841. S’intéressant très tôt à la politique, il fut élu député en 1876, siégeant sur les rangs de la gauche républicaine. Brièvement nommé président du conseil en 1883, Fallières reçut les portefeuilles de la Justice, des Cultes, de l’Instruction publique et de l’Intérieur, entre 1883 et 1892. 

[22] Doumer, né en mars 1857, fut professeur de mathématiques avant de se reconvertir dans le journalisme. Elu député en 1885, il siégea sur les bancs des radicaux, mais se rapprocha du centre-droit au fil des années.

[23] La Vendée et la Bretagne avait payé un lourd tribut lors de la Révolution française, s’opposant à l’anticléricalisme des députés de l’époque et à la suppression des droits féodaux. Les affrontements dans l’Ouest de la France avaient fait plusieurs dizaines de milliers de morts à la fin du XVIII° siècle. Pour en savoir plus à ce sujet, voir les pages consacrées à la révolution de 1789.

[24] Rouvier, conservant son poste de sénateur, mourut en 1911.

[25] Sarrien était un avocat né en octobre 1840. Elu député en 1876, il siégea sur les bancs des radicaux, et fut nommé ministre à plusieurs reprises. Personnage influent du parti radical, Sarrien se rapprocha toutefois du centre au fil des années. 

[26] Le grisou est un gaz extrêmement combustible qui se dégage des couches de charbon. Les mineurs travaillant à la pioche et s’éclairant à la bougie, les explosions (surnommées « coup de grisou. ») étaient donc particulièrement redoutées.

[27] A noter que 16 sauveteurs moururent d’asphyxie lors du sauvetage, alourdissant le bilan humain.

[28] A noter qu’une dizaine de survivants parvinrent à sortir de la mine plus de deux semaines après la fin des recherches.

[29] Les corons étaient des maisons ouvrières, généralement propriétés des sociétés industrielles, et réservées à leur personnel.

[30] Le samedi fut inclus dans le repos hebdomadaire en juin 1936.

[31] Lyautey, né en novembre 1854, fit ses études à Saint Cyr, avant d’être envoyé en Algérie. Par la suite, il servit en Indochine et à Madagascar.

[32] Guillaume II, né en janvier 1859, était monté sur le trône en juin 1888 suite à la mort de son père Frédéric III (qui ne régna que 99 jours.), fils de Guillaume I°.

[33] Ce qui était contraire à la doctrine Monroe, chère aux Etats-Unis, prévoyant une non-intervention américaine en Europe et une non-intervention européenne en Amérique.

[34] L’Italie ne vota pas en faveur de l’Allemagne, signe avant-coureur d’une fracture dans la Triplice.

[35] A noter qu’il ne s’agissait pas encore d’un protectorat ; en effet, celui-ci ne fut signé qu’en mars 1912.

[36] La SFIO, Section Française de l’Internationale Ouvrière était un parti fondé le 23 avril 1905. La SFIO fut dissoute en 1969 pour donner naissance au Parti socialiste.

[37] Elu sénateur en 1908, Sarrien mourut en novembre 1915.

[38] Clémenceau était surnommé ainsi en raison de sa pugnacité.

[39] Rappelons que le colonel Picquart avait pris la défense du capitaine Dreyfus lors de l’affaire du même nom.

[40] En février 1848, seule une commission du Travail avait été créée. Pour en savoir plus à ce sujet, voir le b), 2, section I, chapitre deuxième, la seconde république.

[41] Viviani était un avocat né en novembre 1861. Elu député en 1893, il siégea sur les bancs des socialistes.

[42] Les brigades régionales de police mobile sont l’ancêtre de l’actuelle police judiciaire française.

[43] A noter toutefois que beaucoup de Parisiens étaient encore éclairés et chauffés au gaz.

[44] En raison de la loi Le Chapelier, adoptée en juin 1791.

[45] La Confédération Générale du Travail, créée en septembre 1895, était un syndicat anarchiste et révolutionnaire. Il existe encore aujourd’hui.

[46] La production de vin était de 69 millions d’hectolitres en 1905, alors que le seuil de mévente était fixé à 50 millions.

[47] Né en 1851, Marcellin Albert était cafetier et vigneron.

[48] A noter par ailleurs que des aides étaient accordées selon le degré alcoolique, d’où une multiplication des fraudes par chaptalisation.

[49] Ce dernier avait fait arborer le drapeau noir sur la mairie.

[50] Le 17° régiment fut par la suite muté en Tunisie.

[51] En France, l’époque des vendanges se situe en septembre et octobre. 

[52] Le sable se vendait bien, utilisé pour les travaux de construction du métro parisien.

[53] Rappelons que la loi du repos hebdomadaire avait été votée en juillet 1906, mais pas appliquée partout.

[54] A noter qu’un conseil militaire d’enquête fut mis en place, qui innocenta les gendarmes.

[55] En 1911, Clémenceau fut accusé d’avoir utilisé des agents provocateurs afin d’entraîner un mouvement de violence des forces de l’ordre.

[56] Si le coup de force contre Abdülhamid II eut bien lieu en août 1908, ce dernier ne fut déposé qu’en avril 1909.

[57] C’est ainsi que les jeunes officiers turcs étaient nommés.

[58] La taxe foncière portait sur les terrains de l’imposé ; la taxe mobilière, au contraire, était en quelque sorte l’ancêtre de l’impôt sur le revenu (cette taxe était calculée en fonction du coût du loyer de l’imposé.).

[59] L’impôt sur les portes et fenêtres, instauré lors du directoire, touchait les propriétaires de bien immobiliers.

[60] La patente, impôt crée lors de la Révolution française, est en quelque sorte l’ancêtre de la taxe professionnelle.

[61] Les HBM furent transformés en HLM (habitations à loyer modéré.) en 1949.

[62] A noter que Settat se trouve à une cinquantaine de kilomètres de Casablanca.

[63] Né en décembre 1856, d’Amade fit ses études à Saint Cyr, et fut envoyé en Algérie à la sortie de l’école. En 1885, il fut envoyé au Tonkin, puis il fut nommé attaché militaire auprès de la légation militaire en Chine.

[64] La cour avait pour fonction de régler les conflits juridiques entre États.

[65] L’explosion d’un canon sur un croiseur français avait causé une dizaine de morts au printemps 1909.

 
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