Car un pays sans passé est un pays sans avenir...

 
Mythologie
 
 

 

 

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Histoire Romaine - traduction M. Nisard (1864)

Livre II - Rome, de 509 à 468

4. Guerres contre les Étrusques - 482 à 473 ([II, 43] à [II, 54])

 

Mutinerie dans l'armée romaine (481)

[II, 43]

(1) Quintus Fabius et Caius Julius sont ensuite nommés consuls. Cette année, les discordes intérieures ne s'apaisèrent pas et la guerre extérieure fut plus terrible encore : les Èques prirent les armes; les Véiens vinrent ravager le territoire de Rome. Ces guerres inspirant une inquiétude toujours croissante, on nomme consuls Caeso Fabius et Spurius Furius. (2) Les Èques faisaient le siège d'Ortona, ville des Latins; les Véiens, rassasiés de pillage, menaçaient déjà d'assiéger Rome elle-même. (3) Ces craintes, qui auraient dû calmer la fureur du peuple, ne faisaient que l'irriter. Il en revenait à l'habitude de se refuser au service militaire. Ce n'était pas, il est vrai, de son propre mouvement; c'était le tribun Spurius Licinius qui, croyant le moment favorable et l'extrémité où l'on se trouvait assez pressante pour imposer la loi agraire aux patriciens, avait entrepris de s'opposer aux enrôlements. (4) Du reste toute la haine qu'inspirait le tribunat se tourna contre lui, et ses propres collègues furent pour lui des adversaires non moins violents que les consuls qui, avec leur secours, parvinrent à effectuer les levées. (5) Deux armées sont formées pour les deux guerres qu'on avait tout à la fois. L'une, conduite par Fabius, marche contre les Èques; l'autre, sous Furius, va combattre les Véiens.

La guerre contre les Véiens n'offrit rien de remarquable; (6) quant à Fabius, il eut plus à faire avec ses soldats qu'avec l'ennemi. Ce grand homme, ce consul soutint seul la république, que son armée, en haine du consul, trahissait autant qu'il était en elle.

(7) En effet, indépendamment des autres preuves qu'il donna de ses talents militaires, soit dans les préparatifs, soit dans les opérations de la guerre, il avait si bien disposé ses troupes, qu'une charge de la cavalerie suffit seule pour enfoncer les ennemis; mais l'infanterie refusa de poursuivre les fuyards; (8) insensibles, non pas seulement aux exhortations d'un chef odieux, mais même à leur propre déshonneur, à la honte qui, pour le moment présent, allait rejaillir sur la république, et aux dangers qui les menaçaient eux-mêmes dans l'avenir, si les ennemis reprenaient courage, ils s'obstinèrent à ne point avancer d'un pas, et ne voulurent même point rester en bataille. (9) Sans en avoir reçu l'ordre, ils quittent leurs rangs, et tristes (on dirait presque vaincus), maudissant tantôt le consul, tantôt le dévouement de la cavalerie, ils rentrent dans le camp. (10) Le général ne trouva aucun remède contre la contagion d'un tel exemple; tant il est vrai que les plus grands hommes trouvent plus facilement le secret de vaincre l'ennemi que celui de conduire les citoyens. (11) Le consul revint à Rome, ayant moins ajouté à sa gloire qu'irrité et exaspéré la haine des soldats contre lui. Les patriciens eurent cependant assez d'influence pour maintenir le consulat dans la maison des Fabius. Ils nomment consul Marcus Fabius, auquel on donne pour collègue Gnaeus Manlius. 

Nouvelle offensive des Étrusques (480)

[II, 44]

(1) Cette année, un nouveau tribun se présenta pour soutenir la loi agraire; ce fut Tibérius Pontificius. Suivant la même marche que Spurius Licinius, comme si elle eût réussi, il arrêta quelque temps les levées. (2) Les sénateurs s'en troublèrent de nouveau; mais Appius Claudius leur dit : "Que la puissance tribunitienne avait été vaincue l'année précédente, qu'elle l'était dans le présent par le fait même, et pour l'avenir par l'exemple, puisqu'on avait découvert qu'elle pouvait se dissoudre par ses propres forces; (3) qu'il se trouverait toujours quelque tribun disposé pour lui-même à remporter la victoire sur son collègue, et dans l'intérêt public à se concilier la faveur du premier ordre de l'État. Que si plusieurs étaient nécessaires, plusieurs seraient prêts à soutenir les consuls : mais qu'il n'était besoin que d'un seul contre tous les autres. (4) Que c'était aux consuls et aux patriciens les plus influents à gagner, sinon tous les tribuns, au moins quelques-uns d'entre eux, à la cause de la république et du sénat."

(5) Les patriciens suivirent le conseil d'Appius, tous parlaient aux tribuns avec douceur et bienveillance; les consulaires, selon qu'ils avaient plus ou moins de droits sur chacun d'eux en particulier, obtinrent, les uns par affection, les autres par autorité, qu'ils n'emploieraient les forces du tribunat que dans l'intérêt de la république. (6) Secondés par quatre tribuns contre le seul qui entravait le service public, les consuls parviennent à faire les levées. (7) Ensuite ils marchent contre les Véiens, auxquels l'Étrurie avait de toute part envoyé des secours, moins à cause de l'intérêt qu'ils inspiraient, que dans l'espérance de voir Rome se détruire elle-même par ses discordes intestines. (8) Dans toutes les assemblées, les chefs de l'Étrurie répétaient : "Que la puissance de Rome serait éternelle, sans les séditions où les Romains se déchiraient les uns les autres. C'était là, suivant eux, le seul poison, le seul principe de mort qui pût amener la ruine des États puissants. (9) Ce fléau, longtemps comprimé par la sagesse du sénat et la patience du peuple, avait atteint sa dernière période. D'une cité, la discorde en avait fait deux, dont chacune avait ses magistrats et ses lois. (10) D'abord c'est à l'occasion des levées, que s'est déchaînée leur fureur; mais une fois en campagne, ils obéissaient encore à la voix du général. Aussi, quelque eût été l'état intérieur de la ville, elle avait pu conserver sa puissance, parce que la discipline militaire s'était maintenue; mais aujourd'hui, le soldat romain prenait au camp même l'habitude de désobéir à ses magistrats. (11) Dans la dernière guerre, sur le champ de bataille, au moment même du combat, l'armée, d'un accord unanime, avait livré volontairement la victoire aux Èques déjà vaincus. Elle avait déserté ses drapeaux, abandonné son général pendant l'action, et était rentrée dans le camp sans attendre aucun ordre. (12) Certes, pour peu qu'on fît d'efforts, Rome serait vaincue par ses propres soldats; il suffirait de lui déclarer, de lui montrer la guerre : les destins et les dieux feraient d'eux-mêmes le reste." Ces espérances avaient armé les Étrusques, après tant d'alternatives de défaites et de succès. 

La guerre des nerfs

[II, 45]

(1) Les consuls, de leur côté, ne redoutaient rien tant que leurs forces, que leur armée. Le souvenir du funeste exemple donné pendant la dernière guerre les détournait de s'engager assez pour avoir à craindre deux armées à la fois. (2) Aussi, renfermés dans leur camp, ils évitaient le combat, dans la crainte d'un double péril : "Le temps, et peut-être même une occasion fortuite, calmerait les ressentiments, et guérirait les esprits malades." (3) Mais cette conduite ne fit qu'accroître la présomption des Véiens et des Étrusques; ils défiaient les Romains au combat; et d'abord, pour les provoquer, ils vinrent caracoler le long du camp; puis, voyant qu'ils n'obtenaient rien, ils accablaient de railleries insultantes l'armée et les consuls eux-mêmes. (4) "Ils feignaient, disaient-ils, pour pallier leur terreur, d'être en proie aux discordes intestines, et les consuls se défiaient du courage de leurs troupes bien plutôt que de leur obéissance. Étrange sédition, sans doute, que le silence et l'inaction chez des hommes qui ont les armes à la main !" Puis c'étaient des saillies, fondées ou non sur l'origine récente des Romains, et sur l'obscurité de leur race. (5) Ces insultes, qui viennent retentir jusqu'au pied même des retranchements et jusqu'aux portes du camp, les consuls les supportent avec une joie secrète. Mais la multitude, qui ne peut s'expliquer cette impassibilité de ses chefs, se sent agitée par l'indignation et par la honte, et peu à peu oublie les querelles intestines. Ils ne veulent pas laisser impunie l'insolence des Étrusques; ils ne veulent pas non plus assurer le triomphe des patriciens, des consuls; la haine de l'étranger et la haine des ennemis domestiques combattent dans leurs coeurs; (6) enfin, la haine de l'étranger l'emporte, tant l'ennemi montrait d'orgueil et d'insolence dans ses sarcasmes. Les Romains entourent en foule le prétoire; ils demandent le combat, ils veulent qu'on en donne le signal. (7) Les consuls, sous le prétexte de délibérer, se retirent à l'écart et prolongent la conférence. Ils désiraient combattre; mais il leur fallait réprimer et cacher ce désir pour que leur résistance et leurs délais donnassent un nouvel élan au courage déjà si excité des soldats. (8) Ils répondent enfin que la demande est prématurée; qu'il n'est pas encore temps de combattre; qu'il faut se tenir renfermés dans le camp. Puis un édit formel défend le combat : quiconque combattra, sans en attendre l'ordre, sera traité en ennemi.

(9) Ainsi congédiés, les soldats, qui sont convaincus de la répugnance des consuls pour le combat, n'en ressentent que plus d'ardeur guerrière. D'un autre côté, les ennemis s'approchent avec encore plus d'arrogance, dès qu'ils apprennent la défense des consuls. (10) Leurs insultes seraient désormais impunies; on n'osait plus confier des armes au soldat; tout finirait bientôt par la plus violente explosion, et la puissance romaine touchait à son terme. Forts de cet espoir, ils courent aux portes, ils accablent l'armée d'invectives; ils ne se défendent qu'avec peine d'attaquer le camp. (11) Les Romains ne pouvaient plus longtemps supporter ces affronts. De toutes les parties du camp on accourt auprès des consuls. Ce n'est plus, comme la première fois, avec des ménagements et par l'entremise des principaux centurions qu'ils présentent leur demande; tous à la fois réclament à grands cris.

Le moment était venu; toutefois les consuls tergiversent encore. (12) Fabius, enfin, voyant le tumulte s'accroître, et son collègue près de céder dans la crainte d'une sédition, ordonne aux trompettes de sonner le silence : "Je sais, Gnaeus Manlius, dit-il à son collègue, que ces soldats peuvent vaincre; mais j'ignore s'ils le veulent; et eux-mêmes en sont la cause. (13) Aussi ai-je pris la ferme résolution de ne point donner le signal du combat, qu'ils n'aient juré de revenir vainqueurs. Le soldat a pu tromper une fois son général sur le champ de bataille; il ne saurait tromper les dieux." Alors un centurion, Marcus Flavoleius, l'un des plus ardents à demander le combat, s'écrie : (14) "Marcus Fabius, je reviendrai vainqueur." S'il manque à sa parole, il appelle sur lui la colère de Jupiter, de Mars, père des combats, et de tous les autres dieux. L'armée entière répète après lui le même serment et les mêmes imprécations.

On donne alors le signal : tous prennent leurs armes et volent au combat, pleins de courroux et d'espérance. (15) Que maintenant les Étrusques leur lancent des injures; que cet ennemi, si hardi en paroles, vienne les affronter, maintenant qu'ils ont des armes ! (16) Tous, en ce jour, plébéiens et patriciens, firent des prodiges de valeur. Mais les Fabius se distinguèrent entre tous : les luttes intestines leur avaient aliéné l'affection du peuple, ils veulent la reconquérir dans ce combat. L'armée se range en bataille : les Véiens et les Étrusques ne refusent point l'engagement. 

Mort de Quintus Fabius

[II, 46]

(1) Ils se tenaient presque assurés que les Romains ne se battraient pas plus contre eux que contre les Èques; ils croyaient même pouvoir compter sur quelque résolution plus éclatante dans l'état d'irritation où se trouvaient les esprits, dans une occasion doublement avantageuse. (2) L'événement trompa leur attente : jamais, dans aucune guerre, les Romains n'avaient engagé l'action avec plus d'acharnement, tant les insultes de l'ennemi et les retards des consuls les avaient exaspérés. (3) À peine les Étrusques eurent-ils le temps de se déployer, à peine, dans le premier trouble, eurent-ils jeté au hasard plutôt que lancé leurs javelots, que déjà on en était venu aux mains, que déjà on se frappait de l'épée, celui de tous les genres de combats où Mars déchaîne le plus ses fureurs. (4) Aux premiers rangs, les Fabius donnaient un beau spectacle, un bel exemple à leurs concitoyens. L'un d'eux, Quintus Fabius, consul trois ans auparavant, s'avançait le premier contre les rangs serrés des Véiens, lorsqu'un soldat étrusque, fier de sa force et de son adresse, le surprend au milieu d'un gros d'ennemis et lui perce le sein de son épée : Fabius arrache le fer de sa blessure, et tombe.

5) La chute d'un seul homme se fit sentir dans les deux armées. Déjà même les Romains lâchaient pied, lorsque le consul Marcus Fabius s'élance en avant du corps de son parent, et présentant son bouclier à l'ennemi : "Soldats, s'écrie-il, avez-vous juré de rentrer en fuyards dans votre camp ? Vous craignez donc plus de lâches ennemis que Mars et Jupiter, par qui vous avez juré. (6) Pour moi, qui n'ai pas fait de serment, je retournerai vainqueur ou je tomberai en combattant près de toi, Quintus Fabius. Alors Caeso Fabius, consul de l'année précédente, s'adressant à Marcus : "Est-ce par des paroles, mon frère, que tu crois obtenir d'eux qu'ils combattent ? Les dieux seuls l'obtiendront, les dieux témoins de leurs serments. (7) Pour nous, comme il convient aux premiers de l'état, comme il est digne du nom des Fabius, sachons par notre exemple, plutôt que par nos exhortations, enflammer le courage de nos soldats." Aussitôt les deux Fabius volent au premier rang la lance en arrêt, et entraînent avec eux toute l'armée. 

Amère victoire des Romains (480)

[II, 47]

(1) C'est ainsi que le combat s'était rétabli de ce côté. Dans le même temps le consul Gnaeus Manlius luttait avec non moins de vigueur à l'autre aile où la fortune se montra presque la même. (2) En effet, tant que Manlius, de même que sur l'autre point Quintus Fabius, avait poussé l'épée dans les reins l'ennemi déjà presque en déroute, ses soldats l'avaient suivi pleins d'ardeur, mais, lorsqu'une grave blessure l'eût forcé de quitter le champ de bataille, persuadés qu'il était mort, ils commencèrent à lâcher pied, (3) et ils auraient même pris la fuite, si l'autre consul, accourant ventre à terre sur ce point, avec quelques escadrons de cavalerie, et criant que son collègue vivait encore, et que lui-même, victorieux à l'autre aile, venait les soutenir, n'eût, par sa présence, arrêté la déroute. (4) Manlius aussi vient s'offrir à leurs yeux, pour rétablir le combat. La vue des deux consuls, qu'ils connaissent bien, enflamme le courage des soldats : déjà, d'ailleurs, la ligne des ennemis avait perdu de sa profondeur; car, se fiant sur la supériorité de leur nombre, ils avaient détaché leur réserve, pour l'envoyer assiéger le camp. (5) Elle l'emporte d'assaut, sans beaucoup de résistance; mais tandis qu'elle oublie le combat, pour ne songer qu'au butin, les triaires romains, qui n'avaient pu supporter le premier choc, font donner avis aux consuls de l'état où en sont les choses; puis, se ralliant autour du prétoire, ils retournent d'eux-mêmes à l'attaque.

(6) Pendant ce temps, le consul Manlius revient au camp, place des soldats à toutes les portes, et ferme à l'ennemi toute issue. Le désespoir enflamme les Étrusques, non pas tant d'audace que de rage. Après avoir, à plusieurs reprises, tenté inutilement de s'échapper par les points où l'espoir leur montrait une issue, un peloton de jeunes guerriers se jette sur le consul lui-même, qu'ils reconnaissent à son armure. (7) Les premiers traits furent parés par ceux qui l'entouraient; mais bientôt ils ne purent résister à un choc si violent : le consul, blessé à mort, tombe, et tout se dissipe. (8) L'audace des Étrusques redouble; les Romains, poursuivis par la terreur, courent, dans leur effroi, d'un bout du camp à l'autre, et le mal allait être sans remède, si les lieutenants, après avoir fait enlever le corps du consul, n'eussent ouvert une porte pour donner passage à l'ennemi. (9) II se précipite par cette issue; mais cette troupe en désordre rencontre dans sa fuite l'autre consul victorieux, qui la taille en pièces et la met en déroute.

La victoire était glorieuse, mais attristée par ces deux grands trépas. (10) Aussi, le consul, quand le sénat lui décerna le triomphe, répondit, "Que si l'armée pouvait triompher sans le général, il y consentirait volontiers, en considération de sa brillante conduite dans cette guerre; mais que pour lui, quand sa famille était frappée par la mort de son frère Quintus Fabius, quand la république était orpheline de l'un de ses consuls, il n'accepterait pas un laurier flétri par le deuil public et par celui de sa famille. " (11) Ce triomphe refusé fut plus glorieux pour lui que tout l'éclat d'une pompe triomphale, tant il est vrai que la gloire refusée à propos revient parfois plus éclatante et plus belle.

Fabius célébra ensuite les funérailles de son collègue et celles de son frère. Chargé de prononcer l'éloge funèbre de l'un et de l'autre, il leur accorda les louanges qu'ils avaient méritées, et dont la plus grande part lui revenait. (12) Toujours occupé du projet qu'il avait conçu dès son entrée au consulat, de reconquérir l'affection du peuple, il répartit le soin des soldats blessés entre les familles patriciennes. Ce fut aux Fabius qu'il en donna le plus, et nulle part ils ne furent mieux traités. Dès lors cette famille devint chère au peuple, et cet amour elle ne le dut qu'à des moyens salutaires pour la république. 

Le serment des Fabius (479)

[II, 48]

(1) Aussi, Caeso Fabius, que les suffrages du peuple, non moins que ceux des sénateurs, avaient porté au consulat avec Titus Verginius, résolut de ne s'occuper ni de guerres ni d'enrôlements, ni d'aucun autre soin, qu'il n'eût, avant tout, comme il était permis d'en concevoir l'espérance, rétabli la concorde et réconcilié le peuple avec les patriciens. (2) Dans cette intention, il proposa, dès le commencement de l'année, au sénat, de ne pas attendre qu'un tribun eût mis en avant une loi agraire; mais de prendre les devants et de partager au peuple, le plus également qu'il se pourrait, les terres prises sur l'ennemi. "Il est juste, disait-il, que ceux-là les possèdent qui les ont acquises par leurs sueurs et par leur sang." (3) Les sénateurs rejetèrent cet avis avec dédain : quelques-uns même se plaignirent de voir que le caractère autrefois si énergique de Caeso s'était amolli et affaissé sous le poids de sa gloire.

Toutefois il n'y eut pendant cette année aucuns troubles civils. (4) Les Latins étaient fatigués par les incursions des Èques; Caeso, qu'on envoie à leur secours avec une armée, pénètre à son tour sur le territoire des Èques, qu'il ravage. Alors ils se renferment dans leur ville et se tiennent cachés derrière leurs murailles, en sorte qu'il n'y eut aucun engagement remarquable. (5) Mais du côté des Véiens on essuya un grand échec par la témérité de l'autre consul, et c'en était fait de l'armée, si Caeso Fabius n'était venu à temps la secourir. Depuis ce moment on ne fut avec les Véiens ni en paix ni en guerre, et les hostilités s'étaient pour ainsi dire transformées en brigandages. (6) Apprenaient-ils que les légions romaines s'étaient mises en campagne, ils se retiraient dans leurs villes : à peine les savaient-ils éloignées, ils recommençaient leurs incursions, opposant tour à tour l'inaction à la guerre, la guerre à l'inaction. Ainsi il était impossible d'abandonner cette lutte, impossible de lui donner une fin. On avait d'ailleurs à s'occuper d'autres guerres; car les Èques et les Volsques, qui ne restaient jamais en repos que le temps nécessaire pour oublier leur dernière défaite, étaient déjà en armes; et d'un autre côté on pouvait prévoir que les Sabins, toujours ennemis de Rome, allaient bientôt se mettre en mouvement, ainsi que toute l'Étrurie.

(7) Les Véiens, ennemis plus importuns que redoutables, plus insolents que dangereux, inquiétaient cependant les esprits, car on ne pouvait en aucun temps les perdre de vue, et ils ne permettaient pas qu'on portât son attention ailleurs. (8) Dans cette conjoncture, la famille des Fabius se présente au sénat, et le consul parle au nom de sa famille : "Vous le savez, Pères conscrits, la guerre contre Véies demande plutôt des forces toujours actives que des forces considérables. Occupez-vous des autres guerres, et opposez les Fabius aux Véiens. Nous nous faisons fort que de ce côté la majesté du nom romain n'aura rien à souffrir. (9) Cette guerre, qui sera pour nous comme une affaire de famille, nous voulons la soutenir à nos propres frais. Que la république porte ailleurs et son argent et ses soldats." On leur fait de grands remerciements. (10) Le consul, au sortir du sénat, retourne chez lui, accompagné de toute la troupe des Fabius qui était restée sous le vestibule de la curie, attendant le sénatus-consulte. Après avoir reçu l'ordre de se trouver, le lendemain en armes à la porte du consul, ils se retirent chez eux. 

Départ des Fabius; bataille du Crémère (479-478)

[II, 49]

(1) Cette nouvelle se répand dans toute la ville; on élève aux nues les Fabius : "Une seule famille avait pris sur soi un fardeau qui pesait sur toute la république ! La guerre de Véies devenue une affaire, une querelle privée ! (2) Ah ! s'il existait dans Rome deux familles pareilles, et que l'une réclamât pour elle les Volsques, l'autre les Èques, Rome, sans sortir d'une paix profonde, verrait bientôt tous les peuples voisins soumis."

Le lendemain, les Fabius prennent leurs armes; ils se réunissent au lieu prescrit. (3) Le consul, revêtu de la chlamyde de général, sort, et trouve sous le vestibule sa famille entière rangée en bataille. Il se place au centre et fait lever les enseignes. Jamais on ne vit défiler dans Rome une armée si petite par le nombre et si grande par sa renommée et par l'admiration publique. (4) Trois cent six guerriers, tous patriciens, tous d'une même famille, dont pas un n'eût été jugé indigne de présider le sénat dans ses plus beaux jours, s'avançaient contre un peuple tout entier, menaçant de l'anéantir avec les forces d'une seule famille. (5) Derrière eux, marchait la troupe de leurs parents et de leurs amis, qui ne roulaient dans leur esprit rien de médiocre, mais dont les espérances comme les craintes ne connaissaient point de bornes. Puis venait la foule du peuple, qui, dans son vif intérêt et son admiration pour eux, était comme frappé de stupeur : (6) "Qu'ils partent pleins de courage, qu'ils parlent sous d'heureux auspices, et que le succès soit digne de leur entreprise; qu'ils comptent à leur retour sur les consulats, les triomphes, toutes les récompenses et tous les honneurs." (7) En passant devant le Capitole, la citadelle et les autres temples, ils implorent toutes les divinités qui s'offrent à leurs yeux, ou à leur esprit; ils les conjurent de veiller sur cette noble troupe, et de la rendre bientôt saine et sauve à sa patrie, à sa famille.

(8) Inutiles prières ! Route malheureuse ! les Fabius passent par l'arcade de droite de la porte Carmentale, et arrivent sur les rives du Crémère; cette position leur paraît avantageuse et ils la fortifient. (9) Dans l'intervalle, Lucius Aemilius et Gaius Servilius sont nommés consuls. Tant que la guerre se borna au ravage des campagnes, les Fabius suffirent à la défense de leur position; ils purent même, franchissant la frontière qui sépare les Étrusques des Romains, mettre à couvert le territoire de Rome et porter la terreur chez les ennemis. (10) Cependant ces dévastations furent pour quelque temps suspendues; car les Véiens ayant appelé des troupes de l'Étrurie, viennent attaquer le fort de Crémère. Aussitôt le consul Lucius Aemilius amène les légions romaines et engage le combat avec les Étrusques, si toutefois on peut donner le nom de combat à un engagement où les Véiens eurent à peine le temps de se ranger en bataille; (11) car au milieu du désordre des premiers mouvements, tandis qu'ils se placent derrière les enseignes, et que leur corps de réserve prend position, la cavalerie romaine fait sur leurs flancs une charge si soudaine, qu'elle ne leur laisse le temps ni d'en venir aux mains, ni même de se former : (12) ainsi poursuivis jusqu'aux Rochers-Rouges, où ils avaient leur camp, ils demandent humblement la paix; mais à peine l'eurent-ils obtenue que, cédant à leur légèreté naturelle, ils s'en repentirent, avant même que les Romains eussent abandonné le poste de Crémère. 

La mort des 306 Fabius

[II, 50]

(1) La lutte se trouvait de nouveau engagée entre les Fabius et le peuple véien, sans que Rome mît en campagne de plus grandes forces, et ce n'étaient plus seulement des incursions sur le territoire ennemi, des escarmouches entre des partis qui se rencontraient, mais quelquefois aussi des affaires sérieuses, des combats dans les formes, (2) et souvent une seule famille romaine remporta la victoire sur l'une des cités les plus puissantes alors de l'Étrurie. (3) Les Véiens trouvèrent d'abord ces défaites dures et humiliantes; puis la circonstance même leur suggéra le dessein d'attirer dans une embuscade leur fougueux ennemi. Ils se réjouissaient de voir que des succès multipliés avaient accru l'audace des Fabius.

(4) Aussi ces derniers, dans leurs excursions, rencontraient-ils souvent des troupeaux qui semblaient se trouver là par hasard, mais qu'on leur livrait à dessein; d'un autre côté, la fuite des laboureurs laissait les campagnes désertes, et des corps de troupes, envoyées pour repousser les pillards, lâchaient pied avec une frayeur plus souvent simulée que réelle. (5) Bientôt les Fabius en vinrent à mépriser tellement leur ennemi, qu'ils se crurent invincibles et se persuadèrent que dans aucun temps et dans aucun lieu on n'oserait leur résister. Cette confiance devint telle qu'apercevant un jour des troupeaux à une grande distance de Crémère, et sans s'inquiéter de quelques soldats ennemis qui se montraient épars dans la plaine, ils quittent leur position, (6) et, dans leur imprévoyance, s'élancent en désordre au-delà de l'embuscade placée dans le voisinage du chemin; puis se répandent dans la campagne pour rassembler le bétail que la frayeur a, comme d'ordinaire, dispersé çà et là. Tout à coup les troupes embusquées s'élancent. Devant, derrière, de tous côtés sont les ennemis. (7) D'abord, des cris s'élèvent autour des Fabius et les épouvantent, bientôt les traits pleuvent de toutes parts. Les Étrusques serrent leurs rangs, et les Fabius se voient entourés d'un mur épais de soldats : plus l'ennemi se rapproche, plus l'espace se rétrécissant, ils sont eux-mêmes forcés de se ramasser. (8) Cette manoeuvre fait ressortir et leur petit nombre, et la multitude des Étrusques, dont les rangs se redoublent sur un terrain trop étroit. (9) Renonçant alors à faire face de tous côtés, comme ils l'avaient essayé d'abord, ils se portent, tous à la fois, sur un seul point, puis, concentrant là tous leurs efforts, ils se forment en coin, et s'ouvrent un passage.

(10) Ils arrivèrent ainsi à une colline d'une pente douce où ils s'arrêtèrent. Bientôt, dès que l'avantage du lieu leur eut donné le temps de respirer et de se remettre d'un si grand effroi, ils repoussèrent les assaillants; et, forts de leur position ils allaient être vainqueurs malgré leur petit nombre, si un corps de Véiens, qui parvint à la tourner, ne se fût montré au sommet de la colline : (11) l'ennemi alors regagne sa supériorité. Tous les Fabius, sans exception, furent taillés en pièces, et leur fort tomba au pouvoir de l'ennemi. Il en périt trois cent six; c'est un fait avéré. Un seul, près d'entrer dans l'âge de puberté, et qui, pour ce motif, avait été laissé à Rome, devint la souche des Fabius, et c'est à lui que, dans les temps difficiles, le peuple romain, en paix comme en guerre, devra ses plus fermes soutiens. 

Fin de la guerre contre Véies (477-476)

[II, 51]

(1) Au moment où ce désastre vint frapper Rome, Gaius Horatius et Titus Ménénius étaient déjà consuls. Ménénius fut sur-le-champ envoyé contre les Étrusques enorgueillis de leur victoire, (2) mais le sort des armes lui fut contraire, et les ennemis vinrent occuper le Janicule. Rome eut à en supporter un siège; et la famine se serait jointe à la guerre pour l'accabler (car les Étrusques avaient passé le Tibre), si le consul Horatius n'eût été rappelé du pays des Volsques. Ce qui prouve que cette guerre eut lieu sous les murs de Rome, c'est qu'un premier combat, qui laissa la victoire indécise, se livra près du temple de l'Espérance, un second à la porte Colline. (3) Dans ce dernier, quelque faible qu'eût été l'avantage des Romains, l'armée, en recouvrant son ancien courage, put espérer de plus brillants succès pour les combats à venir.

(4) Aulus Verginius et Spurius Servilius sont nommés consuls. Depuis l'échec essuyé dans ta dernière affaire, les Véiens évitaient les batailles rangées : ils se contentaient de ravager les campagnes; et, du haut du Janicule, comme d'une citadelle, ils se précipitaient de tous côtés sur le territoire de Rome. Plus de sûreté nulle part, ni pour les troupeaux, ni pour les gens de la campagne. (5) Enfin ils furent pris dans le même piège où ils avaient fait tomber les Fabius. En poursuivant les troupeaux qu'à dessein on avait disséminés çà et là pour les attirer, ils donnèrent tête baissée dans une embuscade, et, comme ils étaient plus nombreux, on en fit aussi un plus grand carnage.

(6) Le vif ressentiment de cet échec fut pour eux la cause et le prélude d'un échec plus terrible encore. En effet, ayant, de nuit, passé le Tibre, ils tentent de forcer le camp de Servilius; mais, repoussés avec une grande perte, ils eurent beaucoup de peine à se retirer sur le Janicule. (7) Sans perdre de temps, le consul, à son tour, traverse le Tibre, et vient camper au pied du Janicule. Le lendemain, au point du jour, enorgueilli par le succès de la veille, mais poussé surtout par la disette aux résolutions les plus décisives, fussent-elles même dangereuses, il gravit témérairement le Janicule pour s'emparer du camp ennemi. (8) Mais, repoussé plus honteusement qu'il n'avait repoussé l'ennemi la veille, il ne dut son salut et celui de ses troupes qu'à l'arrivée de son collègue. (9) Pris entre deux armées, et fuyant tour à tour l'une et l'autre, les Étrusques furent taillés en pièces. C'est ainsi qu'une heureuse témérité mit fin à la guerre contre Véies. 

Procès de Titus Ménénius (476) et de Spurius Servilius (475)

[II, 52]

(1) Rome, avec la paix, vit aussi diminuer le prix des vivres; car on fit venir des blés de la Campanie, et, quand la crainte de la famine fut dissipée, ceux qu'on avait tenus cachés reparurent. (2) Mais l'abondance et l'oisiveté portèrent de nouveau les esprits à la licence; et, dans l'absence des maux qui venaient autrefois du dehors, on en chercha dans Rome même. Les tribuns enivrent le peuple avec leur poison habituel, la loi agraire. Ils l'animent contre les patriciens qui leur résistent, et non pas seulement contre tous, mais contre chacun en particulier. (3) Quintus Considius et Titus Génucius, qui avaient proposé la loi agraire, assignent devant le peuple Titus Ménénius. Ils lui font un crime d'avoir laissé enlever le fort de Crémère, dont son camp n'était pas éloigné. (4) Il succomba. Mais les efforts du sénat, qui le défendit avec autant de chaleur que Coriolan, et la popularité de son père Agrippa, dont le souvenir n'était pas encore effacé, adoucirent l'arrêt des tribuns. (5) Après avoir demandé une condamnation capitale, ils réduisirent la peine à une amende de deux mille as. C'était encore un arrêt de mort : on prétend qu'il ne put supporter le chagrin de cette ignominie, et qu'une maladie l'emporta.

(6) Bientôt, sous le consulat de Gaius Nautius et de Publius Valérius, on vit comparaître un nouvel accusé; c'était Spurius Servilius. À peine sorti de charge, il fut, dès le commencement de l'année, assigné par les tribuns Lucius Caedicius et Titus Statius. Mais ce ne fut point, comme l'avait fait Ménénius, avec ses prières ou celles des patriciens, mais bien avec la confiance que lui inspirait son innocence et son crédit, qu'il soutint les attaques des tribuns. (7) Son crime à lui, c'était ce combat qu'il avait livré aux Étrusques près du Janicule; mais, aussi intrépide dans ses propres dangers que dans ceux de la république, il réfuta par un discours énergique et les tribuns et le peuple. Il fit plus, il reprocha au peuple la condamnation et la mort de Titus Ménénius, dont le père lui avait rendu ses droits, donné ces magistratures et ces lois, dont il faisait aujourd'hui les instruments de ses faveurs. Tant d'audace écarta le danger. (8) Il fut aidé aussi par son collègue Verginius, qui, appelé en témoignage, lui fit partager sa gloire. Mais, ce qui le servit encore mieux, ce fut la condamnation de Ménénius, tant les esprits étaient changés. 

Coalition des Véiens et des Sabins (474)

[II, 53]

(1) Les luttes intestines avaient cessé : la guerre recommença contre les Véiens, auxquels les Sabins avaient uni leurs forces. Le consul Publius Valérius, quand on eut fait venir les troupes auxiliaires des Latins et des Herniques, fut envoyé coutre Véies avec son armée, et attaqua aussitôt le camp des Sabins, qui s'étaient établis devant les murs de leurs alliés. L'alarme qu'il répandit fut extrême, et tandis que les ennemis en désordre s'élancent par manipules épars pour repousser le choc des assaillants, il s'empare de la première porte sur laquelle il avait dirigé d'abord son attaque. (2) Une fois les retranchements forcés, ce n'est plus un combat, mais un carnage. Du camp le tumulte se répand dans la ville; on eût dit que Véies était prise, à voir les habitants effrayés courir aux armes. Les uns volent au secours des Sabins; les autres se jettent sur les Romains que l'assaut du camp occupe tout entiers. (3) Cette attaque les arrête et les trouble un moment; mais bientôt ils font face des deux côtés, et la cavalerie, lancée par le consul, enfonce et met en déroute les Étrusques; ainsi, à la même heure, furent vaincues deux armées et deux nations les plus puissantes et les plus grandes des nations voisines de Rome.

(4) Tandis que ces événements se passent devant Véies, les Volsques et les Èques étaient venus camper sur le territoire latin, et ravageaient les frontières. Les Latins, qui n'ont reçu de Rome ni un général, ni des secours, vont d'eux-mêmes, soutenus par les Herniques, enlever le camp ennemi; (5) ils y reprirent tout ce qu'on leur avait enlevé, et firent, en outre, un riche butin. Cependant on envoya de Rome contre les Volsques le consul Gaius Nautius. On trouvait mauvais, je pense, que des alliés prissent l'habitude de faire ainsi la guerre de leur propre mouvement et avec leurs propres forces sans qu'on leur envoyât de Rome un chef et une armée. (6) Il n'est sorte d'hostilités et d'outrages qu'on ne fit essuyer aux Volsques, et cependant on ne put les amener à livrer une bataille. 

Troubles à Rome; mort du tribun Gnaeus Génucius (473-472)

[II, 54]

(1) Lucius Furius et Gaius Manlius sont nommés consuls. La guerre contre Véies échut à Manlius; mais elle n'eut pas lieu. Les Véiens demandèrent une trêve de quarante ans, et on la leur accorda, moyennant un subside en argent et en blé. (2) À la paix extérieure succèdent immédiatement les discordes civiles : la loi agraire était toujours l'aiguillon dont les tribuns stimulaient la fureur du peuple. Les consuls, que n'effrayent ni la condamnation de Ménénius, ni le danger de Servilius, opposent une résistance énergique; mais, au sortir de charge, ils sont accusés par le tribun Gnaeus Génucius. (3) Lucius Aemilius et Opiter Verginius obtiennent le consulat. Je trouve dans quelques annales Vopiscus Julius à la place de Verginius.

Cette année-là, quels qu'en aient été les consuls, Furius et Manlius, mis en jugement, prennent des habits de deuil, et s'adressent moins encore au peuple qu'aux jeunes patriciens : (4) ils les exhortent, ils les engagent "à renoncer aux honneurs et au gouvernement de la république; à ne plus regarder les faisceaux consulaires, la prétexte et la chaise curule, que comme les ornements d'une pompe funèbre; tous ces brillants insignes sont comme les bandelettes dont on pare la victime pour la conduire à la mort. (5) Si le consulat a pour eux tant de charme, qu'ils se persuadent bien que cette magistrature est désormais asservie et opprimée par la puissance tribunitienne. Que le consul, devenu l'appariteur des tribuns, doit attendre, pour agir, un signe, Un ordre de ses chefs. (6) Pour peu qu'il fasse un mouvement et tourne ses regards vers le sénat, pour peu qu'il pense que dans la république il y a un autre élément que la plèbe, l'exil de Coriolan, la condamnation et la mort de Ménénius, doivent s'offrir aussitôt à ses yeux." (7) Animés par ce discours, les patriciens tiennent, non plus en public, mais en secret, des assemblées où ils n'admettent qu'un petit nombre d'amis. Là, comme il n'était question que de sauver les accusés par des voies justes ou injustes, les avis les plus violents étaient ceux qu'on goûtait le plus, et il ne manquait pas de bras prêts à exécuter les projets les plus hardis.

(8) Aussi, le jour du jugement arrivé, le peuple, qui se tenait sur le forum dans une attente pleine d'impatience, s'étonne d'abord de ne pas voir le tribun descendre dans le forum. Ensuite, ce long délai commence à paraître suspect; on croit que, gagné par les grands, il s'est désisté de son accusation; et l'on se plaint qu'il ait abandonné et trahi la cause publique. (9) Enfin, ceux qui se trouvaient devant le vestibule du tribun viennent annoncer qu'on l'a trouvé mort chez lui. À peine ce bruit s'est-il répandu dans l'assemblée, que, semblables à une armée qui a perdu son général, tous se dispersent de côté et d'autre. Les plus effrayés étaient les tribuns, qui apprennent, par la mort de leur collègue, à quel point les Lois Sacrées sont pour eux un faible secours. (10) Les patriciens, de leur côté, ne savent pas assez modérer l'expression de leur joie; on se repentait si peu de ce crime, que ceux-là mêmes qui en étaient innocents voulaient en paraître complices, et l'on disait hautement qu'il n'y avait que la violence qui pût dompter la puissance tribunitienne. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 


 

 
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