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Mythologie
 
 

 

 

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Histoire Romaine - traduction M. Nisard (1864)

Livre I - Des origines à la chute de la royauté

2. La préhistoire lavinate et albaine jusqu'à la fondation de Rome ([I, 1] à [I, 6])

 

Énée

[I, 1]

(1) C'est d'abord un fait assez constant, qu'après la prise de Troie la vengeance des Grecs, s'étant exercée sur le reste du peuple troyen, ne respecta qu'Énée et Anténor, soit que le droit d'une ancienne hospitalité les protégeât, soit que les conseils qu'ils avaient toujours donnés, de rendre Hélène et de faire la paix, engageassent le vainqueur à les épargner. (2) C'est encore une chose universellement connue, qu'après diverses aventures, Anténor, à la tête d'une troupe nombreuse d'Hénètes, qui, chassés de la Paphlagonie par une sédition, et privés de leur roi Pylémène, mort sous les murs de Troie, cherchaient un chef et une retraite, pénétra jusqu'au fond du golfe Adriatique, (3) et que, chassant devant eux les Euganéens, établis entre la mer et les Alpes, les Hénètes, réunis aux Troyens, prirent possession de leur territoire. Le lieu où ils descendirent d'abord a conservé le nom de Troie, ainsi que le canton qui en dépend, et toute la nation formée par eux porte le nom de Vénètes.

(4) Énée, rejeté de sa patrie par la même catastrophe, mais destiné par le sort à fonder de bien plus grandes choses, arriva d'abord en Macédoine, passa de là en Sicile, d'où, cherchant toujours une patrie, il vint aborder avec sa flotte au rivage de Laurente, appelé aussi du nom de Troie. (5) À peine sur cette plage, les Troyens, auxquels une si longue navigation sur ces mers, où ils erraient depuis tant d'années, n'avait laissé que des armes et des vaisseaux, se répandent dans les campagnes pour chercher du butin, lorsque le roi Latinus et les Aborigènes, qui occupaient alors le pays, accourent en armes de la ville et les alentours, pour repousser l'agression de ces étrangers. (6) Suivant les uns, ce ne fut qu'après une défaite que Latinus fit la paix et s'allia avec Énée. (7) Suivant d'autres, les armées étaient en présence, et on allait donner le signal, lorsque Latinus s'avança entouré de l'élite des siens, et invita le chef de ces étrangers à une entrevue. Il lui demanda quelle était leur nation, d'où ils venaient, quel malheur les avait exilés de leur pays, et quel projet les amenait sur les rivages Laurentins. (8) Lorsqu'il eut appris qu'ils étaient Troyens, que leur chef était Énée, fils d'Anchise et de Vénus, et que, fuyant leur patrie et leurs maisons en cendres, ils cherchaient un asile et un emplacement pour y bâtir une ville, pénétré d'admiration à l'aspect de ce peuple glorieux et de celui qui le conduisait, les voyant d'ailleurs disposés à la guerre comme à la paix, il tendit la main à Énée, pour gage de leur future amitié. (9) Le traité se fit alors entre les chefs, et les armées se rapprochèrent; Énée devint l'hôte de Latinus, et, dans son palais, à l'autel de ses dieux pénates, Latinus, pour resserrer par des noeuds domestiques l'union des deux peuples, lui donna sa fille en mariage. (10) Cette alliance affermit les Troyens dans l'espérance de voir enfin un établissement durable fixer leur destinée errante. Ils bâtissent une ville. Énée la nomme l.avinium, du nom de sa nouvelle épouse. (11) De ce mariage naquit bientôt, comme du premier, un fils qui reçut de ses parents le nom d'Ascagne. 

[I, 2]

(1) Les Aborigènes et les Troyens eurent une guerre commune à soutenir. Turnus, roi des Rutules, à qui Lavinie avait été promise avant l'arrivée d'Énée, indigné de se voir préféré un étranger, avait à la fois déclaré la guerre à Latinus et à Énée. (2) Aucune des deux armées n'eut à s'applaudir de l'issue du combat : les Rutules furent vaincus; la victoire coûta aux Aborigènes et aux Troyens leur chef Latinus. (3) Turnus et les Rutules, se défiant de leur fortune, cherchent un appui dans la puissance alors très florissante des Étrusques et de leur roi Mézence. Ce prince, qui dès l'origine avait établi le siège de son empire à Caeré, ville fort opulente, n'avait pas vu sans ombrage s'élever une cité nouvelle : croyant bientôt la sûreté des peuples voisins menacée par le rapide accroissement de la colonie troyenne, ce fut sans répugnance qu'il associa ses armes à celles des Rutules.

(4) Pressé de faire face à une ligue si formidable, Énée, pour s'assurer contre elle du dévouement des Aborigènes, voulut réunir sous le même nom deux peuples déjà soumis aux mêmes lois; il les confondit sous la dénomination commune de Latins. (5) Dès ce moment les Aborigènes ne le cédèrent aux Troyens ni en fidélité ni en zèle pour Énée : fort de ces dispositions, Énée, avec ces deux peuples dont l'union se resserrait chaque jour, osa braver la puissance des Étrusques, qui remplissaient alors du bruit de leur nom la terre et la mer dans toute la longueur de l'Italie, depuis les Alpes jusqu'au détroit de Sicile; et bien qu'il eût pu, à l'abri de ses murailles, tenir tête à l'ennemi, il fit sortir ses troupes et présenta le combat. (6) La victoire resta aux Latins; mais c'est là que se terminèrent les travaux mortels d'Énée : de quelque nom qu'il soit permis de l'appeler, il est enseveli sur les bords du Numicius : on le nomme Jupiter Indigète. 

Fondation d'Albe-la-Longue; la série des rois albains

(1) Ascagne, fils d'Énée, n'était pas encore en âge de régner : toutefois il atteignit la puberté sans que son pouvoir eût souffert d'atteinte. La tutelle d'une femme (tant Lavinie avait de force d'âme) suffit pour conserver aux Latins leur puissance, et à cet enfant le royaume de son aïeul et celui de son père. (2) Je ne déciderai point (car comment certifier des faits d'une si haute antiquité ?) si c'est bien d'Ascagne qu'il s'agit, ou d'un autre enfant né de Creuse, avant la chute de Troie, et qui accompagna son père dans sa fuite; de celui enfin qui portait le nom d'lule, et auquel la famille Julia rattache son origine. (3) Cet Ascagne donc (quelle que soit sa mère et le lieu de sa naissance, il est certain qu'il était fils d'Énée), voyant la population de Lavinium s'augmenter à l'excès, laissa cette ville, déjà florissante et considérable pour ces temps-là, à sa mère ou à sa belle-mère, et alla lui-même fonder, au pied du mont Albain, une ville nouvelle, qui, étendue en long sur le flanc de la montagne, prit de cette situation le nom d'Albe-la-Longue. (4) Entre la fondation de Lavinium et l'établissement de cette colonie sortie de son sein, il s'était écoulé environ trente ans. Et dans cet intervalle cet état avait pris un tel accroissement, surtout par la défaite des Étrusques, qu'à la mort même d'Énée, et ensuite pendant la régence d'une femme et l'apprentissage que faisait son jeune fils de l'art de régner, ni Mézence et ses Étrusques, ni aucun autre peuple voisin n'osèrent remuer. (5) Le traité de paix avait établi pour limite entre les Étrusques et les Latins, le fleuve Albula, aujourd'hui le Tibre.

(6) Ascagne a pour successeur Silvius son fils, né, je ne sais par quel hasard, au fond des forêts. (7) Il est père d'Énée Silvius, qui a pour fils Latinus Silvius. Celui-ci fonda quelques colonies; ce sont les Anciens Latins; (8) et depuis ce temps, Silvius resta le surnom commun de tous les rois d'Albe. Puis se succèdent de père en fils, Alba, Atys, Capys, Capétus, Tibérinus : celui-ci se noie en traversant le fleuve Albula, auquel il donne son nom, devenu si célèbre dans la postérité. (9) Tibérinus a pour fils Agrippa, qui lui succède et transmet le trône à Romulus Silvius. Ce Romulus, frappé de la foudre, laisse le sceptre aux mains d'Aventinus. Ce dernier, enseveli sur la colline qui fait aujourd'hui partie de la ville de Rome, lui donna son nom. (10) Procas, son successeur, père de Numitor et d'Amulius. lègue à Numitor, l'aîné de ses fils, l'antique royaume de la race des Silvius. Mais la violence prévalut sur la volonté d'un père et sur le respect pour le droit d'aînesse. (11) Amulius chasse son frère, et monte sur son trône : et, soutenant un crime par un nouveau crime, il fait périr tous les enfants mâles de ce frère : sous prétexte d'honorer Rhéa Silvia, fille d'Amulius, il en fait une vestale; lui ôte, en la condamnant à une éternelle virginité, l'espoir de devenir mère. 

Romulus et de Rémus : naissance, enfance, premiers exploits

(1) Mais les destins devaient sans doute au monde la naissance d'une ville si grande, et l'établissement de cet empire, le plus puissant après celui des dieux. (2) Devenue par la violence mère de deux enfants, soit conviction, soit dessein d'ennoblir sa faute par la complicité d'un dieu, la Vestale attribue à Mars cette douteuse paternité. (3) Mais ni les dieux ni les hommes ne peuvent soustraire la mère et les enfants à la cruauté du roi : la prêtresse, chargée de fers, est jetée en prison, et l'ordre est donné de précipiter les enfants dans le fleuve. (4) Par un merveilleux hasard, signe éclatant de la protection divine, le Tibre débordé avait franchi ses rives, et s'était répandu en étangs dont les eaux languissantes empêchaient d'arriver jusqu'à son lit ordinaire; cependant, malgré leur peu de profondeur et la tranquillité de leur cours, ceux qui exécutaient les ordres du roi les jugèrent encore assez profondes pour noyer des enfants. (5) Croyant donc remplir la commission royale, ils les abandonnèrent aux premiers flots, à l'endroit où s'élève aujourd'hui le figuier Ruminal, qui porta, dit-on, le nom de Romulaire.

(6) Ces lieux n'étaient alors qu'une vaste solitude. S'il faut en croire ce qu'on rapporte, les eaux, faibles en cet endroit, laissèrent à sec le berceau flottant qui portait les deux enfants : une louve altérée, descendue des montagnes d'alentour, accourut au bruit de leurs vagissements, et, leur présentant la mamelle, oublia tellement sa férocité, que l'intendant des troupeaux du roi la trouva caressant de la langue ses nourrissons. Faustulus (c'était, dit-on, le nom de cet homme) les emporta chez lui (7) et les confia aux soins de sa femme Larentia. Selon d'autres, cette Larentia était une prostituée à qui les bergers avaient donné le nom de Louve; c'est là l'origine de cette tradition merveilleuse. (8) Telles furent la naissance et l'éducation de ces enfants. À peine arrivés à l'âge de l'adolescence, ils dédaignent l'oisiveté d'une vie sédentaire et la garde des troupeaux; la chasse les entraîne dans les forêts d'alentour. (9) Mais, puisant dans ces fatigues la force et le courage, ils ne se bornent plus à donner la chasse aux bêtes féroces; ils attaquent les brigands chargés de butin, et partagent leurs dépouilles entre les bergers. Une foule de jeunes pâtres, chaque jour plus nombreuse, s'associe à leurs périls et à leurs jeux. 

[I, 5]

(1) Dès ce temps-là, la fête des Lupercales était célébrée sur le mont Palatin, appelé d'abord Pallantium, de Pallantée, ville d'Arcadie. (2) C'est là qu'Évandre, un des Arcadiens établis longtemps auparavant dans ces contrées, avait institué, d'après la coutume de son pays, cette solennité, où des jeunes gens, emportés par l'ivresse d'une joie licencieuse, couraient tout nus en l'honneur de Pan, protecteur des troupeaux, et que les Romains ont appelé depuis du nom d'lnuus. (3) Au milieu de ces fêtes, dont la célébration avait été annoncée, surpris à l'improviste par les brigands furieux de l'enlèvement de leur butin, Romulus se défend avec vigueur, Rémus est pris; ils livrent leur prisonnier au roi Amulius, et le noircissent à ses yeux. (4) Ils l'accusent surtout de faire, avec son frère, des incursions sur les terres de Numitor, et d'y conduire au pillage, comme en pays ennemi, une troupe armée de jeunes vagabonds. Rémus est donc livré à la vengeance de Numitor.

(5) Dès le commencement, Faustulus s'était flatté de l'espérance que ces nourrissons étaient de sang royal; car l'ordre donné par le roi, d'exposer des enfants nouveau-nés, était connu de lui, et l'époque où il les avait recueillis coïncidait avec cette circonstance; mais il n'avait pas voulu révéler ce secret avant le temps, à moins que l'occasion ou la nécessite ne le fissent parler : (6) la nécessité arriva la première. Cédant à la crainte, il dévoile à Romulus le secret de sa naissance. Le hasard avait voulu que, de son côté, Numitor, maître de la personne de Rémus, apprit que les deux frères étaient jumeaux, et qu'à leur âge, à leur noble fierté, le souvenir de ses petits-fils se réveillât dans son coeur; à force de questions il touchait à la vérité et n'était pas loin de reconnaître Rémus. (7) Ainsi de tous côtés un complot s'ourdit contre le roi. Romulus, trop faible pour agir à force ouverte, se garda bien de venir à la tête de ses pâtres; il leur ordonne de se rendre au palais à une heure convenue et par des chemins différents; là ils tombent sur le roi : à la tête des gens de Numitor, Rémus leur prête main-forte, et Amulius est massacré. 

[I, 6]

(1) À la faveur du premier trouble, Numitor va s'écriant que l'ennemi a pénétré dans la ville, qu'il assiège le palais, et il en écarte la jeunesse albaine en l'envoyant occuper et défendre la citadelle; puis, quand il voit les jeunes vainqueurs accourir en triomphe après ce coup de main, il convoque une assemblée, rappelle les attentats de son frère contre sa personne, l'origine de ses petits-fils, leur naissance, comment ils ont été élevés, à quels indices on les a reconnus, et il annonce la mort du tyran, et s'en déclare l'auteur. (2) Les jeunes frères se présentent au milieu de l'assemblée à la tête de leur troupe, saluent roi leur aïeul, et la multitude entraînée lui en confirme, par d'unanimes acclamations, le titre et l'autorité. 

 

 


 


 

 
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