Car un pays sans passé est un pays sans avenir...

 
Mythologie
 
 

 

 

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L'Angleterre sous les Plantagenêts (XII° - XIV° siècle)

CHAPITRE SIXIÈME : Edouard III (1327 - 1377) et Richard II (1377 - 1400), les derniers Plantagenêts

 

IV : Première phase du conflit : la guerre edwardienne (1337 à 1360)

           

            Si la guerre de Cent Ans est considérée par les historiens français comme un seul et unique conflit, leurs homologues anglais n’ont pas le même point de vue. En effet, ces derniers ont coutume de diviser cet affrontement en trois grandes phases : la guerre edwardienne, période au cours de laquelle Edouard III prit un important avantage sur le roi de France (de 1337 à 1360) ; la guerre caroline,  période au cours de laquelle le roi Charles V, grâce à sa stratégie de guérilla, parvint presque à chasser les Anglais du continent (de 1369 à 1389.) ; et la guerre lancastrienne, lorsque la nouvelle dynastie royale des Lancastre parvint à reprendre l’avantage (1415 à 1429).

 

1° Premières années de la guerre de Cent Ans – Bien que la guerre de Cent Ans fut déclarée en octobre 1337, les deux souverains mirent plusieurs années à récolter l’argent nécessaire à soutenir le conflit.

Royaume de France et royaume d'Angleterre en 1337.

Edouard III, en 1338, fut nommé vicaire général de l’Empire germanique par son allié Louis IV de Bavière. Cependant, l’Empereur se garda bien d’envoyer des troupes prêter assistance au roi d’Angleterre.

Philippe VI, quant à lui, assisté par ses mercenaires génois, décida de mettre en place un blocus contre l’Angleterre. Pillant régulièrement les ports anglais, le roi de France comptait ainsi détruire l’économie anglaise, très dépendante du commerce international.

 

Cependant, la révolte des Flamands, menée par Jacques Van Artevelde, entraîna la fuite de Louis I°, qui se réfugia en France à l’été 1338. Edouard III décida donc de profiter de l’occasion, et se rendit à Anvers en décembre 1339, afin de négocier avec les Flamands (il leur promit alors de leur rendre les villes de Lille, Douai et Orchie, prises par le roi de France Philippe IV, suite à la guerre de Flandre[1].).

Evidemment, ce comportement déplut fortement à Philippe VI. Ce dernier décida alors d’envoyer sa flotte à Sluis[2], à l’embouchure du canal reliant Bruges à la mer du Nord, afin de mettre en place un nouveau blocus.

Edouard III ne tarda guère à riposter, et les belligérants s’affrontèrent à la bataille de l’Ecluse, en juin 1340.

 

a) La bataille de l’Ecluse[3] (juin 1340) et ses suites : Edouard III, à la tête d’environ 250 navires (dont un certain nombre étaient des navires de transport.), mit le cap sur la Flandre en juin 1340.

Les Français, alliés de leurs mercenaires génois, étaient à la tête d’une flotte comptant près de quarante galères, une vingtaine de cogues[4], ainsi qu’une centaine de navires de commerce. Bien que possédant moins de navires, les Français étaient toutefois les plus nombreux, près de 20 000 hommes au total.

Les amiraux Hugues Quiéret et Nicolas Béhuchet, qui commandaient la flotte française, avaient reçu l’ordre d’empêcher le débarquement des troupes d’Edouard III. Les deux commandants n’ayant aucune expérience maritime, ils décidèrent d’obéir aux ordres en formant une triple rangée de navires (n’écoutant pas les conseils des Génois, qui avaient une excellente connaissance de la navigation.).

Nicolas Béhuchet, par SEURRE aîné, château de Versailles, Versailles.

 

Au petit matin, Edouard III décida d’attaquer les Français, ordonnant aux archers de lancer leurs flèches sur l’ennemi. Bien qu’étant plus nombreux que les Anglais, les Français subirent de lourdes pertes, les arbalétriers génois ne parvenant pas à rivaliser.

La bataille de l'Ecluse, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

Finalement, les deux belligérants se lancèrent dans de sanglants combats au corps à corps. Certaines sources affirment qu’à cette occasion, les deux amiraux français parvinrent à investir le vaisseau d’Edouard III, blessant ce dernier à la cuisse (faits prisonniers, ils furent rapidement exécutés.).

Dans l’après midi, le vent changea de direction, permettant à la flotte flamande de participer au combat[5]. Les Français, encerclés, n’eurent d’autre choix que la fuite, abandonnant leurs navires (nombreux furent ceux qui périrent noyés.).

 

Cette bataille fut un sanglant échec pour la France, qui n’eut d’autre conséquence que l’inversion du rapport de force maritime (l’on ne sait pas exactement combien de Français périrent, mais la flotte française fut en grande partie détruite.).

 

Suite à cette spectaculaire victoire, Edouard III débarqua donc en France. Cependant, il ne parvint pas à aller bien loin, son armée étant bloquée devant Tournai.

Le siège de Tournai par Edouard III, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Bruges, France, XV°siècle.

Edouard III décida alors de négocier avec son adversaire, signant la trêve d’Esplechin en septembre 1340. Philippe VI rendit à son rival la Guyenne et Ponthieu, et les Flamands furent amnistiés.

Suite à cet accord, l’Empereur Louis IV décida de se séparer du roi d’Angleterre, tout comme le comte de Hainaut, les deux hommes préférant se réfugier dans une confortable neutralité.

 

b) La première phase de la guerre de succession de Bretagne (1341 à 1343) : cependant, alors que la France et l’Angleterre semblaient être en voie de conclure une paix définitive, la crise de succession en Bretagne vint mettre un terme aux négociations.

 

Jean III, duc de Bretagne mourut en avril 1341, sans laisser de descendance mâle, malgré ses trois mariages. En outre, il n’avait pas choisi son successeur, entre Charles de Blois (ce dernier avait épousé Jeanne de Penthièvre, fille de Guy de Penthièvre, frère du défunt.) et Jean de Montfort (demi-frère de Jean III.).

Les funérailles de Jean III, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

La Bretagne étant alors une pairie, les deux prétendants s’empressèrent de se rendre à Paris afin de rendre hommage à Philippe VI.

Cependant, Charles de Blois étant le neveu du roi de France (sa mère Marguerite de Valois était la sœur de Philippe VI.), ce fut lui qui fut soutenu par la France.

Jean de Montfort tenta toutefois de faire valoir ses droits, en s’appuyant sur la loi salique, alors en vigueur en France mais pas en Bretagne (en effet, Charles de Blois prétendait au duché de Bretagne en vertu de son mariage avec Jeanne de Penthièvre.).

Finalement, Charles de Blois fut officiellement reconnu en septembre 1341 (ce dernier prêta immédiatement l’hommage lige à Philippe VI.), et l’on confisqua les fiefs français appartenant à Jean de Montfort, ce dernier étant accusé de s’être entendu avec Edouard III.

 

La première phase de la guerre de succession de Bretagne commença dès la fin de l’année 1341. En effet, Charles de Blois et son allié le duc de Normandie Jean (futur Jean II le bon, fils de Philippe VI.) pénétrèrent rapidement en Bretagne après avoir levé une petite armée.

L’expédition fut une franche réussite : les deux alliés s’emparèrent rapidement de Nantes, et capturèrent Jean de Montfort. Par la suite, les Bretons ne tardèrent pas à reconnaitre Charles de Blois comme duc légitime.

Après avoir aussi pris Rennes, Vannes et Auray, Charles de Blois marcha vers Hennebont, où se trouvait Jeanne de Flandre, l’épouse de Jean de Montfort. Cette dernière fit tout son possible afin d’exciter les défenseurs de la cité, dont Charles de Blois ne parvint pas à s’emparer.

Jeanne de Flandre et les défenseurs d'Hennebont accueillent avec joie les navires anglais, par Jean de Wavrin, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques d'Angleterre, Belgique, XV° siècle.

Jeanne de Flandre et les défenseurs d'Hennebont accueillent avec joie les navires anglais, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

En juin, voyant des navires anglais s’approcher d’Hennebont, Charles de Blois décida de reculer. Français et Anglais prirent par la suite leurs quartiers d’hiver, tout en continuant à surveiller précautionneusement l’ennemi.

Cependant, les belligérants consentirent à signer la trêve de Malestroit, en janvier 1343, par l’entremise du pape. Les Anglais prirent le contrôle de Brest et des places fortes de l’ouest encore fidèles à Jean de Montfort ; Charles de Blois fut reconnu comme duc dans le reste de la Bretagne.

 

c) Le retournement d’alliance en Flandre (1345) : en Flandre, la situation n’était pas au beau fixe pour le roi d’Angleterre. En effet, bien que ce dernier ait décidé de relancer le commerce de laine anglaise en direction de la Flandre, cela ne ramena pas la prospérité en Flandre.

En outre, le pape Clément VI avait lancé une excommunication contre les Flamands, qui n’avaient pas respecté leur parole vis-à-vis de la France en s’engageant du côté des Anglais.

Van Artevelde, qui avait été l’instigateur de ce rapprochement vers l’Angleterre, se retrouva donc sur la sellette.

Louis I°, quant à lui, décida alors de profiter de ce terrain favorable pour rentrer en Flandre.

Van Artevelde, quant à lui, continua à s’opposer au comte de Flandre, proposant au roi d’Angleterre d’offrir le comté à son fils Edouard, le futur Prince Noir.

Cependant, les oppositions se firent de plus en plus fortes, et Van Artevelde fut assassiné au cours d’une émeute, en juillet 1345.

L'assassinat de Jacques Artevelde, par Jean de Wavrin, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques d'Angleterre, Belgique, XV° siècle.

Dès lors, la Flandre décida de rallier la France contre Edouard III.

 

2° Les stratégies militaires d’Edouard III donnent l’avantage à l’Angleterre – Edouard III étant à la tête d’un pays bien moins peuplé que la France, savait qu’il ne pourrait jamais coloniser la France. C’est ainsi qu’il décida de se lancer dans une stratégie de pillage, dans le but de financer le conflit, sans tenir le terrain.

 

a) La première chevauchée : Edouard III débarqua en juillet 1346 à Saint Vaast la Hougue, en Normandie, lançant la première chevauchée anglaise. Une troupe de chevaliers anglais (environ 10 000 hommes selon les sources.), partant de Normandie, ravagèrent et pillèrent les régions qu’ils traversèrent, dans le nord de la France.

Les Anglais prirent Caen, pillèrent le Cotentin, et se dirigèrent ensuite vers la Flandre.

 

Philippe VI, en étant averti, décida alors de barrer la route au roi d’Angleterre.

Edouard III, apprenant que le roi de France était à sa poursuite, s’empressa de traverser la Somme, de peur d’être pris en tenaille par son adversaire, entre la mer et la rivière (il trouva un gué qu’il put traverser, les communes picardes ayant le contrôle du passage des ponts lui en ayant refusé l’accès.).

Conscient de son infériorité numérique. Edouard III, décida alors de choisir le lieu de la bataille. Bon stratège, le roi d’Angleterre s’installa sur une colline, non loin de Crécy (le 25 août au soir.). Ayant l’avantage du terrain, Edouard III ordonna à ses hommes de planter des pieux dans le sol afin de se prémunir contre les attaques de la cavalerie française. S’appuyant sur ses archers, Edouard III réutilisait la même tactique qu’au cours de la guerre de succession d’Ecosse.

Royaume de France et royaume d'Angleterre en 1346, et emplacement de la bataille de Crécy.

 

b) La bataille de Crécy (26 août 1346) : le 26 août au matin, les Français arrivèrent finalement sur le lieu de la bataille. Ces derniers étaient très supérieurs en nombre au Anglais (30 000 contre 15 000[6].), et comptaient de nombreux alliés à leurs côtés : les mercenaires génois (déjà présents à la bataille de l’Ecluse.), mais aussi le roi de Bohême Jean I° de Luxembourg, le duc de Savoie Louis I°, le duc d’Alençon Charles II de Valois (frère de Philippe VI.), le comte de Flandre Louis I°, etc.

 

C’est alors que les chevaliers français, sûrs de leur victoire, décidèrent alors de partir à l’assaut. Philippe VI leur ordonna alors de s’arrêter, ce qu’ils firent (en effet, l’objectif du roi était de remettre la bataille au lendemain, afin de pouvoir reconnaitre le terrain et se préparer au mieux à l’affrontement.).

Cependant, les troupes situées en seconde ligne n’écoutèrent pas l’ordre du roi, et voulurent attaquer malgré tout. Criant et s’enthousiasmant, ils entraînèrent ainsi les combattants à l’arrêt, et lancèrent l’assaut.

Au final, Philippe VI lui même, frappé lui aussi par cette ferveur guerrière, décida de charger l’ennemi.

La bataille de Crécy, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

 

Dans un premier temps, le roi de France envoya ses mercenaires génois en première ligne, afin d’entamer le combat. Cependant, il avait plu la veille, et ces derniers n’avaient pas eu la présence d’esprit de protéger leurs armes (contrairement aux archers anglais.). Ainsi, les cordes des arbalètes (fabriquées avec des crins et des cheveux.) avaient perdu toute leur puissance au contact de l’eau. En outre, les Génois étaient démunis de leurs pavois, qui étaient restés dans les bagages à l’arrière.

Les arbalétriers génois, tirant un carreau par minute, étaient incapables de résister contre les archers anglais, qui pouvaient tirer une flèche toutes les cinq secondes. De ce fait, incapables de résister aux attaques anglaises, et effrayés par les trois bombardes ennemies qui s’étaient mises à tonner (faisant cependant plus de peur que de mal.), les Génois décidèrent de prendre la fuite.

Philippe VI et les chevaliers français crurent alors immédiatement à une trahison. Ils décidèrent donc de s’attaquer à leurs propres mercenaires, aux cris de massacrez moi cette piétaille ![7]

 

Une fois débarrassés des Génois, les chevaliers français chargèrent la colline sur laquelle se trouvaient les Anglais[8]. Décimés par les flèches anglaises[9] et par les pièges posés la veille de l’affrontement, les Français lancèrent charges sur charges, en vain (à l’époque, les montures n’étaient que peu ou pas protégées.).

Les assauts français se poursuivirent jusqu’à tard dans la nuit, mais les Anglais restèrent vainqueurs de la bataille.

De nombreux chevaliers trouvèrent la mort ce jour là, Jean I° de Luxembourg, Charles II de Valois, Louis I° de Flandre, etc.

Quant à Philippe VI, il décida à la nuit tombée de quitter le champ de bataille, blessé et abasourdi par cette sanglante défaite.

 

3° Edouard III en position de force – En août 1346, après avoir emporté la bataille de Crécy, Edouard III se sentit en position de force, ayant mis à mal une armée ennemie supérieure en nombre. Il décida donc d’aller mettre le siège devant Calais.

 

a) L’intervention écossaise en Angleterre, nouvel épisode de la seconde guerre d’indépendance de l’Ecosse (octobre 1346) : Philippe VI, suite à la bataille de Crécy, n’osa pas s’attaquer de face au roi d’Angleterre.

Cependant, le roi de France demanda à ses alliés écossais d’attaquer Edouard III sur ces arrières, alors que le gros de ses troupes se trouvait devant Calais.

 

Le roi d’Ecosse David II, rentré en Ecosse en juin 1341, attaché à la Vieille Alliance, n’avait jamais négocié avec Edouard III. Au cours de l’année 1346, ayant mené quelques raids à la frontière, David II fut chargé par Philippe VI de préparer une invasion de l’Angleterre (l’objectif du roi de France était de menacer Edouard III sur ses arrières afin qu’il mette fin au siège de Calais.).

En octobre 1346, le roi d’Ecosse franchit alors la frontière anglaise, accompagné d’une dizaine de milliers d’hommes. Dans un premier temps, l’invasion se déroula dans de bonnes conditions, les Ecossais ne rencontrant pas de résistances. Cependant, plutôt que de jouer sur l’effet de surprise, David II préféra prendre son temps, pillant sans vergogne les territoires traversés.

Alors qu’ils se trouvaient près de Durham, les Ecossais apprirent que les Anglais, qui avaient levé une petite armée, marchaient dans leur direction.

David II, se souvenant des défaites de Dupplin Moor et de la colline Halidon, décida de prendre une position défensive sur une petite colline nommée Neuville’s Cross[10]. Cependant, les Anglais, deux fois moins nombreux que les Ecossais, décidèrent eux aussi de prendre une position défensive et attendirent.

La bataille de Neuville's Cross, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

Dans l’après midi, comme les Ecossais n’attaquaient pas, les Anglais décidèrent d’envoyer leurs archers en direction de l’ennemi, afin de les contraindre à lutter. Les Ecossais, situés sur un mauvais terrain, et harcelés par les flèches anglaises, ne tardèrent pas à prendre la fuite. A noter que l’ancien gardien de l’Ecosse Robert VII Stuart n’hésita pas à abandonner le roi à son triste sort ; un autre gardien de l’Ecosse, John Randolf, trouva la mort au cours de la bataille[11].

Perdant plus de la moitié de ses hommes, David II, lui-même blessé, fut alors capturé par l’ennemi. Envoyé dans la tour de Londres en janvier 1347, le roi d’Ecosse ne fut libéré qu’après onze années de détentions, contre une rançon de 100 000 marks.

Pendant la détention de David II, ce fut Robert VII Stuart qui reçut la régence et le titre de gardien de l’Ecosse.

 

b) Le siège de Calais (août 1346 à août 1347) : les Anglais ayant réussi à mettre un terme à l’invasion écossaise, Edouard III put donc achever le siège de Calais en toute tranquillité.

Le siège de Calais, par Jean de Wavrin, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques d'Angleterre, Belgique, XV° siècle.

Les Calaisiens, après un an de siège, ayant souffert toutes sortes de privations, décidèrent finalement de se rendre au roi d’Angleterre.

Dans un premier temps, Edouard III voulut se venger de la résistance des Calaisiens en les massacrant tous, mais consentit finalement à ne faire exécuter que six d’entre eux, issus de la haute bourgeoisie de la ville.

Ces derniers acceptèrent de se présenter pieds nus, vêtus d’une simple chemise et la corde au cou, offrant les clefs de la ville au roi d’Angleterre[12].

C’est alors que Philippa, l’épouse d’Edouard III, implora la clémence de son mari, lui demandant en pleurs d’épargner ces hommes.

Philippa implore Edouard III d'accorder sa grâce aux six bourgeois de Calais, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

Finalement, le roi d’Angleterre ne put résister aux supplications de son épouse et laissa la vie sauve aux six bourgeois de Calais.

 

A noter qu’en octobre 1347, peu de temps après la prise de Calais, l’Empereur Louis IV mourut. Son fils Louis V, duc de Bavière, décida alors de se rapprocher du roi d’Angleterre. En effet, à la mort de Louis IV, la couronne impériale (qui était transmise par élection et non par filiation.) échut à Charles IV, fils de Jean l’Aveugle[13].

Le nouvel Empereur était très attaché à la France. En effet, il avait choisi son nom en l’honneur du roi de France Charles IV, son oncle et parrain (en effet, Marie, sœur de Jean l’Aveugle, avait épousé le roi de France Charles IV.).

Edouard III, hésitant pendant plusieurs mois, décida finalement de ne pas soutenir la cause de Louis V (mai 1348.).

 

c) La peste noire (1347 à 1350) : cependant, alors que l’Angleterre était en train de l’emporter, l’Europe fut frappée par une terrible épidémie : la peste noire.

Le bassin méditerranéen n’avait pas connu de peste depuis le VI° siècle. Mais déjà à cette époque, le fléau avait été dévastateur. En effet, ce qui fut appelé la peste de Justinien (une épidémie provenant d’Ethiopie.) fut à l’origine du déficit démographique qui toucha l’Europe au Moyen âge[14].

 

La peste noire, quant à elle, se déclara en Asie centrale, vraisemblablement lors d’une guerre opposant Chinois et Mongols (sans doute vers 1335.).

Par la suite, ces derniers assiégèrent Caffa, une cité génoise se trouvant sur les bords de la mer Noire (1346.). Les assaillants mongols eurent alors l’idée d’infecter la ville en y catapultant leurs cadavres.

Les Génois qui partirent de Caffa emportèrent avec eux la maladie, la transmettant à tous les ports dans lesquels ils firent escale : Messine, Gênes, Marseille (fin 1347.).

Par la suite, la peste noire se répandit comme une trainée de poudre, rencontrant en cette Europe dévastée par la guerre un excellent terreau.

La peste à Florence, par Boccace, enluminure issue de l'ouvrage le décaméron, XV° siècle.

En 1348, elle se répandit en Europe méridionale, et n’atteignit la moitié nord de l’Europe qu’au début de l’année 1349. En 1350, la peste continua sa route vers l’est et le nord, frappant la Scandinavie et la Russie.

Diffusion de la peste noire en Europe.

A noter que certaines cités ou pays ne furent pas touchés par la maladie, comme Bruges, Milan ou la Pologne. 

Au final, la très rapide propagation de ce fléau, d’Asie centrale jusqu’en Europe, constitue la preuve formelle que les échanges au Moyen âge étaient très nombreux[15].

 

Evidemment, la peste noire entraîna une grave crise en Europe.

A cette époque, la médecine était encore incompétente face à une telle épidémie, et les morts s’amassaient par milliers. De nombreux villages furent abandonnés, la forêt se développa, et les terres retombèrent en friche. La main d’œuvre devint de plus en plus chère, et la famine frappa durement les populations.

Nombreux sont ceux qui crurent voir en ce fléau une sorte de punition divine,  signe annonciateur de l’Apocalypse.

Une fois encore, ce furent les mêmes qui furent accusés d’avoir répandu la peste noire en empoisonnant les puits : juifs et gens du voyage furent alors persécutés par la population.

 

Aujourd’hui, l’on estime que l’épidémie tua près de la moitié de la population européenne. L’on constate des disparités entre les différents pays d’Europe, mais les chiffres restent grosso modo dans les mêmes proportions.

L’Angleterre, gravement touchée du fait de ses échanges commerciaux, aurait perdu plus de la moitié de sa population (près de 60 % de diminution.). L’Italie, nation marchande, aurait elle aussi perdu la moitié de sa population (avec un pic à Venise, la ville ayant perdu 75 % de ses habitants.). En France, la population passa de 17 à 10 millions, soit une diminution de 40 % de la population (l’Espagne semble avoir été touchée dans les mêmes proportions.). Enfin, d’autre pays furent moins touchés par la peste noire, comme l’Autriche, qui perdit « seulement » 30 % de sa population.

 

La peste noire, ravageant les campagnes et provoquant ainsi de graves problèmes économiques, contraignit les deux belligérants à mettre plusieurs réformes en place.

A cette époque, de nombreux paysans avaient été tués par l’épidémie de peste. La main d’œuvre se faisant rare, les propriétaires terriens furent donc contraints d’augmenter les salaires afin que leurs domaines soient labourés. Cependant, l’augmentation des salaires entraînait une importante hausse des prix, et donc une crise économique dans le pays.

 En 1349, Edouard III publia l’Ordonnance des Travailleurs, obligeant toute personne âgée de moins de 60 ans à travailler ; interdisant les propriétaires de verser des salaires supérieurs à leur niveau d’avant l’épidémie de peste ; obligeant les marchands à vendre la nourriture à un prix raisonnable.

Cependant, cette mesure n’ayant pas été appliquée, Edouard III fit publier par le parlement les Statuts des Travailleurs, en 1351.

Cette loi, très impopulaire (car elle conduisait à une baisse de salaire des paysans.), ne fut que très peu appliquée.

A noter que de semblables mesures furent aussi prises en France.

 

Angleterre et France souffrant démographiquement et économiquement à cause de la peste noire, décidèrent alors de conclure une trêve, qui dura jusqu’en 1355.

C’est alors que Philippe VI mourut,  en août 1350, peut être lui-même atteint par l’épidémie (Conformément à  la loi salique, ce fut son fils Jean II, né en avril 1319, qui monta sur le trône.).

Gisant de Philippe VI, 1365, église saint Denis, Paris.

 

A noter qu’Edouard III créa en 1348 l’Ordre de la Jarretière.

Lors d’une réception, une des maîtresses d’Edouard III perdit sa jarretière, que le roi s’empressa de ramasser. Plusieurs seigneurs ricanèrent en voyant leur souverain, ce à quoi ce dernier leur répondit Messieurs, honni soit qui mal y pense. Ceux qui rient maintenant seront très honorés d'en porter une semblable, car ce ruban sera mis en tel honneur que les railleurs eux-mêmes le chercheront avec empressement[16].

 

d) Lutte contre Jean II : Edouard III, apprenant la mort de Philippe VI, tenta de profiter de la mort de son rival pour se faire proclamer roi de France.

Afin d’accomplir son objectif, le roi d’Angleterre rassembla une flotte et tenta de débarquer en France. Cependant, la flotte française, commandée par Charles de la Cerda, favori du roi, parvint à intercepter Edouard III.

Les deux flottes s’affrontèrent alors au cours de la bataille de Winchelsea (appelée aussi bataille des Espagnols sur Mer, les Français ayant fait appel à leurs alliés castillans.), en août 1350.

Edouard III, accompagné par son fils Edouard, était à la tête d’une cinquantaine de navires ; Charles de la Cerda, par contre, n’en n’avait qu’une quarantaine de navires sous ses ordres.

A l’issue de l’affrontement, les Français furent vaincus (ils perdirent plus de la moitié de leurs navires.), mais ils parvinrent néanmoins à contrecarrer les plans de débarquement d’Edouard III.

 

e) Seconde phase de la guerre de succession de Bretagne (1343 à 1354) : comme nous l’avons vu précédemment, Charles de Blois et les Anglais avaient conclu une trêve, en janvier 1343[17]. En effet, Edouard III avait pris le contrôle de Brest et des places fortes encore fidèles à Jean de Montfort (en gros, l’ouest de la Bretagne.), et Charles de Blois possédait le reste.

 

Suite à la trêve de Malestroit, négociée par l’entremise du pape Clément VI, il fut convenu que Jean de Montfort soit libéré par les Français. Cependant, ces derniers refusèrent de le libérer, et il finit par s’échapper en mars 1345. Aidé par Edouard III, il mit le siège devant Quimper, dont Charles de Blois s’était emparé en 1344, mais ne parvint à s’emparer de la ville. Malade, il mourut en septembre de la même année, laissant derrière lui un fils âgé de six ans.

A la mort de son rival, Charles de Blois se retrouvait donc une fois de plus dans une situation avantageuse, comme il l’avait été lors de la première phase de la guerre de succession de Bretagne.

Cependant, le débarquement des Anglais en Normandie (juillet 1346.), leurs chevauchées dans le nord de la France, leur victoire à Crécy (août 1346.), et la prise de Calais (août 1347.) changea considérablement la donne.

Néanmoins, Charles de Blois décida de mettre le siège devant Vannes, cité aux mains des Anglais, et fief des partisans de Jean de Montfort. Cependant, au cours de la bataille de La Roche Derrien, Charles de Blois fut capturé par les Anglais, qui l’emprisonnèrent dans la tour de Londres.

Charles de Blois capturé à la bataille de Laroche Derrien, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

 

Les deux ducs en rivalité ayant été mis hors d’état de nuire, ce furent leurs épouses qui continuèrent la lutte : Jeanne de Penthièvre (épouse de Charles de Blois.) contre Jeanne de Flandre (épouse de Jean de Montfort.). C’est pourquoi la guerre de succession de Bretagne est parfois appelée guerre des deux Jeanne.

Un des combats les plus célèbres de cette époque fut le fameux combat des trente. En mars 1351, Jean de Beaumanoir (partisan de Charles de Blois.) rencontra Robert de Brandenburg (un Anglais partisan de Jean de Montfort.). Le premier voulait se plaindre au second des exactions commises par les troupes anglaises sur les paysans français.

L’Anglais ne voulut rien entendre et décida d’organiser un combat afin de régler l’attribution du territoire. C’est ainsi qu’eut lieu le combat des trente, trente chevaliers bretons (partisans de Charles de Blois.) s’opposant à trente chevaliers anglais (partisans de Charles de Montfort.).

Le combat des trente, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.

Le combat fut violent, et les Français finirent par avoir le dessus (selon les chroniques de l’époque, certains bretons seraient restés à cheval, ce qui leur aurait apporté un avantage indéniable.). A la mort de Brandenburg, les Anglais décidèrent de mettre fin au combat et se rendirent.

Cependant, cet affrontement ne régla rien, et les Anglais continuèrent leurs exactions en France.

 

Par la suite, en mars 1353, fut signé le traité de Westminster : Edouard III s’engagea à reconnaitre Charles de Blois comme duc de Bretagne, en échange d’une rançon de 300 000 écus. En outre, afin de sceller cette alliance, le fils de Jean de Montfort devait épouser Marie, la fille du roi d’Angleterre.

Cependant, les futurs époux étant cousins, il fallait que le pape délivre une autorisation, qu’il n’accorderait qu’avec l’aval du roi de France. Jean II le Bon accepta, et confia un rôle de plénipotentiaire à son favori, le connétable Charles de la Cerda.

Ce rendant en Normandie, Charles de la Cerda s’arrêta un soir à l’auberge de La Truie qui File, dans le village de L’aigle, en Normandie (janvier 1354.). Cependant, il était surveillé depuis plusieurs jours par des hommes de Charles II le Mauvais, roi de Navarre et comte d’Evreux.

Ce dernier, fils de Jeanne II de Navarre (la fille du défunt roi de France Louis X.), estimait avoir droit à la couronne de France de par sa filiation maternelle. Détestant Jean II et Charles de la Cerda, Charles le Mauvais tentait de déstabiliser le royaume de France, déjà en difficulté à cause de la guerre et de la peste.

De ce fait, le roi de Navarre désirait mettre à mal les accords de paix, préférant s’allier avec les Anglais afin de contraindre le roi de France à lui donner plus de pouvoir.

Charles le Mauvais ordonna donc à ses hommes de capturer le connétable, mais ses derniers interprétèrent mal ses ordres et le tuèrent.        

Au final, les plans du Navarrais furent une réussite, et les accords de paix entre les deux belligérants n’aboutirent pas. Ni la guerre de Cent Ans, ni la guerre de succession de Bretagne ne furent réglées[18].

 

f) Les chevauchées du Prince Noir (1355 à 1356), la bataille de Poitiers : quelques années plus tard, Edouard, le fils aîné du roi d’Angleterre, débarqua à Bordeaux. Ce dernier, ayant atteint l’âge adulte, était surnommé le Prince Noir, du fait de l’armure noire qu’il avait coutume de porter.

Le Prince Noir, gravure issue de l'ouvrage Cassell's history of England, Angleterre, 1902.

 

En septembre, il se lança dans une chevauchée dans le sud ouest de la France. Il dévasta la campagne, s’empara de Carcassonne et Narbonne, récoltant un important butin.

A la noël 1355, le Prince Noir rentra à Bordeaux, informant son père de sa réussite.

 

Au printemps 1356, Edouard se lança dans une nouvelle expédition, cette fois ci en direction du Poitou. Les Anglais ne parvinrent pas à s’emparer de Bourges, mais ils prirent Vierzon, dont la garnison fut massacrée.

Transportant un important butin, le Prince Noir décida de rentrer à Bordeaux, en passant par Poitiers.

 

Jean II, apprenant les exactions dont s’étaient rendus coupable les Anglais, décida de les poursuivre, à la tête d’une armée deux fois plus importante. En outre, afin d’aller plus vite, il se sépara d’une partie de son ost, afin de ne garder avec lui que les chevaliers.

Le roi de France parvint donc à intercepter son adversaire non loin de Poitiers. 

Royaume de France et royaume d'Angleterre en 1356, et emplacement de la bataille de Poitiers.

 

Avant même que la bataille ne fut engagée, le cardinal de Talleyrand Périgord, légat du pape Innocent VI, parvint à obtenir une trêve de 24 heures.

Le Prince Noir, conscient du désavantageux rapport de force (les Anglais étaient environ face à près de deux fois plus de Français.), offrit de rendre le butin et de ne pas porter les armes contre la France pendant sept ans.

Le roi de France et ses barons, forts de leur supériorité numérique, décidèrent de faire un exemple, en punissant sévèrement l’armée anglaise.

Les Français demandèrent alors au Prince Noir de se rendre sans conditions, mais ce dernier refusa, préférant livrer bataille que d'être fait prisonnier. Ce dernier avait au moins l’avantage du terrain, qu’il avait choisi précautionneusement

 

Au petit matin, l’avant-garde de l’armée française, dirigée par les maréchaux du roi, Jean de Clermont et Arnoul d’Audrehem, fut lancée à l’assaut.

Cependant, le terrain que les deux maréchaux et leurs troupes devaient parcourir était accidenté et bordé de haies, ce qui rendait d’autant plus difficile leur progression. En outre, les archers anglais n’étaient pas inactifs, profitant des difficultés rencontrées par les Français pour les cribler de flèches.

Le maréchal d’Audrehem fut rapidement capturé, et le maréchal de Clermont fut tué, ainsi que le connétable Gauthier VI de Brienne (qui avait chargé à ses côtés.).

Gauthier VI de Brienne, par LEQUIEN, château de Versailles, Versailles.

C’est alors que le premier corps d’armée, commandé par Philippe d’Orléans (âgé de vingt ans, il était le frère de Jean II.), décida de charger l’ennemi. Arrêtés à leur tour, les chevaliers décidèrent de se retirer.

Le second corps, commandé par le dauphin Charles V, âgé de dix huit ans, ne parvint pas lui non plus à défaire l’ennemi.

Le roi, commandant le troisième corps (accompagné de ses fils Louis, Jean et Philippe.), décida alors de se replier sur une petite butte située non loin de là. Il décida alors de faire reculer ses enfants, ne gardant à ses côtés que son cadet Philippe.

Refusant de quitter le champ de bataille, le roi mit pied à terre, hache d’armes à la main. Jean II préférait lutter avec honneur, sachant qu’il risquait d’être fait prisonnier, plutôt que de fuir lâchement et ternir encore un peu plus le nom des Valois.

Jean II en armure, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

 

Le roi et son fils, qui gagna dans ce combat le surnom de Hardi, se battirent avec vaillance. Philippe, se battant aux côtés de son père, prévenait se dernier lorsque l’ennemi se rapprochait imprudemment : père, gardez vous à droite ; père, gardez vous à gauche !

Jean II et Philippe lors de la bataille de Poitiers, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

 

Cependant, le Jean II et son fils furent finalement faits prisonniers par le Prince Noir.

 

Au final, cette défait fut encore plus humiliante que celle de Crécy.

Tout d’abord, le schéma de la bataille de Poitiers était identique à celui de la bataille de Crécy : deux mêmes batailles, deux mêmes stratégies, deux mêmes échecs. Preuve qu’en l’espace de dix ans, les Français n’avaient pas su faire évoluer leur technique militaire (les chevaux n’étaient toujours pas protégés, l’armée comptait encore principalement sur sa cavalerie, les Français n’avaient pas d’archers dans leurs rangs, etc.).

Jean II n’avait aucune notion de stratégie militaire, et en était resté à la conception de la guerre telle qu’elle se déroulait au XIII° siècle. En effet, à cette époque, les affrontements se résumaient à un engagement confus de chevaliers se ruant les uns sur les autres[19].

En outre, cette seconde bataille n’avait pas été livrée contre l’armée royale, comme lors de l’affrontement de 1346. Au contraire, le Prince Noir n’était à la tête que d’un petit corps expéditionnaire levé à la hâte en Guyenne, bien moins formé, bien moins expérimenté, et bien mien important que l’armée d’Edouard III.

Enfin, à Crécy, Philippe VI avait décidé de quitter le champ de bataille, voyant que l’affrontement avait été un échec. Jean II, quant à lui, décida de rester, quitte à se faire capturer par l’Anglais. Ce comportement fut sans doute héroïque, mais il causa de grands troubles dans le royaume de France.

Jean II captif d'Edouard III, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

 

g) Les traités de Londres (janvier 1358 et mars 1359) : suite à la capture de Jean II, ce fut Charles V qui fut chargé de diriger le pays. Cependant, le dauphin était encore jeune (il n’avait que 18 ans.) et manquait d’expérience. Etienne Marcel, prévôt des marchands de Paris et chef du Tiers état, décida donc d’en profiter pour contraindre le roi à mettre en place plusieurs réformes (son objectif était de mettre en place une monarchie constitutionnelle, semblable au modèle anglais.).

Etienne Marcel, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

Etienne marcel, afin de déstabiliser le jeune Charles V, décida de libérer Charles le Mauvais (il avait été emprisonné suite à l’assassinat de Charles de la Cerda.), de fomenter des troubles dans Paris, et de mettre en place des réformes bridant les pouvoirs du roi de France.

Edouard III, décidant de profiter de la situation délicate en France, parvint à contraindre Jean II de signer le premier traité de Londres, en janvier 1358. Le roi de France, soucieux de hâter sa libération, souhaitait en effet mettre fin au plus tôt aux troubles qui agitaient le royaume.

Jean II acceptait de céder à son rival les anciennes possessions d’Aquitaine des Plantagenêts : la Guyenne (confisquée par Philippe VI en 1337.), la Saintonge, le Poitou, le Limousin, le Périgord, le Quercy, le Rouergue et la Bigorre ; devait payer une rançon de quatre millions d’écus ; et Edouard III ne renonçait pas à la couronne de France.

 

En février 1358, les parisiens se révoltèrent en apprenant les clauses du premier traité de Londres. Charles Marcel décida alors de prendre la tête de l’insurrection, contraignant Charles V à rejeter le traité signé par Edouard III et Jean II.

Par la suite, au cours du printemps 1358, la situation en France dégénéra encore un peu plus, du fait de la Grande Jacquerie, un important soulèvement paysan.

Les jacques étaient exaspérés par la hausse de la rente seigneuriale, alors que le coût de la vie était de plus en plus excessif. En outre, les nobles n’assumaient plus leur rôle de protecteurs des petites gens, suite aux défaites de Crécy et de Poitiers. De ce fait, les paysans étaient laissés sans défense face aux grandes compagnies[20] qui sévissaient dans le pays.

Massacrant et pillant, les jacques reçurent alors le soutien d’Etienne Marcel, alors en guerre ouverte contre Charles V. Cependant, ce choix ne fut pas judicieux, car le dauphin mata la révolte des jacques dans le sang, en mai 1358 (peu de temps après, Charles Marcel, convaincu de trahison contre la couronne, fut assassiné par des Parisiens en colère.).

La déroute des Jacques devant Meaux, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

 

Charles V, bien que débarrassé d’Etienne Marcel, était néanmoins toujours dans une position critique : les grandes compagnies causaient toujours des ravages, et Charles le Mauvais représentait toujours une menace pour la couronne de France.

La mort d'Etienne Marcel, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

L'assassinat d'Etienne Marcel, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

Edouard III, profitant de la difficile situation en France, décida donc de durcir les conditions de libération de Jean II, lui faisant signer le second traité de Londres, en mars 1359 (appelé aussi l’endenture.).  

Par ce texte, Edouard III réclamait tous les territoires français ayant un jour appartenu aux Plantagenêts (rajoutant Calais, le Ponthieu, la Gascogne, l’Angoumois, l’Agenais, le Maine, la Touraine, l’Anjou et la Normandie à la liste des territoires réclamés en janvier 1358.). En outre, le roi d’Angleterre demandait à ce que le duc de Bretagne lui prête hommage, reconnaissant les partisans de Jean de Montfort. Enfin, les Français devaient toujours verser une rançon de quatre millions d’écus.

 

Cependant, Charles V refusa de signer ce traité, déclarant cette paix ni passable, ni traitable.

A noter que par la suite, en juin 1359, le dauphin s’empara de Melun, ou résidait Charles le Mauvais. Ce dernier fut alors contraint de se réfugier à Bordeaux, sous la protection du roi d’Angleterre.

 

h) Nouvelle expédition d’Edouard III (hiver 1359 – 1360) : apprenant le refus de Charles V de valider le second traité de Londres, le roi d’Angleterre décida de préparer une expédition contre la France.

Edouard III débarqua donc à Calais en octobre 1359, avec pour objectif de s’emparer de Reims, la ville du sacre.

Cependant, Charles V avait tiré les leçons des échecs de Crécy et Poitiers, et décida d’appliquer la stratégie de la terre déserte : il s’agissait pour les Français de rapatrier tous les habitants des campagnes à l’intérieure des cités fortifiées, ainsi que toutes les provisions et le matériel. En outre, il le roi de France décida de ne pas affronter l’armée anglaise en bataille rangée mais d’harceler ses arrières.

Edouard III chevaucha sans rencontrer âme qui vive jusqu’à Reims, et demanda alors la reddition de la cité. Les Rémois refusèrent, et le roi d’Angleterre décida alors d’assiéger la ville. Cependant, n’étant pas équipé pour soutenir un siège, Edouard III dut lever le camp au bout d’un mois.

Le siège de Reims par Edouard III, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Bruges, France, XV°siècle.

Dès lors, se dirigeant vers Paris, le roi d’Angleterre n’eut de cesse de rechercher l’affrontement avec les Français. Cependant, ces derniers obéirent aux ordres du roi : ils refusèrent de combattre en bataille rangée et lancèrent des embuscades à l’encontre des éclaireurs ou des retardataires de l’armée anglaise.

Noir de colère en constatant le comportement des Français qui décimaient son armée à petit feu, Edouard III commit de nombreuses déprédations lors de sa remontée vers Paris (destruction des récoltes, abatage du bétail, massacre des populations, etc.).

Finalement, une fois parvenu devant la capitale, le roi d’Angleterre décida d’assiéger la cité. Cependant, il dut abandonner le siège au bout d’une dizaine de jours, car beaucoup de ses hommes et de ses chevaux étaient morts, faute de vivres et de fourrage.

En outre, un raid de marin normands sur Winchelsea, en mars 1360, avait semé la panique en Angleterre. Enfin, l’armée anglaise eut à affronter un terrible orage de grêle, le 13 avril. Ce Lundi noir fut terrible pour les Anglais, qui eurent à souffrir de ce caprice du temps (les chroniques affirment que les grêlons, gros comme des œufs, abattirent des milliers de chevaux.). Beaucoup de Français virent dans cet orage un signe divin, réprouvant la présence des Anglais sur le continent.

Cette chevauchée fut un échec pour Edouard III, qui, bien que vaincu, détenait toujours prisonnier le roi de France Jean II.

 

i) Le traité de Brétigny (octobre 1360) : suite à cette chevauchée ratée, un nouveau traité fut négocié entre Edouard III et Jean II le Bon, le traité de Brétigny.

Le roi d’Angleterre recevait Calais, le Ponthieu, la Guyenne, la Gascogne, le Poitou, le Périgord, l’Angoumois, la Saintonge, l’Agenais, le Quercy, le Rouergue, et la Bigorre (en gros la totalité du sud ouest de la France, soit un tiers du royaume.).

En revanche, Edouard III abandonnait ses prétentions sur la Normandie, la Touraine, le Maine et l’Anjou ; abandonnait aussi la suzeraineté sur la Flandre et la Bretagne ; et renonçait au titre de roi de France.

En outre, la rançon de Jean II passait de quatre à trois millions d’écus.

Cependant, afin de s’assurer de la bonne application de ce traité, des otages français furent envoyés à Londres : le conseiller du roi Bonabes IV (sire de Rougé et de Derval.), ainsi que Louis d’Anjou (le second fils de Jean II.).

 

Royaume de France et royaume d'Angleterre en 1360, suite au traité de Brétigny.

 

Le traité de Brétigny étant accepté par Charles V, le roi d’Angleterre décida alors de libérer Jean II, qui rentra en France en 1360.

Cependant, suite à l’évasion de Louis d’Anjou, qui avait été laissé comme otage en Angleterre, Jean II décida de retourner sur l’île afin de prendre la place de son fils (janvier 1364.). Les raisons du geste du roi de France restent aujourd’hui troubles. Décida-t-il de prouver sa bonne foi, de quitter un pays ravagé par la guerre, ou bien de rejoindre sa maîtresse anglaise ?

Le retour de Jean II en Angleterre n’arrangea pas Edouard III, car Charles V refusa de verser la rançon pour la libération du roi de France (à noter que Jean II mourut en Angleterre en avril 1364.).

Gisant de Jean II, 1365, église saint Denis, Paris.

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[1] Ces trois villes étaient tombées sous le contrôle de la France suite à la guerre de Flandre, que nous avons vu en section II, chapitre septième, les Capétiens.

[2] Sluis signifie ‘écluse’ en néerlandais.

[3] A noter que cet affrontement est nommé bataille de Sluys par les Anglais (du nom du lieu ou se déroula la confrontation.).

[4] Les cogues étaient des petits voiliers, généralement utilisés pour faire du commerce, qui pouvaient servir lors d’expéditions de piraterie.

[5] A noter que certaines sources anglaises affirment que les Flamands ne participèrent pas au combat.

[6] Une estimation du nombre de belligérants est très difficile à donner, car les chroniques de l’époque estiment que les Français comptaient plus de 100 000 hommes, ce qui est totalement invraisemblable (ce chiffre ne fut atteint que sous le règne de Louis XIV.).

[7] D’autres sources affirment que les Génois furent massacrés car ils gênaient le passage des chevaliers français vers l’ennemi, impatients qu’ils étaient de capturer et rançonner des seigneurs anglais.

[8] Alors qu’il est stratégiquement très imprudent d’attaquer une position se trouvant en hauteur.

[9] Comme nous l’avons vu, un archer anglais, équipé de son arc long (longbow en anglais.), pouvait lancer entre 6 et 12 flèches à la minute. Les archers anglais étant près de 6 000, ils envoyaient près de 50 000 flèches par minute sur les hommes de Philippe VI, ce qui explique les très importantes pertes du côté français.

[10] La colline était nommée ainsi car il s’y trouvait une croix en pierre d’origine anglo-saxonne.

[11] John Randolf avait été fait prisonnier suite à la bataille de Boroghmuir, comme nous l’avons vu en a), 2, section II, chapitre sixième, l’Angleterre sous les Planatagenêts.

[12] Les chroniqueurs ont conservé leurs noms : Eustache de Saint Pierre, Jean de Vienne, Jean d’Aire, Andrieus d’Andres, ainsi que Pierre et Jacques de Wissart.

[13] Ce dernier avait participé à la bataille de Crécy et y avait trouvé la mort.

[14] Pour en savoir plus sur la peste de Justinien et l’Empereur qui donna son nom à cette maladie, voir le a), 4, section I, chapitre deuxième, l’Empire byzantin.

[15] En effet, le Moyen âge ne fut pas une période morne et sombre, où les populations vivaient reculées sur elles mêmes, contrairement à ce qu’affirmaient certains historiens du XIX° siècle, qui parvinrent néanmoins à propager cette fausse idée dans notre société contemporaine. 

[16] Aujourd’hui, cet ordre rassemblant 25 chevaliers existe toujours. Sa devise est Honi soit qui mal y pense (à noter qu’il n’y a qu’un ‘n’ à honni, à cause de l’orthographe médiévale.).

[17] Pour plus de détails sur la guerre de succession de Bretagne et sur la trêve de Malestroit, référez vous au b), 1, section IV, chapitre sixième, l’Angleterre sous les Plantagenêts.

[18] Pour en savoir plus sur Charles le Mauvais, voir la section II, chapitre premier, les Valois.

[19] Le meilleur exemple de ces affrontements peu tactiques reste la bataille de Bouvines (1214.), qui opposa le roi de France Philippe II Auguste à une coalition anglo-germanique. Pour en savoir plus sur cet affrontement, cliquez ici.

[20] Les grandes compagnies étaient constitués de mercenaires qui avaient été licenciés suite à l’arrêt des combats contre l’Angleterre.

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