Car un pays sans passé est un pays sans avenir...

 
Mythologie
 
 

 

 

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Les Capétiens


CHAPITRE CINQUIÈME : Louis IX (1226 à 1270)

 

IV : La septième croisade (1248 à 1250)

 

            1° Petite histoire de la Terre Sainte, de la sixième à la septième croisade (1228 à 1248) – Comme nous l’avons vu plus tôt, l’Empereur germanique Frédéric II de Hohenstaufen participa à la sixième croisade, en 1228. Toutefois, plutôt que de combattre les musulmans, ce dernier se contenta de négocier avec Al-Malik al-Kamil, sultan d’Egypte, de la dynastie des Ayyoubides[1].

Ainsi, Frédéric II reçut la ville de Jérusalem, mais les musulmans  installés dans la ville sainte devaient bénéficier de leur liberté de culte. Enfin, une trêve de dix ans fut signée entre les deux belligérants.

 

L’Empereur germanique, qui en novembre 1225 avait épousé Isabelle II, fille de Jean de Brienne et de Marie de Montferrat, avait des droits sur le royaume de Jérusalem (Marie était la fille de Conrad de Montferrat, qui avait été roi en 1192[2]).

Lors de son passage en Terre Sainte, Frédéric II évinça Jean de Brienne, se faisant couronner roi de Jérusalem en mars 1229.

La politique de l’Empereur germanique eut des répercussions très négatives, car elle laissait les Etats latins sans roi résident, laissant un pays en proie à la guerre civile (opposant partisans et adversaires de l’Empereur).

 

A compter de 1241, le Proche-Orient fut en proie aux pillages des Kwârizmiens, des pillards islamisés originaires d’Asie centrale.

Les envahisseurs, marchant vers la Terre Sainte, s’attaquèrent aux Ayyoubides comme au Francs. A l’été 1244, les Kwârizmiens s’emparèrent de Jérusalem, qui fut livrée au pillae. Cette annonce provoquant l’émoi en Europe, les Latins d’Orient décidèrent de riposter.

Gautier IV de Brienne, comte de Jaffa[3], rassembla une grande armée en fin d’année 1244, comptant des chevaliers, plusieurs ordres religieux militaires, ainsi que des musulmans ayyubides de Syrie[4].

En face, l’on retrouvait l’armée d’Al-Malik as-Sâlih[5], sultan d’Egypte, associé aux Kwârizmiens.

 

Les deux belligérants s’affrontèrent lors de la bataille de La Forbie, près de Gaza, qui s’acheva sur la victoire des Ayyubides d’Egypte. Gautier IV, sévèrement vaincu, fut capturé par l’ennemi ; au cours des années qui suivirent, les Egyptiens multiplièrent les offensives en Syrie : Al-Malik as-Salîh s’empara de Damas (1245), d’Ascalon (1247), ainsi que de la Galilée orientale.

 

            2° Maladie et vœu de Louis IX (1244) – Rentré malade de son expédition dans le Languedoc, Louis IX fut alité à Pontoise. Craignant pour sa vie, il fit le vœu, en décembre 1244, de partir en croisade s’il guérissait.

Retrouvant miraculeusement la santé, selon les sources d’époque, le roi de France décida de respecter sa promesse et prit la croix[6].

 

            3° Préparatifs pour la croisade (1245 à 1248) – Les trois frères du roi, Robert, Alphonse et Charles, firent de même, imités par une foule de seigneurs. Parmi ceux-ci, l’on retrouvait Hugues IV, duc de Bourgogne ; Hugues de Châtillon, comte de Blois[7] ; ainsi que de vieux fauteurs de troubles, tels que Pierre Mauclerc et Hugues X de Lusignan.

Thibaud IV, comte de Champagne, ne participa à l’expédition, mais fournit un millier de chevaliers (dont Jean, seigneur de Joinville et sénéchal de Champagne[8]) ; Louis IX reçut aussi des troupes de Flandres et de Bretagne, mais aussi d’Ecosse, d’Italie et d’Angleterre.

 

Les préparatifs durèrent trois ans, période pendant laquelle le roi de France dépensa d’importantes sommes d’argent afin de préparer son armée au futur conflit.

Statue de Saint Louis, Aigues Mortes.

 

Toutefois, l’on peut constater qu’à cette époque, l’esprit des premières croisades avait définitivement cédé sa place aux intérêts particuliers. Ainsi, le roi de France ne bénéficia guère de l’aide du pape Innocent IV, occupé par sa lutte contre Frédéric II (ce dernier fut déposé lors du concile de Lyon, en 1245) ; l’Empereur germanique, en bon terme avec les musulmans d’Egypte, avertit le sultan Al-Malik as-Sâlih de l’arrivée des croisés.

En Espagne, les rois chrétiens étaient occupés par la lente reconquista ; Venise, commerçant avec l’Egypte, craignait que la croisade de mette fin à leurs relations commerciales ; enfin, l’Europe orientale était quant à elle menacée par les invasions mongoles.

 

            4° Départ pour la croisade (1248) – Quand tout fut prêt, Louis IX confia la régence à sa mère, Blanche de Castille, puis descendit la vallée du Rhône.

 

En août 1248, l’armée royale arriva à Aigues-Mortes, premier port français donnant accès à la Méditerranée. La cité, bien qu’ancienne[9], n’était pas aussi bien équipée que les ports de Marseille ou de Toulon[10]. Toutefois, Louis IX décida d’embarquer à cet endroit, évitant ainsi d’entamer des négociations avec des puissances étrangères[11].

La porte Saint Antoine, Aigues Mortes.

 

A la fin du mois, Louis IX s’embarqua en direction de Chypre, fixé comme point de rendez vous général. Le roi de France hiverna dans l’île, profitant de cette période d’inaction pour élaborer une stratégie.

Ainsi, il fut décidé d’attaquer en direction de l’Egypte, afin d’échanger les territoires pris contre Jérusalem.

Toutefois, Louis IX repoussa les propositions des Ayyubides de Syrie, hostiles à leurs cousins d’Egypte, ne souhaitant pas s’allier avec des musulmans.     

 

            5° Débarquement en Egypte, prise de Damiette (juin 1249) – En juin 1249, les croisés quittèrent Chypre en direction de Damiette. Ces derniers, en arrivant à l’embouchure du Nil, s’aperçurent que le rivage était solidement défendu par les musulmans.

 

Selon les chroniques d’époque, Louis IX sauta à l’eau en premier, avançant vers la plage malgré la pluie de flèches qui s’abattait sur lui. Les croisés, suivant leur souverain, prirent pied sur le rivage, repoussant les Ayyoubides.

 

Le 5 juin, Al-Malik as-Sâlih se trouvait à Damas, croyant que les croisés débarqueraient en Terre Sainte. En l’absence de chefs, les musulmans décidèrent alors d’abandonner Damiette afin de reculer vers le sud, dans le delta du Nil.

La cité fut donc prise le lendemain par les croisés.

 

Suite à la prise de Damiette, Louis IX fut contraint d’attendre le reste de la flotte, qui avait été dispersée en raison d’une tempête. Lorsque l’armée fut finalement réunie, les croisés durent attendre la décrue du Nil, qui survint en fin d’année 1249.

Pendant cette période, le roi de France réfléchit à sa stratégie, hésitant en marcher sur Le Caire ou Alexandrie. La plupart des seigneurs se prononcèrent en faveur d’Alexandrie, qui perturberait grandement le commerce des Ayyoubides ; mais Robert, frère du roi, se prononça en faveur du Caire.

Par ailleurs, Louis IX refusa la proposition d’Al-Malik as-Salîh, qui, rentré en Egypte, proposa au roi de France d’échanger Damiette contre Jérusalem.

 

            6° Marche vers Le Caire, la bataille de Mansourah (novembre 1249 à février 1250) – Louis IX prit finalement le chemin du Caire à la fin novembre 1249.

Toutefois, les croisés furent contraints de traverser des campagnes récemment inondées, coupées de canaux, au milieu d’attaques incessantes. La marche s’en retrouva donc beaucoup ralentie.

 

A la fin décembre, les croisés arrivèrent près de la forteresse de Mansourah, où étaient réfugiés les musulmans. Toutefois, l’armée royale était coupée de la cité ennemie par un bras du Nil.

C’est alors qu’un bédouin, le 8 février 1250, indiqua un passage à gué, en échange d’une somme d’argent. Robert, le frère du roi, fut un des premiers à traverser, accompagné par plusieurs Templiers[12].

Robert, comte d'Artois, château de Versailles, Versailles.

 

Ce dernier mit alors en déroute les musulmans qui se trouvaient de l’autre côté du fleuve ; toutefois, plutôt que d’attendre le reste de l’armée, comme le roi l’avait ordonné, Robert, voyant les Ayyoubides en déroute, décida de les poursuivre.

Accompagné d’une centaine de chevaliers, il pénétra dans la forteresse de Mansourah. Cependant, les musulmans se réorganisèrent rapidement, et cernèrent les croisés dans les rues étroites de la ville. Robert fut tué, et ses compagnons, accablés de poutres, de pierres et de lances, périrent presque tous. Ainsi, seuls quelques chevaliers parvinrent à quitter la ville.

 

Par la suite, les Ayyoubides décidèrent d’effectuer une sortie, afin de repousser les croisés sur l’autre rive. Louis IX, qui arrivait au secours de son frère, ordonna à ses troupes d’accélérer la traversée du gué, parvenant finalement à repousser l’ennemi.

Le roi de France installa alors un camp sous les murs de la forteresse, où il fut à nouveau attaqué par les musulmans le 11 février. La bataille de Mansourah, sanglante mêlée, fut remportée de justesse par les croisés, qui repoussèrent l’ennemi une fois encore.

 

            7° Retraite et captivité de Louis IX (avril à mai 1250) – Bien qu’ayant rempoté la bataille de Mansourah, les croisés furent privés de leur approvisionnement suite à la capture de leur flotte par les Ayyoubides.

 

Après la famine vinrent les épidémies, engendrées par le manque d’hygiène et la pollution des eaux du Nil, où pourrissait quantité de cadavres.

Louis IX, au mois de mars, accepta finalement d’échanger Damiette contre Jérusalem, mais le nouveau sultan d’Egypte, Al-Malik al-Muazzam Tourân Châh (ce dernier avait succédé à son père, as-Salîh, décédé en novembre 1249), préféra refuser.

 

En avril 1250, Louis IX fut alors contraint de donner le signal de la retraite. Tourân Châh, quant à lui, décida de poursuivre les croisés.   

Le 6 avril, ces derniers tentèrent de négocier avec les Ayyoubides, souhaitant échanger Damiette contre Jérusalem ; mais, épuisés par la maladie et les privations, les croisés furent contraints de faire reddition le 7 avril 1250.

Cependant, les chrétiens étant encore nombreux (plus de 10 000), les malades et les blessés furent massacrés.

 

Fait prisonnier avec ses compagnons, Louis IX entama de nouvelles négociations avec Tourân Châh en vue de sa libération.

Le nouveau sultan proposa alors au roi de France la libération de l’armée royale contre la remise de Damiette et le paiement d’une rançon de 500 000 livres.

Saint Louis prisonnier, par Alexandre CABANEL, 1874, le Panthéon, Paris.

Cependant, en mai 1250, un évènement vint remettre en cause cet accord. En effet, Tourân Châh, qui passait pour un incapable, fut assassiné par les mamelouks[13], qui formaient sa garde personnelle. Le chef des mamelouks, Aybak, épousa alors Chajar ad-Durr, mère du défunt.

Ce dernier, après avoir songé à se débarrasser des prisonniers chrétiens, décida finalement de reprendre à son compte l’accord conclu par Tourân Châh.

Louis IX, qui avait en vain demandé une aide financière auprès des Templiers, envoya alors Jean de Joinville s’emparer des trésors de l’ordre du Temple.

 

Libéré suite au paiement de la rançon, renvoya ses frères en France. Puis, quittant l’Egypte le 8 mai, il arriva à Saint-Jean-d’Acre peu de temps après.

 

            8° L’action de Louis IX en Terre Sainte (1250 à 1254) – Malgré son échec en Egypte, Louis IX refusa de rentrer en France sans avoir rétabli l’ordre en Terre Sainte.

Débarquant à Saint-Jean-d’Acre le 13 mai 1250, le roi de France sut jouer de l’hostilité entre mamelouks d’Egypte et Ayyoubides de Syrie.

Toutefois, à cette époque, les Etats latins étaient en pleine anarchie. Ainsi, le roi de Jérusalem, Frédéric II, ne résidait pas en Terre Sainte ; les ordres religieux militaires, autrefois soumis à la couronne, étaient désormais indépendants ; et la Syrie franque avait été réduite à une fine bande territoriale sur la côté méditerranéenne.

   

Louis IX, agissant comme un roi, tenta de rétablir l’ordre dans la région. Dans un premier temps, il déclara la majorité de Bohémond VI, prince d’Antioche et comte de Tripoli, contraignant le jeune homme à se réconcilier avec le royaume arménien de Cilicie[14] (l’alliance fut scellée par le mariage de Bohémond VI avec Sibylle, fille d’Hethoum, roi d’Arménie) ; il restaura les fortifications des cités de Jaffa, Saint-Jean-d’Acre, Césarée et Sidon ; enfin, il tenta d’imposer son autorité aux turbulents ordres religieux militaires.  

 

D’un point de vue diplomatique, le roi de France hésita entre l’alliance syrienne ou l’alliance égyptienne. Dans un premier temps, Louis IX reçut des propositions intéressantes de la part des Ayyoubides, mais les Mamelouks retenaient encore en otage de nombreux croisés.

Ainsi, en 1252, le Capétien décida d’instaurer une alliance avec le sultan Aybak.

 

Enfin, Louis IX envoya une ambassade auprès d’Hulägu Khan, souverain de Perse[15] (l’action du roi de France permit l’établissement d’une alliance entre les Mongols, l’Arménie et Antioche-Tripoli) ; et il entra en contact avec le grand-maître de la secte des Assassins[16].

 

Blanche de Castille, à qui Louis IX avait confié la régence du royaume, mourut en novembre 1252. Apprenant la nouvelle au printemps 1253, et désormais contraint de rentrer au plus tôt, le roi de France s’embarqua à Saint-Jean-d’Acre en avril 1254.

Louis IX laissait en Terre Sainte un sénéchal, assisté d’une centaine de chevaliers et de fantassins.

 

            9° Bilan de la septième croisade – Malgré l’échec de la campagne d’Egypte, Louis IX avait réussi à imposer son autorité en Syrie franque.

Toutefois, suite au départ du roi de France, les Etats latins sombrèrent à nouveau dans l’anarchie, incapables de s’allier avec les Mongols ou de lutter efficacement contre les mamelouks.

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[1] Les Ayyoubides, descendants de Saladin, étaient à la tête d’un royaume s’étendant de l’Egypte au Proche-Orient.

[2] Pour en savoir plus sur Conrad de Montferrat, voir le c, 2, section II, chapitre quatrième, les Capétiens.

[3] Ce dernier était le neveu de Jean de Brienne.

[4] Ces derniers étaient hostiles aux Ayyubides d’Egypte.

[5] Ce dernier était le fils d’Al-Malik al-Kamil.

[6] C'est-à-dire participer à la croisade.

[7] A noter que ce dernier mourut avant d’embarquer pour la Terre Sainte, ayant reçu un coup de pierre à Avignon.

[8] Jean de Joinville fut le biographe de Louis IX. Il acheva son ouvrage en 1309.

[9] Les traces d’habitations à Aigues-Mortes remontent à l’Antiquité.

[10] A noter que les remparts d’Aigues-Mortes, encore intacts aujourd’hui, ne furent érigés que sous le règne de son fils, Philippe III.

[11] La Provence ne fut rattachée au domaine royal qu’au XV° siècle.

[12] L’ordre du Temple était une congrégation religieuse et militaire, fondée à Jérusalem en 1119. Pour en savoir plus à ce sujet, voir le 2, section VII, chapitre deuxième, les croisades.

[13] Les mamelouks, formant la garde des sultans ayyoubides, étaient originaires d’Asie centrale. A chaque génération, ces derniers enlevaient des enfants dans des pays non-musulmans, qui intégraient à l’âge adulte le corps des mamelouks.

[14] Le royaume arménien de Cilicie, fondé à l’époque de la première croisade, avait profité de l’anarchie des Etats latins pour augmenter son influence dans la région.

[15] Hulägu Khan était le petit fils de Gengis Khan, qui avait fondé un Empire s’étendant de la mer de Chine à la Russie. A noter que les conquêtes de Gengis Khan formèrent le plus grand royaume connu à ce jour, bien qu’il n’eut pas la longévité de l’Empire romain.

[16] Les assassins sont communément désignés sous le nom de Nizârites, disciples de l’imam Nizâr (sa maxime « rien n’est vrai, tout est permis », avait pour objectif de promouvoir le libre-arbitre. Selon la thèse en vigueur depuis les croisades, l’étymologie du terme « assassin » proviendrait de l’italien assessino, lui-même tiré de l’arabe hashishiyyin (désignant un consommateur de haschich).

 
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