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Mythologie
 
 

 

 

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Les Carolingiens

 

CHAPITRE PREMIER : Les premiers Carolingiens (687 à 768)


III : Pépin III le Bref (741 à 768)

 

            1° Le partage de 741, la révolte de Griffon (742 à 745) – Conformément à la tradition franque, Charles divisa son royaume entre ses fils, Carloman (né vers 710) et Pépin III le Bref[1] (né vers 715). Ainsi, l’aîné reçut l’Austrasie, la Thuringe et l’Alémanie ; le cadet eut la Neustrie, la Burgondie et la Provence.

Carloman, Pépin III et son épouse Bertrade, école française du XIII° siècle, château de Versailles, Versailles.

 

Toutefois, ce partage ne plût guère à Griffon, quatrième fils de Charles Martel (né vers 726), qui, encouragé par sa mère Swanahilde, souhaitait récupérer une partie de l’héritage de son père. D’autant qu’à l’origine, Charles Martel avait prévu d’inclure Griffon dans la succession, mais ce dernier avait été écarté par Carloman et Pépin.

En 742, Griffon se réfugia à Laon, où il déclara la guerre à ses frères. Ce dernier reçut alors le soutien d’Hunoald, duc d’Aquitaine (ce dernier était le fils d’Eudes), d’Odilon, duc de Bavière, et de Théodebald, duc d’Alémanie (ces ducs gouvernaient des provinces qui avaient déjà montré leur hostilité aux Pipinides).

Si Carloman et Pépin, assiégeant Laon, reçurent rapidement la soumission de Griffon, ses alliés poursuivirent la lutte pendant encore plusieurs années. L’insurgé fut quant à lui interné à Vaux-sous-Chèvremont, près de Liège ; sa mère étant cloîtrée dans l’abbaye de Chelles, en Seine-et-Marne.

 

En 743, Carloman et Pépin décidèrent de placer un roi mérovingien sur le trône, afin d’obtenir une certaine légitimité : il s’agissait de Childéric III, présenté comme un fils de Chilpéric II.

Par la suite, Carloman et Pépin l’emportèrent sur Odilon et Théodebald, puis ils marchèrent l’année suivante contre Hunoald, qui avait franchi la Loire et incendié Chartres. Le duc d’Aquitaine, déplorant d’importantes pertes, fut finalement contraint de se soumettre.

En 745, Hunoald partit pour un monastère de l’île de Ré. Avant de partir, il transmit son duché à son fils Waïfre, puis creva les yeux à son frère Hatton, resté fidèle aux Pipinides.

 

            2° La réforme de l’Eglise (744) – Une fois la paix revenue, Carloman et pépin décidèrent de mettre en place une réforme de l’Eglise, à l’appel de Boniface, archevêque de Mayence.

Ce dernier considérait que trop d’abus avaient été commis lors de la nomination des évêques (rappelons que Charles Martel avait placé ses anciens soldats dans plusieurs diocèses), et que de nombreux ecclésiastiques menaient une vie de débauche.

 

Ainsi, deux conciles se tinrent à l’instigation des deux frères, sous la présidence de Boniface : l'un en Austrasie, au printemps 743, à la demande de Carloman ; l’autre en Neustrie, au printemps 744, à la demande de Pépin. 

 

Ainsi, les deux souverains acceptèrent que les terres confisquées à l’Eglise soient rendues à la mort du bénéficiaire ; les évêques indignes furent déposés ; enfin, défense fut faite aux clercs de porter les armes, de chasser ou de revêtir l’habit laïque.

A noter que Carloman et Pépin souhaitaient recevoir le soutien de Boniface, qui avait entrepris une grande mission d’évangélisation de la Germanie. Ainsi, les deux souverains espéraient que la conversion de cette province entrainerait sa pacification, et donc une future annexion au royaume franc.

 

            3° L’abdication de Carloman, deuxième révolte de Griffon (747 à 749) – Mais en 747, Carloman, vraisemblablement influencé par Boniface, décida d’abdiquer afin d’épouser la vie monastique (certaines chroniques affirment qu’il aurait souhaité expier le massacre de Cannstatt, survenu l’année précédente, au cours duquel les Francs massacrèrent par ruse toute la noblesse d’Alémanie).

 

a) L’abdication de Carloman (747) : ainsi, Carloman quitta l’Austrasie afin de se retirer au monastère du Mont-Cassin[2], en Italie.

Avant de quitter le royaume, il transmit son héritage à son fils Drogon, fruit de son union avec une concubine dont ne connaissons pas le nom[3].

Drogon, présentant une menace pour Pépin III, fut évincé du pouvoir vers 750.

 

b) Deuxième révolte de Griffon (747 à 749) : Griffon, interné à Vaux-sous-Chèvremont depuis l’insurrection de 742, fut libéré par Carloman suite à son abdication. Il se réfugia alors en Bavière, auprès du duc Odilon.

A la mort de se dernier, en 748, Griffon s’arrogea la succession du défunt, devenant duc de Bavière.

 

Mais Pépin, qui ne souhait pas voir un rival dans cette province agitée, décida de se poser en défenseur des droits de son neveu Tassilon, fils d’Odilon et d’Hiltrude (cette dernière étant la fille de Charles Martel et de Rotrude).

En contrepartie, Griffon reçut plusieurs comtés de Neustrie, dont celui du Mans (peut être aussi le comté de Paris).

 

            4° Pépin III roi des Francs, troisième révolte de Griffon (751) – Pépin, désormais seul à la tête du royaume des Francs depuis l’éviction de Drogon, souhaitait troquer le titre de duc contre celui de roi[4].

Toutefois, cette entreprise n’était pas sans risque, sachant que les souverains légitimes étaient les Mérovingiens et non les Pipinides.

 

a) Pépin III roi des Francs, le sacre de 751 : dans un premier temps, Pépin décida de se rapprocher de la papauté, envoyant la missive suivante au pape Zacharie : Lequel mérite d’être roi ? Celui qui demeure sans inquiétude et sans péril en son logis, ou celui qui supporte le poids de tout le royaume ?

La réponse du pape fut que celui qui avait le pouvoir méritait d’avoir le titre.

 

Recevant l’aval de la papauté, Pépin décida de déposer Childéric III, qui fut tondu et enfermé dans un monastère de Saint Omer[5] (son fils Thierry fut quant à lui placé dans l’abbaye de Fontenelle). Par ce geste, le Pipinide mettait fin à la dynastie mérovingienne, qui avait gouverné la Gaule pendant plus de trois siècles.

La déposition de Childéric III, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.

 

Par la suite, Pépin se rendit à Soissons, où il fut élevé sur le pavois par les leudes de Neustrie. Puis, il reçut l’onction sainte des mains de Boniface, archevêque de Mayence. Cette cérémonie, héritée des Wisigoths (qui s’étaient eux-mêmes inspirés de l’onction des rois d’Israël dans la Bible), se perpétua jusqu’à la chute de l’ancien régime.

Par cette onction, Pépin III devenait un souverain de droit divin, à l’instar du mythique roi David.

Le sacre de Pépin le Bref, par Jean Fouquet, enluminure issue de l'ouvrage Grandes chroniques de France, Paris, France, XV°siècle.

 

b) Troisième révolte de Griffon : le changement de dynastie ne provoqua guère d’émotions. En effet, les Mérovingiens ne régnaient plus depuis près d’un siècle, le sacre de Pépin III parût naturel à de nombreux sujets.

 

Mais Griffon, demi-frère de Pépin, profita de l’éviction de Childéric III pour se révolter encore une fois. Ce dernier s’allia avec Waïfre, duc d’Aquitaine, et aussi avec les Bretons.

Après deux années de lutte, Griffon fut contraint d’abandonner ses Etats, menacé par la progression de Pépin. Souhaitant se réfugier auprès des Lombards, il fut tué par des Francs lors du passage des Alpes.

Aujourd’hui, l’on ne sait pas si Griffon eut une descendance.

 

            5° Pépin III contre les Lombards (754 à 756) – Depuis la conquête de l’Italie par les troupes de l’Empereur Justinien[6], au VI° siècle, Rome avait été soumise à l’autorité du souverain de Constantinople. Toutefois, la péninsule italique fut la cible des invasions lombardes, au cours de la deuxième moitié du VI° siècle, qui contraignirent les Byzantins à reculer.

En l’espace de 200 ans, les Lombards étaient parvenus à s’emparer de toute l’Italie, à l’exception de Rome, Ravenne, et de la Sicile.

 

a) Rome à la recherche d’alliés : en 752, les Lombards prirent Ravenne, isolant dangereusement le pape Etienne II[7]. L’ennemi menaçant désormais Rome, le souverain pontife chercha le soutien de Constantinople. Mais en vain, car l’Empereur Constantin V, empêtré dans la querelle de l’iconoclasme[8], souhaitait au contraire consolider ses possessions en Grèce et en Asie mineure.     

Etienne II décida alors de se tourner vers Pépin III, le roi des Francs étant redevable à la papauté suite au renversement de la dynastie des Mérovingiens[9].

 

Traversant les Alpes pendant l’hiver 753, le pape avança en direction du palais de Ponthion, en Champagne. Etienne II y fut reçu avec les honneurs, Pépin III tenant même l’étrier de son hôte lorsqu’il descendit de cheval.

S’installant à Saint Denis, le pape signa avec le roi des Francs un accord définitif en avril 754, la donation de Quierzy : Pépin s’engageait à prendre les armes contre les Lombards et à restituer à la papauté la cité de Ravenne ; en contrepartie, Etienne II procéderait à un nouveau sacre, couronnant le roi des Francs mais aussi ses fils.

 

b) Le sacre de 754 : en juillet 754, soit trois années après le premier sacre, Pépin III fut nommé patrice[10] et reçut à nouveau l’onction sainte. Ses fils, Charles et Carloman, furent sacrés au cours de la cérémonie ; Leur mère, Bertrade de Laon, reçut quant à elle la bénédiction d’Etienne II.

Sacre de Pépin le Bref par le pape Etienne III à Saint Denis, 28 juillet 754, par François DUBOIS, 1837, château de Versailles, Versailles.

 

Enfin, le pape confirma la prise de pouvoir des Pipinides, déclarant anathème[11] quiconque obéirait à une autre famille royale. 

 

b) La guerre contre les Lombards (754 à 756) : en fin d’année 754, Pépin III envoya une ambassade auprès d’Astolphe, roi des Lombards. Ne recevant pas de réponse, le roi des Francs décida de franchir les Alpes, assiégeant les Lombards devant Pavie.

Les Francs parvenant à prendre la cité, Astolphe fut contraint de se soumettre, et Pépin III décida de rentrer en Gaule.

 

Toutefois, à peine les armées franques avaient elles franchi les Alpes que le roi des Lombards vint assiéger Rome en plein hiver.

Ainsi, au printemps 756, Pépin III revint en Italie, assiégeant Pavie une fois de plus. Astolphe fut alors contraint de lever le siège de Rome, faisant soumission une fois encore : ce dernier s’engageait à remettre à Pépin les provinces prises aux Grecs, livrer le tiers de son trésor et payer un tribut annuel.

 

A l’issue du conflit, Pépin céda à la papauté les territoires qu’il avait pris aux Lombards : Ravenne, Pérouse, ainsi que les provinces de Romagne et d’Emilie. Ces possessions formèrent les Etats Pontificaux, qui furent annexés au royaume d’Italie en 1870[12].  

 

A noter que Constantin V, qui n’avait pas participé au conflit, intervint afin de réclamer Ravenne, possession byzantine avant la prise de la ville par les Lombards. Toutefois, Pépin ne tint pas compte de ces réclamations ; du côté de la papauté, Rome profita de ces évènements pour prendre son indépendance vis-à-vis de l’Eglise d’Orient.

 

            5° Réforme monétaire de Pépin III (756) – Alors que la guerre contre les Lombards touchait à son terme, le roi des Francs décida de procéder à une réforme monétaire d’importance.

 

En 755, Pépin promulgua le capitulaire de Ver, destiné à uniformiser le poids et la forme du denier[13] d’argent[14] (les monnaies en or furent peu à peu abandonnées, ce métal étant devenu trop rare en occident). Ainsi, le roi des Francs décida qu’il faudrait 22 sous pour faire une livre d’argent.

 

A noter que ce fut sous le règne de Charlemagne que fut définitivement adopté le système des trois monnaies, qui subsista jusqu’à la Révolution française : la livre (l’équivalent de 489 grammes d’argent), le sou (20 sous valaient une livre), et le denier (soit 240 deniers pour une livre, ou 12 deniers pour un sou).

Deniers de Pépin III, VIII° siècle, Bode museum, Berlin.

 

L’année suivante, Pépin III instaura la dîme en faveur du clergé. Paysans et artisans devaient donc céder 10% de leur production à l’Eglise (en règle générale, un quart de cet impôt revenait à l’évêché, le reste à la paroisse[15]).

 

            6° Dernières guerres de Pépin (754 à 768) – Si l’Eglise avait officiellement reconnu la dynastie des Pipinides, le roi des Francs fut toutefois contraint de guerroyer pendant de nombreuses années afin de rétablir l’autorité royale.

 

a) Contre les Saxons et les Bretons (vers 758) : en 758, suite au conflit contre les Lombards, Pépin fit la guerre aux Saxons. Ces derniers firent finalement soumission, acceptant de continuer à payer un tribut annuel. La même année, le roi des Francs contraignit les Bretons à reconnaître sa suzeraineté.

 

b) Contre les musulmans de Septimanie (759) : en 759, Pépin acheva la conquête de la Septimanie, commencée par Charles Martel. Narbonne, capitale des musulmans, fut prise, contraignant les envahisseurs à quitter définitivement la Gaule.

 

c) Contre le duc Waïfre d’Aquitaine (760 à 768) : nous avons vu précédemment que le duché d’Aquitaine avait toujours eu une politique hostile aux Pipinides.

Si Charles Martel avait réussi à imposer son autorité sur cette province, suite à la bataille de Poitiers, le duc Waïfre ne tarda guère à se révolter. Ce dernier, soutenu par les rebelles basques, s’opposa au roi des Francs pendant près d’une décennie.

 

La guerre entre les deux belligérants s’accompagna de graves déprédations. En 761, les troupes de Pépin III incendièrent une partie de Clermont-Ferrand, ce qui entraîna la destruction de l’église Notre-Dame-du-Port. Menacé d’excommunication par le pape Paul I°[16], le roi des Francs fut contraint de verser d’importantes sommes pour la restauration de l’édifice.

 

Pendant huit années, Pépin III fit la guerre à son vassal, prenant finalement Bordeaux en 768. A Saintes, il captura la famille royale (à savoir la mère, la sœur et les nièces de Waïfre), alors que le duc d’Aquitaine était en fuite.

En juin 768, Waïfre fut assassiné, peut être par des traîtres payés par Pépin. Le duché d’Aquitaine revint alors à son fils Hunoald II, qui se révolta dès l’année suivante.

 

            7° La fin de règne de Pépin III (768) – Peu de temps après l’assassinat de Waïfre, Pépin mourut d’hydropisie. Ce dernier fut alors inhumé au sein de la basilique Saint Denis, à Paris.

Gisant de Pépin le Bref et de Bertrade, réalisé à la demande de Saint Louis, vers 1263-1264, église Saint Denis, Paris.

 

Le défunt avait eu deux épouses, Leutburgie, répudiée vers 742[17], et Bertrade, qui donna naissance à Charles, Carloman, et Pépin (décédé en 762).

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[1] Ce dernier fut surnommé ainsi en raison de sa petite taille.

[2] Le monastère de Mont-Cassin fut détruit durant la seconde guerre mondiale par les troupes américaines qui assiégeaient les allemands retranchés à l’intérieur du bâtiment. Il fut toutefois reconstruit à l’identique suite au conflit.

[3] Carloman mourut à Vienne en 754.

[4] Rappelons que depuis Pépin de Herstal, les Pipinides avaient pris le titre de duc des Francs. Pour en savoir plus, cliquez ici.

[5] Childéric III mourut vers 755.

[6] Pour en savoir plus à ce sujet, voir le c), 3, section II, chapitre troisième, les Mérovingiens.

[7] Ce dernier était le successeur de Zacharie (à noter qu’un pape fut élu à la mort de Zacharie, Etienne, mais il mourut quelques jours après. Ainsi, Etienne et Etienne II sont parfois nommés Etienne II et Etienne III).

[8] L’iconoclasme apparut à Constantinople à compter de 726 (ce mot provient du grec eikon (‘icône’.) et klastein (‘casser’.). Les iconoclastes étaient donc des destructeurs d’images). L’objectif était de mettre fin à l’adoration des représentations divines, assimilée à de l’idolâtrie par les souverains byzantins. La querelle de l’iconoclasme (à laquelle l’Eglise romaine était hostile) s’éteignit à compter de la fin du VIII° siècle.   

[9] A noter que Charles Martel, approché par l’Eglise en 740, avait refusé de lutter contre les Lombards.

[10] A l’origine, l’on appelait patriciens les membres des familles aristocratiques de Rome. Le patriciat, au IV° siècle, devint un titre décerné à une personne, et non plus à des familles entières. Le titre de Patrice était troisième dans la hiérarchie romaine, après les titres d’Auguste (l’Empereur) et de César (successeur).  

[11] Excommunication majeure prononcée habituellement contre les hérétiques et les ennemis de la foi catholique.

[12] Les Etats pontificaux furent officiellement dissous par le pape Léon XIII en 1900. Le Vatican, Etat papal enclavé dans la ville de Rome, fut créé en 1929. 

[13] Le denier était à l’origine une monnaie romaine (le denarius), créée en 212 avant Jésus-Christ.

[14] Mais ce n’est qu’à la fin du VIII° siècle que l’Etat parvint à imposer son autorité sur le contrôle de la monnaie.

[15] La dîme fut supprimée lors de la Révolution française. Pour en savoir plus à ce sujet, cliquez ici.

[16] Ce dernier avait succédé à son frère Etienne II en 757.

[17] Pépin III avait eu cinq enfants avec sa première épouse. L’on ne sait guère ce qu’il advint d’eux suite à la répudiation de leur mère.

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