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Les mensonges de l'Histoire


Toussaint Louverture

François-Dominique Toussaint Louverture, célèbre général originaire de Saint-Domingue, joua un rôle de premier plan au cours de la Révolution haïtienne, qui dura de 1791 à 1802.

Ce dernier, passé à la postérité pour son combat contre l'esclavage, parvint-il finalement à ses fins ? Quant à son hostilité envers l'esclavagisme, était-elle spontanée, ou bien motivée par des motifs moins reluisants ?

Toussaint Louverture.

 

Les origines de Toussaint sont aujourd'hui assez méconnues. Ce dernier serait né à Saint-Domingue[1] vers 1740, esclave au sein de l'habitation Bréda, gérée par un grand propriétaire terrien nommé Bayon de Libertat.

Toussaint, bénéficiant de conditions de vie assez « souples », fut affranchi à une date incertaine, entre la fin des années 1760 et 1776. A cette occasion, il adopta le patronyme de Toussaint de Bréda, s'alphabétisant sur le tard.

En 1779, ce dernier était propriétaire d'une habitation produisant du café, qui comportait treize esclaves noirs.

 

Lorsque commença la Révolution française, Toussaint se trouvait dans une position plutôt confortable, pour un noir des colonies, ayant bénéficié d'une importante ascension sociale. 

En 1789, Saint-Domingue était un endroit prospère, première producteur mondial de sucre, et important exportateur de café. Cependant, la société était très inégalitaire : ainsi, face aux 450 000 esclaves présents sur l'île à cette époque, l'on ne comptait que 30 000 blancs (divisés en deux catégories, d'un côté les « grands blancs », riches propriétaires terriens, de l'autre les « petits blancs », représentant la classe moyenne) et 30 000 mulâtres et esclaves affranchis.

A ce contexte social s'ajoutaient des rivalités régionales, entre le nord, plus riche, et les autres régions de Saint-Domingue.

 

Le climat insurrectionnel ne tarda donc guère à s'étendre à l'île à compter de l'été 1791.

A cette date, les colons étaient partagés quant aux avancées sociales proposées par les députés de l'Assemblée constituante,  qui avaient adopté la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (août 1789), et s'étaient déclarés en faveur de l'abolition de l'esclavage.

En effet, les colons craignaient la disparition du système esclavagiste, qui non seulement provoquerait la fin des activités économiques de Saint-Domingue, mais aussi la disparition de la suprématie des blancs, les colons européens étant, comme nous l'avons vu plus tôt, fortement minoritaires.

Au cours de l'été 1791, de nombreux esclaves décidèrent de prendre les armes, incendiant de nombreuses plantations du nord. A Paris, les députés n'étaient guère favorables à l'intransigeance des grands propriétaires terriens, souhaitant au contraire établir l'égalité entre tous les hommes libres.

La révolte des esclaves, 1791.

En septembre 1792, plusieurs commissaires civils envoyés par Paris firent leur apparition à Saint-Domingue. L'un d'entre eux, Léger-Félicité Sonthonax, se déclara alors en faveur de l'égalité entre les hommes libres, mais aussi soucieux de préserver l'esclavage.

Portrait de Léger-Félicité Sonthonax.

Cependant, les grands propriétaires terriens se méfiaient de ces commissaires civils. Ainsi, ces derniers se rapprochèrent de François-Thomas Galbaud-Dufort, nommé gouverneur général de Saint-Domingue en février 1793. Courant juin, ce dernier décida alors de s'attaquer aux commissaires civils, bénéficiant de l'appui des colons. Cependant, Sonthonax proclama l'abolition de l'esclavage en août 1793, à une époque où Saint-Domingue était en outre menacée par la marine britannique, qui s'était à cette date emparée de nombreux ports (les Espagnols, quant à eux, progressaient à l'intérieur des terres depuis la moitié est de l'île).

 

Toussaint, quant à lui, décida à cette date de se rapprocher des esclaves insurgés, qui bénéficiaient du soutien de l'Espagne, qui gouvernait la partie orientale de l'île de Saint-Domingue. Ce dernier, remportant plusieurs batailles, adopta le surnom de « Louverture. »

Cependant, Toussaint décida brusquement de changer de camp en mai 1794, se rapprochant du général Etienne Maynaud de Bizefranc de Lavaux, qui avait été nommé gouverneur de Saint-Domingue en fin d'année 1793.

Aujourd'hui encore, les motivations réelles de Toussaint ne sont pas claires. Ainsi, certains historiens pensent que ce dernier aurait rejoint le camp français suite à l'abolition de l'esclavage promulguée par Sonthonax en 1793 (et officialisée par Paris en février 1794) ; cependant, d'autres affirment que ce revirement fut motivé par des raisons personnelles, les relations de Toussaint avec ses supérieurs étant houleuses, ayant même échappé à un attentat peu de temps auparavant.

Quoi qu'il est soit, en l'espace de quelques mois, Toussaint Louverture parvint à repousser les Espagnols de l'intérieur des terres, progressant jusqu'à la frontière orientale (à noter que le traité de Bâle, signé en juillet 1795, accordait à la France la domination sur la moitié orientale de Saint-Domingue). En échange de ses bons et loyaux services, il fut nommé lieutenant-général[2] en mars 1796 par le gouverneur Lavaux.  

 

Par la suite, entre 1769 et 1797, Lavaux et Sonthonax furent élus députés, et contraints de rentrer à Paris. Cela permit ainsi à Toussaint d'obtenir la charge de commandant en chef de l'armée de Saint-Domingue, première étape vers la prise de pouvoir.  

Fort de son autorité, Toussaint Louverture parvint à remporter plusieurs victoires contre les Britanniques, négociant leur départ de Saint-Domingue pendant l'été 1798.

Cependant, l'accord prévoyait  l'ouverture des ports de l'île aux navires de commerce anglais, à une date où la France était encore en guerre avec la Grande-Bretagne. Le général Gabriel de Hédouville, qui avait été envoyé à Saint-Domingue en tant que commissaire extraordinaire, protesta donc vivement contre cet accord. Mais Toussait, jaloux de conserver son autorité, vint assiéger le Cap Français, cité côtière du nord de l'île, contraignant Hédouville à quitter Saint-Domingue en octobre 1798.

Suite au départ du commissaire extraordinaire, Toussaint se retourna contre le général André Rigaux, chef du parti mulâtre, qui avait été chargé par Sonthonax en 1793 de faire appliquer le décret d'abolition de l'esclavage dans le sud de l'île.

Le conflit entre les deux hommes, l'un défenseur des noirs (Toussaint), l'autre des mulâtres (Rigaud), fut baptisé guerre des couteaux. Cependant, cet affrontement fut moins une opposition d'ordre ethnique qu'une véritable lutte de pouvoir.

Finalement, Toussaint remporta la victoire en juillet 1800, parvenant à s'emparer de la partie orientale de l'île d'ici la fin de l'année (conformément au traité de bâle, que nous avons vu plus tôt). En février 1801, il fut nommé capitaine-général de Saint-Domingue par Napoléon Bonaparte, qui s'était emparé du pouvoir en fin d'année 1799.

 

Toussaint, désormais maître incontesté de l'île, tenta de remettre l'économie en marche, paralysée par dix années de guerre. C'est ainsi qu'il invita les colons qui s'étaient exilés pendant la Révolution haïtienne, contraignant les anciens esclaves noirs à reprendre le travail dans les plantations.

Puis, en juillet 1801, Toussaint Louverture proclama la Constitution de Saint-Domingue, accordant à l'île un statut autonome, tout en garantissant à la France des rapports privilégiés, mais non exclusifs.

Le texte, bien que confirmant l'abolition de l'esclavage, restait particulièrement réactionnaire : la religion catholique devenait religion d'Etat (article 6) ; le divorce était interdit (article 10) ; l'atteinte à la propriété était sévèrement punie (article 13) ; chaque gouverneur était nommé pour une durée de cinq ans (article 29), sauf Toussaint qui conserverait le pouvoir à vie (article 31), s'arrogeant d'importants pouvoirs grâce à l'article 34 (promulgation des lois, nominations aux emplois civils et militaires, commandant en chef des forces armées, etc.) ; l'article 17, quant à lui, restait particulièrement évasif : l'introduction des cultivateurs indispensables au rétablissement et à l'accroissement des cultures aura lieu à Saint-Domingue (s'agissait-il de travail forcé ? du rétablissement du servage ? Ou bien de l'arrivée de nouveaux esclaves ?).

La Constitution de Saint-Domingue, 1801.

 

Cependant, la Constitution de Saint-Domingue, qui devait être ratifiée par Paris, ne fut pas au goût de Napoléon. Ce dernier constitua alors un corps expéditionnaire de 30 000 soldats, dirigé par le général Charles Leclerc[3].

Toussaint Louverture, bien que disposant d'une armée équivalente à celle des Français, ne parvint toutefois pas à l'emporter. Ainsi, alors que le général Leclerc s'emparait peu à peu de tous les ports de la côte, les insurgés furent contraints d'adopter la tactique de la terre brûlée, qui n'arrêta pas l'offensive du corps expéditionnaire.

La prise de Cap Français.

Ainsi, en mai 1802, Toussaint fut contraint de capituler. Déporté pendant l'été avec une centaine de ses proches, il fut enfermé au fort de Joux, dans le Doubs, où il mourut en avril 1803.

Toutefois, malgré l'élimination de Toussaint, l'expédition française ne parvint pas à atteindre ses objectifs, décimée par la fièvre jaune (la volonté des Français de rétablir l'esclavage parvint à galvaniser les troupes rebelles). C'est ainsi que le général Jean-Jacques Dessalines, un ancien lieutenant du défunt, parvint à proclamer l'indépendance d'Haïti en janvier 1804, se faisant nommer gouverneur à vie, puis empereur.   

Le général Dessalines, présenté avec une tête de femme blanche à la main.

 

Toussaint Louverture, présenté aujourd'hui comme le libérateur d'Haïti et une grande figure de la cause des noirs, n'est toutefois pas exempt de reproches.

Ainsi, comme nous l'avons vu précédemment, Toussaint n'hésita pas à faire appel au système esclavagiste, en tant que planteur propriétaire de plusieurs propriétés.

Il fut aussi un politicien opportuniste, rejoignant le camp français en 1794, obéissant plus à la nécessité qu'à de véritables convictions. 

Enfin, devenu maître incontesté de Saint-Domingue, Toussaint fit tout son possible pour remettre les anciens esclaves noirs au travail, ayant recours au travail forcé (l'article 17 de la constitution de 1801 est d'ailleurs très ambigu sur la question de l'accroissement des « bras »).

Toussaint Louverture, à l'instar de nombreux chefs d'Etats ou leaders politiques, est donc un personnage plus contrasté qu'il n'y paraît au premier abord, n'en déplaise aux romanciers et aux hagiographes

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[1] Lors de la découverte de l'île par Chistophe Colomb en 1492, cette dernière fut baptisée Hispaniola (ce qui signifie « petite Espagne »). Puis, à l'époque moderne, cette dernière fut rebaptisée Saint-Domingue (traduction phonétique depuis l'espagnol Santo-Domingo). Enfin, suite à l'indépendance, en 1804, l'île prit le nom de Haïti (reprenant une vielle appelation amérindienne, Ayiti, qui signifie « montagne dans la mer »). A l'époque de Toussaint, Saint-Domingue était divisée en deux entités : la moitié ouest sous autorité française, la moitié est sous autorité espagnole.

[2] Sous l'Ancien régime, le grade de lieutenant-général accordait à son porteur les pouvoirs de la personne qu'il devait assister ou remplacer.

[3] A noter qu'en 1797, ce dernier avait épousé Pauline, l'une des soeurs de Napoléon.

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