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Mythologie
 
 

 

 

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La troisième république (1870 - 1945)

CHAPITRE CINQUIEME : L’entre-deux-guerres

(novembre 1918 à septembre 1939)

 

II : La III° république en crise (1929 à 1939) - partie 1

           

            1° Le krach de Wall Street (fin octobre 1929) – Alors que depuis la fin de la Grande guerre, l’Europe souffrait d’importantes difficultés économiques, les Etats-Unis, au contraire, bénéficiaient d’une forte croissance, qui avait débuté à la fin du XIX° siècle.

Ainsi, entre 1919 et 1929, la production industrielle avait progressé de 50%, l’indice Dow Jones[1] de 468%.

 

Cependant, Wall Street[2] subit un important Krach boursier[3], à la fin octobre 1929.

Les principales causes de cet évènement furent l’éclatement d’une bulle spéculative, amplifiée par un système d’achat d’actions à crédit, instauré en 1926. Ainsi, au lieu de payer l’intégralité des sommes dues lors d’un achat de titres, les spéculateurs pouvaient verser une somme correspondant à 10% de la valeur totale, et échelonner les remboursements sur plusieurs échéances. 

 

A la bourse de New York, les premières ventes massives d’actions eurent lieu quelques jours avant le krach, entre le 18 et le 23 octobre. Dans un premier temps, les principales banques new-yorkaises tentèrent d’acheter des titres afin d’inverser la tendance ; cependant, après une stabilisation des cours les 24, 25 et 26 octobre, ces derniers chutèrent drastiquement le 28 octobre, surnommé le lundi noir[4].

Ainsi, en raison du vent de panique soufflant sur la bourse de New York, tous les actionnaires décidèrent de vendre leurs titres au plus vite, afin de limiter leurs pertes. Le 28 octobre, 9 millions d’actions furent échangées, le lendemain, le mardi noir[5], le volume passa à 16 millions. En raison de ces très nombreux échanges, les téléimprimeurs[6], ne pouvant suivre le cours des opérations, accusaient trois heures de retard.

 

En l’espace de quelques jours, le Dow Jones avait perdu près de 40% de sa valeur, soit approximativement 30 milliards de dollars[7].

Cependant, cet évènement eut d’importantes répercussions aux Etats-Unis et dans le monde entier. Suite au krach, de nombreux spéculateurs furent dans l’incapacité de rembourser leurs emprunts ; de nombreuses sociétés firent faillite ; les banques, assaillies par les épargnants venus récupérer leurs fonds, furent dans l’incapacité de faire face à la demande.

En l’espace de quelques mois, les Etats–Unis entrèrent dans un cercle vicieux, et la crise économique s’alimenta d’elle-même : baisse de la consommation, des investissements et de la production, explosion du chômage (1.5 millions de chômeurs en 1929 contre 15 millions en 1933.), nouvelles faillites, etc.

 

Enfin, le gouvernement décida d’adopter une série de mesures protectionnistes (afin de s’assurer que l’argent des Américains serait investi dans des produits américains.), ce qui permit à la crise de frapper les économies européennes à compter de 1931.

 

A noter qu’en juillet 1932, le Dow Jones avait perdu 89% de sa valeur initiale.

 

            2° Une instabilité ministérielle amplifiée par le krach de Wall Street (novembre 1929 à janvier 1931) Suite à la démission d’Aristide Briand en octobre 1929, Doumergue décida de nommer André Tardieu au poste de président du conseil.

 

a) Le ministère Tardieu (novembre 1929 à février 1930) : ce dernier composa un gouvernement de centre-droit, composé en majorité d’hommes de l’Alliance démocratique, plus des socialistes et des radicaux indépendants, ainsi que des membres de la Fédération républicaine.

 

Tardieu, récupérant le ministère de l’Intérieur, confia à Briand le portefeuille des Affaires étrangères ; Maginot fut nommé à la Guerre ; Leygues conservait la Marine. En outre, Pierre-Etienne Flandin[8] reçut le ministère du Commerce.

 

Cependant, le gouvernement Tardieu eut une durée de vie éphémère. Ainsi, après avoir validé le projet de construction de la ligne Maginot (début janvier 1930.), la Chambre des députés renversa le ministère le 17 février.

 

La ligne Maginot fut construite en deux temps. De prime abord, des fortifications furent érigées sur la frontière franco-italienne, le gouvernement français étant plus inquiété par le fascisme italien que la république de Weimar. Toutefois, à compter de 1933 et de la montée du nazisme en Allemagne[9], une nouvelle série d’ouvrages fut construite dans le nord-est de la France.

Au total, l’on estime que la ligne Maginot eut un coût total de cinq milliards de francs, une somme peu importante proportionnellement au budget de l’Etat.

 

b) Le ministère Chautemps (février 1930) : suite à la démission de Tardieu, Doumergue décida de confier à Camille Chautemps, leader de l’opposition, la charge de président du conseil.

 

Ce dernier composa alors un ministère composé en majorité de membres du PRRRS (parti républicain, radical et radical socialiste.), ce qui ne plut guère à la Chambre des députés. Ainsi, le gouvernement Chautemps fut renversé moins d’une semaine après sa constitution (25 février 1929.).

 

c) Le second ministère Tardieu (mars à décembre 1930) : Tardieu, récupérant sa charge de président du conseil, constitua un nouveau ministère le 2 mars 1930.

 

Conservant le ministère de l’Intérieur, Tardieu confirma Briand aux Affaires étrangères, Maginot à la Guerre et Flandin au Commerce ; Laval reçut le ministère du Travail ; Paul Reynaud[10] eut le portefeuille des Finances ; enfin, Raoul Péret[11] fut nommé à la Justice.

Raoul Péret, Le Monde Illustré, 20 juin 1914.

Comme à l’accoutumée, le gouvernement Tardieu était en majorité composé d’hommes de l’AD, plus des socialistes et des radicaux indépendants, ainsi que de membres de la FR.

 

Cependant, quelques jours après la formation du nouveau gouvernement, d’importantes inondations dévastèrent le Languedoc et le Midi. Plusieurs centaines de milliers d’hectares furent sinistrés à cause de la brusque montée des eaux, et près de 700 personnes trouvèrent la mort lors de cet évènement.

Afin de porter assistance aux sinistrés, Tardieu donna naissance à l’aide aux victimes des calamités agricoles.

 

Fin mars, un projet de loi instaura la gratuité des études secondaires[12] ; par ailleurs, fut instaurée une pension en faveur des anciens combattants.

 

A noter toutefois que le ministère Tardieu fut renversé en décembre 1930, en raison de l’affaire Oustric.

Albert Oustric était un banquier amateur de spéculation boursière, qui toutefois fit banqueroute en novembre 1930, suite au krach de Wall Street. Cependant, cet évènement fit scandale car Oustric avait tissé d’importants réseaux avec le monde politique. Raoul Péret, éclaboussé par l’affaire, fut contraint de démissionner, ce qui provoqua la chute du ministère Tardieu.

Arrêté et incarcéré, Oustric fut condamné à un an de prison et 3 000 francs d’amende.

 

d) Le ministère Steeg (décembre 1930 à janvier 1931) : Doumergue, quelques jours après les évènements, décida de confier à Théodore Steeg la charge de président du conseil.

 

Ce dernier, membre du PRRRS, eut le souci de ne pas reproduire l’erreur de Chautemps en février 1930, en composant un gouvernement radical.

Ainsi, le nouveau venu tenta de mettre en place un ministère d’ouverture, composé de radicaux, de membres de l’AD, ainsi que de socialistes et radicaux indépendants.

 

Outre Steeg, qui récupérait le ministère des Colonies, l’on retrouvait Aristide Briand aux Affaires étrangères ; Leygues à l’Intérieur ; Barthou à la Guerre ; Sarraut à la Marine militaire ; Chautemps à l’Instruction publique ; Painlevé au ministère de l’Air ; et Daladier aux Travaux publics.

 

Signe de la fragilité du régime, quatre ministères s’étaient succédés en l’espace d’un an ; l’on comptait une douzaine de secrétaire d’Etats au sein du nouveau gouvernement ; enfin, le ministère des Finances était illogiquement divisé en trois portefeuilles (Finances, Budget et Economie nationale.)

 

Après un mois d’existence, le gouvernement Steeg fut renversé par la Chambre des députés le 22 janvier 1931.

 

            3° Le ministère Laval (janvier 1931 à février 1932) Suite à la démission de Steeg, Doumergue décida de confier à Pierre Laval la charge de président du conseil.

 

a) La constitution du nouveau gouvernement (janvier 1931) : ce dernier, bien qu’étant un ancien membre de la SFIO, constitua un ministère de centre droit (composé, comme à l’accoutumée, par une majorité d’hommes de l’AD, des socialistes et des radicaux indépendants, ainsi que des membres de la FR.).

 

Ainsi, outre Laval, qui récupérait l’Intérieur, l’on retrouvait Briand aux Affaires étrangères ; Maginot à la Guerre ; Tardieu à l’Agriculture ; Flandin au Commerce ; et Paul Reynaud aux Colonies.

Le ministère Laval.

 

b) L’exposition coloniale internationale de Paris (mai à décembre 1931) : c’est en mai 1931 que Doumergue inaugura l’exposition coloniale internationale, organisée à Paris, sur le site du bois de Vincennes[13].

Affiche officielle de l'exposition coloniale de 1931, musée des Invalides, Paris.

Cet évènement, dirigé par le maréchal Lyautey, avait comme objectif de promouvoir l’Empire colonial français, présentant au public la richesse culturelle de ces différentes régions du monde.

Ainsi, toutes les colonies françaises, mais aussi les protectorats et les Etats sous mandat de la SDN, furent représentés lors de l’exposition coloniale (à noter que plusieurs pays occidentaux furent représentés, tels que la Belgique, l’Italie, l’Angleterre, les Pays-Bas, les Etats-Unis, le Danemark, etc.).

 

Chaque pays était représenté par un pavillon, ce dernier évoquant la culture et le savoir faire architectural indigène.

Parmi les monuments les plus marquants, l’on retrouvait une copie du temple d’Angkor Vat, pavillon du Cambodge ; un bâtiment s’inspirant de la grande mosquée de Djenné, pavillon de l’AOF[14] ; le pavillon de l’Annam, reconstitution d’un palais impérial chinois ; le pavillon du Maroc, s’inspirant de l’Alhambra de Grande et de ses jardins à la mode andalouse.

Reconstitution du temple d'Angkor Vat.

 

Les différents pays occidentaux, quant à eux, utilisèrent leurs pavillons pour faire connaitre leurs colonies respectives : le Congo belge pour la Belgique, l’Inde et la Palestine pou l’Angleterre, les Indes orientales néerlandaises[15] pour les Pays-Bas, le Groenland pour le Danemark.

A noter toutefois que certains pays firent ériger des bâtiments d’importance, tel qu’une copie de la maison de George Washington[16] à Mount Vernon, pavillon américain[17] ; la reproduction de la basilique de Leptis Magna[18], pavillon italien.  

 

Outre les pavillons, furent érigés en 1931 le musée des colonies[19], le jardin zoologique[20] (y furent installés différents animaux d’Afrique.), et le parc des attractions (le manège le plus important, le Scenic Railway, était un ensemble de montagnes russes dans un cadre colonial.).  

Enfin, l’on retrouvait aussi des zoos humains, des spectacles de danses, des boutiques d’artisanat local, des cafés, des restaurants, des stands publicitaires, etc. 

Musée de l'Immigration (ancien musée des colonies), Paris, mars 2012.

 

Cette exposition coloniale fut un véritable succès, 33 millions de billets d’entrée ayant été vendus de mai à décembre 1931 (l’on estime que le nombre de visiteurs uniques fut de 8 millions, ces derniers ayant pu acheter plusieurs billets.).

 

A noter cependant que fut organisée une contre-exposition communiste dans le parc de Buttes-Chaumont, sur injonction du Komintern.

Cependant, cette manifestation organisée par le parti communiste fut un cuisant échec, n’attirant que 5 000 visiteurs en l’espace de huit mois.

 

c) Les élections présidentielles de mai 1931 : le mandat de Gaston Doumergue arrivant à son terme, de nouvelles élections présidentielles furent organisées le 13 mai 1931.

 

Doumergue ayant annoncé qu’il ne se représenterait pas, les candidats furent peu nombreux à se présenter[21].

C’est ainsi que se présentèrent Paul Doumer (PRRRS mais proche de l’AD.), président du Sénat depuis 1927 ; Marcel Cachin[22] (parti communiste.) ; et Jean Hennessy[23] (socialiste indépendant.).

Cependant, à deux jours du scrutin, Aristide Briand, ministre des Affaires étrangères, présenta sa candidature.

 

A l’issue du premier tour, Doumer était en tête avec 49% des voix ; Briand, arrivé second, n’obtenait que 44%.

Loin derrière, l’on retrouvait Cachin et Hennessy, récupérant chacun 1% des suffrages.

 

Suite à l’annonce des résultats, Briand décida de retirer sa candidature ; ainsi, ce dernier fut remplacé à la hâte par le radical Pierre Marraud[24]

 

Le deuxième tour confirma la tendance exprimée lors du premier, et Doumer fut élu président de la république avec 57% des voix. Marraud, arrivé second, n’obtenait que 38% des suffrages.

Paul Doumer, président de la république française, été 1931.

 

d) Le remaniement ministériel de juin 1931 : quelques semaines après l’élection de Paul Doumer à la tête de l’Etat, Laval fut contraint de procéder à un remaniement ministériel (juin 1931.).

Comme à l’accoutumée, le nouveau gouvernement était composé par une majorité d’hommes de l’AD, des socialistes et des radicaux indépendants, ainsi que des membres de la FR.

 

Toutefois, les principaux ministres du gouvernement restaient en poste. Ainsi, Laval conservait l’Intérieur, Briand les Affaires étrangères ; Maginot le ministère de la Guerre ; Tardieu l’Agriculture ; et Paul Reynaud les Colonies.

 

e) Le moratoire Hoover (juin à décembre 1931) : comme nous l’avons vu précédemment, le plan Young, qui prévoyait une réduction de la dette de guerre allemande à 112 milliards de marks-or[25] (pour un paiement en 59 annuités.), avait été adopté en janvier 1930[26].

 

Toutefois, en raison du krach de Wall Street, les Etats-Unis, tout comme les pays européens, subissaient une importante crise économique.

Le président américain, Herbert Hoover[27], proposa alors à la fin du mois de juin 1930 que le paiement de la dette de guerre allemande soit suspendu pendant une année, en attendant que la situation économique se stabilise.

 

Le chancelier allemand Heinrich Brüning, qui avait annoncé début juin 1930 que l’Allemagne n’était pas en mesure de payer sa dette de guerre, fut favorable au moratoire.

Côté français, le ministère Laval protesta dans un premier temps, mais le texte fut adopté par la Chambre des députés le 6 juillet. Par ailleurs, plusieurs pays européens acceptèrent de souscrire à ce moratoire.

Toutefois, le texte ne fut adopté qu’en décembre 1931 par le Congrès[28].

 

Mais contrairement à ce que pensait Hoover, la crise fut plus que temporaire, cette dernière atteignant son paroxysme en 1932 (l’indice Dow Jones atteignit son plus bas niveau historique au mois de juillet.).

 

f) Second remaniement ministériel et chute du gouvernement Laval (janvier à février 1932) : bien qu’étant nommé Homme de l’année par le magazine américain Time[29] en fin d’année 1931[30], Laval fut contraint de faire face à de nouvelles difficultés à compter de l’été 1931.

"Une" du Time, présentant Pierre Laval comme l'Homme de l'année, décembre 1931.

 

Ainsi, le gouvernement accepta de prêter 25 millions de livres à l’Angleterre en août 1931, le gouvernement britannique étant menacé par la faillite ; en décembre, la crise économique mondiale commença à se faire sentir en France (diminution des ventes, augmentation des invendus, baisse des chiffres d’affaires.), même si le franc conservait sa stabilité ; enfin, en raison de la mort d’André Maginot survenue le 7 janvier 1932[31], le président du conseil fut contraint de procéder à un nouveau remaniement ministériel quelques jours plus tard.

 

Conservant une couleur politique de centre-droit, le nouveau gouvernement restait très similaire au précédent.

Ainsi, Laval s’arrogea les Affaires étrangères[32] ; Flandin fut nommé ministre des Finances ; Tardieu reçut le ministère de la Guerre ; Paul Reynaud était confirmé au Colonies.

 

Toutefois, ce nouveau gouvernement fut renversé par le Sénat le 16 février 1932, peu de temps après l’adoption du droit de vote des femmes à la Chambre des députés[33].

 

            4° Le troisième ministère Tardieu, les élections législatives de mai 1932 (février à mai 1932) Laval ayant présenté sa démission, Doumer décida de confier à Tardieu la charge de président du conseil.

 

a) La constitution du nouveau gouvernement (février 1932) : ce dernier, composant un ministère de centre-droit, s’arrogea les Affaires étrangères ; Flandin fut confirmé aux Finances ; Reynaud fut nommé à la Justice ; Laval eut le portefeuille du Travail.

 

Le 11 avril 1932, alors que la campagne des élections législatives battait son plein, la loi instituant les allocations familiales fut adoptée à la Chambre des députés.

 

b) Les élections législatives de mai 1932 : en mai 1932, le mandat des députés arrivant à son terme, de nouvelles élections législatives furent organisées.

 

La gauche, ayant échoué lors du scrutin de 1928, décida de mettre en place une alliance afin de faire face à la droite. Ainsi, le PRRRS et la SFIO décidèrent de voter, lors du second tour du scrutin, pour le candidat étant arrivé en tête.

Cette union est parfois surnommée second cartel des gauches, même si le PRRS et la SFIO ne s’allièrent que temporairement.

 

A noter toutefois qu’un grave évènement vint perturber le second tour du scrutin, Paul Doumer ayant été assassiné deux jours avant par un exalté russe (nous y reviendrons plus tard.).

 

Bénéficiant d’un taux de participation de 82%[34], ce scrutin vit la victoire du second cartel des gauches, arrivé de peu en tête des suffrages.

Ainsi, le PRRRS obtenait le plus grand nombre de sièges, mais était talonné de près par la SFIO (175 élus contre 132.). Le PRS[35] (allié au parti socialiste français[36]), membre du Cartel, obtenait 28 sièges.

 

A l’extrême-gauche, le parti communiste n’obtenait que 10 sièges, contre 9 pour le parti d’unité prolétarienne[37].

 

Au centre, les voix s’étaient éparpillées sur une multitude de petits partis, ce qui ne tarda guère à accentuer l’instabilité ministérielle.

Ainsi, l’on retrouvait l’AD, qui n’obtenait que 40 sièges[38] ; les indépendants de gauche[39] (26 sièges.) ; les radicaux indépendants de la gauche radicale (47 sièges.) ; le Centre républicain d’André Tardieu[40] (34 sièges.) ; et le PDP[41] (16 sièges.).

 

A droite, les voix étaient elles aussi éclatées, et les résultats médiocres. En effet, la FR ne récupérait que 41 sièges[42], ce parti ayant éclaté en raison de sa dérive droitière[43]. Ainsi, le parti républicain et social, né de la scission, obtenait 18 sièges.

L’on retrouvait aussi les républicains du centre[44], un petit groupe parlementaire composé de sept élus ; ainsi que les indépendants d'action économique, sociale et paysanne, un autre groupe parlementaire réunissant des députés conservateurs proches de la paysannerie (8 sièges.).

 

L’on notait enfin la présence de 16 non-inscrits.

 

            5° L’assassinat de Paul Doumer, les élections présidentielles de mai 1932 Alors que le deuxième tour des élections législatives allait avoir lieu, Paul Doumer fut assassiné le 6 mai par Paul Gorgulov, un Russe qui tira trois coups de feu sur le chef de l’Etat.

L'assassinat de Paul Doumer, mai 1932.

 

Gorgulov, né en 1895, avait participé à la première guerre mondiale, puis s’était engagé au sein des armées blanches en 1917, suite à la révolution russe[45]. Quittant la Russie suite à la prise de pouvoir des bolcheviks, il se réfugia à Prague, puis à Nice.

 

Suite à l’attentat, Gorgulov, qui souffrait apparemment de troubles mentaux, tenta de se justifier en expliquant qu’il voulait se venger de la France qui refusait d’intervenir en Russie soviétique.

Doumer, mortellement blessé par son agresseur, succomba le lendemain[46] ; Gorgulov, quant à lui, fut arrêté, incarcéré, et condamné à mort le 27 juillet 1932[47].

 

Doumer étant décédé, il fut décidé de procéder à de nouvelles élections présidentielles.

 

Plusieurs parlementaires décidèrent alors de déposer leur candidature, tels que Albert Lebrun[48] (AD.), président du Sénat ; Paul Faure[49] de la SFIO ; Paul Painlevé, socialiste indépendant ; et le communiste Marcel Cachin[50].

 

Finalement, ce fut sans surprise Albert Lebrun qui récolta la majorité des suffrages, étant élu dès le premier tour avec plus de 80% des voix.

Ses adversaires malheureux arrivaient loin derrière, Faure récoltant 15% des voix, Painlevé 1.5%, et Cachin 1%.

 

A noter toutefois que les députés ayant participé à cette élection n’étaient pas les nouveaux élus de mai 1932, mais les représentants de la chambre de 1928.

Ainsi, Lebrun, élu par une assemblée de droite, dut faire face pendant tout son mandat à une assemblée de gauche. N’ayant qu’une faible marge de manœuvre, le nouveau chef de l’Etat fut donc contraint de composer avec des députés n’étant pas de son bord, et avec des ministres lui étant hostiles.

Albert Lebrun.

 

            6° Le troisième ministère Herriot (juin à décembre 1932) – En raison de la nouvelle couleur politique de la Chambre des députés, Albert Lebrun décida de confier la charge de président du conseil à Edouard Herriot (PRRRS.).

A noter qu’à leur habitude, les membres de la SFIO (bien que membre du second cartel.) refusèrent de participer au gouvernement[51].

 

Le 3 juin, ce dernier constitua ainsi un gouvernement à tendance radicale, dans lequel l’on trouvait aussi quelques socialistes et radicaux indépendants.

Ainsi, le nouveau président du conseil nomma Camille Chautemps à l’Intérieur ; Daladier reçut le portefeuille des Travaux publics ; Albert Sarraut eut les Colonies ; Leygues (seul membre de l’AD de ce gouvernement.) reçut la Marine ; Joseph Paul-Boncour[52] eut la Guerre ; enfin, Painlevé fut nommé ministre de l’Air.

A noter que c’est à cette époque que le ministère de l’Instruction publique fut rebaptisé Education nationale.

 

a) La conférence de Lausanne (juin à juillet 1932) : comme indiqué précédemment, la dette de guerre allemande, fixée 112 milliards de marks-or depuis l’adoption du plan Young, avait été suspendue pour un an en raison du moratoire Hoover[53] (décembre 1931).

 

Depuis, une année s’était écoulée, et, même si la crise économique battait son plein, le gouvernement français souhaitait que les paiements allemands reprennent.

C’est ainsi que fut organisée la conférence de Lausanne, en Suisse, afin de résoudre la question des dettes de guerre.

 

Finalement, après d’âpres discussions, la dette de guerre allemande fut réduite à 3 millions de marks-or, plus un remboursement en nature de 82 millions payé à la France.

En contrepartie, les émissaires allemands reconnaissaient deux clauses du traité de Versailles, contestées depuis 1919 : la limitation des effectifs militaires[54], et la culpabilité de l’Allemagne dans le déclenchement de la Grande guerre.

 

A noter toutefois que l’issue de la conférence de Lausanne ne fut pas acceptée par le Congrès américain (le projet de réduction de la dette allemande fut rejeté en décembre 1932.). 

En Allemagne, le traité fut vivement critiqué, en raison de l’acceptation des fameuses clauses contestées du traité de Versailles.

 

Toutefois, en raison de la poursuite de la crise économique, les paiements furent mis en pause pendant plusieurs mois ; en outre, ils furent annulés suite à l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir[55] (janvier 1933.).

 

b) La poursuite de la politique déflationniste française atténue la crise économique mais la prolonge (juin à décembre 1932) : depuis le début de la crise de 1929, les gouvernements s’étant succédés avaient adopté une politique économique déflationniste.

 

La déflation, à l’opposé de l’inflation, est un mouvement de baisse des prix durable (c'est-à-dire sur plusieurs trimestres ou plusieurs années.).

 

De prime abord, une politique déflationniste peut sembler avantageuse : les prix diminuent, ce qui entraîne une amélioration du coût de la vie (le consommateur peut acheter plus de biens pour le même prix qu’autrefois.).

Toutefois, si cette déflation se poursuit pendant trop longtemps, la consommation, au lieu d’augmenter grâce aux petits prix, va diminuer (les ménages préférant économiser afin d’acheter d’avantage de biens dans le futur.).

 

En ce qui concerne les entreprises, une déflation durable peut entraîner d’importantes pertes financières, voire la faillite.

En effet, si lors d’une période d’inflation, la valeur de la monnaie baisse, l’entreprise remboursera moins d’argent (ce dernier ayant connu une forte dévaluation.) ; au contraire, en période de déflation, l’entreprise devra rembourser plus.

 

Cette politique déflationniste permit donc à la France de retarder les effets du krach de 1929 ; cependant, elle entraina involontairement une prolongation de la crise.

Ainsi, les dépenses publiques de l’Etat excédaient de 25% les recettes ; malgré une baisse des prix de l’ordre de 25%, en raison d’une déflation de 8%, la France vit ses exportations nationales diminuer de 60% entre 1929 et 1932 ; l’on comptait 284 000 chômeurs[56] en fin d’année 1932 ; enfin, l’on constatait un net recul de la production annuelle, la sidérurgie ayant reculé de moitié par rapport à 1928.

 

c) La chute du gouvernement Herriot (décembre 1932) : le 14 décembre 1932, le gouvernement Herriot fut renversé par la Chambre des députés, concernant la question du remboursement des dettes de guerre contractées auprès des Etats-Unis.


Malgré la quasi-annulation des réparations allemandes, consentie suite à la conférence de Lausanne, Herriot considérait qu’il était du devoir de la France de rembourser ses dettes vis-à-vis des Etats-Unis (d’autant plus que le gouvernement américain, hostile à l’annulation des réparations allemandes, ne comptait pas supprimer la dette française.).

La Chambre des députés, hostile à la thèse d’Herriot, vote alors une motion de défiance contre le gouvernement.

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[1] Le Dow Jones (abréviation de Dow Jones Industrial Average.) est le plus vieil indice de la bourse de New York, et le plus vieil indice boursier au monde. Il fut baptisé ainsi en 1884 par Charles Dow et Edward Jones, fondateurs de la Dow Jones & Company et du Wall Street Journal.

[2] Wall street (« la rue du mur » en français.) fut nommée ainsi car c'était à cet endroit que fut érigé le premier mur d'enceinte de la ville (New Amsterdam avait été fondée en 1625 par les colons hollandais, puis fut conquise par l’Angleterre en 1664.). Cette rue abrite la bourse de New York depuis 1792.

[3] Le krach boursier est un effondrement brutal des actions (son nom provient de l’allemand, qui signifie « bruit » ou « catastrophe. »).

[4] Black Monday en anglais.

[5] Black Tuesday en anglais.

[6] Le téléimprimeur est un appareil, inventé en 1866, permettant l’envoi et la réception de messages via des signaux électriques. Les messages étaient retranscrits à l’horizontale sur une mince bande de papier.

[7] Soit dix fois le budget annuel des Etats-Unis.

[8] Flandin était un avocat né en avril 1889. Participant à la première guerre mondiale, il fut affecté à l’aéronautique ; en 1914, il fut élu député de l’AD.

[9] Pour en savoir plus au sujet de la montée du nazisme en Allemagne, voir le d), 10, section II, chapitre cinquième, la troisième république.

[10] Reynaud, diplômé de HEC (école des Haute Etudes Commerciales.), se tourna rapidement vers la politique. Il fut élu député de l’AD à compter de 1919 (il perdit toutefois son siège entre 1924 et 1928.).

[11] Péret était un avocat né en novembre 1870. Elu député à compter de 1902, il siégea aux côtés des radicaux indépendants. Plusieurs fois ministre, il fut élu président de la Chambre des députés entre 1920 et 1924.

[12] Jusqu’à présent, seules les études primaires étaient gratuites.

[13] Les expositions coloniales, tout comme les expositions universelles, étaient organisées à intervalles réguliers. La première avait été tenue à Sydney en 1866.   

[14] L’Afrique Occidentale française est une fédération créée en 1895 regroupant le Sénégal, le Soudan français (aujourd’hui Mali.), la Guinée, et la Côte d’Ivoire. Y participèrent plus tard la Mauritanie, le Niger, la Haute-Volta (aujourd’hui Burkina Faso.) et le Dahomey (aujourd’hui Bénin.).

[15] Les Indes orientales néerlandaises était un ensemble d’îles situées en Asie du sud-est. Il s’agit de l’actuelle Indonésie.

[16] Le général George Washington, vainqueur de la guerre d’indépendance américaine, fut le premier président des Etats-Unis. Pour en savoir plus sur ce conflit, cliquez ici.

[17] Le pavillon américain fut transporté à Vaucresson, dans les Hauts-de-Seine, suite à l’exposition coloniale.

[18] Leptis Magna est une ancienne cité romaine, bâtie non loin de Carthage, en Libye. Abandonnée au cours du VII° siècle, la ville fut recouverte par le sable et oubliée. C’est ainsi que Leptis Magna reste aujourd’hui l’un des sites les plus riches concernant l’histoire romaine. 

[19] Depuis 2007 Cité nationale de l’histoire de l’immigration (les collections de l’ancien musée des colonies ont été cédées au musée du Quai Branly.).

[20] Le zoo de Vincennes existe encore aujourd’hui.

[21] Rappelons qu’à cette époque, la fonction de chef de l’Etat était plus symbolique qu’autre chose.

[22] Rappelons que ce dernier avait été emprisonné en 1923 pour avoir protesté contre l’invasion de la Ruhr.

[23] Hennessy, né en avril 1874, hérita jeune de la fortune de son père, grand producteur de Cognac. Il fut élu député en 1924, siégeant aux côtés des socialistes indépendants.

[24] Marraud, né en janvier 1861, avait été nommé préfet en 1900. Il participa à plusieurs gouvernements entre 1921 et 1930, en tant que ministre de l’Instruction publique.

[25] Contre 132 milliards de marks-or à l’origine.

[26] Pour en savoir plus sur le plan Young, voir le h), 15, section I, chapitre cinquième, la troisième république.

[27] Hoover naquit dans l’Iowa en août 1874. Partant pour l’Oregon étant enfant, Hoover obtint un diplôme d’ingénieur en 1895, puis partit travailler en Chine. Suite au déclenchement de la première guerre mondiale, Hoover partit en Angleterre afin de porter assistance à ses compatriotes bloqués sur le vieux continent. Plusieurs fois ministre à compter de 1919, il fut candidat aux élections présidentielles de 1928, qu’il remporta avec près de 60% des voix. Le mandat d’Hoover fut cependant frappé de plein fouet par le krach de Wall Street.  

[28] Le Congrès américain est l’équivalent de notre actuel parlement : il réunit la chambre basse (la Chambre des représentants des Etats-Unis.) et la chambre haute (le Sénat des Etats-Unis.).

[29] Le magazine Time fut fondé en 1923. L’élection de l’homme de l’année ne se fit toutefois qu’à partir de 1927.

[30] Laval et le général de Gaulle sont les seuls Français qui furent élus « homme de l’année » par le magazine Time.

[31] Ce dernier succomba de la fièvre typhoïde (il s’agit d’une maladie contractée suite à l’ingestion de boissons ou d’aliments contaminés par des déjections.).

[32] Aristide Briand, qui s’était retiré de la vie politique, mourut le 7 mars 1932.

[33] A noter que cette mesure fut rejetée par le Sénat.

[34] Un score équivalent à celui de 1928.

[35] Le Parti Républicain Socialiste, né en 1911, regroupait les socialistes indépendants, hostiles à la SFIO.

[36] Le PSF, frange droite de la SFIO, avait été fondé en 1919.

[37] Le PUP était né d’une scission avec le parti communiste en 1930.

[38] Soit 107 sièges perdus par rapport aux élections de 1928.

[39] Rappelons qu’il s’agissait d’anciens membres du PRRRS, qui s’étaient rapprochés du centre, ne souhaitant pas faire alliance avec la SFIO.

[40] Tardieu avait fondé le centre républicain en 1932, n’ayant pu mettre en place une alliance avec l’AD.

[41] Parti démocrate populaire.

[42] Contre 102 élus en 1928.

[43] Rapprochement avec les ligues d’extrême-droite, mise en avant du catholicisme intransigeant, montée de l’antisémitisme, etc.

[44] Il s’agissait d’un groupe parlementaire composé d’élus originaires d’Alsace-Lorraine.

[45] Pour en savoir plus sur la révolution russe, voir le 10, section V, chapitre quatrième, la troisième république ; pour plus de précisions sur la guerre civile russe, voir le d), 2, section I, chapitre cinquième, la troisième république.

[46] Paul Doumer et Sadi Carnot furent les seuls présidents de la république française assassinés (pour en savoir plus sur la disparition de Sadi Carnot, voir le d), 12, section III, chapitre deuxième, la troisième république.).

[47] Il fut exécuté le 14 septembre de la même année.

[48] Lebrun était un ingénieur né en août 1871. Elu député de l’AD à compter de 1900, il participa à la première guerre mondiale en tant qu’officier d’artillerie. Lebrun, nommé ministre à plusieurs reprises entre 1911 et 1919, fut élu sénateur en 1920. Il fut aussi nommé représentant de la France auprès de la SDN. 

[49] Faure naquit en février 1878. Journaliste, il adhéra à la SFIO à compter de 1915, mais s’opposa aux communistes lors du congrès de Tours. A noter que Faure fut battu aux élections législatives de 1932.

[50] A noter que Cachin s’était déjà présenté lors des élections présidentielles de 1931.

[51] Les socialistes refusaient depuis leur arrivée à la Chambre des députés de participer à un gouvernement bourgeois.

[52] Paul-Boncour était un avocat né en août 1873. Elu député radical à compter de 1909, il fut nommé plusieurs fois ministre. Participant à la première guerre mondiale, Paul-Boncour adhéra à la SFIO en 1916, mais préféra rejoindre le PRS en 1931.

[53] Pour en savoir plus sur le moratoire Hoover, voir le e), 3, section II, chapitre cinquième, la troisième république.

[54] L’armée allemande était réduite à 100 000 hommes, et il lui était interdit de s’équiper d’artillerie, de chars, de navires, de gaz de combat, etc.

[55] Voir à ce sujet le d), 10, section II, chapitre cinquième, la troisième république.

[56] A noter que les chiffres du chômage de l’époque étaient sous-évalués. 

 
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