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Mythologie
 
 

 

 

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Les derniers Bourbons (1815 - 1830)

 

CHAPITRE PREMIER : Louis XVIII (1815 à 1824)

 

II : La seconde restauration (1815 à 1816)

           

            1° Le retour du roi et la Terreur blanche de 1815 – Suite à la bataille de Waterloo, Napoléon fut contraint d’abdiquer une seconde fois, puis fut déporté par l’Angleterre sur l’île de Sainte Hélène[1].

 

a) Louis XVIII rentre à Paris : en juillet 1815, Louis XVIII profita de l’exil de l’Empereur déchu et rentra à Paris.

Le retour de Louis XVIII aux Tuileries.

Il rencontra alors Charles Maurice de Talleyrand-Périgord et Joseph Fouché (les deux hommes, actifs lors de la révolution et de l’Empire, s’étaient toutefois détachés de Napoléon vers la fin de son règne.).

Charles Maurice de Talleyrand-Périgord, prince de Bénévent, par Pierre Paul PRUD'HON, 1807, musée Carnavalet, Paris (à gauche.) ; Joseph Fouché (à droite.).

Louis XVIII n’appréciait guère les deux personnages, mais il savait que Talleyrand était un des seuls diplomates français capable de faire face aux puissances européennes. Ce dernier fut alors nommé premier ministre, à la tête d’un gouvernement composé entre autres de Fouché (ministère de la Police.), Laurent Gouvion[2] (ministère de la guerre.), Joseph Dominique, baron Louis[3] (ministère des Finances.), et Etienne Denis Pasquier (ministère de la Justice.).

 

 Laurent Gouvion, capitaine au 1er bataillon de chasseurs de Paris en 1792, par ROUGET, château de Versailles, Versailles ; le baron Louis ; et Etienne Denis Pasquier.

 

b) La Terreur blanche de 1815 : alors qu’à Paris la situation était encore délicate, l’on vit apparaitre en province une nouvelle Terreur blanche, similaire aux évènements de l’été 1795[4].

 

Les exactions se déclenchèrent principalement dans la région du Rhône et en Vendée.

Dans le sud de la France, des dizaines de soldats de la Grande armée furent assassinés ; à Marseille, les Mamelouks qui avaient accompagné Napoléon dans toutes ses campagnes furent massacrés par la foule ; à Avignon, le maréchal Guillaume Marie Anne Brune fut lynché par les habitants de la ville.

Le maréchal Guillaume Brune, par Rose Jeanne FAJON, 1834, musée des Invalides, Paris.

A Toulouse, les Verdets, membres de compagnies royalistes, multiplièrent alors les exactions au nom de la couronne (les rubans vert qu’ils arboraient rappelaient les couleurs de Charles, comte d’Artois, frère cadet de Louis XVIII.).

 

A noter par ailleurs que les protestants furent victimes d’exactions (comme par exemple à Nîmes.), de nombreux royalistes n’appréciant gère la tolérance religieuse (qui était considérée comme un des idéaux de la Révolution française.).

 

            2° Les nouveaux partis politiques – A l’été 1815, l’on assista à l’apparition de plusieurs partis sur la scène politique.

 

Le parti royaliste, tout d’abord, était favorable au rétablissement de la monarchie, tout en condamnant la période révolutionnaire et bonapartiste. A noter toutefois qu’un important courant de ce parti était l’ultraroyalisme (en effet, les Ultras considéraient que le roi était établi par Dieu, et que le peuple devait donc se soumettre à la volonté divine[5].).

Les membres de ce parti appartenaient en majorité à la noblesse de l’Ancien régime.

 

Le parti libéral, au contraire, réunissait des hommes hostiles à la monarchie absolue (mais pas à une monarchie constitutionnelle.). Toutefois, en raison de leur fortune importante, ces derniers considéraient qu’une démocratie était impossible, estimant que seuls les plus instruits étaient capables de gérer les affaires de l’Etat.

Les libéraux, contrairement à leurs adversaires politiques, étaient généralement des bourgeois, des avocats ou des banquiers, soucieux de ne pas subir à nouveau le joug de l’aristocratie.

 

A noter qu’il existait un troisième parti : les doctrinaires. Ces derniers, guère appréciés par les royalistes et les libéraux, étaient favorables au maintien des acquis de la révolution. Toutefois, bien qu’étant peu nombreux, les doctrinaires jouèrent un grand rôle dans l’évolution des idées politiques.

 

            3° La Terreur blanche dite « légale » – Le 24 juillet, Louis XVIII promulgua une ordonnance en réalité rédigée par Joseph Fouché. Il s’agissait en réalité d’une liste de proscription, visant à interpeller les individus ayant participé aux Cent-Jours.

C’est ainsi que plusieurs officiers de la Grande armée, comme par exemple le maréchal Michel Ney, furent arrêtés et emprisonnés.

Le maréchal Ney.

Peu de temps après, le ministre des finances Joseph Dominique Louis publia une ordonnance reconnaissant que les caisses de l’Etat étaient vides ; début août, un décret cassa toutes les promotions accordées aux militaires lors des Cent-Jours.

 

a) Les assemblées de la seconde restauration, les élections de l’été 1815 : lors de la première restauration, Louis XVIII avait créé deux nouvelles assemblées, la Chambre des Pairs et la Chambre des députés des départements (ces dernières remplaçaient le Sénat conservateur, le Corps législatif et le Tribunat, assemblées impériales.).

Toutefois, si la Chambre des Pairs était composée d’aristocrates nommés à vie par le roi (leur charge était héréditaire.), la Chambre des députés était élue par le peuple et renouvelée d’un cinquième chaque année.

Rappelons que pour être électeur, il fallait avoir au moins trente ans, et payer 300 francs d’impôts directs ; pour être député, quarante ans et mille francs d’impôts directs. Ainsi, dans la France de 1815, l’on ne comptait que 100 000 électeurs et 15 000 candidats éligibles.

 

Les élections législatives, qui se déroulèrent à la mi-août 1815, se firent avec peu de participants et beaucoup d’illégalités. Dans les régions occupées, le vote fut contrôlé par les armées ennemies ; dans le sud du pays, les votes s’effectuèrent sous la menace de la Terreur blanche ; dans certains départements, seuls les électeurs favorables au régime furent convoqués.

 

b) La chambre introuvable : ce climat délétère entraîna l’arrivée de nombreux députés ultraroyalistes lors des élections législatives d’août 1815. Cette nouvelle assemblée, dont la composition fut une surprise pour le roi de France, fut ainsi surnommée la chambre introuvable.

Les députés de la chambre introuvable.

 

Cependant, les nouveaux élus n’étaient pas tous des vieux émigrés, nostalgiques de l’Ancien régime. En effet, certains d’entre eux étaient des bourgeois, dont quelques uns avaient été anoblis sous l’Empire. Le reste des députés étaient des aristocrates, dont une partie avait émigré lors de la Révolution française.

Par ailleurs, la grande majorité de ces élus avaient moins de 40 ans, ce qui signifie que ces derniers n’étaient pas nés lors du couronnement de Louis XVI. Enfin, ces nouveaux députés n’avaient aucune expérience politique, car une cinquantaine d’entre eux seulement avaient déjà siégé au sein d’une assemblée.

 

c) L’action du duc de Richelieu : alors que les négociations du second traité de Paris allaient bon train, Louis XVIII décida de se séparer de Talleyrand et de Fouché, les deux hommes ayant un passé bien trop « chargé » aux yeux des Ultras.

Toutefois, afin de faire face à la chambre introuvable, le roi de France décida de confier le poste de premier ministre à un modéré : Armand Emmanuel du Plessis, duc de Richelieu[6].

Portrait d'Armand Emmanuel du Plessis, duc de Richelieu.

 

Né à Paris en septembre 1766, le nouveau venu avait émigré lors de la Révolution française, puis s’était présenté à la cour du tsar Alexandre I°. Ce dernier lui avait alors confié le gouvernement d’Odessa, cité de Crimée récemment prise à l’Empire ottoman.

La nomination du duc de Richelieu avait vraisemblablement comme objectif de négocier un traité de paix plus avantageux pour la France, le nouveau premier ministre étant un proche du tsar (Talleyrand, au contraire, était plus favorable à l’alliance anglaise.).

 

Le nouveau gouvernement fut entre autres composé d’Elie Decazes[7] (ministère de la Police.), Louis Emmanuel Corvetto[8] (ministère des Finances.), Henry Clarke (ministère de la Guerre.), Vincent Marie Viénot, comte de Vaublanc (ministre de l’Intérieur.), le duc de Richelieu occupant en outre le poste de ministre des affaires étrangères.

Portrait d'Elie Decazes.

  

Peu de temps après la formation du ministère Richelieu, la Chambre des députés promulgua une série de décrets réactionnaires : la loi de sûreté générale (29 octobre 1815.), permettant d’emprisonner sans jugement tout individu suspecté de comploter contre la sûreté de l’Etat ; loi sur les discours et les écrits séditieux (9 novembre 1815.), rétablissant la censure ; loi sur les cours prévôtales (27 décembre 1815.), ces dernières fonctionnant sans jury et sans appel, et punissant de mort les rebelles[9] ; loi sur le divorce (2 janvier 1816.), interdisant cette pratique[10] et autorisant l’Eglise à recevoir des donations ; loi d’amnistie (12 janvier 1816.), bannissant les régicides[11].

 

Grâce à cette série de décrets, près de 70 000 personnes furent interpellées, et environ 5 000 opposants politiques furent emprisonnés. Plusieurs généraux de Napoléon, ainsi que le maréchal Michel Ney, furent exécutés en raison de leur participation aux Cent-Jours.

Le 7 décembre 1815 à neuf heures du matin, l'exécution du maréchal Ney, par Jean Léon GEROME, 1868, Sheffield galleries and museums trust, Sheffield, Angleterre.

Caveau de la famille Ney, cimetière du Père Lachaise, Paris.

En outre, plus d’une centaine de régicides furent bannis, et une épuration massive eut lieu au sein de la fonction publique (près d’un quart des fonctionnaires, soit environ 60 000 personnes, furent ainsi licenciés.).

L'exécution du colonel La Bédoyère, 19 août 1815.

 

            4° Le second traité de Paris (novembre 1815) – Les puissances européennes n’avaient guère apprécié le retour de Napoléon lors des Cent-Jours. Ainsi, la victoire des coalisés lors de la bataille de Waterloo leur permit d’imposer à la France un traité encore plus sévère que celui de 1814.

 

Le second traité de Paris, signé en novembre 1815, enleva à la France la Savoie et la Sarre[12], ainsi que plusieurs villes au nord du pays (Landau, Philippeville, et Mariembourg.).

Par ailleurs, et contrairement à 1814, une occupation de la France fut décidée par les puissances européennes. Les Français devaient payer 700 millions de francs d’indemnités et subvenir aux besoins d’une force d’occupation d’environ 150 000 hommes.

Les troupes russes campent sur les Champs Elysées.

Les puissances européennes souhaitant occuper le pays afin de statuer sur la progression de la situation intérieure en France, des congrès se dérouleraient périodiquement afin de surveiller l’évolution du pays.

Zone d'occupation de la France (1815).

A noter que le duc de Richelieu, grâce à son amitié avec le tsar Alexandre, parvint à conserver plusieurs cités (Condé, Givet, Charlemont, les forts de Joux et de l’Ecluse.), et à faire diminuer l’indemnité de guerre (qui était de 800 millions à l’origine.).

Alexandre I°, Empereur de Russie, par François GERARD, 1814, musée du château de Malmaison, Rueil-Malmaison.

 

La France, non signataire du second traité de Paris (elle avait participé aux négociations en 1814.), aurait pu toutefois perdre davantage de territoires. En effet, la Prusse aurait voulu mettre la main sur les territoires de l’est de la France, mais l’Autriche et l’Angleterre, se méfiant de l’expansionnisme prussien, décidèrent de s’y opposer.

 

Les rédacteurs du traité, aussi bien hostiles à la Révolution française qu’à Napoléon, confirmèrent par ailleurs les décisions prises lors du congrès de Vienne[13].

 

            5° La dissolution de la chambre introuvable (avril 1816) – Très rapidement, les diplomates des puissances européennes conseillèrent à Louis XVIII de ne pas conserver la chambre introuvable, craignant que ses décrets réactionnaires n’entrainent des émeutes.

Toutefois, deux débats entraînèrent une opposition croissante entre Louis XVIII et la Chambre des députés, concernant le Cens et la dette publique.

 

A la mi mars, l’assemblée décida d’abaisser le Cens, qui passerait de 300 francs à seulement 50. L’objectif des Ultras, menés par Jean-Baptiste Guillaume Marie Anne Séraphin Joseph de Villèle[14], était de récupérer les voix de la riche paysannerie, plus favorable à la contre-révolution que la bourgeoisie (proche des libéraux.).

Au contraire, Elie Decazes, royaliste modéré, était hostile à une diminution du cens, ne souhaitant pas que les ultraroyalistes trouvent de nouveaux électeurs.

Finalement, Louis XVIII et Richelieu firent casser ce vote par la Chambre des pairs.

 

Plus tard, un nouveau conflit éclata entre le gouvernement Richelieu et la Chambre des députés, cette fois ci à cause du vote du budget.

En effet, afin de faire face aux dépenses occasionnées par l’occupation, le ministre des finances Louis Emmanuel Corvetto proposa de reconnaitre les dettes des régimes précédents, et de vendre des hectares de forêt appartenant à l’Etat (autrefois à l’Eglise.).

Toutefois, les députés repoussèrent de projet de loi, considérant que le roi de France n’avait pas à s’acquitter de dettes contractées par Napoléon, via des biens « volés » au clergé lors de la révolution. Ainsi, Louis XVIII fut contraint de contracter un emprunt de 100 millions francs afin de payer les frais d’occupation.

 

Suite à ce vote houleux, le gouvernement décida de prononcer la clôture de la session (29 avril 1816.), et la chambre introuvable fut dissoute par Louis XVIII le 20 août (la décision étant tenue secrète, les députés ne furent pas mis au courant des intentions du roi.).

A noter que Clarke et le comte de Vaublanc, respectivement ministres de la Guerre et de l’Intérieur, furent renvoyés par le duc de Richelieu car jugés trop proches des Ultras (en septembre, ils furent remplacés par Laurent Gouvion et Joseph Henri Joachim, vicomte Laîné.).

Joseph Henri Joachim, vicomte Laîné.

 

Le 25 août 1816, le concordat de 1801 fut abrogé[15] ; le concordat de Bologne, datant de 1516, fut alors rétabli[16].

Par ailleurs, l’été 1816 vit l’apparition du parti constitutionnel, branche du parti royaliste, opposé aux Ultras. Les membres de ce courant pensaient en effet que la Terreur blanche et le retour à la monarchie absolue ne ferait qu’attiser les tensions (ses principaux membres étaient le duc de Richelieu, Elie Decazes, Etienne Denis Pasquier, etc.).

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[1] Pour en savoir plus sur les Cent-Jours, cliquez ici.

[2] Ce dernier fut fait marquis de Saint Cyr en 1817 par Louis XVIII.

[3] Joseph Dominique Louis, fait baron par Napoléon Bonaparte, avait intégré le conseil d’Etat en 1811.

[4] Pour en savoir plus sur la Terreur blanche de 1795, voir le 4, section III, chapitre quatrième, la Révolution française.

[5] A noter que les Ultras étaient plus royalistes que le roi, Louis XVIII étant hostile à une suppression pure et simple des acquis de la révolution et de l’Empire.

[6] Le duc de Richelieu était le descendant du cardinal de Richelieu, premier ministre de Louis XIII.

[7] Decazes, né en septembre 1780, ne tarda guère à devenir un des favoris de Louis XVIII.

[8] Ce dernier était originaire de Gênes.

[9] Les cours prévôtales, jugeant les vagabonds, les faux monnayeurs, et opposants politiques, percevaient une prime pour chaque bonapartiste arrêté.

[10] Le divorce, qui était un des acquis de la Révolution française, ne fut rétabli qu’en 1884.

[11] Il s’agissait des députés de la Convention ayant voté la mort de Louis XVI en 1793.

[12] Sarrelouis, ville fondée par Louis XIV, fut ainsi cédée à la Prusse.

[13] Pour en savoir plus sur le congrès de Vienne, voir le 2, section I, chapitre cinquième, l’épopée napoléonienne.

[14] Villèle était né en avril 1773.  

[15] Le concordat de 1801 fut signé entre Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII. Le texte, mettant fin à la déchristianisation souhaitée par les révolutionnaires, consacrait le catholicisme comme principale religion des Français. Pour en savoir plus, cliquez ici.

[16] Le concordat de Bologne fut signé entre François I° et le pape Léon X en 1516. L’objectif était de mettre fin à la Pragmatique sanction de Bourges, qui consacrait l’indépendance du clergé français. Pour en savoir plus à ce sujet, voir le 3, section II, chapitre premier, les Valois-Angoulême.

 
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