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Mythologie
 
 

 

 

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L'Empire germanique et l'Église


CHAPITRE PREMIER : L’Empire Germanique


II : La maison de Saxe (918 – 1024)

 

            La maison de Saxe, au cours du siècle pendant lequel elle fut à la tête de l’Allemagne, suivit une politique se résumant en trois points : défendre l’Allemagne contre ses ennemis extérieurs, reconstituer l’Empire de Charlemagne, dominer l’Eglise.

 

            1° Henri I° l’Oiseleur (918 – 936) – Les grands de Saxe, assemblés avec ceux de Franconie, ratifièrent le choix sans discussion la décision de Conrad, et proclamèrent Henri (il était surnommé l’Oiseleur à cause de sa passion pour la chasse.).

Henri I° ne fut cependant pas accepté partout, les ducs de Bavière et de Souabe lui étant hostile. Cependant, le nouveau roi parvint à les gagner à sa cause.

Sous son règne, la Germanie fut en paix. Il mena d’ailleurs une politique profondément germaniste, n’étant pas obsédé par l’Italie comme le furent ses successeurs. A cette époque, il n’y eut pas de troubles à l’intérieur du royaume, et à l’extérieur, le roi parvint à avoir raison des barbares.

A l’époque, trois peuples menaçaient la Germanie : les Danois, les Slaves et les Hongrois. Henri I° s’occupa d’abord des Danois en faisant irruption dans leur pays, prenant la région du Sleswig, établissant une colonie saxonne sous le commandement d’un margrave : ce fut la marche du Sleswig.  

Ensuite, il punit les Slaves en leur enlevant une de leur principales forteresses, Brunibor, qui sous un autre nom devint la capitale de la marche de Brandebourg.

Enfin, pour contrer les Hongrois, le roi éleva en Saxe, aux endroits les plus menacés, une série de forteresses. Ces dernières (Meissen, Gotha, Goslar, etc.), bien équipées en vivres, en hommes et en armes, formèrent la marche de Misnie.

Ainsi étaient recrées les marches, instaurées par Charlemagne, que ses successeurs avaient laissé dépérir.

 

            Une fois ses frontières assurées au bout de quelques années, le roi rassembla sous ses ordres une forte armée, et attaqua les Hongrois.  

En 931, leurs ambassadeurs vinrent réclamer leur tribut annuel. Le roi leur fit alors remettre un chien galeux à qui on avait coupé la queue et les oreilles.

Pour venger cette insulte, deux armées hongroises envahirent la Germanie, mais elles n’en furent pas moins écrasées.

Les Hongrois revinrent alors une nouvelle fois à l’attaque, et furent battus une fois de plus, en 934, sous les murs de Merseburg. Il ne reparurent alors plus en Germanie pendant vingt ans.

 

            2° Othon I° le Grand (936 – 973) – Henri I° ne survécut que deux ans à cette victoire. Lorsqu’il mourut, son fils aîné Othon I° lui succéda. Ce dernier avait plus de génie et plus d’ambition que son père, mais il eut cependant moins de loyauté…

Portrait d'Othon I le Grand, par Lucas CRANACH, XVI°.

 

- Othon I° et l’Allemagne : Othon I° passa les vingt premières années de son règne à établir solidement son autorité en Germanie, car il ne souhaitait pas n’être qu’un roi en peinture, comme l’était son contemporain le roi de France Louis IV d’Outre mer[1].

 

Il réussit en partie, grâce à un heureux concours de circonstances. Le hasard voulut qu’alors les grands duchés devinrent vacants, et, comme suzerain, le roi en fit autant de fiefs qu’il distribua à sa famille. Son frère Henri reçut la Bavière, son fils Ludolphe eut la Souabe, son gendre Conrad le Rouge eut la Lorraine et la Franconie. Il donna aussi l’archevêché de Mayence à son frère Brunon, et l’archevêché de Cologne à son fils Guillaume.

Les liens du sang étant facilement corruptibles, Othon I° fit en sorte de rattacher autrement ces grands duchés à la royauté. Il y installa, dans chacun d’entre eux, un comte palatin, chargé d’administrer les domaines royaux éparpillés dans toute la Germanie et de surveiller les ducs.

En outre, afin de contrebalancer la puissance des seigneurs, Othon I° accrut la puissance des évêques, leur distribuant comtés et duchés, achevant ainsi de constituer la féodalité ecclésiastique face à la féodalité laïque.

Cependant, les comtes palatins et les seigneurs évêques devinrent peu à peu indépendants vis à vis de la royauté, aussi hostile à elle que ceux qu’ils étaient en charge de surveiller et de combattre. Cependant, ce changement d’attitude prit réellement de l’ampleur après le règne d’Othon I°.

 

- Othon I° et les barbares : Avec un pouvoir fort à l’intérieur, Othon I° put s’occuper sérieusement des affaires extérieures. Othon I° dut combattre trois ennemis, ceux que son père avait dû affronter plusieurs années auparavant : les Danois, les Slaves et les Hongrois.

 

Tout d’abord, le roi s’en prit aux Danois. Ces derniers demandèrent la paix, qu’Othon I° n’accepta qu’à la condition que leur roi, Harald à la Dent Bleue, se convertisse au christianisme et se fasse baptiser.

 

Ensuite, il imposa un tribut aux Slaves de Bohême, et contraignit leur duc Bodeslas à favoriser le christianisme (ce dernier avait en effet persécuté les chrétiens.). Il imposa aussi l’hommage au duc de Pologne Miécislas, avec l’obligation de laisser s’élever l’évêché de Posen.

On voit bien qu’Othon I° reprenait ici la stratégie de Charlemagne, qui pensait que les conquêtes n’étaient solides que si elles allaient de front avec le christianisme. Ainsi naquirent plusieurs évêchés : Sleswig et Aarhus au Danemark ; Magdebourg, Brandebourg, Meissen, Posen chez les Slaves de l’Elbe et de l’Oder ; Prague en Bohême.

 

Mais la lutte n’était pas finie. Encore fallait il que le roi s’occupe des Hongrois.

Ces derniers avaient pénétré en Germanie, et assiégeaient Augsbourg. En 955, Othon I° leur livra une bataille sous les murs de la ville, au cours de laquelle ils furent vaincus. Après ce terrible échec, les Hongrois ne revinrent plus jamais en Germanie. 50 ans après, ils embrassèrent le christianisme, cessant d’être une menace pour l’Europe.

Pointe de lance et épées franques, IX°-X° siècle, Deutsches historisches museum, Berlin.

 

- Othon I° et l’Italie : Morcelée, à l’instar de la France et de l’Allemagne, en une myriade de principautés laïques et ecclésiastiques, l’Italie continuait à être livrée à la guerre civile.

Et lorsque l’un de ses seigneurs parvenait à s’imposer aux autres, ce n’était pas pour faire régner l’ordre et la justice, mais pour mieux pouvoir éliminer ses rivaux.

Ainsi, Hugues, comte de Provence, proclamé roi d’Italie, voulut dépouiller les uns après les autres les grands feudataires, y compris son propre neveu, Bérenger, marquis d’Ivrée. Ce dernier se sauva alors en Germanie, prévenu de justesse par Lothaire, le propre fils de Hugues.   

Peu de temps après, appelé par les seigneurs italiens, il revint combattre son oncle. Ce dernier, abandonné de tous, abdiqua en faveur de son fils.

Il fut alors passé un accord entre Lothaire et Bérenger, qui se partagèrent la dignité royale. Cependant, Bérenger se lassa vite de cet embarrassant collègue, et le fit empoisonner en 950.

Puis il força Adélaïde, veuve de ce dernier, à épouser son fils Adalbert. Cette dernière refusant, elle fut battue puis enfermée dans un château, sur les bords du lac de Garde.

Adélaïde parvint cependant à s’échapper à l’aide d’un prêtre, puis se réfugia au château de Canossa, dans les Apennins. Là, elle implora le secours du roi de Germanie.

Ce dernier, qui avait perdu sa femme Edith, accepta l’occasion qui se présentait de gagner à la fois un royaume et la main d’une femme célèbre pour sa beauté et ses malheurs.

En 951, il entra dans la péninsule, et arriva à Pavie sans rencontrer de résistance. Là, il épousa Adélaïde, et se déclara roi d’Italie.

Cependant, Bérenger étant venu quelques mois plus tard dans une diète à Augsbourg, le roi lui rendit sa couronne, à condition qu’il la tienne comme un fief de Germanie, et en se réservant la marche de Vérone, qui lui ouvrait les Alpes.

 

- Othon I° et l’Empire (962) : Les revers de fortune n’assagirent pas Bérenger, qui continua de malmener seigneurs et évêques. Pour lui échapper, le pape Jean XII appela Othon I°, lui promettant la couronne impériale, délaissée depuis près de 40 ans.

En 962, le roi de Germanie passa alors une nouvelle fois en Italie. Il se fit d’abord sacrer roi à Milan, puis il fut sacré Empereur à Rome par Jean XII. A cette occasion, Othon dut jurer de maintenir les donations faites au Saint Siège par Charlemagne et de protéger l’indépendance de la papauté.    

Si en l’an 800, Léon III, en sacrant Charlemagne, recréa l'Empire romain, Jean XII, en 962, en sacrant Othon I°, créa l'Empire romain germanique. En effet, tous les Empereurs qui suivirent ne furent qu’Allemands (à noter toutefois que cette appellation ne fut employée qu'à partir du XV° siècle.).

Seulement, il faut bien noter que la couronne impériale, à laquelle était attachée la possession de l’Italie, restait distincte de la couronne de Germanie. Un souverain pouvait être roi de Germanie, mais il n’était pas pour cela Empereur.

Pour être Empereur, il fallait aller à Rome, être agrée par le pape et sacré par lui.

Les rois de Germanie respectèrent cette manière de faire, car jamais ils n’osèrent prendre le titre d’Empereur avant d’avoir été sacrés à Rome par le souverain pontife[2].

 

En tout cas, si le nouvel Empereur fut un défenseur de l’Eglise, comme l’était Charlemagne (création des évêchés de Prague, Magdebourg, Brandebourg, etc.), il ne fut pas un défenseur du pape Jean XII. En effet, il tint en 963 un conciliabule dans l’église Saint Pierre de Rome, afin de déposer ce dernier.

S’ensuivit alors une période de troubles à Rome, car l’Empereur avait fait remplacer Jean XII par Léon VIII. A la mort de ce dernier, Benoît V fut élu pape, mais il fut lui aussi déposé par Othon, en 965.

 

            Othon I° profita une dizaine d’années de la couronne impériale. Il mourut presque subitement, en mai 973, alors qu’il venait d’assister à une messe.

 

            3° Derniers rois de la maison de Saxe (973 – 1024) – trois rois se succédèrent successivement sur le trône de Othon I°, mais aucun ne parvint à l’égaler.  

 

- Othon II (973 – 983) : Lorsque Othon I mourut, ce fut son fils Othon II qui lui succéda. Ce dernier ne fit que deux expéditions importantes à l’étranger, au cours de son règne.

 

La première fut organisée à l’encontre du roi de France, Lothaire.

Le roi de Germanie avait cédé à Charles, le frère du roi Lothaire, la Basse Lorraine, sous suzeraineté impériale. Mais le roi de France était mécontent de cet arrangement, sachant qu’il avait des vues sur ce duché. 

En juin 978, à la tête d’une armée de 20 000 hommes, il marcha sur Aix la Chapelle, et faillit prendre Othon II dans son palais. Ce dernier eut cependant le temps de s’enfuir et de se réfugier derrière le Rhin. Le roi de France décida de piller Aix la Chapelle, puis se retira sans être menacé.

Le roi de Germanie n’allait pas laisser l’affront impuni, d’autant plus que Lothaire était un roi de faible envergure par rapport à lui. Othon II convoqua alors ses seigneurs, entra en France, pillant et ravageant tout sur son passage.

Lothaire dut alors se replier derrière la Seine, alors que le roi de Germanie mit le siège devant Paris, assisté de 30 000 hommes. Mais Hugues Capet défendit vaillamment la ville jusqu’à l’hiver. Le froid arrivant, Othon II préféra abandonner la lutte. Mais avant de partir, les Allemands firent retentir aux oreilles des Parisiens un magistral Te Deum.

La retraite fut pénible, l’arrière garde se faisant exterminer lors du passage de l’Aisne, près de Soissons.

 

            Une seconde expédition fut faite en Italie méridionale.

Othon II avait en effet épousé la fille d’un Empereur de Constantinople, Théophano. Pour dot, il réclamait aux Grecs l’Italie méridionale, qu’ils occupaient depuis l’expédition de Bélisaire. Les réclamations du roi de Germanie ne furent pas écoutées, et il en vint aux armes.

Les premiers affrontements furent des succès pour les troupes d'Othon II, lorsque ces dernières furent alors confrontées aux musulmans de Sicile. Les deux adversaires se livrèrent alors une grande bataille au cap Cotrone, en juillet 982. Finalement, les Germains furent écrasés, et Othon II ne put se sauver qu'en plongeant dans la mer avec son cheval (il fut par la suite récupéré par une galère grecque, d’où il s’échappa plus tard à la nage.).

 

            Alors que les Germains se faisaient battre en Italie, une révolte générale des Slaves amena l’effondrement momentané de la colonisation allemande à l’est de l’Elbe.

Othon II mourut l’année suivante, en 983.

 

- Othon III (983 – 1002) : Ce dernier avait trois ans à la mort de son père. Il grandit sous la tutelle de sa grand mère Adélaïde et de sa mère Théophano.

Portrait d'Othon III, représentation issue de l'Évangéliaire d'Othon III, fin du Xe siècle.

Déclaré majeur en 996, son premier acte fut de faire élire son neveu, Brunon, qui prit le nom de Grégoire V, et qui fut le premier pape allemand. Ce dernier couronna ensuite Othon III Empereur.

Cependant, Grégoire V ne plut pas aux Romains, et cette impopularité favorisa les intrigues d’un sénateur romain, Crescentius. Ce dernier s’empara du gouvernement, chassa le pape, et créa un antipape, Jean de Calabre. En 998, Grégoire V, dépouillé de tout, s’enfuit en Lombardie, d’où il appela l’Empereur à l’aide.

Les Etats d'Italie en l'an mil.

La vengeance d’Othon III fut terrible. Il captura l’antipape qui avait fui Rome en voyant les Germains arriver, lui coupa la langue et le nez, lui arracha les yeux, puis le fit promener dans toute la ville, monté à rebours sur un âne.

Quant à Crescentius, enfermé au château Saint Ange, il dut se rendre lui aussi, puis fut décapité avec une dizaine de ses partisans. Leurs cadavres furent alors pendus par les pieds à un gibet.

Le château Saint Ange, Rome, été 2013.

En 999, Grégoire V mourut et fut remplacé par le précepteur de l’Empereur, le savant français Gerbert, qui prit le nom de Sylvestre II. L’impératrice Adélaïde mourut la même année.

Le pape Sylvestre II, vers 1480, Bode museum, Berlin.

Othon III ne survécut cependant pas longtemps à sa grand mère : en 1002, la veuve de Crescentius se vengea en empoisonnant le jeune Empereur, qui mourut à l’âge de 23 ans.

 

- Henri II le Saint (1002 – 1024) : Othon III n’avait pas d’enfants, on lui donna donc comme successeur son cousin Henri II, duc de Bavière. Le père de ce dernier, Henri le Querelleur, avait voulu s’emparer de la couronne en 983. Henri II, quant à lui, resta dans les mémoires comme un souverain préférant plutôt le cloître que le trône.

Ce roi aux aspirations monacales se battait bien au besoin, tout en veillant aux intérêts de l’Eglise (il favorisa notamment les missions et la réforme monastique.). Mais il ne négligeait cependant pas ses droits et devoirs de souverain :

Deux compétiteurs lui disputaient la couronne de Germanie : le margrave de Misnie et le duc de Souabe. Tous deux durent cependant faire leur soumission.

Le duc de Pologne, Boleslas, avait envahi la bohême et chassé son duc, vassal de l’Allemagne. Henri décida alors de contre attaquer, mais Boleslas eut raison de ses troupes. Le roi dut donc laisser reculer le germanisme jusqu’à l’Elbe.

En Italie, Arduin, marquis d’Ivrée, avait ceint la couronne. Henri décida alors de franchir la frontière. Comme le roi de Germanie fut soutenu par les sympathies italiennes, Arduin fut forcé de rentrer dans ses châteaux des Alpes, abandonnant son titre et ses prétentions. Henri II profita de cette occasion pour se faire sacrer Empereur. En récompense de l’appui que les Romains lui avaient prêté, il les combla de faveurs et leur accorda tous les droits régaliens. De sorte que l’aristocratie ecclésiastique devint prépondérante dans la péninsule.

L’Empereur dut cependant revenir une seconde fois en Italie, en 1021, à l’appel du pape. Ce dernier lui demanda de combattre les Grecs et les musulmans, qui étaient toujours maîtres de l’Italie méridionale. Les débuts de l’expédition furent heureux, mais la fièvre décima l’armée de Henri II, qui dut retourner en Allemagne. Lui même mourut peu de temps après, en 1024.

 

Henri II fut canonisé près de 120 ans après sa mort, en 1146 (sa femme Cunégonde fut canonisée en 1200.).  

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[1] Pour plus de renseignements sur Louis IV d’Outre mer, voir le 3, section IV, chapitre troisième, les Carolingiens.

[2] Seul Henri IV, roi de Germanie, osa prendre le titre d’Empereur sans l’aval du pape ; nous y reviendrons par la suite.

 
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