Car un pays sans passé est un pays sans avenir...

 
Mythologie
 
 

 

 

adblocktest

 

Les Valois

 

CHAPITRE TROISIÈME : Charles VI le Fou, entre guerre de Cent Ans et guerre civile

 

I : Charles VI et ses oncles (1380 - 1407)

           

            1° Charles VI monte sur le trône – Lorsque Charles VI fut sacré roi, en 1380, la situation était bien différente que lors du couronnement de son père. En effet, pendant tout son règne, Charles V était parvenu petit à petit à grignoter les territoires que les Anglais détenaient sur le continent, ne leur laissant plus que quelques cités.

Le sacre de Charles VI, par Jean Fouquet, enluminure issue de l'ouvrage Grandes chroniques de France, Paris, France, XV°siècle (à gauche) ; le dauphin Charles, copie en plâtre de sculptures de la cathédrale Notre-Dame d'Amiens, XIV° siècle, Cité de l'architecture, Paris (à droite).

Cependant, comme le nouveau roi était encore trop jeune pour régner (il était né en décembre 1368.), la régence fut confiée à son oncle Louis d’Anjou.

Cependant, les autres oncles de Charles VI (Philippe de Bourgogne, Jean de Berry et Louis II de Bourbon[1].) ne tardèrent guère à remplacer les anciens conseillers de Charles V, mettant en place un conseil de régence.

Portrait de Philippe le Hardi, XIV° siècle.

A son époque, le nouveau souverain fut surnommé Charles le Bien Aimé, car il fut, au début de son règne, particulièrement aimé par le peuple. Cependant, ce fut son surnom de Charles le Fol[2], bien postérieur à son règne, qui resta dans les mémoires.

 

            2° Charles VI et la régence (1380 à 1388) – En France, les premières années de règne de Charles VI furent particulièrement difficiles : non pas à cause des Anglais, mais à cause du manque de liquidités dans les caisses de l’Etat.

 

a) Révoltes en France (1381 à 1382) : comme nous l’avons vu précédemment, peu de temps avant sa mort, Charles V décida de supprimer les fouages[3].

Cette mesure fut évidemment très bien accueillie par la population, mais ne fut pas suivie de faits. De nombreuses émeutes éclatèrent donc à Paris et en Normandie, les insurgés refusant de payer non seulement le fouage, mais aussi tous les autres impôts.

Afin de calmer les esprits, les oncles du roi réunirent les Etats Généraux à Paris, et proclamèrent l’abolition des impositions, en novembre 1380.

 

Cependant, cette mesure utopique entraîna rapidement de graves problèmes, les caisses de l’Etat étant vides.

En janvier 1381, les Etats Généraux se réunirent une nouvelle fois, et décidèrent donc de rétablir les impôts, ce qui entraîna de vifs mécontentements.

 

Bien que l’agitation fut générale, ce fut dans le Midi, et particulièrement à Béziers que l’insurrection fut la plus violente. Les insurgés massacrèrent les notables se trouvant là, violèrent leurs femmes et pillèrent la ville.

Le duc de Berry (qui avait reçu l’administration du Languedoc des mains de son frère Louis d’Anjou.) décida alors de marcher contre les rebelles, en novembre 1381. La répression fut sanglante : de nombreux émeutiers furent exécutés, et la ville dut payer une lourde amende.

 

Cependant, une autre insurrection se déclara peu de temps en Auvergne. Les Tuchins (ils étaient surnommés ainsi car ils tuaient même les chiens.), qui étaient en état de révolte depuis les chevauchées anglaises, avaient eu jusque là une action limitée.

Cependant, en janvier 1382, ils décidèrent de marcher sur le Languedoc, s’emparant de Nîmes, qu’ils pillèrent sans vergogne.

Les hommes du duc de Berry, toujours présents dans la région, ne tardèrent pas à s’attaquer à ces rebelles.

 

Au même moment, de nouvelles révoltes éclatèrent à Rouen, Caen, Falaise, Amiens, Reims, en Flandre et en Normandie. Ces mouvements protestataires atteignirent Paris peu de temps après, en mars 1382.

Les insurgés de la capitale, surnommés les Maillotins (à cause des maillets de plomb qu’ils utilisaient comme arme.), massacrèrent un collecteur d’impôt et pillèrent les maisons de notables.

Charles VI décida alors de négocier, promettant aux émeutiers d’abolir les fouages et la gabelle, ainsi que de proclamer une amnistie générale. Ces derniers acceptèrent les conditions du roi, qui fit tout de même exécuter les leaders de l’insurrection (fin mars 1382.).

 

Par la suite, Charles VI se rendit à Rouen, la cité étant toujours en état d’insurrection. Une nouvelle fois, la répression fut particulièrement sévère : les meneurs furent exécutés, et les franchises communales furent abolies (avril 1382.).

Au cours du même mois, la Normandie décida de rentrer dans le rang, autorisant le roi à lever de nouveaux impôts dans la région.

 

b) Révoltes en Flandre (1382 à 1385) : finalement, en juillet 1382, il ne restait qu’une région en état d’insurrection, la Flandre.

La révolte était menée par Philippe Van Artevelde (fils de Jacques Van Artevelde[4].), qui avait prit le pouvoir à Gand en janvier 1382. Le comte de Flandre Louis II, résidant alors à Bruges, se retrouva dans l’incapacité de faire face à la révolte, et vint quérir de l’aide auprès du roi de France et de son gendre Philippe de Bourgogne[5].

Prise de Bruges par les Gantois, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

Il fut alors décidé d’organiser une expédition punitive, à laquelle le régent, Louis d’Anjou, refusa de participer. En effet, ce dernier avait été adopté par la reine Jeanne de Naples en juin 1380, et avait fait de lui son héritier.

Jeanne de Naples, par Boccace, enluminure issue de l'ouvrage De mulieribus claris (traduction anonyme), Paris, France, XV° siècle.

Cependant, Louis d’Anjou se retrouvait en conflit avec un autre prétendant à la couronne ; Charles de Durazzo[6], qui avait épousé une nièce de Jeanne de Naples.

Louis d'Anjou et son armée, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

 

Olivier de Clisson, qui avait été nommé connétable en remplacement de du Guesclin, fut donc chargé de prendre le commandement de l’armée.

L’expédition débuta en novembre 1382, sous des trombes d’eau.

Cependant, malgré les mauvaises conditions climatiques, les Français parvinrent à progresser jusqu’aux environs de Bruges (près du village de Roosebeke.), où se trouvaient les hommes de Van Artevelde.

Ce dernier décida placer ses troupes en position défensive, appuyés par une puissante artillerie.

Les Flamands décidèrent de profiter de la brume matinale pour attaquer les Français, et dans un premier temps, ces derniers eurent bien du mal à résister aux assauts des insurgés.

La bataille de Roosebeke, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

Cependant, la cavalerie attaqua alors les flancs des Flamands, qui furent massacrés.

La victoire fut complète pour les Français : Philippe Van Artevelde avait trouvé la mort au cours de la bataille, Bruges accepta de se soumettre, et Charles VI parvint à s’emparer des éperons d’or, qui étaient toujours exposés à Courtrai[7] (ces derniers furent alors exposés dans la basilique Saint Denis.).

 

Cependant, l’insurrection de Flandre n’avait pas pris fin suite à la bataille de Roosebeke : en effet, si les Brugeois, fidèles au comte, avaient accepté de se soumettre, ce n’était pas le cas des Gantois, qui décidèrent d’appeler les Anglais en renfort.

La reddition de Bruges, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

Charles VI et ses oncles entrent dans Bruges, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

Ces derniers entrèrent à Dunkerque et Cassel en mai 1383, et mirent le siège devant Ypres.

Ni Charles VI, ni Philippe de Bourgogne ne pouvaient accepter cette intrusion anglaise, et décidèrent donc de contre-attaquer. Au cours de l’été, ils parvinrent à reprendre les villes dont les Anglais s’étaient emparés, et signèrent alors une trêve.

Les Français assiègent Dunkerque, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

 

Louis II mourut en janvier 1384, et son gendre Philippe le Hardi s’empressa de s’emparer de son héritage[8].

Dès lors, le duc de Bourgogne décida de tout mettre en œuvre pour empêcher l’Angleterre de trouver des alliés sur le continent.

En 1385, le comte de Hainaut et de Bavière Albert I° fut approché par les Anglais : ces derniers lui proposèrent de marier son fils Guillaume IV avec la fille de Jean de Gand (fils d’Edouard III.).

Philippe le Hardi décida alors de répliquer en proposant à Albert I° de marier Guillaume IV avec sa fille Marguerite de Bourgogne. Le comte de Hainaut accepta, à condition que sa fille épouse Jean sans Peur, le fils de Philippe le Hardi.

Les noces furent alors célébrées au cours du mois d’avril 1385. Charles VI, participant au mariage, décida lui aussi de prendre femme prochainement. De ce fait, il épousa Isabeau de Bavière (fille du duc de Bavière Etienne III.) en juillet de la même année.

Charles VI et Isabeau de Bavière, copies en plâtre de sculptures du palais de justice de Poitiers, XIV° siècle, Cité de l'architecture, Paris.

 

Cependant, les Gantois ayant une fois de plus comploté avec l’Angleterre, Philippe le Hardi poussa son neveu à reprendre les armes contre les insurgés. Les Français parvinrent à s’emparer de Gand à la fin du mois d’août 1385, et pillèrent la ville.

Les Flamands, épuisés par tant d’années de guerres, décidèrent alors de négocier avec la France. En décembre 1385 fut ainsi signé le traité de Tournai : les Flamands étaient amnistiés, ils avaient le droit de soutenir le pape de leur choix[9], mais ils devaient mettre fin à leur alliance avec l’Angleterre.

 

c) La fin de la régence (1388) : en octobre 1388, une grande assemblée se tint au palais épiscopal de Reims.

Le jeune souverain, âgé alors de vingt ans, décida alors de mettre fin à la régence, exaspéré par les exigences de ses oncles.

 

En effet, au cours de l’été, le roi de France avait été entrainé par le duc de Bourgogne dans un conflit contre le duc de Gueldre, qui avait déclaré la guerre à la duchesse de Brabant (tante de Philippe le Hardi.) et s’était allié avec l’Angleterre. Le roi de France, sur les conseils de son oncle, envoya alors une armée en Allemagne. Cependant, le duc de Gueldre accepta la médiation de Charles VI dans sa querelle avec la duchesse de Brabant, sans renier son alliance avec l’Angleterre. Philippe le Hardi conseilla son neveu d’accepter ces conditions, et l’armée dut prendre le chemin du retour, très amoindrie.

   

Par la suite, au début de l’année 1389, Charles VI décida de se rapprocha des conseillers de son père (ces derniers furent surnommés les Marmousets[10].).

 

            3° Troubles en Angleterre – Comme nous venons le voir, de nombreux troubles agitèrent la France lors des premières années de règne de Charles VI. Cependant, ce fut aussi le cas de l’Angleterre, qui connut d’importantes crises.

 

a) La révolte des paysans anglais (1381) : dans un premier temps, le roi d’Angleterre Richard II fut confronté à la révolte des paysans, au cours de l’année 1381.

 

A cette date, le roi avait perdu sur le continent la plupart des territoires acquis lors du traité de Brétigny, en 1360. En outre, suite à la bataille de La Rochelle, en 1372, les Anglais avaient aussi perdu la maîtrise des mers.

Le nouveau roi d’Angleterre étant encore très jeune (il était né en 1367.), il était impossible de se lancer dans de nouvelles expéditions avant plusieurs années.

Cependant, l’Angleterre était une nation alors très dépendante de son commerce extérieur : aucune trêve n’ayant été signée, impossible d’acheter du sel en Poitou et du vin de Guyenne, ou de vendre de la laine en Flandre.

Autre motif de mécontentement, un nouvel impôt fut mis en place, dont fut exempt la noblesse et le clergé.

 

La révolte se déclencha en 1381 dans l’Essex, mais ne tarda guère à prendre de l’ampleur. En outre, ce mouvement de contestation contre l’autorité fut aussi un mouvement de protestation religieuse : en effet, l’Eglise était alors en plein schisme[11], et de nombreux prédicateurs, inspiré par les ordres mendiants, souhaitaient ‘purifier’ la papauté (dénonciation de la corruption, de la simonie[12], du népotisme[13], de la richesse du clergé, etc.).

 

En juin 1381, le mouvement, mené par Wat Tyler (un paysan ayant fait la guerre en France.), aurait rassemblé près de 100 000 personnes selon les sources de l’époque.

Le jeune roi décida alors d’aller à leur rencontre, montant dans une barque et traversant la Tamise. Cependant, voyant la foule des paysans en colère, Richard II prit peur et décida de faire rebrousse chemin.

Richard II fuit devant Wat Tyler et les insurgés, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

Wat Tyler décida alors d’assiéger Londres, dont les citadins de la ville ouvrirent rapidement les portes. Voyant l’ennemi pénétrer dans la capitale, Richard II se réfugia à la tour de Londres. Cependant, les insurgés s’emparèrent rapidement de la forteresse, et le roi d’Angleterre parvint à s’enfuir une nouvelle fois.

 

Le roi d’Angleterre, après avoir réuni quelques milliers de soldats en toute hâte, accepta de rencontrer Wat Tyler. Ce dernier demanda au roi d’abolir le servage et le nouvel impôt.

Cependant, insulté par William Walworth, le maire de Londres, Wat Tyler tira sa dague du fourreau et tenta de poignardé son adversaire. Cependant, ce dernier étant protégé par une côte de maille, mit la main à son épée et tua Wat Tyler.

La mort de Wat Tyler, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Bruges, Flandre, XV°siècle.

La mort de Wat Tyler, gravure issue de l'ouvrage Cassell's history of England, Angleterre, 1902.

Richard II décida alors de se rendre auprès des insurgés en disant que Tyler avait tenté de l’assassiner, que leurs griefs seraient écoutés, et qu’ils devaient se disperser.

 

Comme les révoltés refusèrent d’écouter le roi, ce dernier ordonna à ses hommes de donner l’assaut. Les paysans, bien qu’étant en large supériorité numérique, furent taillés en pièces par les soldats du roi.

La révolte prit ainsi fin, sans que le servage et le nouvel impôt ne soient abolis.

 

b) La destitution de Richard II (1400) : Richard II, qui dans sa jeunesse avait donné de grand espoirs à ses sujets, se révéla être un souverain prodigue et mou, mais aussi quelque peu despotique.

En 1389, il parvint à s’affranchir de la tutelle de ses oncles, et entama un règne tyrannique, faisant fi de la Grande Charte, que le roi Jean sans Terre avait été contraint de signer en 1215[14]. En effet, Richard II souhaitait régner sans l’aide du parlement anglais.

 

En mars 1396, le roi d’Angleterre Richard II décida d’épouser Isabelle de Valois, fille de Charles VI, signant une trêve de 28 ans avec la France. Les oncles du roi de France acceptèrent le mariage, tout en déplorant que la jeune épouse soit trop jeune[15] pour avoir une quelconque influence sur Richard II.

Puis, en décembre de la même année, le roi d’Angleterre vendit Brest à Jean IV, le duc de Bretagne.

 

Cependant, ce traité de paix avec la France fut très mal vu par certains nobles, qui étaient partisans de la guerre à outrance. Ce mariage fut sévèrement critiqué par l’oncle de Richard II, Thomas de Woodstock, duc de Gloucester. Le jeune souverain décida alors de répliquer avec une grande sévérité, emprisonnant son oncle et le condamnant à mort pour haute trahison (ce dernier fut exécuté en septembre 1397.).

L’année suivante, Richard II décida de bannir pour dix ans son cousin Henri (fils de Jean de Gand, duc de Lancastre.), qui se réfugia alors à Paris. Par la suite, le roi d’Angleterre partit faire la guerre à l’Irlande.

Cependant, Jean de Gand mourant en 1399, son fils Henri hérita de tous ses biens. Profitant de l’absence de son cousin, il débarqua dans le Yorkshire, et reçut rapidement le soutien de la population et de la noblesse.

Averti du débarquement d’Henri, Richard II retourna en Angleterre en juillet de la même année, mais fut vaincu par son adversaire. Capturé et emprisonné à la tour de Londres, Richard II se retrouva contraint d’abdiquer en faveur de son rival, qui devint roi sous le nom d’Henri IV.

Henri IV, gravure issue de l'ouvrage Cassell's history of England, Angleterre, 1902.

Couronnement d'Henri IV et mort de Richard II, par Jean de Wavrin, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques d'Angleterre, Belgique, XV° siècle.

Le souverain déchu fut retrouvé mort peu de temps après, en février 1400, probablement assassiné.

La mort de Richard II, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

 

            4° Charles VI sombre dans la folie – Au cours de ses premières années de règne, Charles VI ne révéla pas de troubles mentaux. En effet, ses problèmes psychiques n’éclatèrent au grand jour que dans le courant de l’année 1392.

 

a) Projets d’expédition contre l’Italie et tentatives de paix avec l’Angleterre (1391 à 1392) : après s’être débarrassé de la tutelle de ses oncles, Charles VI confia les rênes du gouvernement aux marmousets, qui accomplirent un excellent travail. Puis, en février 1389, il fit entrer son frère Louis d’Orléans au conseil du roi (à noter qu’en avril 1387, ce dernier avait épousé Valentine Visconti, fille de Jean Galéas Visconti, premier duc de Milan. En raison du jeune âge des époux, le mariage ne fut consommé que deux ans plus tard, au cours de l’été 1389.).

 

A cette époque, Louis d’Anjou était mort depuis déjà plusieurs années (il mourut en septembre 1384, sans parvenir à s’emparer du royaume de Naples.).

Son fils Louis II d’Anjou fut alors désigné comme son successeur, mais il était alors trop jeune pour s’opposer à Charles de Durazzo. Ce fut donc Othon de Brunswick, l’époux de Jeanne de Naples, qui fut chargé de continuer la lutte.

Parvenant à l’emporter contre la veuve de Charles de Durazzo et son fils Ladislas, Othon s’empara de Naples en juillet 1388.

 

Quelques mois plus tard, Louis II décida de contacter son cousin Charles VI, afin de mettre en place une alliance. En décembre 1390, le pape de Rome étant décédé, le roi de France décida de marcher contre la cité pontificale, afin d’y restaurer l’autorité du pape d’Avignon et mettre ainsi fin au schisme.

 

Cependant, en février 1391, Richard II envoya des émissaires en France afin de signaler sa volonté de transformer la trêve signée avec la France en un traité de paix définitif.

Charles VI accepta de négocier, mais les discussions se poursuivirent pendant de long mois. Indolence de Richard II ou bien calcul politique visant à empêcher l’établissement d’un pape français à Rome ? La question reste posée…

Le pape d’Avignon se rendit compte que l’expédition n’aurait pas lieu, et Louis II d’Anjou ne put se maintenir au pouvoir (il quitta son royaume de Naples au cours de l’été 1399, et se rendit en France.).

Arrivée de Louis II d'Anjou à Paris, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

Finalement, en mars 1392, Richard II envoya ses oncles en France, qui émirent des conditions inacceptables. Au même moment, se trouvant à Amiens, Charles VI fut atteint d’une violente fièvre, qui le fit délirer.

Charles VI reçoit les émissaires anglais à Amiens, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

 

b) Première crise de folie (juin 1392) : Jean IV, qui avait toujours été proche des Anglais malgré l’hommage prêté au roi de France, désirait que la paix soit signée entre les deux pays. Cependant, Olivier de Clisson, le plus proche conseiller du roi, était un ennemi de Jean IV, et n’accepterait jamais de se rabaisser devant les anglais.

Le duc de Bretagne Jean IV, accueillant Pierre de Craon, excita alors ce dernier contre le connétable (le Breton détestait Olivier de Clisson.).

 

Pierre de Craon était connu pour sa duplicité et sa malhonnêteté. En 1382, ce dernier avait accompagné Louis d’Anjou en Italie, et avait été chargé de surveiller son trésor. Cependant, au lieu de rapporter cet argent à son maître, Craon décida de le dépenser en jeux et débauches à Venise (le duc d’Anjou mourut peu de temps après, sans avoir pu s’emparer du royaume de Naples, faute d’argent.).

Par la suite, Craon rentra en France, mais fut chassé de la cour par le duc de Berry, qui l’accusa d’avoir causé la mort de son frère. Peu de temps après, Craon se rapprocha alors de Jean IV.

 

En juin 1392, Craon tenta d’assassiner le connétable. Avec ses compagnons, il attaqua de Clisson, qui fut atteint d’un coup d’épée à la tête. Tombant de son cheval, il heurta alors la porte entrouverte d’une boulangerie. Inanimé et saignant à la tête, Craon crut que son ennemi était mort et décida de fuir.

L'attentat contre Olivier de Clisson, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Belgique, XV°siècle.

L'attentat contre le connétable de Clisson, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.

Cependant, de Clisson n’était pas mort[16]. Charles VI décida alors de contre-attaquer, confisquant les biens de Craon, et marchant sur la Bretagne, où ce dernier s’était refugié.

 

Cependant, alors qu’il se trouvait dans la forêt du Mans, Charles VI rencontra un pauvre hère (un lépreux selon certaines sources.) qui annonça au roi qu'il était entouré de traîtres. Pris de folie, et se croyant entouré de félons, Charles VI chargea ses écuyers, en tuant quatre avant d’être arrêté par ses proches.

Charles VI pris de folie dans la forêt du Mans, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

Charles VI pris de folie dans la forêt du Mans, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

Charles VI, reprenant ses esprits au bout de quelques heures, décida alors de poursuivre sa route après avoir demandé pardon à ses victimes.

Par la suite, Craon décida de fuir en Angleterre.

 

c) Le bal des ardents (janvier 1393) : depuis la chevauchée dans la forêt du Mans, Charles VI n’avait pas eu de nouvelle crise de folie.

En janvier 1393, une fête fut organisée à l’hôtel Saint Pol, à l’occasion des troisièmes noces de Catherine l’Allemande, demoiselle d’honneur d’Isabeau de Bavière.

Suite au banquet, un charivari[17] fut organisé, comme cela était la coutume lors des remariages. Charles VI, décidant d’y participer avec cinq de ses amis, se déguisant en sauvages. Pour ce faire, ils s’enduisirent de poix[18] recouverte d’étoupe[19] et de plumes, et se relièrent entre eux par des chaînes.

A la nuit tombée, Charles VI et ses compagnons se montrèrent à l’assistance, entamant le charivari. C’est alors que Louis d’Orléans, le frère du roi, voulut savoir qui se cachait sous ces déguisements et approcha une torche près des sauvages.

La poix étant très facilement inflammable, le roi et ses compagnons commencèrent à prendre feu. Charles VI fut sauvé par sa tante Jeanne de Boulogne, duchesse de Berry, qui utilisa sa robe pour étouffer les flammes.

Le bal des ardents, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle (à gauche) ; Jeanne de Boulogne, copie en plâtre d'une sculpture du palais de justice de Poitiers, XIV° siècle, Cité de l'architecture, Paris (à droite).

Cependant, les amis du roi eurent moins de chance. Enchaînés les uns aux autres, seul l’un d’entre eux parvint à se détacher et eut la vie sauve. Les quatre autres brulèrent vifs et moururent.

 

Le bal des ardents fit définitivement plonger Charles VI dans la folie.

En fait, à partir de cette date, le roi fut atteint de crises de folies ponctuelles. Après chaque crise, Charles VI retrouvait ses facultés intellectuelles pendant un certain temps. Cependant, au fil des années, les phases de folie furent de plus en plus longues, et celles de raison de plus en plus courtes.

A noter que sa mère, Jeanne de Bourbon, fut sujette à quelques troubles mentaux au cours de sa vie (sans doute à cause de la trop forte consanguinité de sa famille.).

 

Peu de temps après le bal des ardents, Charles VI décida de confier la régence à son frère Louis d’Orléans. Cependant, ce dernier étant jugé trop jeune, elle échut à nouveaux aux oncles du roi, Philippe de Bourgogne et Jean de Berry. 

 

            5° Premières tensions entre Armagnacs et Bourguignons (1393 à 1408) – Charles VI ayant sombré dans la folie, il était dès lors incapable de gouverner le royaume.

Le conseil de régence, présidé par Isabeau de Bavière, commença par évincer les Marmousets. Puis, par la suite, Philippe de Bourgogne parvint à dominer le conseil, bénéficiant d’une grande influence sur la reine.

 

Cependant, Louis d’Orléans ne tarda guère à se rapprocher de sa belle sœur (les chroniques de l’époque affirment que le frère du roi était un séducteur.), et commença à s’opposer au duc de Bourgogne.

A cette époque, Philippe le Hardi souhaitait mettre en place une continuité géographique entre le duché de Bourgogne et le comté de Flandre.

Le frère du roi, opposé à la montée en puissance de Philippe le Hardi, s’opposa à ce projet. Pour se faire, il décida d’acheter des forteresses dans les territoires se trouvant à l’est de la Bourgogne, que les Bourguignons considéraient alors comme chasse gardée (Louis d’Orléans obtint ainsi le Luxembourg en gage en 1402.).

Comme nous l’avons vu précédemment, le roi d’Angleterre Richard II épousa Isabelle de Valois, fille de Charles VI, et signa une trêve de 28 ans avec la France (mars 1396.).

Charles VI, Richard II et Isabelle de Valois, par Jean Froissart, enluminure issue de l'ouvrage Chroniques, Paris, France, XV°siècle.

La jeune épouse, âgée de sept ans, reçut une dot de 800 000 francs, mais n’eut droit à aucune terre (Richard II fut cependant déposé en 1400, et Isabelle fut rendue à la France l’année d’après, sans que la paix ne soit rompue.).

 

A la mort de Philippe le Hardi en 1404, ce fut Jean sans Peur qui succéda à son père. Le jeune homme, né en 1371, avait acquis son surnom de par sa bravoure au cours de la bataille de Nicopolis, opposant les Ottomans à l’Empereur germanique Sigismond de Hongrie, venu à l’aide des Byzantins (les occidentaux subirent ce jour là une lourde défaite[20].).

Portrait de l'Empereur Sigismond, par Albrecht DURER, 1514, Deutsches historisches museum, Berlin (à gauche) ; portrait de Jean sans Peur, XV° siècle (à droite).

Jean sans Peur, bien moins proche de la reine que ne l’était son père, se retrouva de ce fait sur la sellette, sa pension étant divisée par cinq.

Louis d’Orléans, fort de sa position, donna Isabelle de Valois (veuve de Richard II.) en mariage à son fils Charles, en février 1405.

Cependant, afin de contrebalancer les avantages accordés à Orléans, le dauphin Louis[21] épousa Marguerite de Bourgogne, fille de Jean sans Peur.

 

Malgré cette position de faiblesse, le duc de Bourgogne décida de contre-attaquer. L’emblème du duc d’Orléans étant un bâton, Jean sans Peur prit alors le rabot comme insigne, se moquant ainsi de son rival.

Le duc de Bourgogne, au fil des mois, parvint non sans mal à faire peser la balance en sa faveur, s’attaquant à tous les défauts de son adversaire.

Louis d’Orléans étant un prince prodigue, Jean sans Peur décida de jouer la carte de la réforme, s’attirant de nombreuses sympathies (le Bourguignon promit de baisser les impôts, de mettre en place une monarchie contrôlée, etc.).

 

Cependant, les choses évoluèrent en décembre 1405, lorsque Louis d’Orléans parvint à évincer du conseil de régence les partisans du duc de Bourgogne (aidé dans cette tâche par la reine et le duc de Berry.).

Jean sans Peur, dont la femme aurait été victime d’une tentative de viol par Louis d’Orléans, décida d’agir.

Présentant le frère du roi comme l’amant de la reine et le véritable père du dauphin (le futur Charles VII.), le duc de Bourgogne décida alors de se débarrasser du frère du roi, en novembre 1407.

Louis d’Orléans, qui quittait l’hôtel Babette, où la reine venait d’accoucher d’une fille, fut arrêté à la hauteur de la rue Vieille du Temple : une dizaine d’hommes armés se jetèrent alors sur lui et le tuèrent.

L'assassinat du duc d'Orléans, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

L'assassinat du duc d'Orléans, par Paul Lehugeur, XIX° siècle.

Les funérailles de Louis d'Orléans, par Martial d'Auvergne, enluminure issue de l'ouvrage Vigiles de Charles VII, Paris, France, XV°siècle.


Quelques jours après l’assassinat, Jean sans Peur, avoua publiquement sa responsabilité dans cette affaire. Menacé par le duc de Berry, le Bourguignon décida alors de quitter Paris.

Valentine Visconti, veuve de Louis d’Orléans, se rendit alors auprès du roi, réclamant justice. Cependant, rien de fut tenté contre Jean sans Peur, et la veuve éplorée décida alors de rejoindre Blois en décembre 1408. Elle y mourut, dans le courant du même mois.

La mort de Valentine Visconti, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

Ainsi se déclencha une terrible guerre civile, opposant Armagnacs (partisans de Charles d’Orléans, fils du défunt.) et Bourguignons.

___________________________________________________________________________________________
comments powered by Disqus  

[1] Le duc de Bourbon était le frère de Jeanne de Bourbon, la mère de Charles VI.

[2] Fol signifie ‘fou’, en ancien français. En effet, Charles VI était parfois frappé de crises de folie, comme nous le verrons par la suite.

[3] Pour en savoir plus sur les derniers jours de Charles V, voir le 6, section III, chapitre deuxième, les Valois.

[4] Pour en savoir plus sur Jacques Van Artevelde, voir le 2, section I, chapitre premier, les Valois.

[5] Le duc de Bourgogne avait en effet épousé Marguerite, la fille de Louis II, en juin 1369. Pour en savoir plus à ce sujet, voir le d), 3, section II, chapitre second, les Valois.

[6] Charles de Durazzo était l’arrière arrière petit fils de Charles d’Anjou, frère de Saint Louis. Pour en savoir plus sur les conquêtes de Charles d’Anjou en Italie, référez vous au 12, section II, chapitre quatrième, l’Empire germanique et l’Eglise.

[7] Au cours de la bataille de Courtrai, en 1302, les Flamands avaient massacré les chevaliers français qui leur avaient livré bataille, et s’étaient emparés des éperons d’or qu’ils portaient. Pour en savoir plus sur cet affrontement, référez vous à la section II, chapitre septième, les Capétiens.

[8] Philippe le Hardi avait épouse Marguerite, le seul enfant de Louis II. Le comté de Flandre fut donc rattaché à la Bourgogne à sa mort.

[9] A l’époque, il y avait deux papes, l’un siégeant à Rome, l’autre en Avignon. Pour en savoir plus à ce sujet, voir le 4, section III, chapitre deuxième, les Valois.

[10] Le terme de marmouset définissait un petit singe.

[11] Pour en savoir plus sur le Grand Schisme, voir le 4, section III, chapitre deuxième, les Valois.

[12] On appelle simonie le fait de vendre des biens appartenant à l’Eglise.

[13] Le népotisme était une pratique utilisée par le haut clergé, qui consistait à confier à des proches (famille ou amis.) des postes importants au sein de l’Eglise.

[14] Pour plus de renseignements sur la Grande Charte et Jean sans Terre, voir le 3, section II, chapitre deuxième, l’Angleterre sous les Plantagenêts.

[15] Cette dernière était âgée de sept ans.

[16] Olivier de Clisson mourut bien plus tard, en avril 1407.

[17] Au cours d’un charivari, les participants avaient pour objectif de former un défilé, faisant le plus de bruit possible avec des objets généralement détournés de leur usage habituel.

[18] La poix est une matière collante, constituée de goudrons issus de bois résineux. 

[19] L’étoupe est un produit fibreux non tissé, généralement issu du lin ou du chanvre.

[20] Pour en savoir plus sur l’Empire byzantin et la bataille de Nicopolis, voir le a), 5, chapitre quatrième, l’Empire byzantin.

[21] A noter que ses deux frères aînés étaient morts en bas âge, en 1386 et 1398.

 
Publicités
 
Partenaires

  Rois & PrésidentsEgypte-Ancienne

Rois et Reines Historia Nostra

Egypte

 

 Histoire Généalogie