Car un pays sans passé est un pays sans avenir...

 
Mythologie
 
 

 

 

adblocktest

 

Les Valois

 

CHAPITRE CINQUIÈME : Louis XI, un souverain controversé

 

III : Guerres contre la Bourgogne

           

            Louis XI et Charles le Téméraire, de par la situation géographique de leurs Etats et leurs aspirations, ne pouvaient qu’être ennemis. En outre, les deux adversaires s'opposaient aussi d'un point de vue physique : le duc de Bourgogne était un jeune homme en pleine force de l'âge, beau et énergique ; le roi de France quant à lui était loin d'être un bel homme, souvent malade et déjà âgé (plus de quarante ans.).

Louis XI, par Jean Léonard LUGARDON.

Charles le Téméraire, musée de Berlin.

En effet, le roi de France désirait agrandir et unifier le domaine royal ; Charles le Téméraire, quant à lui, souhaitait faire de son duché un véritable royaume indépendant, situé entre la France et l’Empire germanique.

 

1° Louis XI contre l’alliance entre Bourgogne et Bretagne – Louis XI, comme nous l’avons vu précédemment, avait rapidement fait en sorte de reprendre ce qu’il avait donné aux grands vassaux insurgés.

 

a) Louis XI contre la Bretagne : Charles de France, frère du roi, très mécontent d’avoir perdu la Normandie au profit du Roussillon, décida alors de rejoindre le duc de Bretagne François II.

Ce dernier, dont la diplomatie était toujours très active, s’allia alors avec le duc de Bourgogne et Jean II d’Alençon. Louis XI, quant à lui, décida de s’allier une nouvelle fois aux Liégeois afin de susciter des difficultés à Charles le Téméraire.

François II, en octobre 1467, décida alors d’envahir la Normandie, que les Bretons pillèrent sans vergogne.

Jean II d’Alençon, mécontent du comportement des troupes du duc de Bretagne, décida alors de faire la paix avec Louis XI (janvier 1468.). Quant à Charles le Téméraire, soucieux de mater la révolte des Liégeois, il consentit à signer une trêve avec le roi de France (octobre 1467.).

En outre, le duc de Bourgogne souhaitait célébrer son troisième mariage dans un climat plus tranquille. En effet, en juillet 1468, Charles le Téméraire épousa Marguerite, sœur du roi d’Angleterre Edouard IV. De ce fait, le Bourguignon se rapprochait de l’Angleterre, ce que son père, respectueux du traité d’Arras, lui avait toujours interdit.

Marguerite d'York, Pays Bas, XV° Siècle.

A noter que le duc de Bourgogne avait déjà eu deux épouses, toutes les deux décédées : Catherine de France, fille de Charles VII ; et Isabelle (fille du duc de Bourbon Charles I°.), qu’il avait épousé en 1454. Cette dernière lui avait donné une fille, Marie, qui fut l’unique héritière du duc de Bourgogne.

Marie de Bourgogne, par Giovanni CANDIDA, XV° siècle, musée du Louvre, Paris.

 

François II se retrouvant alors sur la sellette, se retrouva contraint de faire la paix avec Louis XI. Au cours de l’été 1468, les Français s’emparèrent des dernières places fortes normandes encore entre les mains de Bretons. Louis XI, fourbissant ces armes, s’apprêtait à envahir la Bretagne.

En septembre 1468, la trêve signée l’année passée entre la France et la Bourgogne arriva à expiration, et Charles le Téméraire s’empressa d’aller porter assistance à son allié. Cependant, les secours arrivèrent trop tard, car François II préféra signer avec Louis XI le traité d’Ancenis, renonçant à s’emparer de la Normandie.

 

Louis XI envoya alors des émissaires auprès de Charles le Téméraire, afin de négocier la paix, mais les négociations n’aboutirent pas. De ce fait, le roi de France décida de rencontrer son rival en personne, comptant sur son habileté pour parvenir à ses fins.

 

b) Le traité de Péronne : en octobre 1468, Louis XI décida donc de se rendre à Péronne, afin de négocier la fin de la guerre avec son rival. Accompagné par son conseiller le cardinal Jean Balue, évêque d’Angers, ainsi que par Louis de Saint Pol, compte de Luxembourg et connétable de France, le roi de France entama des pourparlers avec le Téméraire.

Louis XI tente de négocier la paix avec le Téméraire, par Paul Lehugeur.

Cependant, au même moment, des émissaires royaux excitaient les Liégeois contre Charles le Téméraire, qui désirait mettre fin à l’indépendance de la cité (en effet, il avait placé un proche au poste de gouverneur, et s’était allié avec l’évêque de la ville.).

Alors que les négociations allaient bon train entre les deux rivaux, des hommes du Téméraire informèrent alors leur maître que les Liégeois s’étaient révoltés, s’emparant du gouverneur et de l’évêque, et que le roi de France était impliqué dans la révolte.

 

Furieux, le duc de Bourgogne décida d’enfermer Louis XI dans le château de Péronne, et réfléchit à un moyen de punir son adversaire.

Finalement, plutôt que de tuer son hôte ou de le faire prisonnier, Charles le Téméraire décida de contraindre le roi de France à signer le traité de Péronne.

Louis XI contraint par Charles le Téméraire de signer le traité de Péronne, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

Louis XI, se retrouvant ainsi contraint d’accepter les conditions de son adversaire, dut renoncer définitivement aux villes de la Somme, donner en apanage la Champagne et la Brie à son jeune frère Charles de France, et aussi punir la révolte des Liégeois.

Finalement, après avoir signé le traité, Louis XI et le Téméraire marchèrent sur Liège. Fin octobre, la cité, déjà affaiblie, fut prise sans difficulté et brûlée.

Un épisode du sac de Liège par Charles le Téméraire en 1468, par Barthélemy VIEILLEVOYE, 1842.

 

Le roi de France, se disant soucieux de vouloir présenter le traité au parlement de Paris, fut finalement autorisé à regagner la capitale après trois semaines de captivité chez son lointain cousin bourguignon.

 

A l’issue de l’entrevue de Péronne, le duc de Bourgogne remportait une brillante victoire sur son rival. Le roi de France, quant à lui, ne tarda pas à contre attaquer, mais la lutte contre le Téméraire dura pendant des années.

 

c) Relations franco-bourguignonnes suite au traité de Péronne : Louis XI, vexé d’avoir du céder face au Bourguignon, ne tarda guère à trouver un bouc émissaire en la personne du cardinal Balue. Ce dernier fut alors arrêté et emprisonné en avril 1469[1].

Louis XI et la cage du cardinal Balue, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

Cependant, le roi de France se retrouva contraint de donner la Guyenne et la Brie à son frère, ce qui fut chose faite au cours de l’été 1469.

Par ailleurs, Louis XI décida de créer l’Ordre de Saint Michel ; le connétable de Saint Pol, malgré sa politique hésitante[2], étant un des premiers à recevoir un collier[3].

Louis XI préside le chapitre de Saint Michel, par Jean Fouquet, enluminure issue de l'ouvrage Statuts de l'ordre de Saint-Michel, 1470.

 

Pendant ce temps, en mai 1469, le duc de Bourgogne signait le traité de Saint Omer avec l’archiduc d’Autriche Sigismond de Habsbourg. Ce dernier acceptait de céder à Charles le Téméraire ses possessions sur le Rhin et en Alsace, en échange de la somme de 50 000 florins.

A cette époque, les cantons suisses avaient obtenu leur indépendance suite à leur lutte contre l’Autriche, et avaient mis en place la Confédération Helvétique [4]. L’objectif de Sigismond était donc de se faire un allié contre les Suisses, tout en assurant la protection des territoires cédés grâce aux armées du duc de Bourgogne.

Cependant, les sources étant lacunaires, l’on ne sait pas aujourd’hui si ces territoires furent vendus à la Bourgogne ou bien seulement donnés en gage.

A noter que peu de temps après, Sigismond voulut racheter ses Etats, mais le Téméraire décida de repousser ses avances. De ce fait, l’archiduc se rapprocha de Louis XI, qui accepta de financer le Habsbourg dans sa lutte contre la Bourgogne.

 

2° Louis XI contre l’alliance entre Bourgogne et Angleterre – A cette époque, Charles le Téméraire était allié avec le roi d’Angleterre Edouard IV[5], fils de Richard d’York.

Edouard IV, gravure issue de l'ouvrage Cassell's history of England, Angleterre, 1902.

Cependant, le nouveau souverain était loin d’être populaire, et d’importants troubles agitaient l’Angleterre à cette époque (beaucoup n’acceptaient l’éviction d’Henri VI et de la famille des Lancastre.). Le roi de France décida donc d’en profiter.

 

Louis XI, sachant qu’Edouard IV et le Téméraire étaient alliés, décida de se rapprocher des Lancastre. Si Henri VI avait été emprisonné à la tour de Londres, son épouse Marguerite d’Anjou était venue trouver refuge en France avec son fils le prince de Galles.

Des négociations eurent lieu pendant toute l’année 1470, qui se soldèrent en septembre par un débarquement en Angleterre de l’armée des Lancastre (à noter qu’en juin de la même année naquit le quatrième fils de Louis XI et de Charlotte de Savoie,  le futur roi de France Charles VIII[6].).

Vaincus, les partisans des York abandonnèrent Edouard IV, qui se retrouva contraint de demander asile à son beau frère Charles le Téméraire (hiver 1470.).

 

Profitant de l’éviction d’Edouard IV, Louis XI décida donc de s’attaquer au Téméraire, privé de son plus dangereux allié.

Charles le Téméraire, d'après Giovanni CANDIDA, XV° siècle, musée du Louvre, Paris.

Dénonçant les termes du traité de Péronne et annonçant vouloir récupérer les villes de la Somme, le roi de France marcha sur la Picardie.

Après s’être emparé de plusieurs cités, Louis XI fut cependant incité à négocier avec son rival, par l’intermédiaire du connétable de Saint Pol (ce dernier ne désirait pas que France et Bourgogne se livrent bataille car il possédait des possessions dans les deux Etats.).

Finalement, une trêve fut signée en avril 1471, et Louis XI parvint à conserver Amiens et Saint Quentin.

 

Cependant, au même moment, Edouard IV contre attaquait, grâce aux subsides que lui avait fourni le duc de Bourgogne. Marchant sur Londres, le roi d’Angleterre emprisonna à nouveau Henri VI.

Au mois de mai 1471, partisans de la maison de Lancastre et partisans de la maison d’York s’affrontèrent au cours de la bataille de Tewkesbury.

Edouard IV et ses hommes remportèrent une victoire totale, s’emparant de Marguerite et du prince de Galles. Le garçon fut condamné à mort et exécuté ; sa mère fut enfermée à la tour de Londres ; Henri VI fut assassiné par le duc de Gloucester, frère cadet d’Edouard IV, le futur roi d’Angleterre Richard III.

 

3° La coalition de 1472 – L’année 1471 se terminait mal pour Louis XI. La Catalogne lui échappait, les Lancastre avaient échoué, et plus grave encore, Charles de France mettait en place une nouvelle coalition…

 

a) Les participants de la ligue de 1472 : en effet, le frère du roi, mécontent de son sort (il avait reçu la Guyenne à la place de la Normandie et Louis XI lui interdisait d’épouser Marie, fille de Charles le Téméraire.), regroupa autour de sa personne une nouvelle ligue contre le roi, dans les premiers mois de l’année 1472.

Il fut alors rejoint par Jean V d’Armagnac, Jean II d’Aragon, François II de Bretagne, Jean II d’Alençon[7], Charles le Téméraire et Edouard IV d’Angleterre.

Selon les premiers accords entre les insurgés, le souverain anglais retrouverait les anciens domaines des Plantagenêts, et les grands vassaux obtiendraient leur indépendance vis-à-vis du roi de France.

 

Cependant, Charles de France mourut mystérieusement en mai 1472. Cette mort impromptue arrangeait bien les affaires de Louis XI, car les ligueurs, privés du frère du roi, perdaient du coup toute légitimité.

 

b) La campagne de Picardie (1472) : Charles le Téméraire, de son côté, n’hésita cependant pas à continuer la lutte (violant au passage la trêve qu’il avait signé avec le roi de France en avril 1471.).

En juin 1472, les Bourguignons pénétrèrent en Picardie, s’emparant sans difficultés de la cité de Nesle. Puis, quelques jours après, les troupes du Téméraire mirent le siège devant Beauvais.

Les habitants refusèrent alors de se rendre et combattirent l’ennemi avec vaillance.

Cependant, les femmes et filles de la cité ne souhaitant pas être violées en cas de victoire bourguignonne, décidèrent de participer aux combats. Mais ces dernières ne se contentèrent pas d’encourageant les beauvaisiens dans leur lutte, certaines d’entre elles prenant les armes pour combattre (lançant des rochers ou de la poix bouillante sur l’ennemi.).

Ce fut le cas de Jeanne Hachette (de son vrai nom Jeanne Laisné.), qui, armée d’une hache, n’hésitait pas à s’attaquer aux Bourguignons qui tentaient de franchir les remparts de la ville.

Jeanne Hachette défendant les murs de Beauvais, par Paul Lehugeur.

Charles le Téméraire, voyant qu’il ne parviendrait pas à s’emparer de la cité, décida de lever le siège à la fin du mois de juillet 1472.

Peu de temps après, le duc de Bourgogne préféra s’attaquer à la Normandie.

 

c) Louis XI contre attaque : le roi de France, quant à lui, ne resta pas dans l’expectative. En juin 1472, Louis XI commença par marcher sur la Guyenne, qui avait été attaquée par Jean V d’Armagnac. Cependant, ce dernier fut rapidement mis hors d’état de nuire, assiégé dans Lectoure par les armées du roi de France.

 

Par la suite, au cours de l’été, le connétable de Saint Pol se rendit en Picardie et en Artois, reprenant possessions des territoires dont s’étaient emparés les Bourguignons. En outre, un autre contingent français pénétra directement en Bourgogne.

Louis XI en profita aussi pour s’attaquer à la Bretagne et aux Flandres, attaquées par des corsaires à la solde de la France.

 

Cependant, le Roussillon et la Cerdagne profitèrent des difficultés du roi de France et décidèrent de se révolter.

 

Les coalisés, accumulant les revers, attendirent désespérément l’aide du roi d’Angleterre, en vain.

 

d) La fin de la coalition : François II, acculé, décida de signer une trêve avec Louis XI (octobre 1472.) ; Jean II d’Alençon fut à nouveau arrêté (puis à nouveau condamné à mort, gracié, et enfermé.) ; attaqué en Bourgogne et en Flandres, Charles le Téméraire se retrouva contraint de signer une trêve avec le roi de France (novembre 1472.) ; Jean V d’Armagnac, qui avait réussi à reprendre Lectoure, perdit la vie lors du siège de la cité par les troupes françaises (le comté d’Armagnac fut ainsi rattaché à la couronne de France[8].).

 

Cependant, Louis XI ne fut pas vainqueur en Cerdagne et en Roussillon, qui furent reconquises par Jean II d’Aragon en début d’année 1473.  

 

4° Nouvelles tentatives expansionnistes bourguignonnes – Charles le Téméraire, vaincu, ne tarda guère à préparer sa revanche. Une fois de plus, il entreprit d’agrandir ses Etats, tournant son attention vers l’Alsace, la Lorraine et les pays du Rhin.

Cependant, cette politique expansionniste ne tarda pas à provoquer l’animosité des Etats voisins de la Bourgogne…

 

a) Succès Bourguignons : en mai 1473, le Téméraire profita de la mort du duc de Gueldre pour annexer ce territoire, emprisonnant Arnoplhe, le fils du défunt.

 

Par la suite, en juillet de la même année, Nicolas II, duc de Lorraine (fils de Jean de Calabre et donc petit fils de René d’Anjou.), mourut. Le pouvoir passa alors entre les mains de René II d’Anjou, cousin germain du défunt.

Charles le Téméraire, profitant de l’inexpérience politique du jeune duc, décida alors de se rapprocher de ce dernier.

En octobre 1473, le duc de Bourgogne obligea son protégé à signer le traité de Nancy. Ainsi, René II autorisait les Bourguignons à traverser la Lorraine et à y installer des garnisons.

 

Par la suite, le duc de Bourgogne tenta de s’allier avec Frédéric III, Empereur germanique. Les deux hommes se rencontrèrent alors au cours de la conférence de Trêves, qui se tint en septembre 1473. L’objectif du Téméraire était toujours d’ériger la Bourgogne en tant que royaume indépendant, consolidé par l’union de sa fille Marie avec Maximilien, le fils de l’Empereur germanique.

Marie de Bourgogne, XV° siècle, musée Condé, Chantilly.

Cependant, la conférence n’aboutit pas, Frédéric III étant effrayé par la puissance dont disposerait la Bourgogne si elle devenait un véritable royaume.

Louis XI (qui avait déjà commencé à nouer des liens avec les princes du Rhin.), décida alors d’en profiter et proposa à Frédéric III de donner sa fille en mariage au dauphin Charles.

Epée dite de Frédéric III, XVI° siècle, musée de Cluny, Paris.

 

b) Revers bourguignons : cependant, à la même époque, l’archiduc d’Autriche Sigismond souhaitait recouvrer ses possessions sur le Rhin et en Alsace, qu’il avait cédées au duc de Bourgogne suite au traité de Saint Omer[9].

Cependant, le Téméraire refusant de rendre ces Etats, Sigismond décida alors de se tourner vers le roi de France.

Les villes d’Alsace elle mêmes, soucieuses de retrouver leur indépendance vis-à-vis de la Bourgogne, décidèrent de racheter les terres de Sigismond contre la somme de 80 000 florins. En février 1474, non content de refuser dédaigneusement l’offre, le Téméraire décida de marcher sur l’Alsace.

 

Scandalisés, les Alsaciens s’allièrent avec les cantons suisses, formant la ligue de la Basse Union. En outre, Louis XI s’allia avec Sigismond, s’engageant à verser à ce dernier une pension annuelle de 10 00 florins par an. L’archiduc d’Autriche, en échange, s’engageait à mettre fin à son alliance avec le duc de Bourgogne et à se réconcilier avec les Suisses (mars 1474.).

Profitant des circonstances favorables, les Alsaciens décidèrent de se révolter contre la tutelle bourguignonne (avril 1474.). Le bailli de Bourgogne, Pierre de Hagenbach, en poste dans la région, fut alors arrêté et exécuté.

 

Le Téméraire, quant à lui, décida plutôt de se tourner vers le Rhin. A cette époque, l’archevêque de Cologne était en lutte contre ses sujets. Appelant le Bourguignon à l’aide, le Téméraire décida alors de mettre le siège devant Neuss, une citadelle située sur un îlot du Rhin.

 

Peu de temps après, en août 1474, le duc de Lorraine René II, scandalisé par la tutelle bourguignonne, signa un accord avec Louis XI, s’engageant à rejoindre la Basse Union.

Par la suite, en octobre de la même année, le roi de France d’engagea à soutenir la Confédération helvétique, fournissant hommes et argent.

Les Suisses, forts de cet appui, décidèrent alors de déclarer la guerre au duc de Bourgogne.

 

5° La guerre de Bourgogne (1474 à 1477) – Les membres de la ligue, dès le mois de novembre, décidèrent de marcher sur la haute Bourgogne. 

 

a) L’offensive suisse : en novembre 1474, les Suisses mirent le siège devant Héricourt, en Franche Comté. Les assiégés, incapable de résister au bombardement ennemi, ne tardèrent guère à se rendre.

Au même moment, Henri de Neuchâtel Blamont, maréchal de Bourgogne, marcha vers Héricourt afin de porter secours aux assiégés.

Accompagné par 6 000 Bourguignons et hommes de Jacques de Savoie[10], comte de Romont (allié du Téméraire.), ainsi que par 5 000 mercenaires lombards, le maréchal se retrouva confronté aux Suisses peu de temps après.

Cependant, les mercenaires italiens, fatiguées par leur longue marche à travers les Alpes et le Jura, ne tardèrent pas à faire défection, abandonnant les Bourguignons face à une armée composée de près de 18 000 hommes.

Les Suisses et les Autrichiens écrasèrent donc les hommes du maréchal, ce dernier perdant près de 4 000 hommes dans la bataille.

 

Par la suite, les Suisses s’emparèrent de plusieurs cités en Savoie et en Franche Comté, puis mirent la main sur le pays de Vaud.

 

b) L’offensive française et le traité de Picquigny : au même moment, alors que les Suisses luttaient contre les Bourguignons, le roi de France ne restait pas inactif.

En décembre 1474, Louis XI parvint en effet à s’allier avec Frédéric III contre Charles le Téméraire. Cependant, l’Empereur ayant des finances restreintes, il ne fut pas d’un grand secours dans la lutte contre la Bourgogne.

 

Cependant, bien que l’affrontement entre Suisses et Bourguignons ait débuté depuis octobre 1474, Louis XI n’était toujours pas intervenu officiellement. En effet, la trêve signée avec le Téméraire en novembre 1472 n’arriva à expiration qu’en avril 1475.

Une fois la trêve expirée, le roi de France ne perdit pas de temps, lançant ses armées en Bourgogne, en Franche Comté, en Picardie et au Luxembourg.

 

Le Téméraire, en juin 1475, bien qu’étant attaqué par les Suisses et les Français, était toujours en train d’assiéger Neuss. Frédéric III, après avoir livré quelques escarmouches contre le Bourguignon, décida finalement de traiter avec lui.

L’Empereur germanique s’engagea alors à rompre son alliance avec la France et la Suisse ; quant au Téméraire, il abandonna en échange ses prétentions sur Cologne et leva le siège de Neuss.

 

Au cours de l’été, Edouard IV se décida finalement à intervenir, débarquant à Calais à la tête d’un contingent d’une dizaine de milliers d’hommes (à noter qu’à cette date, les deux pays étaient toujours officiellement en guerre ; cependant, dans les faits, il n’y avait pas eu de batailles entre Français et Anglais depuis la bataille de Castillon, en 1453.).

Cependant, le Téméraire, pressé de châtier les Suisses et René II, n’apporta aucune aide aux Anglais. Quant au duc de Bretagne François II, il décida de rester à l’écart de la coalition anglo-bourguignonne.

Louis XI, décidant de faire marcher la carte de la diplomatie, invita les Anglais à établir leur camp près d’Amiens, les ravitaillant en vins et en viandes.

Les Anglais faisant bonne chère devant Amiens, par Paul Lehugeur.

Finalement, Louis XI et Edouard IV se rencontrèrent le 29 août 1475, au milieu d’un pont sur la Somme, près de Picquigny.

S’embrassant à travers une grille de bois située au milieu de la passerelle, les deux souverains prirent plusieurs engagements : Louis XI et Edouard IV, se jurant parfaite amitié, s’engagèrent à lutter contre leurs vassaux félons ; le dauphin Charles devait épouser Elisabeth, fille du roi d’Angleterre ; Edouard IV reçut 75 000 écus, ainsi qu’une pension annuelle de 50 000 écus ; en échange, le roi d’Angleterre renonça à ses possessions continentales et à la couronne de France, et s’engagea à libérer Marguerite, l’épouse de feu Henri VI ; enfin, une trêve de neuf ans fut conclue entre les deux pays.

Le traité de Picquigny, bien que n’étant pas un traité de paix mais une simple trêve, constitue néanmoins le seul document juridique mettant officiellement fin à la guerre de Cent Ans.

 

c) Trêve franco-bourguignonne : le duc de Bourgogne, apprenant la défection de son allié le roi d’Angleterre, décida alors de signer lui aussi une trêve avec Louis XI.

En septembre 1475, les deux rivaux se rencontrèrent alors à Souleuvres, en Luxembourg, concluant une trêve de neuf années. Le roi de France s’engagea alors à ne pas intervenir contre les ennemis du duc de Bourgogne.

En outre, les deux rivaux décidèrent de se débarrasser du connétable de Saint Pol, qui ne cessait de jouer sur les deux tableaux, servant et trahissant successivement Louis XI et Charles le Téméraire (arrêté en novembre, le connétable fut condamné à mort et exécuté en décembre 1475.).

 

d) L’offensive bourguignonne : le duc de Bourgogne, ayant dès lors les mains libres, décida de marcher sur la Lorraine, en novembre 1475. L’expédition fut un franc succès, et les Bourguignons s’emparèrent rapidement de cette région. Après s’être emparé de Charmes et d’Epinal, le Téméraire fit main basse sur Nancy. En décembre, le duc de Bourgogne affirma aux Nancéens son intention de faire de leur ville la nouvelle capitale du royaume bourguignon.

 

Finalement, ce n’est qu’au début de l’année 1476, suite à la prise de la Lorraine, que Charles le Téméraire se décida à attaquer la Confédération helvétique.

En janvier, le duc de Bourgogne décida d’assiéger Grandson, une cité tombée entre les mains des Suisses en 1475. Ne pouvant résister à l’artillerie bourguignonne, les assiégés durent se rendre en février 1476.

Couleuvrine à main ou hacquebute, musée de l'Infanterie, Montpellier.

Après s’être emparé de la cité, le Téméraire décida de punir les insurgés et en exécuta un grand nombre. Les Suisses, indignés par le comportement du duc, décidèrent alors de se regrouper, parvenant ainsi à rassembler près de 20 000 hommes.

En mars, l’armée suisse arriva sous les murs de Grandson, attaquant un camp avancé bourguignon.

Le Téméraire, à la tête d’une armée quasiment aussi nombreuse que celle des ses ennemis, décida alors de livrer bataille.

La cavalerie bourguignonne, qui fut la première à charger, fut cependant taillée en pièces par les piquiers suisses. Le duc de Bourgogne tenta alors de faire reculer ses troupes afin d’affronter l’ennemi en plaine. Cependant, les Bourguignons crurent que la retraite était sonnée et décidèrent donc d’abandonner le champ de bataille.

La bataille de Grandson, par Paul Lehugeur.

Au final, cette bataille ne causa pas de grandes pertes, mais augmenta une nouvelle fois le prestige des armées suisses.

 

Suite à la bataille de Grandson, le Téméraire décida de remettre sur pied une nouvelle armée et de se venger des Suisses (éprouvant des difficultés à réunir argent et hommes, le duc de Bourgogne renouvela son alliance avec Frédéric III, fiançant sa fille Marie à Maximilien, fils de l’Empereur germanique.).

Recrutant des Bourguignons, des mercenaires italiens, des archers anglais et des piquiers flamands, le duc de Bourgogne marcha sur Berne à la tête d’une armée hétérogène comptant entre 15 000 et 30 000 soldats.

A la fin du mois de mai 1476, le Téméraire décida de mettre le siège devant la cité de Morat, qui se trouvait sur la route de Berne.

Le duc de Bourgogne disposa alors ses troupes autour de la ville, plaçant son artillerie sur les routes menant vers Morat au cas où une armée de secours viendrait porter assistance à la cité assiégée.

Jacques de Savoie et ses hommes, quant à eux, décidèrent de s’installer au nord de la cité.

Les assaillants parvinrent à percer une brèche dans les murailles de la ville à la mi juin 1476, mais les défenseurs de Morat parvinrent à les repousser.

Pendant ce temps, les Confédérés, ayant eu vent du siège de la cité, décidèrent de rassembler une armée afin de contre attaquer.

Parvenant à recruter entre 15 000 et 25 000 hommes, les Suisses attaquèrent les troupes du duc de Bourgogne le 22 juin 1476.

Les canons bourguignons, bien que causant de gros dommages aux Confédérés, furent cependant rapidement détruits, faute de protection suffisante.

Parvenant à encercler les troupes du duc de Bourgogne, les Suisses causèrent de grands dommages dans les rangs ennemis, éliminant près de 10 000 de leurs adversaires.

Le Téméraire, une nouvelle fois battu à plate couture par les Confédérés, décida finalement de reculer vers Dijon.

Louis XI, quant à lui, bien que ne pouvant pas intervenir militairement contre le duc de Bourgogne, avait néanmoins fourni d’importants subsides aux Suisses.

 

Après les successives défaites du Téméraire, la Lorraine ne tarda pas à se révolter contre l’envahisseur. Dans le courant de l’été 1476, les partisans lorrains parvinrent à chasser les garnisons bourguignonnes des villes d’Arches, Bruyères, Saint Dié, Remiremont et Bayon.

René II, qui avait quitté son duché depuis la prise de Nancy, rentra en Lorraine et s’empara de Lunéville et d’Epinal, dans le courant du mois de juillet.

Par la suite, René II se rendit en Suisse dans l’espoir d’y obtenir un renfort, en vain.

Retournant alors dans ses Etats, le duc de Lorraine décida de mettre le siège devant Nancy, à la tête d’une armée de 5 000 hommes.

La garnison bourguignonne se trouvant dans la cité, composée en majorité d’Anglais, décida finalement de se rendre en octobre, épuisés par la faim.

 

Au même moment, le Téméraire se trouvait à Gex, recrutant une nouvelle armée. Marchant vers Nancy au mois d’Octobre, les Bourguignons se retrouvèrent confrontés aux soldats de René II, qui décidèrent de les empêcher de traverser la Moselle.

Cependant, le duc de Bourgogne décida de marcher vers Toul, afin de faire sa jonction avec ses mercenaires italiens.

Se retrouvant alors en état d’infériorité, René II décida de chercher des renforts en Suisse et en Alsace, laissant le champ libre aux Bourguignons.

 

A la fin du mois d’octobre, Charles le Téméraire mit le siège devant Nancy, défendue par 2 000 Lorrains.

L’hiver approchant, les capitaines bourguignons demandèrent au duc de Bourgogne de mettre fin au siège et de reprendre l’offensive au printemps, mais le Téméraire refusa.

Souffrant du froid et étant régulièrement harcelés par les partisans lorrains, les mercenaires italiens décidèrent de déserter.

 

Pendant ce temps, René II plaidait sa cause auprès de la Confédération helvétique, mais les Suisses préférèrent ne pas intervenir.

Cependant, il parvint à recruter une dizaine de milliers de mercenaires (financé par Louis XI.), et reçut l’aide d’environ 8 000 soldats alsaciens.

 

En janvier 1477, les troupes de René II arrivèrent non loin de Nancy. Le duc de Lorraine envoya alors un petit contingent en direction de la ville assiégée, le gros de la troupe étant chargée d’attaquer les Bourguignons sur les flancs.

Les Bourguignons, deux fois moins nombreux que leurs assaillants, furent alors taillés en pièces par les hommes de René II, qui mirent à profit l’avantage que leur procurait l’effet de surprise.

 

Le Téméraire, voyant la bataille perdue, décida alors de fuir. Cependant, il tomba dans une embuscade, tendu par un petit groupe de soldats. Ces derniers le tuèrent et le dépouillèrent de ses riches habits. Puis, à la nuit tombée, quelques loups affamés n’hésitèrent pas à faire bonne chère des restes du duc de Bourgogne.

Finalement, ce n’est que trois jours après la bataille, l’on retrouva le corps du Téméraire près d’un étang boueux, gelé, nu et défiguré.

La découverte du cadavre du Téméraire, gravure issue de l'ouvrage Histoire de France, par François GUIZOT, France, 1875.

 

Apprenant la mort du Bourguignon, Louis XI se hâta d’occuper le duché de Bourgogne, la Franche-Comté, l’Artois et le Boulonnais.

Le roi de France, afin de s’emparer des Etats du défunt, n’hésita guère à utiliser la force pour parvenir à ses fins (menaces, intimidations, exactions, duplicité, etc.).

La fille du Téméraire, effrayée par les manigances de Louis XI, décida alors d’épouser Maximilien, et les noces furent célébrées en août 1477 (à noter que les deux époux avaient été fiancés l’année précédente.).

 

Maximilien I°, par Bernhard STRIGEL, fin du XV° siècle, musée du Louvre, Paris.

Louis XI, apprenant la nouvelle, rentra dans une colère noire. En effet, le roi de France ne pouvait plus s’emparer de la totalité du duché, et se retrouvait contraint de négocier ou faire la guerre contre Maximilien.

Gisant de Charles le Téméraire, XV° siècle, château de Versailles, Versailles.

___________________________________________________________________________________________
comments powered by Disqus  

[1] A noter que le cardinal Balue fut enfermé dans une des fameuses « cages de fer » du souverain (il ne fut libéré qu’en décembre 1480.).

[2] Le connétable de Saint Pol était à la tête d’Etats situés en France, mais aussi près de la Bourgogne. Il ne pouvait donc pas être un opposant du Téméraire sous peine de perdre une partie de ses possessions.

[3] A noter que l’Ordre de Saint Michel perdit beaucoup de son prestige au fil des siècles, les souverains successifs attribuant le collier à beaucoup de monde (alors qu’à l’origine, l’Ordre ne devait compter que 36 membres seulement.). C’est ainsi que le roi Henri III décida de le remplacer, au cours du XVI° siècle, par l’Ordre du Saint Esprit.

[4] En 1444, Charles VII avait chargé son fils Louis XI de combattre les Suisses, révoltés contre le duc d’Autriche. Pour en savoir plus, voir le b), 3, section III, chapitre quatrième, les Valois.

[5] Pour en savoir plus sur la prise de pouvoir d’Edouard IV, voir le 3, section V, chapitre quatrième, les Valois.

[6] Les trois premiers enfants mâles de Louis XI (Louis, Joachim et François.) étaient en effet morts en bas âge.

[7] Jean II d’Alençon, compagnon de Jeanne d’Arc, avait été condamné à mort pour haute trahison en août 1458, mais Charles VII avait décidé de commuer cette peine en prison à vie. Pour en savoir plus, référez vous au b), 2, section V, chapitre quatrième, les Valois.

[8] Louis XI donna cependant le comté de la Marche à Pierre, sire de Beaujeu (il était le fils de Jean II, duc de Bourbon.). A noter que ce dernier était le gendre du roi, ayant épousé sa fille Anne.

[9] Pour plus de renseignements sur les relations entre Sigismond et Charles le Téméraire, voir le c), 1, section III, chapitre cinquième, les Valois.

[10] Jacques de Savoie était le frère de Charlotte de Savoie, épouse de Louis XI.

 
Publicités
 
Partenaires

  Rois & PrésidentsEgypte-Ancienne

Rois et Reines Historia Nostra

Egypte

 

 Histoire Généalogie