De nos jours, l’affaire
Dreyfus est considérée par beaucoup comme une des plus grandes
iniquités du XIX° siècle. Tiraillée entre antisémitisme, mensonges
d’État et trahisons, cette affaire divisa en son temps les Français,
opposant dreyfusards et antidreyfusards.
Nous allons donc rappeler en
quelques lignes les principaux évènements qui émaillèrent cette
longue et complexe affaire.
Au cours de l'hiver 1894, le capitaine
Alfred Dreyfus, juif d'origine alsacienne, fut traduit en
conseil de guerre pour haute trahison. En effet, cet officier aurait
transmit à l'Allemagne des documents secrets (un document retrouvé
porterait en effet l'écriture de Dreyfus.). Jugé coupable, il fut
condamné au bagne à perpétuité.
Le capitaine Dreyfus.
En janvier 1895, Dreyfus fut dégradé
publiquement ; en février, il fut déporté en Guyane. Lynché par les
politiques et par une majorité de Français, Dreyfus fut peu à peu
oublié.
La dégradation du capitaine
Dreyfus, dessin publié dans le Petit Journal, musée des
Invalides, Paris.
Toutefois, en janvier 1896, le lieutenant
colonel Georges Picquart, chef du service de
renseignements, intercepta un document révélant les liens
unissant le commandant Marie Charles Ferdinand Walsin Esterházy
et l'ambassade d'Allemagne (l'écriture ressemblant fortement à
celle figurant sur la pièce ayant fait accuser Dreyfus.). En outre,
il constata que le dossier secret, présenté lors du procès de
Dreyfus, et soi disant rempli de "preuves accablantes",
était tout
simplement vide.
Toutefois, l'Etat Major refusa de revenir
sur son jugement, et muta Picquart en Tunisie avec consigne de ne
rien révéler de ses découvertes. Toutefois, le lieutenant colonel ne
pouvant s'empêcher de contacter la presse, il fut chassé de l'armée
en 1898.
Le lieutenant colonel Picquart.
En janvier 1898,
l'écrivain Emile Zola,
directeur du journal L'Aurore, eut vent des propos du
lieutenant colonel Picquart. Ainsi, le 13 janvier 1898, il fit publier dans son journal
un article resté célèbre, intitulé J’Accuse... ! Lettre ouverte
au président de la République.
Portrait d'Emile Zola jeune.
L'article, publié en
première page, doté d'un titre écrit avec une énorme
police de caractère, eut un immense retentissement.
"Une" de l'Aurore, janvier 1898, Deutsches historisches museum, Berlin.
Toutefois, contrairement à
ce que l’on pourrait penser, ce ne fut pas Zola qui trouva l'idée du
titre, mais bel et bien Georges Clemenceau.
Ce dernier, qui avait dans
un premier temps été un farouche adversaire de Dreyfus, avait finit
par se raviser (à l’instar de Jean Jaurès qui avait
initialement demandé la peine de mort contre l'accusé.).
A cette époque, Clémenceau
s'était retiré de la vie politique suite au scandale du canal de
Panama, et travaillait comme rédacteur à l’Aurore.
Suite à la publication de l'article,
Zola fut condamné pour
diffamation, et préféra l'exil plutôt que l'emprisonnement.
Dreyfus, quant à lui, fut rapatrié en France et jugé une nouvelle
fois. Un second conseil de guerre, réuni en juin 1899, le condamna
une fois de plus pour trahison. Dreyfus écopa alors de dix années de
prison, bien que recevant le bénéfice de "circonstances
atténuantes".
A cette date, l'Etat se
trouvait dans une situation délicate. De prime abord, il ne fallait
pas reconnaitre l'erreur qu'avait commis l'armée. En effet, cette
dernière était alors "l'instrument de la revanche" contre la Prusse
(la défaite de 1870 ayant été très mal digérée.). Toutefois, L'Etat
ne pouvait condamner Dreyfus à de trop lourdes peines, car les
Dreyfusards, nombreux, auraient pu créer des troubles.
Au final, le président de
la république[1]Emile Loubet, peu de
temps après le jugement, accorda à Dreyfus la grâce présidentielle.
Le président Emile Loubet.
Toutefois, ce n'est qu'en
juillet 1906 que Dreyfus fut réintégré dans l'armée, le jugement de
juin 1899 ayant été annulé en Cour de Cassation.
A noter enfin que ce fut
Clemenceau, devenu président du conseil en octobre 1906,
qui fit voter le transfert des cendres d'Emile Zola au Panthéon.