CHAPITRE
TROISIÈME
:
La recherche historique face à l’arbitraire
I : Les arguments de
l’archéologie officielle contre le site du Jura
L’administration de l’archéologie est constante : depuis plus de quarante
ans elle nie en bloc la validité des recherches menées dans le Jura et leurs
résultats. La lettre officielle citée en annexe prétendait déjà imposer
l’autorité des travaux de M. Michel Reddé pour arrêter toute recherche.
Cette même lettre affirme que le site du Jura est définitivement réfuté dans
une étude officielle dont elle donne la référence. A cela s’ajoutent
d’autres arguments avancés par la direction de l’archéologie. Il convient
d’apprécier la valeur scientifique de cet ensemble de critiques.
1° La forme officielle de la réfutation
– La réfutation officielle se présente sous la forme de la lettre déjà citée[1]
de la sous direction de l’archéologie qui contient le bref paragraphe
suivant :
« Je me permets de vous renvoyer au volume consacré par Marie-Pierre Rothé
au Jura dans la collection "Carte archéologique de la Gaule" (Paris,
Académie des inscriptions et belles-lettres, Ministère de la culture,
Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, diff. Fondation
Maison des sciences de l'homme, 2000) qui réfute l'hypothèse de
Syam-Chaux-des-Crotenay.»
Ce document, « la Carte Archéologique du Jura,» doit donc contenir tous les
arguments décisifs de l’administration contre le site du Jura et ses raisons
de ne pas y laisser effectuer de fouilles.
2° Les arguments de la « Carte archéologique du Jura »
– Un document officiel de ce type a pour premier but de récapituler toutes
les données archéologiques du département présenté. Sur le sujet qui nous
intéresse il contient des éléments qui ont peu à voir avec les critères de
la recherche scientifique.
a)
Attaques personnelles :
en guise de réfutation décisive du site du Jura, son auteur se livre d’abord
à des attaques personnelles : dans un document de référence archéologique,
le cas est exceptionnel. Il y est pourtant exposé qu’André Berthier n’avait
procédé à aucune étude et qu’il avait simplement fait « le portrait
de sa commune et des ses environs.»
Cet argument est particulièrement irréfléchi. Les communes intéressées ont
de fait les caractéristiques citées par les textes anciens. Ce n’est
pas A. Berthier qui a fait « le portrait de sa commune et de ses environs,»
ce sont César, Plutarque et quelques autres. Il a bien fallu que quelqu’un
s’en aperçût et le démontrât puisqu’on voulait le réfuter. Mais comment s’en
apercevoir et le démontrer sans faire l’étude des caractères transmis
sur l’Alésia antique pour les comparer à différents sites ? Et finalement
pourquoi réfuter une étude qui n’existerait pas ? La logique échappe
totalement, l’esprit de la recherche aussi.
La même « étude » rapporte aussi que c’est seulement en 1977 que l’inventeur
du site en fit officiellement le dépôt alors que l’idée était dans l’air
depuis plusieurs années, façon de dire qu’il n’avait rien découvert et
s’était contenté de s’approprier une idée qui appartenait à d’autres. En
réalité c’est en 1964 que la déclaration officielle fut déposée à la
surprise générale, tant ce site était inconnu avant.
Calomnie et erreur de raisonnement inattendues à ce niveau figurent donc
dans un document officiel. Ce n’est pas une réfutation, c’est une faute
contre la neutralité de l’administration. Ce n’est pas la seule dans ce
document dit de référence.
b)
Dissimulation de résultats archéologiques :
des résultats archéologiques essentiels obtenus sur le site sont absents ou
masqués.
- Le document parle de trouvailles datées de la fin de l’empire romain ou du
Moyen Age et il y en a en effet ; mais il oublie de préciser celles
datées de la conquête romaine : pas un commentaire par exemple sur la
datation de l’époque de la conquête de la clef romaine ni sur celle de la
céramique, pas un mot sur les implications et conséquences exceptionnelles
de ces découvertes ;
- Omettre en toute connaissance de cause des données aussi importantes dans
un document officiel qui devrait les recenser d’une part et d’autre part y
critiquer vivement les recherches qui ont abouti à les découvrir est
manifestement un illogisme dans la forme et sur le fond une faute.
c)
Une exposition tronquée :
ce fait n’est pas lié directement à la « Carte Archéologique du Jura.» Il
est rappelé ici car il relève de la même intention non objective et non
scientifique de présenter ou plutôt de ne pas présenter les traces romaines
de l’époque de la conquête de la Gaule qu’on trouve dans le Jura.
Louis Abel Girardot, un
érudit du Jura du XIXème siècle fouilla près de Chaux un poste
fortifié romain qu’il identifia et data de l’époque de la conquête. Il
rédigea un mémoire sur le sujet qui nous est parvenu
[2].
Il transmit les objets trouvés au musée de Lons le Saulnier.
Ce musée organisa récemment une exposition officielle consacrée à cet
érudit. Non seulement aucun de ces objets ne fut montré mais cette recherche
ne fut pas citée. Cette dissimulation d’un élément faisant évidemment partie
du site du Jura est un acte de même nature que les omissions de la « Carte
Archéologique du Jura.»
d)
Commentaire sur cette réfutation :
une réfutation devrait reprendre les aspects géographiques, militaires,
cultuels, les textes, le résultat complet des sondages et tous les éléments
de datation pour en faire la critique scientifique impartiale, et non en
choisir seulement des fragments :
- Au lieu de cela le document contient des attaques personnelles tantôt
illogiques et tantôt calomnieuses. Il ne comporte pas une présentation
complète des travaux. Dans un document de référence, ce sont plus que des
insuffisances ;
- Qu’on y ajoute l’exposition tronquée des travaux de Louis Abel Girardot et
il est évident que de tels manquements au niveau local ne peuvent être
commis sans la certitude qu’ils ne seront pas sanctionnés par la hiérarchie,
au contraire : Celle-ci utilise en effet ces pauvres initiatives comme
prétendues preuves de l’inexistence du site du Jura.
Si dans un document de référence et une lettre officielle, l’administration
de l’archéologie utilise des arguments de cette nature, c’est d’abord parce
qu’elle ne peut en présenter d’autres ; c’est aussi parce qu’elle refuse
tout débat sur le fond qui pourrait fragiliser ses positions.
D’autres déformations des aspects du site sont le fait des plus hauts
responsables de l’archéologie eux-mêmes.
[2]
« Note sur le Plateau de Châtelneuf avant le Moyen-Age, » parue dans
la collection « Matériaux pour l’Archéologie du Jura », imprimée à
Lons-le-Saulnier en 1889.