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Les mensonges de l'Histoire

 


Pirates et corsaires

S'ils furent considérés à leur époque comme des criminels notoires, les pirates des Caraïbes passèrent rapidement à la postérité. En effet, ces derniers furent considérés, dans l'imaginaire populaire, comme des aventuriers au long cours, vivant en marge de la société, menant une existence exaltante mais dangereuse. Cette légende dorée entourant l'univers de la piraterie rejoint celle des cow-boys[1], qui furent présentés au fil du temps comme des héros, des justiciers, ou des pionniers de la conquête de l'Ouest, alors qu'ils ne furent que préposés à la transhumance des troupeaux de vaches. 

Cependant, les pirates n'étaient pas les seuls à écumer les mers des Caraïbes. Ainsi, ces derniers côtoyaient d'autres marins, évoluant aux frontières de la légalité. Parmi ceux-ci l'on trouvait les corsaires, les flibustiers et les boucaniers.

Ainsi, les pirates exerçaient-ils le même « métier » que leurs « confrères » ? Dans le cas contraire, quelles étaient les spécificités de chacun de ces marins hors-la-loi ?  

Représentation imaginaire d'un navire pirate.

 

Dans un premier temps, il convient de préciser que la piraterie n'est pas une invention moderne, mais date de l'Antiquité. En Méditerranée, les pirates perturbèrent les relations commerciales entre les différentes provinces de la république romaine, avant d'être éliminés en 67 avant Jésus Christ par le général Pompée[2].

Plus tard, du VIII° au X° siècle, les Vikings dévastèrent les côtes européennes, parvenant à progresser jusqu'en Sicile, menaçant l'Empire byzantin.

Epées viking, X°-XI° siècles, musée des Invalides, Paris.

A l'époque moderne, on trouvait des pirates dans différentes régions du globe. Toutefois, si ces dernier étaient plutôt concentrés dans les Antilles, d'autres avaient établi leur champ d'action dans l'océan Indien, en Méditerranée, dans la mer Baltique, etc.

Au début du XVIII° siècle, les Caraïbes étaient situées à un carrefour des nations. Ainsi, l'on retrouvait la France, installée à Saint-Domingue (aujourd'hui Haïti) et dans les îles à sucre (Grenade, Guadeloupe, Martinique, Montserrat, Sainte Lucie, etc.) ; l'Espagne, au Mexique, en Amérique centrale, et à Cuba ; l'Angleterre, établie dans les treize colonies[3], à la Jamaïque et dans plusieurs petites îles (îles Caïmans, La Barbade, etc.) ; et les Provinces-Unies (Nevis, Saint Eustache, Saint Martin, Saint Kitts, etc.).

Carte des Caraïbes.

 

Dans les Caraïbes, l'âge d'or de la piraterie débuta en 1714, à la fin de la guerre de succession d'Espagne[4]. A l'issue de ce conflit, de nombreux marins furent démobilisés, se retrouvant contraints à une inactivité forcée. Ainsi, beaucoup d'entre eux décidèrent de se lancer dans la piraterie.

Les pirates, dont nous avons parlé jusqu'à présent, étaient donc des combattants de nationalités différentes, qui s'attaquaient aux riches navires marchands. Contrairement à une idée répandue, les pirates n'arboraient pas le pavillon noir en permanence[5] (car ils auraient été la cible des navires ennemis). Ces derniers, privilégiant des navires légers et rapides (mais plus fragiles et comportant moins de canons), s'approchaient généralement de leur cible en feignant d'être des marchands, puis hissaient leurs couleurs avant de lancer une attaque éclair contre leur cible. Les pirates, risquant la mort en cas de capture (ou du moins une lourde peine de prison, ce qui revenait souvent au même), étaient donc des combattants redoutables.

Parmi les pirates les plus connus, l'on peut citer les Britanniques William Kidd (surnommé Capitaine Kidd), Edward Teach (plus connu sous le nom de Barbe Noire), Jack Rackham, ainsi que Mary Read et Anne Bonny (qui se travestirent en hommes afin de s'enrôler dans la piraterie). Pourtant, le pirate le plus célèbre de cette époque fut sans doute le Gallois Bartholomew Roberts, qui en l'espace de quelques années parvint à s'emparer de presque 200 navires, attaquant Saint Kitts (1720) et la Martinique (1721), ainsi que plusieurs colonies sur la côte africaine.

Pavillons d'Edward Teach (à gauche) et de Bartholomew Roberts (à droite).

 

Les corsaires (de l'italien corsaro, lui même dérivé du latin cursus, ou « course »), quant à eux, s'ils conservaient une grande liberté, travaillaient sous l'autorité de leur gouvernement, et uniquement en temps de guerre. Ces derniers bénéficiaient d'une lettre de marque (appelée aussi lettre de course), délivrée par le roi, ce qui leur permettait, en cas de capture, d'être traités selon les lois de la guerre (privilège dont ne bénéficiaient pas les pirates).

 Robert Surcouf et son équipage à l'assaut d'un navire anglais, vers 1799.

A noter que le terme « corsario » ne fit son apparition qu'à compter du XV° siècle, ainsi, pendant le Moyen-âge, il n'y eut pas de distinguo entre corsaires et pirates. Aujourd'hui encore, cette confusion reste fréquente. 

Les corsaires, à l'instar des pirates, n'utilisaient pas des navires trop lourds, préférant utiliser des embarcations rapides. Ainsi, ces derniers attaquaient en priorité les bateaux marchands plutôt que les navires de guerre. La guerre de course était très encadrée : ainsi, les corsaires pouvaient s'approcher par ruse de l'ennemi, mais devaient malgré tout arborer leur pavillon avant l'assaut ; ils devaient respecter la vie des prisonniers ; le butin ne concernait que le navire et la cargaison (pas les effets personnels des marins capturés) ; enfin, la couronne prélevait 10 à 20 % des sommes récoltées, le reste étant distribué à l'équipage. 

Pendant presque 200 ans, du XVII° au XVIII° siècle, la France et l'Angleterre s'affrontèrent par corsaires interposés. Parmi les plus célèbres, l'on peut citer les Français Jean Bart, qui s'empara d'un convoi composé de 110 navires hollandais (1694) ; René Duguay-Trouin, qui pilla Rio de Janeiro en 1711, ramenant en France plus d'une tonne d'or ; et Robert Surcouf, qui parvint à désorganiser le commerce maritime britannique dans la Manche, de 1795 à 1809.

L'expédition de René Duguay-Trouin contre Rio de Janeiro, début du XVIII° siècle.

A noter que la guerre de course ne fut déclarée interdite par les grandes puissances qu'en 1856.

 

Les flibustiers, moins connus que les pirates ou les corsaires, étaient des aventuriers qui s'attaquaient aux possessions espagnoles en Amérique. A noter que ces derniers opérèrent du XVI° au XVII° siècle, à une époque où la colonisation européenne dans le Nouveau-Monde était encore balbutiante ; ainsi, le terme de « flibuste » tomba en désuétude au début du XVIII° siècle.

Les flibustiers (du néerlandais vrijbuiter, ce qui signifie « qui fait du butin librement »), principalement installés sur l'île de la Tortue, au large de Cuba, bénéficiaient d'un statut particulier, à mi-chemin entre la course et la piraterie. Certains de ces marins travaillaient avec le soutien des gouverneurs locaux, mais ces derniers outrepassaient parfois leurs fonctions.

Parmi les flibustiers les plus célèbres, l'on trouve le Français Jean François Nau, dit l'Olonnais (il était originaire des Sables-d'Olonne), qui pilla les villes de Maracaïbo et de Gibraltar en 1666 ; et le Britannique Henry Morgan, qui captura Panama (1671). L'on peut citer aussi l'expédition du lieutenant de vaisseau Jean Bernard de Pointis, qui pilla Carthagène grâce à l'aide d'un millier de flibustiers (1697), récoltant plus d'une tonne d'or au profit de Louis XIV.

Expédition de l'Olonnais à Panama, XVII° siècle.

Au cours de la seconde moitié du XVII° siècle, la situation géopolitique évolua considérablement, faisant de la France et de l'Angleterre les nouvelles puissances européennes, au détriment d'une Espagne appauvrie. A compter de cette date, les flibustiers cessèrent donc de « s'acharner » collectivement sur les possessions espagnoles, préférant suivre l'évolution des rivalités entre les puissances européennes. Ainsi, certains boucaniers, restés fidèles à leur roi, s'engagèrent comme corsaires ; les autres basculèrent dans la piraterie.

 

Enfin, les boucaniers (dérivé de boucan, mot hérité de la langue tupi, désignant un gril destiné à fumer la viande ou le poisson) s'étaient installés à Saint Domingue et sur l'île de la Tortue à compter de 1630. Mélange hétéroclite de colons, de déserteurs, d'esclaves en fuite ou de naufragés, les boucaniers vivaient de la chasse et de la contrebande.

Il est aujourd'hui difficile d'établir un distinguo entre  les boucaniers et leurs « confrères » : en effet, ces derniers se livrèrent parfois à des actions de piraterie ; au contraire, certains flibustiers, préférant rester sur la terre ferme, rejoignirent les boucaniers. C'est ainsi qu'en anglais, l'on à coutume d'utiliser le terme générique de buccaneer.

Malgré tout, les boucaniers de Saint Domingue furent reconnus par la France en 1665, ce qui contribua à leur sédentarisation, favorisant aussi la colonisation française sur l'île. Côté espagnol, par contre, l'île de la Tortue fut décimée de son gibier à la fin du XVII° siècle, ce qui contraignit les boucaniers à quitter les lieux.  

 

L'âge d'or de la piraterie ne dura qu'une décennie. Ainsi, dès le début des années 1720, les principales puissances européennes établirent une surveillance accrue sur ces zones de non-droit. En l'espace de quelques années, la piraterie disparut pratiquement des Caraïbes, mais aussi dans l'océan Indien. A noter qu'elle connut toutefois un dernier sursaut dans les Antilles au cours des années 1800, en raison des troubles engendrés par la Révolution française et les guerres napoléoniennes.

Du côté de la Méditerranée, la piraterie ne prit fin qu'à compter des années 1830, lorsque les puissances occidentales commencèrent à établir des colonies en Afrique, profitant de l'affaiblissement de l'Empire ottoman.    

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[1] Le mot cow-boy (qui provient de l'anglais cow, ce qui signifie « vache », et boy, « garçon ») peut être traduit en français par « vacher » ou « bouvier. » 

[2] Pour en savoir plus à ce sujet, voir le 8, section IV, chapitre troisième, histoire de la Rome antique.

[3] C'est-à-dire l'ancêtre des Etats Unis d'Amérique, dont nous reparlerons dans un chapitre ultérieur (cliquez ici).

[4] La guerre de succession d'Espagne débuta en 1701, car l'Angleterre n'acceptait pas que Philippe V, petit-fils de Louis XIV, puisse recevoir la couronne d'Espagne en plus du royaume de France. Le conflit tourna rapidement à l'avantage de l'Angleterre, mais, après plus d'une décennie de conflits, les forces françaises parvinrent à redresser la situation in extremis. Ainsi, Louis XIV parvint à signer un accord de paix favorable à la France, mais bien mois acceptable pour l'Espagne. Pour en savoir plus sur la guerre de succession d'Espagne, cliquez ici.

[5] Le drapeau pirate, baptisé en anglais Jolly Roger (peut-être dérivé du français « joli rouge »), ne représentait pas forcément un crâne sur fond noir, comme nous l'avons vu dans un article des Mensonges de l'Histoire, mon premier ouvrage, publié aux éditions l'Harmattan !

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