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Mythologie
 
 

 

 

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La troisième république (1870 - 1945)

CHAPITRE PREMIER : Une république née dans le sang

(septembre 1870 à mai 1871)

 

I : De la chute de l’Empire à la proclamation de la troisième république (été 1870)

           

            1° Résumé de la guerre de 1870 sous le second Empire – Le 19 juillet 1870, l’Empereur  Napoléon III[1], poussé par l’opinion publique, les médias et les députés, avait finalement décidé de déclarer la guerre à la Prusse (la fameuse dépêche d’Ems, rédigée par le chancelier allemand Otto von Bismarck, avait mis le feu aux poudres, de nombreux Français étant outrés par la façon dont l’ambassadeur de France en Prusse avait été « éconduit » par le souverain prussien Guillaume I°[2].).

Napoléon III, Otto von Bismarck et Guillaume I°.

 

a) Une France isolée diplomatiquement : en juillet 1870, la France rentrait en guerre sans alliés à ses côtés. Ainsi, Napoléon III fut abandonné  aussi bien par l’Angleterre[3] que par la Russie ; les Etats du sud de l’Allemagne, refusant de rester neutre, participèrent au conflit aux côtés de la Prusse ; l’Autriche, bien que nation ennemie de la Prusse, décida de rester neutre[4] ; enfin, l’Italie accepta de rentrer en guerre aux côtés des Français à condition que ces derniers évacuent Rome[5].

 

b) Une armée prussienne avantagée : la France entrant seule dans le conflit, elle ne pouvait compter que sur ses propres forces face à la Prusse. Toutefois, l’effectif français était bien inférieur à celui de l’ennemi : 900 000 soldats contre 1 200 000 pour Guillaume I°.

 

Toutefois, l’armement des Français n’était pas aussi désastreux que certains historiens ont pu le laisser penser. Ainsi, le fusil Chassepot modèle 1866, doté d’une portée supérieure à un kilomètre, était en outre plus précis que le fusil allemand Dreyse.

Dessin humoristique publié dans Le journal illustré, 1869.

Un des problèmes côtés français vint de l’approvisionnement en munitions, qui se fit à l’extérieur de l’armée, et entraina une pénurie en raison de l’état catastrophique des routes et des ponts.

 

En réalité, l’avantage des Allemands vint de leurs nouveaux obus. Ainsi, contrairement aux vieux boulets de canon qui ricochaient par terre (ou s’embourbaient en terrain humide.), les obus fusants à shrapnel éclataient au contact du sol, et étaient mortels dans une portée de cent mètres.

Autre innovation technique à l’avantage de la Prusse, les mitrailleuses importées de la guerre de Sécession, tirant plus de 25 coups à la minute.

 

Mais si sur le papier, Napoléon III pensait pouvoir rivaliser avec la Prusse, il se rendit rapidement compte de la confusion qui régnait alors au sein de l’armée. Ainsi, les soldats manquaient de fusils, de balles, de matériel ; aucune comptabilité n’avait été mise en place ; enfin, l’Etat major lui-même ne disposait pas de cartes[6].

 

c) La France accumule les défaites : en raison des conditions précaires auxquelles l’armée était soumise, les Français ne parvinrent pas à défendre leur territoire face aux Prussiens, qui remportèrent rapidement plusieurs victoires.

 

Dès le mois d’août 1870, l’armée prussienne, commandée par le prince Frédéric Guillaume Nicolas Charles de Hohenzollern[7], remporta les batailles de Wissembourg  et Froeschwiller. Les Prussiens, ayant dès lors le champ libre, purent pénétrer en Alsace sans rencontrer de résistances.

Le prince Frédéric Guillaume de Prusse, gravure publiée dans Le journal illustré, 1867.

A Paris, l’annonce de ces premières défaites entraina le gouvernement à déclarer l’état de siège le 7 août 1870. Les Parisiens, qui n’avaient eu de cesse de réclamer la guerre, furent abasourdis à l’annonce de la défaite des troupes françaises.

Par la suite, le 9 août 1870, le Corps législatif[8] décida que Napoléon III devait céder le commandement de l’armée au maréchal François Achille Bazaine[9].

Le maréchal Bazaine, gravure publiée dans Le journal illustré, 1869.

 

Bazaine, qui se trouva au camp de Chalons[10], décida de marcher vers Verdun, mais constata que l’armée prussienne lui barrait la route. Le 18 août 1870, les deux armées combattirent lors de la bataille de Saint Privat (appelée aussi bataille de la Gravelotte par les historiens allemands.), affrontement qui donna l’avantage aux Prussiens.

La bataille de Saint Privat, Le Monde Illustré, N° 762, 18 novembre 1871.

Bazaine, acculé décida alors de se réfugier à Metz sachant que la route de Verdun lui était désormais coupée.

Très rapidement, une armée prussienne commandée par Frédéric Charles de Hohenzollern[11], fut chargée d’assiéger Metz. Bazaine, bien que disposant d’une grosse supériorité numérique, lança deux assauts qui malgré tout ne parvinrent pas à briser le siège.

 

Le 22 août, apprenant que Bazaine s’était enfermé dans Metz, un télégramme envoyé par Paris arriva entre les mains de Napoléon III. Ce dernier, qui se trouvait à Reims, devait porter secours à Bazaine.

Le maréchal Patrice de Mac Mahon[12], qui commandait l’armée, décida alors de passer par les Ardennes afin d’éviter tout contact avec l’armée ennemie[13] (à noter que Napoléon III, ne pouvant plus monter à cheval[14], suivait l’armée en berline.).

Toutefois, le mouvement de troupe des Français n’était pas passé inaperçu aux yeux des Prussiens, et ces derniers marchèrent en direction de l’ennemi. Mac Mahon, se sachant poursuivi, décida alors de se replier vers Sedan et d’y attendre l’armée prussienne.

Toutefois, la bataille de Sedan fut un nouvel échec pour les Français, Mac Mahon, à la tête de 120 000 hommes, pensant avoir l’avantage numérique, alors que l’armée prussienne comptait près de 200 000 soldats.

La bataille de Sedan.

Finalement, dans la soirée du 1er septembre 1870, après de violents combats, Napoléon III décida de hisser le drapeau blanc.

 

Ce dernier, quittant Sedan le lendemain, se dirigea vers Mézières, pensant y trouver le roi de Prusse afin de négocier. Toutefois, il fut accueilli par Bismarck, qui informa Napoléon III qu’il ne pourrait rencontrer le roi de Prusse qu’après avoir signé l’acte de reddition.

Napoléon III décida alors de capituler sans conditions, et, se constituant prisonnier, il fut envoyé à au château de Wilhelmshöhe, à Cassel, en Allemagne[15]. Les quelques 60 000 soldats qui se trouvaient à Sedan furent eux aussi incarcérés par l’ennemi.

La capitulation française à l'issue de la bataille de Sedan, 1870, musée des Invalides, Paris.

 

A noter qu’au même moment, les Strasbourgeois, ayant appris la capitulation de Sedan, décidèrent de capituler face à l’armée prussienne qui assiégeait la cité.

 

2° La proclamation de la république (4 septembre 1870) – A Paris, l’annonce de la capitulation de Sedan fit grand bruit. Ainsi, non seulement Bazaine ne serait pas secouru, mais en outre l’armée qui à l’origine devait défendre Paris était entre les mains des Prussiens.

 

La capitale étant désormais à la merci de la Prusse, les esprits commencèrent à s’échauffer. Le 3 septembre, en pleine séance du Corps législatif, le député Jules Favre[16] réclama la dissolution du gouvernement, et l’alliance de tous les partis afin de sauver la nation. Au cours de la nuit, le 4 septembre 1870 à une heure du matin, Favre remonta à la tribune, et cette fois-ci réclama la déchéance de la famille impériale, Napoléon III étant jugé responsable de la défaite.

Jules Favre, gravure publiée dans Le journal illustré, 1869.

 

A l’aube, l’Impératrice Eugénie, qui dirigeait le Conseil de régence[17] en l’absence de son époux, assista impuissante à une importante manifestation populaire devant les Tuileries. Effrayée, Eugénie décida alors de quitter la capitale, rejoignant Deauville afin de s’embarquer pour Londres.

A midi, l’immense foule des manifestants se dirigea vers les  palais-Bourbon, siège du Corps législatif. Forçant les grilles du bâtiment, les Parisiens mécontents envahirent les lieux, quand le député Léon Gambetta[18] décida de monter à la tribune.

Léon Gambetta, gravure publiée dans Le journal illustré, 1869.

Ce dernier proclama alors la déchéance de Napoléon III et la disparition du second Empire. Toutefois, comme le vacarme était assourdissant, Jules Favre proposa aux manifestants de se rendre à l’Hôtel de ville afin d’y proclamer la troisième république.

L'annonce de l'abolition du régime impérial devant le palais du Corps législatif, le 4 septembre 1870, par Jules DIDIER et Jacques GUIAUD, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.

 

Une fois arrivés sur les lieux, les députés décidèrent de constituer le gouvernement de la défense nationale, nommant président le général Louis Jules Trochu.

Le général Trochu.

Le député Jules Ferry[19], qui se trouvait là, proposa que seuls les députés de Paris entrent au gouvernement. Ainsi, Gambetta récupéra le ministère de l’Intérieur ; Favre, vice-président, eut le portefeuille des Affaires étrangères ; Ferry, quant à lui, fut nommé secrétaire du gouvernement.

Conformément à la proposition de Ferry, l’on retrouvait dans tous les ministères des députés parisiens, ainsi qu’Adolphe Crémieux, ministre de la Justice, qui avait occupé ce poste suite à la proclamation de la seconde république, en février 1848.

Grâce au télégraphe, la province fut rapidement informée de la proclamation de la troisième république.

Récepteur morse à pointe sèche (à gauche) et manipulateur morse (à droite), 1848, musée des Arts & Métiers, Paris.

 

Suite à sa nomination en tant que ministre de l’Intérieur, Gambetta fit révoquer de nombreux préfets installés à leurs postes par le second Empire, afin de les remplacer par des députés républicains, des avocats ou des journalistes.

Par ailleurs, le gouvernement se sachant provisoire, il fut décidé de réunir une assemblée nationale le plus tôt possible. Toutefois, comme la guerre battait son plein, il fut décidé que les élections législatives se dérouleraient à la mi-octobre 1870 (fin septembre le scrutin fut définitivement ajourné.).

Enfin, afin de trouver des appuis à l’étranger, le député Adolphe Thiers[20] fut chargé, à la mi-septembre, de visiter les principales Cours européennes… mais en vain.

Adolphe Thiers, gravure publiée dans Le journal illustré, 1869.

 

Toutefois, si le second Empire prenait fin ce 4 septembre 1870, le conflit contre la Prusse, lui, continuait… Gambetta, bien qu'étant décidé à poursuivre la guerre, ne put empêcher l’armée prussienne de mettre le siège devant Paris le 18 septembre 1870.

L'artillerie campée dans le jardin des Tuileries, fin septembre 1870, par Henri BRUNNER-LACOSTE et Alfred DECAEN, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.

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[1] Né en 1808, Louis Napoléon Bonaparte était le fils de Louis Bonaparte (frère cadet de Napoléon.), et d’Hortense de Beauharnais, fille de Joséphine de Beauharnais (cette dernière avait eut deux enfants avant d’épouser Napoléon.). Louis Napoléon était donc le neveu de Napoléon, mais aussi son petit fils par alliance.

[2]  En réalité, la dépêche d’Ems était une copie abrégée et volontairement insultante d’un télégramme envoyé par le roi de Prusse à Bismarck. Pour en savoir plus sur ces missives, voir le b), 1, section II, chapitre troisième, le second Empire.

[3] Bismarck exposa aux Anglais les projets d’invasion de la Belgique mis en place par Napoléon III en 1866.

[4] Alors que des pourparlers, mis en place depuis plusieurs mois, prévoyaient une alliance France-Autriche-Italie.

[5] Victor Amédée II, roi d’Italie, après avoir annexé la Lombardie (1860.), la Toscane et le royaume de Naples (1861.), puis la Vénétie (1866.), souhaitait s’emparer de Rome afin de compléter l’unité italienne. Toutefois, afin d’empêcher une annexion de la cité, Napoléon III y avait placé quelques milliers de soldats. Suite au départ de ces derniers, Victor Emmanuel put finalement annexer Rome (septembre 1870.). Par la suite, le roi d’Italie envoya des troupes combattre aux côtés des Français, mais elles arrivèrent trop tard pour influencer l’issue du conflit.

[6] A cette époque, les officiers n’utilisaient pas de cartes, improvisant sur le terrain. Ces stratégies hasardeuses avaient été employées en Crimée, en Italie et au Mexique, pour le meilleur et souvent pour le pire.

[7] Ce dernier était le fils de Guillaume I°.

[8] Il s’agissait de l’ancêtre de notre Assemblée nationale.

[9] Né en février 1811, Bazaine, ayant échoué au concours de l’école polytechnique, décida de s’engager comme simple soldat au 37° régiment de ligne. Rejoignant la Légion étrangère un peu plus tard, il participa aux guerres carlistes en Espagne (années 1830.), puis combattit en Crimée, en Italie, et au Mexique.

[10] Aujourd’hui Chalons en Champagne.

[11] Ce dernier était le neveu de Guillaume I°.

[12] Patrice de Mac Mahon, né en juillet 1808, était issu d’une famille irlandaise réfugiée en France depuis la déchéance du roi d’Angleterre Jacques II Stuart au XVIII° siècle. Intégrant les rangs de l’armée après être sorti de l’école militaire de Saint Cyr, le jeune homme fit carrière en Algérie, où il y obtint ses galons de général. Par la suite, il participa à la campagne d’Italie.

[13] A noter que Mac Mahon, avant de recevoir l’ordre de secourir Bazaine, se préparait au contraire à défendre la capitale.

[14] En raison de sa maladie de la vessie.

[15] Napoléon III, libéré en mars 1871, décida de rejoindre l’Angleterre. Il y mourut en janvier 1873.

[16] Favre était un avocat né en mars 1809. Fermement opposé au coup d’Etat de décembre 1851, tenta d’organiser la résistance sur les barricades mais en vain. Ce dernier, chef de file de l’opposition républicaine en 1863, fut néanmoins opposé à la guerre contre la Prusse, à l’instar d’Adolphe Thiers.

[17] L’héritier du trône, Napoléon Eugène Louis Bonaparte (fils de Napoléon III et Eugénie.), était trop jeune pour régner (il était né en mars 1856.).

[18] Gambetta, né en avril 1838, était un avocat proche des milieux républicains. Ce dernier avait été élu député lors des élections législatives de 1869.

[19] Ferry, né en avril 1832, était un avocat proche du mouvement républicain. Il fut élu député lors des élections de 1869.

[20] Thiers, né en avril 1797, occupait la fonction de journaliste lors de la révolution de Juillet. Ayant publié une proclamation appelant Louis Philippe au pouvoir, Thiers fut nommé ministre à plusieurs reprises, et obtint par trois fois la charge de chef du gouvernement (1836, 1840 et 1848.). Sous le second Empire, il fut élu député sous la bannière de l’opposition orléaniste.

 
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