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Mythologie
 
 

 

 

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La troisième république (1870 - 1945)

CHAPITRE QUATRIEME : La Première Guerre mondiale

(août 1914 à novembre 1918)

 

V : 1917, la guerre d’usure

           

            1° Les Allemands se replient sur la ligne Hindenburg (mars 1917) – En début d’année 1917, l’Etat-major allemand, commandé par le général von Hindenburg, décida de faire reculer l’armée allemande sur la ligne Hindenburg.

 

L’objectif était de raccourcir la ligne de front afin de mieux faire face aux futures offensives alliées : en effet, la ligne Hindenburg était puissamment fortifiée, comptant de nombreux bunkers reliés par des tunnels, et protégés par plusieurs kilomètres de barbelés.

 

La ligne Hindenburg était divisée en cinq stellung (que l’on peut traduire par « positions. »), dont les noms étaient tirés de la légende des Nibelungen[1] : Wotan, d’Ostende à Arras ; Siegfried, d’Arras à Saint Quentin ; Alberich, de Saint Quentin à Craonne ; Brunhilde, de Craonne à Sainte-Menehould ; et Kriemhilde, de Sainte-Menehould à Saint-Mihiel.

 

Début mars 1917, les soldats allemands reçurent l’ordre de s’établir sur leurs nouvelles positions.

Le repli s’effectua de manière méthodique, malgré un froid glacial, les troupes germaniques détruisant tout sur leur passage : maisons, entrepôts, arbres fruitiers, etc.

 

            2° La chute du ministère Briand (17 mars 1917) – Lyautey, excédé par les interpellations dont il était l’objet à la Chambre des députés, décida de présenter sa démission le 15 mars 1917. Cependant, son départ provoqua la chute du gouvernement Briand cinq jours plus tard.

 

Poincaré fut donc contraint de nommer rapidement un nouveau président du conseil, nommant Alexandre Ribot à ce poste.

Ce dernier, s’arrogeant le portefeuille des Affaires étrangères, nomma Paul Painlevé ministre de la Guerre, Léon Bourgeois[2] au Travail ; enfin, Viviani fut confirmé à la Justice, et Malvy à l’Intérieur.

 

            3° La bataille du Chemin des Dames, ou seconde bataille de l’Aisne (mi-avril à octobre 1917) – Peu de temps avant son éviction de l’Etat-major, Joffre avait élaboré les plans d’une nouvelle offensive pour l’année 1917.

 

a) Une offensive pensée par Joffre, reprise par Nivelle : en début d’année, la ligne de front ennemi formait un angle à 90° : d’Arras à Soissons (du nord au sud.), puis de Soissons à Reims (d’ouest en est.). L’objectif de Joffre était donc d’attaquer sur ces deux lignes, dans deux directions différentes, afin de faire reculer l’ennemi.

 

Le général Nivelle, prenant ses fonctions en fin d’année 1916, décida de mettre en œuvre le plan de son prédécesseur.

 Cependant, comme nous venons de le voir, les Allemands reculèrent sur la ligne Hindenburg début mars 1917, bouleversant complètement le front : ainsi, l’ennemi était désormais retranché sur une ligne Arras-Saint Quentin-Craonne, gommant cet angle à 90° qui devait être visé par les armées alliées.

 

Ainsi, le gouvernement Ribot doutait du bien fondé d’une nouvelle attaque française, Pétain et Haig étant eux-mêmes réticents.

Néanmoins, Nivelle décida de mener à bien cette offensive : les Britanniques furent chargées d’attaquer Arras ; les Français, quant à eux, devaient lancer une nouvelle offensive sur l’Aisne, entre Soissons et Reims.

Le front ouest (1917).

 

b) L’offensive française du 16 avril : Nivelle, prenant la tête des opérations, disposait de quatre Armées, rassemblant près de 850 000 hommes sous ses ordres.

Ainsi, l’on retrouvait la IV° Armée du général François Paul Anthoine[3], placée en réserve ; la V° Armée du général Olivier Mazel[4] ; la VI° Armée du général Charles Mangin[5] ; et la X° Armée du général Denis Auguste Duchêne[6], elle aussi en réserve.

En haut, les généraux Olivier Mazel et Denis Duchêne ; en bas, le général Charles Mangin, musée de l'Infanterie, Montpellier.

 

Nivelle donna l’ordre à l’artillerie de bombarder les positions allemandes le 12 avril 1917. Le général, sûr de la victoire, considérait que les bombardements détruiraient jusqu’à la septième ligne ennemie[7].

Cependant, en raison du mauvais temps, les canons lourds ne firent pas les dégâts attendus. Le 15, les bombardements cessèrent ; le lendemain, à l’aube, les Français reçurent l’ordre d’avancer sur une ligne Soissons-Reims.

 

Cependant, l’offensive fit long feu, car il s’avéra que les Allemands avaient peu souffert des bombardements (leur deuxième ligne était à peine entamée.).

En outre, l’ennemi était positionné en hauteur, bien retranché derrière des abris bétonnés. Les Français, progressant à découvert et sur un terrain défavorable, furent donc décimés par les mitrailleuses allemandes.

 

Par ailleurs, les chars de combats (modèles Schneider CA1 et Saint Chamond.) furent relativement mal utilisés. Ces derniers, destinés à accompagner la progression des fantassins, s’enlisèrent dans la zone de combat, ou bien furent pris pour cible par l’artillerie ennemie.

Chars Schneider CA1 (à gauche) et Saint Chamond (à droite).

A noter qu’en 1917, la stratégie allemande contre les tanks était la suivante : élargissement des tranchées afin d’empêcher la progression des véhicules, bombardement avec les mortiers de première ligne et avec l’artillerie lourde à l’arrière.

 

L’offensive, prévue pour durer entre 24 et 48 heures, selon les estimations du général Nivelle, était un échec. Le 25 avril, alors que la neige tombait abondamment sur le champ de bataille, les pertes s’élevaient déjà à 135 000 hommes côté français.

 

c) Les mutineries du printemps 1917 : malgré l’échec de son offensive et l’hostilité du gouvernement Ribot, Nivelle décida de reprendre l’attaque contre les lignes ennemies à compter du 4 mai 1917.

Cette fois-ci, l’attaque fut concentrée sur le Chemin des Dames, une route reliant Soissons à Laon[8]. Les Français, malgré de lourdes pertes, parvinrent néanmoins à progresser de cinq kilomètres sur certains points, prenant Craonne et le plateau de Californie, abritant la moitié est du Chemin des Dames.

L’offensive prit fin le 9 mai, les premiers actes de désobéissance ayant été constatés au sein de l’armée française.

Caricature du général Nivelle (la légende indique : "Le général Nivelle, niveleur").

 

Ainsi, les premières mutineries éclatèrent le 3 mai, touchant rapidement de nombreux régiments ébranlés par les pertes colossales subies sur le Chemin des Dames.

Précisons qu’il ne s’agissait pas de désertions ; les soldats restaient dans les tranchées mais refusaient de partir à l’assaut. En effet, ces derniers acceptaient de combattre l’ennemi, mais pas d’être sacrifiés inutilement (certaines divisions avaient perdu 60 % de leurs effectifs sur le Chemin des Dames.).

Cette désobéissance marquait aussi une profonde lassitude, vis-à-vis de la vie dans les tranchées. Les combats se déroulant dans le Nord, il faisait froid l’hiver (les poilus devaient alors rembourrer leurs chaussures avec du papier journal afin de ne pas avoir les orteils gelés.) ; pendant l’été, les maladies et les rats revenaient, en raison du manque d’hygiène et de la promiscuité des soldats ; à l’automne et au printemps, en raison des pluies fréquentes, les tranchées devenaient boueuses. Il fallait alors écoper l’eau et raffermir les parois de terre qui s’effondraient. C’était dans ces conditions particulièrement difficiles que les soldats devaient vivre, manger et dormir.

Une tranchée, par Georges SCOTT, XX° siècle, musée des Invalides, Paris.

Par ailleurs, les poilus étaient très dépendants de l'approvisionnement, en eau et en nourriture. Cependant, les soldats placés dans les première lignes étaient parfois contraints de jeûner pendant plusieurs jours d'affilée, les bombardements allemands ayant détruit les principales voies de communication.

La cuisine roulante, musée de l'Infanterie, Montpellier.

Enfin, les poilus étaient inquiets à cause des rumeurs colportée par les journaux pacifistes : des femmes de mobilisés auraient été attaquées ; des négociations auraient été mises en place avec l’Allemagne (rendant inutile le sacrifice des soldats car le futur traité de paix statuerait sur une paix blanche.) ; etc.

 

Le 16 mai, devant l’ampleur du désastre, le général Nivelle fut limogé et remplacé par Philippe Pétain. Ce dernier, afin de mettre un terme aux mutineries, décida de prime abord d’adopter une stratégie défensive, comme il l’avait fait à Verdun l’année précédente.

Par ailleurs, Pétain fit en sorte d’améliorer les conditions de vie des poilus : amélioration de la nourriture, multiplication des permissions, remplacement des lits de paille par des sommiers, etc.

 

Cependant, si les mutineries ne touchèrent qu’un cinquième des régiments, la nomination de Pétain à la tête de l’Etat-major ne mit pas fin à tous les actes de désobéissance, ceux-ci se poursuivant jusqu’à la mi-juin 1917.

Au final, près de 3 500 soldats furent condamnés par les tribunaux militaires : 1381 condamnations aux travaux forcés ou à de lourdes peines de prison ; 554 condamnations à mort (dont 49 effectives[9].).

Exécution d'un mutin, été 1917.

 

A noter que les exécutions de 1917 ne furent pas supérieures à celles des années précédentes. Ainsi, l’on comptait 200 fusillés en 1914, pour environ 260 en 1915.

 

d) Suite et fin de la bataille du Chemin des Dames (juin à octobre 1917) : suite aux premières mutineries, les offensives prévues en juin furent ajournées ; les Allemands, quant à eux, ne lancèrent pas de contre-offensive, subissant une crise analogue au sein de l’armée.

 

Pétain, nouveau généralissime, décida de ne lancer que des offensives limitées, en direction d’objectifs précis. Le 24 octobre, les Français reçurent l’ordre d’attaquer le fort de La Malmaison, non loin de Laon.

A l'assaut des premières lignes, par Georges SCOTT, musée de l'Infanterie, Montpellier.

Grâce à un efficace bombardement, les positions allemandes subirent d’importants dégâts ; les chars de combat, mieux utilisés, parvinrent à protéger les fantassins marchant vers la forteresse.

Rapidement, les Français parvinrent à prendre possession de La Malmaison, causant d’importantes pertes aux Allemands (8 000 tués, 30 000 blessés et 11 500 capturés.). Ces derniers, dangereusement exposés, furent contraints d’évacuer leurs positions le 2 novembre 1917.

 

Si la bataille du Chemin des Dames s’achevait sur une victoire, l’affrontement avait été extrêmement couteux pour des résultats mitigés. Ainsi, les Français déploraient la perte de 118 000 morts et 60 000 blessés ou disparus ; côté allemand, les pertes étaient moindres, soit 40 000 morts et 100 000 blessés ou disparus.

 

            4° La bataille d’Arras (mi-avril à mi-mai 1917) – De concert avec l’offensive française lancée  entre Soissons et Reims, les Britanniques furent chargés, conformément aux plans du général Nivelle, de lancer une attaque sur Arras début avril 1917.

 

a) Première offensive alliée sur Arras (9 au 12 avril 1917) : l’offensive sur Arras, conçue comme une diversion destinée à permettre aux Français de l’emporter au Chemin des Dames, débuta le 20 mars.

L’armée britannique, commandée par le général Douglas Haig, comptait aussi des contingents canadiens, australiens et néo-zélandais. Plutôt que de bombarder toute la ligne ennemie, d’Arras à Saint Quentin, Haig décida de concentrer les tirs d’artillerie lourde sur Arras et sur Vimy, un village situé au nord de la cité[10]

Par ailleurs, pendant les dix dernières heures du bombardement, des gaz de combats furent utilisés par les Britanniques.

 

L’attaque était prévue pour le 8 avril, mais l’Etat-major insista pour qu’elle soit reportée au lendemain. Ainsi, quelques minutes avant que l’assaut ne soit donné, un nouveau bombardement fut effectué, afin de paralyser les défenses ennemies.

 

Lorsque les troupes alliées partirent à l’attaque, il faisait encore nuit et la neige tombait abondamment. Cependant, le bombardement avait été efficace, car les deux premières lignes ennemies, très endommagées, avaient été abandonnées.

 

Ainsi, cette première offensive fut un succès, les alliés parvenant à prendre plusieurs positions à l’ennemi : Feuchy et Wancourt (à l’est d’Arras.), Neuville-Vitasse (au sud.), et la crête de Vimy (au nord.).

Les Britanniques se trouvaient désormais à quelques kilomètres des faubourgs de Lens.

La bataille d'Arras.

 

Cependant, les Allemands parvinrent à répliquer efficacement sur certains points, comme à Bullecourt. Ainsi, le village fut brièvement pris par une division australienne, mais cette dernière fut repoussée le 11 avril.

 

b) Les deux belligérants se préparent à la suite de l’offensive (12 au 15 avril 1917) : suite à l’offensive alliée sur Arras, le général Ludwig von Falkenhausen[11], qui commandait l’armée allemande, fut limogé par Ludendorff et remplacé par Fritz von Lossberg[12], colonel spécialisé dans la stratégie défensive.

Par ailleurs, des renforts furent envoyés à Arras afin de repousser l’ennemi.

 

Côté britannique, des travaux furent lancés afin de construire les routes destinées à acheminer l’artillerie et le ravitaillement.

Cependant, à compter du 16 avril, l’Etat-major britannique apprit que l’offensive française sur le Chemin des Dames était un échec ; cependant, Nivelle ordonna aux Anglais de poursuivre leur offensive, afin de réduire les pertes françaises.

 

c) Seconde offensive alliée sur Arras (16 avril au 17 mai 1917) : le 23 avril, les Britanniques lancèrent une offensive à l’est de Wancourt, en direction de Vis-en-Artois. Ces derniers parvinrent à s’emparer du village de Guémappes, au nord-est, mais une contre-attaque allemande sur Monchy contraignit les Anglais à stopper leur progression.

 

Plus tard, le 28 avril, Haig ordonna à ses troupes de marcher vers Arleux et Gavrelle, au nord-est d’Arras, afin de sécuriser la crête de Vimy. Les deux villages furent pris le 29 avril, malgré d’importantes pertes.

 

Début mai, une nouvelle offensive fut lancée sur Bullecourt, village pris mais rapidement perdu par les troupes australiennes au début de la première offensive.

La position, bombardée à partir du 20 avril, fut attaquée par les Britanniques à compter du 3 mai 1917. Cependant, si ces derniers parvinrent à s’emparer de Bullecourt, et d’une grande partie des tranchées en direction de Riencourt, ils ne parvinrent pas à prendre Hendecourt.

En raison des pertes très importantes, Haig décida de mettre un terme à l’offensive le 17 mai.

 

A noter qu’outre l’attaque alliée sur Bullecourt, les Britanniques lancèrent le même jour une offensive en direction de Rouex, village bordant la Scarpe.

Cependant, l’assaut fut repoussé par les Allemands le 3 mai ; et, dès le lendemain, Haig ordonna à ses troupes de se replier.

 

d) Bilan de la bataille d’Arras : malgré les importantes pertes (150 000 tués, blessés ou disparus pour les Anglais contre 100 000 tués côté allemand.), les alliés étaient parvenus à progresser de plusieurs kilomètres dans les lignes ennemies.

Ces derniers n’avaient pas opéré la percée tant attendue, mais la progression était assez conséquente, par rapport aux offensives des années précédentes.

 

Fort de cette victoire, le général Haig décida de lancer de nouvelles offensives contre l’ennemi ; Pétain préférant rester sur la défensive (ce dernier attendait l’arrivée des troupes américaines, les Etats-Unis ayant déclaré la guerre à l’Allemagne le 6 avril 1917.), la plupart des attaques alliées, jusqu’à la fin de l’année, furent donc organisées par les Britanniques.

 

            5° L’entrée en guerre des Etats-Unis aux côtés de la Triple-Entente (7 juin 1917) – Depuis le 1er mars 1915, les alliés soumettaient l’Allemagne à un lourd blocus économique, utilisant la flotte anglaise afin d’empêcher l’entrée ou la sortie de marchandises sur le territoire allemand.

Ce blocus, asphyxiant peu à peu l’économie allemande, risquait donc de faire perdre la victoire au deuxième Reich[13]. D’autant plus que Guillaume II savait que la Kaiserliche Marine[14] ne pouvait pas rivaliser avec la Royal Navy britannique.

 

a) La guerre sous-marine, de 1914 à 1915 : ainsi, le gouvernement allemand décida d’installer ses navires dans des ports lourdement fortifiés, préférant baser sa stratégie navale sur l’emploi des U-boote[15].

Maquette d'un U-boote, vers 1917-1918, Deutsches historisches museum, Berlin.

Ces sous-marins, difficilement détectables et moins onéreux qu’un navire de guerre, furent donc chargés de perturber le commerce anglais.

Cependant, l’emploi de ces U-boote ne faisait pas l’unanimité en Allemagne. Ainsi, alors qu’il est de coutume dans le droit maritime de prévenir les navires de l’imminence d’une attaque (afin de permettre à l’équipage de gagner les canots de sauvetage.), les U-boote attaquaient par surprise. Ainsi, de nombreux politiques craignaient que cette guerre sous-marine n’entraîne des incidents diplomatiques.

 

C’est ainsi que fut coulé le paquebot Lusitania[16] le 7 mai 1915, suspecté de transporter un chargement de munitions. Le torpillage de ce navire considéré comme neutre eut un important retentissement aux Etats-Unis, ayant fait 1 198 victimes dont 128 américaines.

Le naufrage du Lusitania, Le Monde Illustré, 15 mai 1915.

Berlin, souhaitant éviter que l’Amérique participe au conflit aux côtés de la Triple Entente, décida alors de suspendre (ou du moins de réduire.) son offensive sous-marine pendant plusieurs mois.

 

b) Le renouveau de la guerre sous-marine entraîne l’intervention des Etats-Unis (1917) : en janvier 1917, sous la pression de l’amirauté allemande, Guillaume II décida de relancer la guerre sous-marine.

Cette fois-ci, n’étaient plus seulement visés les navires commerciaux ou militaires, mais aussi les embarcations neutres. L’objectif des Allemands, éprouvés par le blocus, était de perturber à son tour l’économie britannique.

Les effectifs des U-boote furent donc revus à la hausse : alors que la marine allemande ne disposait que de 25 sous-marins en 1914 et 1915, l’on en comptait 150 en 1917. La forte croissance de ces navires permit  à la flotte d’obtenir d’impressionnants résultats. Ainsi, alors que cette dernière avait réussi à couler 300 000 tonnes en 1914 et 1.3 millions en 1915, elle en coula plus de six millions en 1917.

Affiche de propagande américaine, musée des Invalides, Paris (la légende indique : "Repoussez le Hun grâce aux bons de la liberté").

 

Cette agressivité allemande ne plaisait guère aux Américains, déjà éprouvés par le torpillage du Lusitania en 1915[17]. D’autant plus que ces derniers découvrirent en avril 1917 que Berlin avait promis une alliance au Mexique, dirigée contre les Etats-Unis, avec la promesse de leur rétrocéder les provinces perdues en 1848[18].

L’annonce de ces négociations secrètes fit scandale, et le président Thomas Woodrow Wilson, proposa l’entrée en guerre des Etats-Unis devant le Congrès[19] le 2 avril 1917. La proposition fut acceptée, faisant entrer les Américains dans le conflit le 6.

Thomas Woodrow Wilson.

A noter par ailleurs que le Britannique Arthur Balfour, secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, promit la création d’un État juif au Proche-Orient en novembre 1917, tentant d’inciter les juifs américains à soutenir la récente entrée en guerre des États-Unis.

 

Le 8 janvier 1918, Wilson fit un discours devant le Congrès américain, présentant en quatorze points les objectifs des Etats-Unis : mise en place de négociations de paix publiques ; liberté de navigation ; liberté de commerce ; limitation des armements ; règlement des questions coloniales ; évacuation de la Russie par les armées allemandes ; évacuation de la Belgique par les armées allemandes ; retour de l’Alsace-Lorraine à la France ; rectification des frontières italiennes ; autonomie des peuples de l’Empire austro-hongrois ; évacuation de la Serbie (qui doit recevoir un accès à la mer.), du Monténégro et de la Roumanie ; abandon de la souveraineté turque sur les Dardanelles ; création d’un Etat polonais ; création de la Société des Nations[20].

L'Amérique du Nord en 1917.

 

c) Les Etats-Unis à l’aube du conflit (avril à octobre 1917) : tout comme l’Angleterre, les Etats-Unis ne disposaient pas à cette époque d’une armée de conscrits (il n’y avait plus de service militaire depuis la guerre de Sécession.). Ainsi, en 1917, l’on comptait 120 000 soldats engagés dans l’armée fédérale, et 180 000 dans la Garde nationale[21].

Ainsi, le président Wilson décida de mettre en place une conscription en juin 1917, concernant tous les hommes célibataires entre 21 et 31 ans. Cependant, de nombreuses exemptions furent prévues, concernant les hommes mariés, les notables, les veufs avec enfants à charge, le clergé (plus les membres de certaines communautés religieuses.), et les ennemies aliens[22].).

Affiche de propagande américaine, 1918, musée des Invalides, Paris (la légende indique : "Secouez-les ! engagez-vous dans les chars de combat.").

 

Cependant, la mobilisation américaine fut lente, et les premiers militaires américains, les Doughboys (surnommé les Sammies[23] en français.), n’arrivèrent en France qu’en juin 1917, sous le commandement du général John Joseph Pershing[24].

Débarquement des sammies à Saint Nazaire.

Malgré ce déploiement quelque peu laborieux du corps expéditionnaire américain[25], les soldats américains représentaient toutefois 30 % des forces alliées en 1918, signe de l’importance de l’intervention américaine.

 

            6° La bataille de Messines (7 juin 1917) – En juin 1917, le général Haig décida de lancer une offensive sur Messines, village situé au sud d’Ypres, entre les mains des Allemands depuis 1914.

 

Cependant, l’ennemi avait profité de cette occupation pour fortifier considérablement la colline surplombant le village, y érigeant de nombreux bunkers.

Ainsi, les Britanniques eurent recourt au système des sapes, destinées à faire sauter les défenses de l’ennemi. Après plus d’un an de travaux dangereux (risques d’éboulements, d’asphyxie, etc.), les sapes étaient prêtes à exploser.

 

Ainsi, un bombardement préliminaire débuta le 20 mai 1917, qui se prolongea jusqu’au 7 juin. Ce jour là, les explosifs installés dans 19 sapes sautèrent, causant d’importantes pertes à l’ennemi (environ 10 000 morts.).

 

Suite aux explosions, les Britanniques partirent à l’attaque, s’emparant rapidement de Messines et de Wytschaete, et s’installant sur la crête.

Les Allemands tentèrent néanmoins de contre-attaquer, mais en vain.

 

Ayant perdu 17 000 hommes (tués, blessés ou disparus.), le général Haig était toutefois parvenu à s’emparer de la crête de Messines, empêchant désormais l’ennemi d’attaquer Ypres par le sud.

Les pertes allemandes étaient lourdes : 10 000 morts, 2 000 blessés et 7 500 prisonniers. Par ailleurs, les Britanniques parvinrent à s’emparer de 65 canons, 94 mortiers et 300 mitrailleuses.

 

            7° La troisième bataille d’Ypres ou bataille de Passchendaele (31 juillet au 10 novembre 1917) – Profitant du succès obtenu lors de la bataille de Messines, le général Haig décida de lancer une offensive contre les lignes ennemies. L’objectif de l’Etat-major britannique était de réaliser une percée en direction de Bruges, qui abritait les sous-marins allemands.

 

A noter que l’offensive était réalisée en collaboration avec l’armée française : ainsi, la I° Armée du général Anthoine était placée sur l’aile gauche ; le corps expéditionnaire britannique étant installé au centre et à droite.

 

Comme à l’accoutumée, un bombardement préliminaire fut effectué du 16 au 25 juillet. Cependant, de fortes pluies balayèrent le champ de bataille, transformant les cratères d’obus en bourbiers.

 

a) Première offensive alliée (31 juillet au 18 août 1917) : malgré les conditions météorologiques défavorables, l’Etat-major allié décida de ne pas repousser l’offensive prévue pour le 31 juillet au matin.

 

L’attaque fut donc lancée à l’aube, mais elle fut plus lente que prévue à cause de la pluie et d’un terrain boueux. Cependant, les alliés parvinrent à prendre position le long de la rivière Steenbeck, parvenant à s’emparer de Zuidschote, au nord d’Ypres, et de Saint Julien, au nord-est.

La Troisième bataille d'Ypres.

 

Cependant, ces mauvaises conditions météorologiques, pénalisant la progression des alliées, fut mise à profit par les Allemands qui se réorganisèrent et parvinrent à contre-attaquer efficacement.

Ainsi, les Britanniques furent repoussés de Passchendaele par l’ennemi ; en outre, les deux belligérants s’affrontèrent à Langemark jusqu’au 18 août, laissant les Allemands maîtres du terrain.

 

Au final, la première offensive permit aux alliés de progresser de quatre à cinq kilomètres dans les lignes ennemies ; cependant, les mauvaises conditions climatiques et la résistance opiniâtre des Allemands contraignirent l’Etat-major britannique à mettre un terme à l’offensive à la mi-août 1917.

 

b) Seconde offensive alliée (20 septembre au 10 novembre 1917) : l’Etat-major allemand, ayant été la cible de plusieurs offensives alliées depuis 1916, avait adopté une nouvelle stratégie : la défense en profondeur.

Ainsi, les premières lignes devaient être faiblement défendues, alors que les troupes placées en réserves étaient stationnées hors de portée de l’artillerie lourde des alliés.

L’application de cette stratégie explique pourquoi les alliés étaient parvenus à prendre les premières lignes ennemies le 31 juillet, mais qu’ils avaient été incapables de s’emparer de Passchendaele.

 

Un nouvel assaut britannique fut lancé à la mi-septembre, cette fois-ci sur la route menant à Menen, à l’est d’Ypres. Après une semaine de bombardement intensif[26], les alliés attaquèrent les positions ennemies le 20 septembre.

Cependant, c’est à cette occasion que les Allemands diffusèrent du gaz moutarde contre l’ennemi, surnommé ypérite par les Français[27]. Cette arme chimique qui prenait la forme d’un nuage jaunâtre, pouvait brûler les voies respiratoires, attaquant même le tissu et le caoutchouc.

Cependant, les alliés parvinrent malgré tout à progresser d’1.5 kilomètre dans les lignes ennemies. Ainsi, Zonnebeke fut pris le 25 septembre, le bois du polygone le 27 septembre, et Broodseinde le 4 octobre.

 

L’Etat-major Britannique, ayant pris les positions entourant Passchendaele, décida de lancer un assaut sur ce village le 12 octobre 1917.

Cependant, à cause de la pluie et du terrain boueux, les alliés subirent d’importantes pertes, ne parvenant à pas à progresser.

Ainsi, un second assaut fut ordonné le 26 octobre, en direction de la forêt d’Houthulst et de Poelcappelle, toujours entre les mains des Allemands. Les troupes franco-britanniques parvenant à chasser l’ennemi de ces deux zones de combat, un assaut final fut lancé sur Passchendaele le 30 octobre. Cependant, les pluies torrentielles contraignirent l’Etat-major allié à reporter l’offensive le 6 novembre.

Finalement, le village fut capturé, et la troisième bataille d’Ypres s’acheva le 10 novembre.

 

c) Bilan de la troisième bataille d’Ypres : bien qu’ayant réussi à prendre cinq à six kilomètres de terrain aux Allemands, les alliés n’étaient pas parvenus à percer la ligne ennemie.

Par ailleurs, les pertes étaient colossales : 8 500 Français, 4 000 Canadiens, et environ 250 000 Britanniques (tués, blessés ou disparus.).

Les Allemands, quant à eux, déploraient aussi d’importantes pertes, soit environ 300 000 hommes.

 

A noter par ailleurs que le général Haig avait été contraint de mettre fin à l’offensive, car les troupes austro-allemandes, lors de la douzième bataille de l’Isonzo, étaient parvenues à enfoncer le front italien d’environ 200 kilomètres, progressant jusqu’aux portes de Venise.

Ainsi, l’Etat-major allié décida d’envoyer plusieurs divisions en Italie, afin de contrer cette nouvelle menace.

 

            8° La valse des ministères (septembre à novembre 1917) – Louis Malvy, ministre de l’Intérieur, violemment attaqué à la Chambre des députés à cause de ses positions pacifistes, fut poussé à la démission le 2 septembre 1917.

Cependant, la démission de Malvy entraina celle du gouvernement Ribot, cinq jours plus tard. Ainsi, Poincaré décida de nommer Paul Painlevé président du conseil.

 

A noter qu’à la même époque, le député Aristide Briand[28] avait entamé un rapprochement avec Oscar von der Lancken, gouverneur général de Belgique sous autorité allemande. Les deux hommes avaient convenu d’un lieu et d’une date de rendez vous afin d’entamer les pourparlers ; cependant, Briand ne fut pas autorisé à quitter le territoire, faisant avorter ces négociations de paix.

 

Painlevé, participant à la conférence de Rapallo début novembre 1917, se montra favorable à la proposition de David Lloyd George, premier ministre britannique, prévoyant la création d’un conseil supérieur de guerre, chargé de coordonner la stratégie des armées alliées en temps de guerre[29].

David Lloyd George, 1918, par Kathleen KENNETT, Imperial war museum, Londres.

Cette organisation, installée à Versailles, fut dirigée côté français par le général Foch. Les Anglais, quant à eux, furent représentés par le général William Robertson[30] ; les Italiens, par le général Luigi Cadorna[31]. Les Américains, entrés en guerre en avril 1917 (mais encore absents sur le terrain en cette fin d’année.), y envoyèrent le général Tasker Howard Bliss[32].

Les généraux William Robertson, Luigi Cadorna, et Tasker Howard Bliss.

 

Painlevé, rentrant à Paris suite à la conférence, fut toutefois renversé le 13 novembre par la Chambre des députés (ces derniers n’appréciaient guère de ne pas avoir été informés des négociations Briand-Lancken.).

Ainsi, Poincaré décida de faire appel à Georges Clémenceau[33], bien que n’aimant pas ce personnage.

Georges Clémenceau, 1919, par Francis Derwent WOOD, XX° siècle, Imperial war museum, Londres.

 

Ce dernier, suite à sa nomination, s’arrogea le portefeuille de la Guerre, constituant un gouvernement composé majoritairement de radicaux et de proches.

 

            9° La bataille de Cambrai (20 novembre au 7 décembre 1917) – La bataille de Cambrai, comme la plupart des offensives menées en 1917, fut initiée à l’initiative de l’Etat-major britannique.

L’objectif était de percer la ligne Siegfried, reliant Arras à Saint Quentin, afin de prendre à revers les armées allemandes stationnées plus au nord. Par ailleurs, le site de Cambrai fut choisi car le terrain, plus plat qu’à Ypres, permettrait un meilleur déploiement des chars de combat.

 

a) L’offensive britannique, 20 au 30 novembre 1917 : le général Julian Byng[34], commandant de la III° Armée britannique, lança l’offensive sur Cambrai le 20 novembre 1917, avec l’aval du général Haig.   

Le général Julian Byng.

Comme à l’accoutumée, l’attaque fut précédée d’un intensif bombardement, mais ce dernier, peu précis, fit peu de dégâts dans les lignes ennemies.

 

L’offensive principale fut menée à l’aube par 476 chars Mark IV, suivis de près par l’infanterie britannique. La première attaque fut un franc succès pour les troupes alliées, qui parvinrent à progresser d’une dizaine de kilomètres en territoire ennemi.

Char de combat Mark IV.

 

Cependant, malgré de bons résultats le premier jour, les Britanniques ne parvinrent pas à poursuivre leur avancée par la suite, d’importants combats se déroulant autour de la crête de Bourlon, à l’ouest de Cambrai.

A noter que de nombreux tanks connurent des soucis mécaniques, s’enlisèrent, ou bien furent détruits par l’artillerie ennemie.

La bataille de Cambrai.

 

b) La contre-offensive allemande, 30 novembre au 7 décembre 1917 : à compter du 30 novembre au petit matin, les Allemands lancèrent une importante contre-offensive, destinée à reconquérir le terrain perdu.

C’est ainsi que les Sturmtruppen passèrent à l’action, parvenant à mettre hors de combat plusieurs tanks, contraignant les Britanniques à battre en retraite.

La bataille de Cambrai fut révélatrice des deux différentes tactiques adoptées par les deux belligérants : utilisation de chars de combat à grande échelle côté anglais, contre utilisation des Sturmtruppen coté allemand.

 

Afin de mieux riposter, le général Haig ordonna à ses troupes de se replier le 3 décembre 1917, abandonnant le territoire conquis le 20 novembre, à l’exception d’une ligne Havrincourt-Flesquières-Ribecourt.

A noter toutefois que les Allemands étaient parvenus à progresser dans les lignes anglaises, s’emparant d’une bande de territoire comprise entre les villages de Gonnelieu et Epéhy (au sud de Cambrai.).

 

c) Bilan de la bataille de Cambrai : la bataille de Cambrai s’achevait sur un bilan en demi teinte. Cependant, si les Britanniques n’avaient pu réaliser la percée attendue, l’affrontement apporta la preuve que les tranchées les mieux défendues étaient démunies face à une attaque menée par des chars de combat. Ainsi, en France comme en Angleterre, la construction de tanks s’intensifia jusqu’à la fin de la guerre.

 

L’offensive n’ayant duré qu’une dizaine de jours, le bilan humain fut moins important qu’à l’issue d’autres batailles livrées en 1917. Ainsi, les Britanniques avaient perdu 45 000 hommes (tués ou blessés.), ainsi que 9 000 prisonniers à l’ennemi.

Les pertes allemandes étaient du même acabit, soit 45 000 tués ou blessés, ainsi que 11 000 prisonniers.

 

            10° Le front est (janvier à décembre 1917) – D’importants évènements s’étaient déroulés en Russie depuis la fin 1916. 

 

a) La révolution de février[35] (8 au 13 mars 1917) : en début d’année 1917, la Russie se trouvait dans une situation difficile.

De prime abord, l’armée russe était en pleine crise. Depuis 1915, elle avait subi de nombreux revers face à l’Allemagne, déplorant d’importantes pertes (un million de morts pour six millions de blessés.). Le moral des soldats étaient au plus bas, et de nombreuses mutineries éclatèrent en début d’année 1917.

D’un point de vue économique, la situation n’était guère brillante. Ainsi, bien que dotée d’un important taux de croissance avant guerre, le pays était coupé du marché européen depuis le déclenchement du premier conflit mondial. Par ailleurs, à cause d’une perturbation des voies commerciales et d’un hiver rude, plusieurs pénuries alimentaires furent constatées en début d’année 1917.

 

La capitale russe, Petrograd[36], fut agitée par plusieurs grèves à la mi-février 1917. Puis, le 5 mars, alors que les autorités annonçaient la mise en place d’un système de rationnement, l’usine d’armement Poutilov (la plus grande entreprise de la ville.), en rupture d’approvisionnement, fut contrainte de licencier plusieurs milliers d’ouvriers.

 

Quelques jours plus tard, le 8 mars 1917, plusieurs cortèges féminins, à l’occasion de la journée internationale de la femme[37], manifestèrent dans le centre-ville de Petrograd afin de réclamer du pain.

Manifestation à Petrograd, mars 1917.

Mouvement spontané à l’origine, le cortège fut bientôt rejoint par les ouvriers en colère, qui aux cris contre la guerre ajoutèrent des « vive la république ! »

Le 9 et le 10, de nouvelles manifestations se déroulèrent, rassemblant près de 150 000 ouvriers en colère. Ces derniers, se faisant plus radicaux, proclamèrent la grève générale

 

Au soir du 10 mars, le tsar Nicolas II ayant été averti de la situation, décida de mater l’émeute par la force, refusant tout compromis.

Ainsi, lors de la manifestation du 11 mars, l’armée reçut l’ordre de tirer sur la foule, ce qui causa la mort de 150 personnes. L’émeute semblait être brisée, cependant, une partie des militaires commencèrent à fraterniser avec les manifestants (certains soldats firent feu sur la police.).

Nicolas II, acculé, décida dans la soirée de proclamer l’état de siège, renvoyant la Douma[38] et nommant un comité provisoire.

 

Cependant, dans la nuit du 11 au 12 mars 1917, deux nouveaux régiments se mutinèrent, distribuant au petit matin des fusils à la foule en colère. Les militaires, occupant les points stratégiques de la ville, étaient désormais en position de force.

Dans la journée du 12 mars, il fut décidé d’organiser un soviet[39], réunissant une cinquantaine de militants de tendances diverses (bolcheviks[40], mencheviks[41], et socialistes-révolutionnaires[42].). 

Le soviet de Petrograd, mars 1917.

C’est ainsi que fut organisé un comité exécutif des députés ouvriers, ainsi que la création d’un journal, les Izvestia[43] (à noter que l’annonce des évènements de Petrograd entraîna la mise en place d’un soviet à Moscou quelques jours plus tard.).

 

Cependant, parallèlement à la création du soviet, un groupe de députés de la Douma décida de former un comité provisoire pour le rétablissement de l’ordre gouvernemental et public. Pour ces élus, la priorité était le rétablissement de l’autorité et le retour des soldats dans leurs baraquements.

Dès lors, de nombreuses négociations eurent lieu entre les deux comités provisoires, aboutissant finalement à un compromis à la mi-mars 1917 : le soviet acceptait de reconnaitre, dans l’attente de la mise en place d’une assemblée constituante[44], un gouvernement provisoire à tendance libérale (ce dernier fut majoritairement composé de membres du parti constitutionnel-démocratique, formé en octobre 1905[45].).

 

En contrepartie, ce gouvernement provisoire était chargé d’instaurer plusieurs réformes démocratiques, telles que la garantie de la liberté d’expression, l’adoption du suffrage universel, la suppression de la police (remplacée par des milices populaires.), l’abolition des discriminations (sur les religions, classes ou nationalités.), et l’amnistie des prisonniers politiques.

 

Au même moment, l’Etat-major russe fit pression sur Nicolas II afin que ce dernier abandonne son trône. Le tsar décida alors d’abdiquer le 15 mars, au profit de son frère Mikhaïl Alexandrovitch (cependant, ce dernier abdiqua à son tour dès le lendemain.).

 

b) D’une révolution à une autre, la crise d’avril (mars à juillet 1917) : le premier chef du gouvernement provisoire fut Gueorgui Ievguenievitch Lvov[46], nommé à ce poste le 23 mars 1917.

Comme nous l’avons vu plus tôt, ce gouvernement n’était pas entre les mains des bolcheviks. Au contraire, la majorité des ministres étaient membres du parti constitutionnel-démocratique, et l’on retrouvait un socialiste-révolutionnaire, Alexandre Kerenski, alors ministre de la Justice.).

Les ministres du gouvernement provisoire.

 

Lvov, s’engageant à appliquer les réformes exigées par le soviet, fit abolir la peine de mort, libéra les prisonniers politiques, proclama plusieurs libertés fondamentales (liberté de presse, de réunion, de conscience.), et permit à de nombreux exilés de rentrer en Russie.

 

Cette révolution russe rencontra un écho positif du côté des pays membres de la Triple-Entente. Ainsi, le gouvernement provisoire fut reconnu par les Etats-Unis dès le 22 mars, puis par la France, l’Angleterre et l’Italie le 24 mars.

 

Cette sympathie exprimée par les puissances occidentales était évidemment intéressée, l’objectif étant de pousser la Russie à poursuivre la guerre contre l’Allemagne.

 

Cependant, alors que le soviet réclamait le partage des terres, la journée de 8 heures et la fin de la guerre, le gouvernement provisoire se trouvait dans une situation délicate.

En effet, les questions territoriales et d’Affaires étrangères devaient être ratifiées par la Douma ; cependant, cette dernière ne pouvait être réunie car les millions d’hommes combattant sur le front ne pouvaient pas voter, retardant de ce fait l’organisation d’élections législatives.

 

De ce fait, le gouvernement provisoire fut confronté à de nouvelles manifestations début mai 1917, ouvriers et soldats protestant contre la poursuite de la guerre.

Cependant, plutôt que de réprimer les manifestants, Lvov préféra limoger le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Guerre ; puis, se rapprochant du soviet, il fit rentrer au sein du gouvernement trois socialistes-révolutionnaires (en plus de Kerenski.) et un menchevik.

 

c) L’offensive Kerenski (1er au 23 juillet 1917) : Alexandre Kerenski, ministre de la Guerre depuis la crise d’avril, décida de lancer une grande offensive militaire début juillet 1917.

Alexandre Kerenski.

Ainsi, à l’instar de l’offensive Broussilov de l’année dernière, Kerenski pensait qu’une attaque victorieuse permettrait d’assoir l’autorité du gouvernement provisoire, et redonnerait le moral aux troupes.

 

Une nouvelle fois, le général Broussilov décida de s’attaquer aux positions autrichiennes en Galicie, lignes bien plus friables que les défenses allemandes.

L’offensive fut lancée le 1er juillet 1917, en direction de Lvov[47]. Cependant, malgré un succès initial, l’attaque fut stoppée à causes de soldats russes se mutinant et refusant de combattre.

Le 20 juillet, les Autrichiens, renforcés par des troupes allemandes, contre-attaquèrent, brisant les lignes ennemies, et repoussant les Russes de 240 kilomètres, jusqu’à la rivière Zbroutch.  

Le front est (été 1917).

 

Le 23 juillet, les Russes parvinrent à freiner l’avancée ennemie, mais les pertes étaient colossales : 400 000 tués et blessés (y compris les déserteurs.).

Le gouvernement provisoire, loin de sortir renforcé de cette offensive, se retrouvait fragilisé et isolé ; au contraire, cet échec fut rapidement récupéré par les bolcheviks, partisans d’une paix immédiate.

 

d) D’une révolution à une autre, la crise de juillet (juillet 1917) : ainsi, alors que les bolcheviks étaient minoritaires au soviet au printemps 1917, malgré leur nom[48], ces derniers gagnèrent de l’influence à l’été 1917.

 

Vladimir Ilitch Oulianov[49], plus connu sous le nom de Lénine, fit son retour en Russie au printemps 1917, suite à l’amnistie proclamée par le gouvernement provisoire (ce dernier rentra de Suisse en passant par l’Allemagne, le gouvernement allemand ayant financé le voyage de Lénine, accordant au convoi une immunité diplomatique[50].).

Suite à son arrivée en Russie, Lénine décida alors de diffuser ses thèses d’avril dans le journal bolchevik la Pravda[51] : aucun soutien au gouvernement provisoire, transfert de tous les pouvoirs au soviet, confiscation de toutes les terres des propriétaires fonciers, fusion de toutes les banques du pays en une banque unique sous le contrôle du soviet, et création d’une Troisième Internationale[52].

Statue de Lénine, par Matwej MANISER, 1925, Deutsches historisches museum, Berlin.

 

Ainsi, alors que les idées de Lénine étaient minoritaires au sein même des bolcheviks, elles ne cessèrent de prendre de l’ampleur.

Alors qu’à l’origine, de nombreux Russes critiquaient plus la gestion de la guerre par Nicolas II que le conflit en lui-même, l’échec de l’offensive Kerenski apporta à de nombreux citoyens la preuve que la victoire était désormais hors de portée.

 

A la mi-juillet 1917, de nouvelles manifestations éclatèrent à Petrograd, les soldats en garnison dans la capitale refusant de partir au front. Les bolcheviks, craignant de perdre toute influence s’ils ne soutenaient pas les manifestants, participèrent donc au mouvement.

Cependant, le gouvernement provisoire reprocha le soutien qu’avaient apporté les bolcheviks, accusés d’être financés par l’Allemagne pour créer des troubles en Russie : ainsi, de nouvelles troupes furent envoyées en renfort à Petrograd (les régiments mutins furent dissous et envoyés au front.), la peine de mort fut rétablie, les civils furent désarmés, la Pravda fut interdite, Lénine s’exila en Finlande, et de nombreux bolcheviks furent arrêtés.

Répression des manifestations de juillet 1917 à Petrograd.

 

Suite à cette crise de juillet, Lvov fut poussé à la démission, et un nouveau ministère fut formé à la fin du mois.

Kerenski, conservant le ministère de la Guerre, devenait chef du gouvernement ; les membres du KD[53], désormais en minorité, étaient contraints de gouverner de concert avec une majorité de socialistes (cinq socialistes-révolutionnaires et deux mencheviks.).

 

e) D’une révolution à une autre, l’affaire Kornilov (août à octobre 1917) : suite à l’échec de l’offensive Kerenski, le général Broussilov fut démis de sa charge de commandant en chef des armées, fonction qui fut cédée au général Lavr Gueorguievitch Kornilov[54].

Le général Kornilov.

 

Ce dernier, à la tête d’une armée en pleine déliquescence, décida de mettre en place une discipline de fer : les déserteurs seraient fusillés et leurs cadavres exposés, et menaça de lourdes sanctions les paysans s’attaquant aux domaines seigneuriaux.

 

Aux yeux des aristocrates et de la bourgeoisie, Kornilov devint rapidement l’instrument de la vengeance. Ainsi, à la fin du mois d’août 1917, il envoya par train trois régiments de cavalerie à Petrograd, dans le but d’écraser le soviet et les syndicats appelant à la grève.

 

Le gouvernement provisoire, pris entre deux feux, décida toutefois de proclamer hors-la-loi les troupes de Kornilov. Les bolcheviks, quant à eux, assurèrent la défense de Petrograd en s’appuyant sur la Garde rouge[55], faisant creuser des tranchées autour de la ville, et détournant les trains transportant les troupes contre-révolutionnaires.

Patrouille de la Garde rouge à Petrograd, octobre 1917.

Finalement, le coup d’Etat fit long feu, mais les conséquences de ce putsch raté furent importantes : la population de Petrograd fut réarmée, et les bolcheviks refirent surface (sortant de prison ou rentrant d’exil.).

Par ailleurs, le gouvernement provisoire était désormais à l’agonie. En effet, s’étant attaqué à l’armée, il s’était aliéné la droite ; la gauche, bien que favorable au gouvernement provisoire, n’appréciait pas l’indulgence avec laquelle furent traités les complices de Kornilov ; les bolcheviks, enfin, restaient hostiles à Kerenski.

 

e) La révolution d’octobre (novembre 1917) : suite à l’affaire Kornilov, les bolcheviks ne cessèrent de gagner en influence. A la mi-septembre 1917, ces derniers furent majoritaires au soviet de Petrograd ; à la mi-octobre, Lev Davidovitch Bronstein[56] (surnommé Trotsky.) fut élu à sa présidence.

Trotsky passant en revue la Garde rouge.

Par ailleurs, les élections municipales de Moscou, organisées pendant l’été, démontrèrent la perte de vitesse des partis « compromis » avec le gouvernement provisoire. Ainsi, les socialistes-révolutionnaires reçurent 54 000 voix (contre 375 000 au précédent scrutin.), les mencheviks 16 000 (contre 76 000.), les KD 101 000 (contre 109 000.).

Ainsi, les bolcheviks sortaient vainqueurs de ces élections, ayant presque triplé leur précédent score, avec 198 000 voix (contre 75 000 autrefois.).

Fin août, les SR et les mencheviks ayant décidé de se rapprocher des bolcheviks, le soviet de Petrograd et les 126 soviets de province votèrent une résolution en faveur d’un transfert de pouvoir intégral aux soviets.

 

Dans les campagnes, les paysans refusèrent d’attendre plus longtemps la réforme agraire, et se soulevèrent contre les propriétaires terriens. Si cette révolte ne se fit pas toujours dans la violence, les propriétés de certains aristocrates furent incendiées, et leurs propriétaires assassinés.

En outre, apprenant que le partage des terres avait commencé, de nombreux soldats russes décidèrent de déserter afin de participer au redécoupage territorial.

L’armée russe, alors en grande difficulté, était désormais immobilisée et incapable de lutter contre les austro-allemands. Ainsi, les Allemands parvinrent à prendre Riga le 1er septembre, la garnison ayant préféré fuir plutôt que combattre.

 

Acculé, Kerenski consenti à procéder à un remaniement ministériel le 25 septembre 1917 (les membres du KD furent limogés et remplacés par de nouveaux députés issus de ce parti.).

 

A l’automne, de longs débats se déroulèrent au sein du parti bolchevique, quant au bien fondé d’une insurrection armée dirigée contre le gouvernement provisoire. Certains membres, tels que Lev Borissovitch Kamenev[57] et Grigori Evseïevitch Zinoviev[58], étaient hostiles à un coup de force, estimant qu’une action hors-la-loi les isoleraient sur la scène internationale.

Cependant, Lénine et Trotsky parvinrent à l’emporter, fixant la date de l’insurrection au 7 novembre 1917[59], jour de réunion du II° congrès des soviets[60].

 

Fin octobre, un comité militaire révolutionnaire fut instauré, présidé par Trotsky.

Cet organe, composé d’ouvriers armés, de soldats et de marins, fut chargé de préparer le coup d’Etat du 7 novembre (ralliement de la garnison de Petrograd, repérage des points stratégiques, etc.).

A noter que le futur putsch n’était pas ignoré du gouvernement provisoire, Kerenski souhaitant l’affrontement afin de pouvoir se débarrasser des bolcheviks une bonne fois pour toutes.

 

Dans la nuit du 6 au 7 novembre 1917, à la date prévue, l’insurrection éclata. Plusieurs milliers d’affiches, diffusées par le comité militaire révolutionnaire, furent collées sur les murs de la ville. La déposition du gouvernement provisoire était proclamée, ainsi que le transfert du pouvoir entre les mains du soviet de Petrograd.

 

La révolution d’octobre se fit presque sans effusion de sang. Ainsi, la Garde rouge s’empara des points stratégiques (ponts, gares, banques, etc.), afin de lancer un assaut final sur le palais d’Hiver[61]. Kerenski, parvenant à fuir, se réfugia à Pskov, puis s’exila en France.

L'assaut sur le palais d'hiver, 7 novembre 1917.

Rencontrant peu de résistances (la majorité des régiments accueillit avec bienveillance l’insurrection, la rejoignant ou restant neutres.), les bolcheviks se rendirent maitres de Petrograd au petit matin du 7 novembre.

 

Le même jour, Trotsky annonça la dissolution du gouvernement provisoire, et l’ouverture du II° congrès des soviets.

Cependant, une cinquantaine de participants, membres du SR ou mencheviks, préférèrent quitter la salle, estimant que les bolcheviks avaient pris le pouvoir illégalement. Ils créèrent alors le comité de salut de la patrie et de la révolution.

Trotsky, dénonçant les démissionnaires comme des traitres à la révolution, fit ratifier par le congrès des soviets la constitution d’un conseil des commissaires des peuples, faisant office de nouveau gouvernement (ce dernier étant exclusivement composé de bolcheviks.).

 

Lénine, président du Sovnarkom[62], promulgua une série de mesures en l’espace de quelques heures : abolition de la peine de mort, nationalisation des banques, création d’une milice ouvrière, suppression des privilèges, etc.

Discours de Lénine en 1917.

 

Cependant, ce coup de force ne fut pas du goût de tous. Par exemple, à Moscou, le maire socialiste-révolutionnaire fit ouvrir le feu sur les bolcheviks tentant de prendre le Kremlin.

Ainsi, malgré la mise en place de pourparlers avec l’Allemagne afin de mettre un terme à la guerre, un nouveau conflit ne tarda guère à éclater, la guerre civile russe.

Statue du tsar Nicolas II détruite par les bolcheviks.

 

            11° Le front d’Orient (janvier à décembre 1917) – Comme nous l’avons vu précédemment, les forces alliées du front d’Orient étaient établies sur un axe Serrès-Monastir-côte adriatique depuis 1916.

 

a) Un front d’Orient stable : cependant, la situation n’évolua guère en 1917, les deux belligérants s’étant établis dans une guerre de positions. Ainsi, d’importants combats furent livrés autour de Monastir et du lac Dojran (bordant la cité de Serrès.), mais aussi plus à l’ouest, sur les lacs Prespa et d’Ohrid.

 

A noter par ailleurs que l’année 1917 fut marquée côté alliés par la multiplication des épidémies : dysenterie, scorbut (manque de fruits.), paludisme (à cause des marais macédoniens.) et maladies vénériennes.

 

b) Une politique intérieure grecque en évolution : rappelons qu’en octobre 1916, l’ex-premier ministre grec Elefthérios Venizélos avait constitué un gouvernement provisoire en Thessalie, reléguant le roi de Grèce au Péloponnèse.

Cependant, si Constantin I° bénéficiait en 1916 du soutien de son cousin Nicolas II, en 1917, ce dernier avait été contraint d’abdiquer.

Ainsi, les alliés menacèrent le roi de Grèce d’un nouveau débarquement à Athènes, poussant ce dernier à céder sa couronne à un de ses fils.

 

Ainsi, Constantin I° décida de transmettre la couronne à son second fils, Alexandre I°[63].

A noter qu’il ne s’agissait pas d’une abdication à proprement parler, Constantin considérant seulement qu’il « prêtait » provisoirement ses pouvoirs à son héritier.

Puis, à la mi-juin 1917, Constantin I°, accompagné de sa famille, quitta la Grèce en direction de la Suisse.

 

Vénizélos, retrouvant le pouvoir suite à l’arrivée d’Alexandre I° sur le trône, engagea définitivement la Grèce dans la première guerre mondiale.

Cependant, malgré cette réconciliation de façade, les relations restèrent toujours tendues entre le premier ministre et la famille royale.

 

c) Le front roumain : comme nous l’avons vu plus tôt, la Roumanie était entrée en guerre contre les Empires centraux en août 1916. Cependant, les troupes austro-allemandes avaient réussi à prendre Bucarest en décembre, contraignant les Roumains à s’installer en Moldavie.

 

Pendant toute l’année 1917, l’armée roumaine reçut le soutien des Russes, mais aussi des alliés (ces derniers envoyèrent en Roumanie 150 000 fusils, 2 000 mitrailleuses, plus d’un million de grenades et 300 canons.).

 

Cependant, le retrait des troupes russes à l’automne 1917 fut catastrophique pour les Roumains. Les troupes austro-allemandes profitèrent de cette défection pour attaquer l’ennemi, causant d’importants dégâts à l’armée roumaine.

La campagne de Roumanie (hiver 1916).

Isolés, les Roumains furent contraints de signer l’armistice de Focsani le 9 décembre 1917.

 

            12° Campagne de Mésopotamie, révolte arabe, offensive au Proche-Orient (janvier à décembre 1917) – La révolte arabe, initiée en 1916, ne fit que prendre de l’ampleur en 1917. Mais malgré le retrait des Russes du conflit, les offensives menées par les Britanniques furent couronnées de succès.

 

Ainsi, Bagdad fut prise le 11 mars 1917 ; au Proche-Orient, la campagne de Palestine permit aux Britanniques de prendre Jaffa, Gaza et Jérusalem pendant l’hiver 1917.

Entrée des Britanniques dans Jérusalem.

 

            13° Le front italien (janvier à décembre 1917) – Depuis juin 1915, les Italiens avaient livré neuf batailles contre les lignes autrichiennes stationnées le long de l’Isonzo. En 1916, les Italiens n’étaient pas parvenus à prendre Trieste, toutefois ils étaient parvenus à progresser de quelques kilomètres en territoire ennemi.

 

a) Dixième et onzième batailles de l’Isonzo, toujours le statu quo (mai à septembre 1917) : une dixième bataille de l’Isonzo fut lancée le 10 mai 1917, suite à un bombardement des positions autrichiennes, de Tolmin à l’Adriatique (l’attaque fut lancée alors que se déroulait la bataille du Chemin des Dames, comme l’avait demandé le général Nivelle.).

L’objectif était d’attaquer le plateau du Carso, au nord de Trieste, afin de s’emparer de cette cité.

Dans un premier temps, l’offensive fut un succès, les Italiens parvenant à avancer à moins de 15 kilomètres de leur but. Cependant, les Autrichiens lancèrent une importante contre-attaque le 3 juin, récupérant tous les territoires perdu début mai.

Ainsi, les Italiens accusaient d’importantes pertes, pour un résultat médiocre : 35 000 tués et 115 000 blessés (7 000 tués et 68 000 blessés côté autrichien.).

 

Le général Luigi Cadorna, commandant en chef de l’armée d’Italie, décida alors de lancer une nouvelle offensive, la onzième bataille de l’Isonzo, le 18 août 1917. 

Cette fois-ci, l’attaque fut dirigée vers le plateau de Bainsizza, où se trouvaient plusieurs bastions entre les mains des Autrichiens.

Les Italiens parvinrent à progresser de cinq à sept kilomètres en territoire ennemi, parvenant à prendre plusieurs hauteurs à l’ennemi. Cependant, deux collines restèrent entre les mains des Autrichiens, le mont Saint Gabriel et le mont Hermada, contraignant l’Etat-major italien à mettre un terme à l’offensive (mi-septembre 1917.).

Une fois de plus, les pertes étaient importantes dans les deux camps : 30 morts, 110 000 blessés et 20 000 disparus côté italien ; 20 000 morts, 50 000 blessés et 30 000 disparus côté autrichien.

 

b) L’offensive allemande de Caporetto, ou douzième bataille de l’Isonzo (24 octobre à mi-novembre 1917) : suite à la onzième bataille de l’Isonzo, les forces autrichiens étaient sur le point de s’effondrer ; cependant, les Italiens n’étaient plus en mesure de lancer une nouvelle offensive.

L’Etat-major allemand, craignant que leurs alliés ne soient pas en mesure de tenir le front, décida alors d’envoyer six divisions en renfort le long de l’Isonzo.

 

Cette XIV° Armée allemande, commandée par le général Otto von Below[64], lança une offensive sur Caporetto[65] à compter du 24 octobre 1917.

Le général Otto von Below.

Utilisant un efficace barrage d’artillerie, les gaz de combat, ainsi que les grenades et les lance-flammes, les Allemands parvinrent à enfoncer la position ennemie, progressant de 27 kilomètres le premier jour.

 

Les Italiens, très éprouvés par les combats des derniers mois, et surpris par l’offensive italienne, furent contraints de reculer. Le général Cadorna ordonna alors à ses troupes de se replier le long du fleuve Tagliamento, puis sur la rivière Piave.

Le front italien (septembre à novembre 1917).

 

Cette douzième bataille de l’Isonzo (appelée aussi bataille de Caporetto.) fut un véritable échec pour les Italiens, qui perdirent près de 300 000 hommes lors de l’affrontement (soit 30 000 morts et 260 000 prisonniers.).  

Par ailleurs, les Allemands étaient parvenus à progresser d’une centaine de kilomètres en Italie, menaçant désormais Venise.

 

            13° Le théâtre africain, campagne d’Afrique de l’est (janvier à décembre 1917) – L’année précédente, les troupes allemandes du colonel Lettow-Vorbeck avaient été contraintes de reculer dans le sud de l’Afrique orientale allemande.

Ainsi, au printemps 1916, seule une colonie allemande résistait aux forces alliées : l’Afrique orientale allemande.

 

Smuts, parti pour Londres en janvier 1917, fut remplacé par un nouvel officier sud-africain, le général Jacob van Deventer[66].

Ce dernier, sachant que l’ennemi était désormais acculé dans le sud du pays, décida donc de lancer une nouvelle offensive en juillet 1917.

Un des trois groupes de l’armée allemande, perdu, fut contraint de déposer les armes (les alliés capturèrent 5 000 hommes.), cependant, le reste des troupes de Lettow-Vorbeck parvint à repousser l’ennemi de Mahiwa à la mi-octobre.

 

Cependant, en raison de la nette supériorité numérique des alliés, Lettow-Vorbeck fut contraint de reculer vers le sud, passant au Mozambique portugais.

A la fin novembre 1917, les Allemands attaquèrent Negomano, colonie portugaise située à la frontière nord du pays. Les défenseurs du village, subissant un important revers, abandonnèrent leur position, abandonnant à l’ennemi d’importantes quantités d’armes et de munitions.

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[1] Pour en savoir plus sur la légende des Nibelungen, cliquez ici.

[2] Léon Bourgeois était un avocat né en mai 1851. Participant au siège de Paris pendant la guerre de 1870, il fut élu député radical en 1888. Ministre à plusieurs reprises, il fut nommé président du conseil entre 1895 et 1896.

[3] Anthoine, né en février 1860, décida très tôt de rejoindre l’armée. Envoyé au Tonkin en 1885, il rentra en France en 1887, avant d’entrer à l’Etat-major (septembre 1911.). Anthoine fut nommé général en décembre 1913.

[4] Mazel, né en septembre 1858, s’engagea dans la Cavalerie. Il fut promu général en 1910.

[5] Mangin, né en juillet 1866, sortit de Saint Cyr en 1886. Envoyé en Afrique, il prit part à l’expédition de Fachoda en 1898 (voir à ce sujet le a), 6, section I, chapitre troisième, la troisième république.), puis fut participa à la conquête du Maroc sous les ordres de Lyautey.

[6] Duchêne, né en septembre 1862, sortit de Saint Cyr en 1883. Envoyé au Tonkin entre 1886 et 1887, il rejoignit l’Etat-major en 1914, et fut nommé général en octobre de la même année.

[7] L’on estime que l’artillerie tira près de 6.5 millions d’obus.

[8] Surnommée Chemin des Dames car emprunté au XVIII° siècle par les filles de Louis XV afin de rejoindre leur château de La Bove, dans l’Aisne.

[9] A noter que Poincaré gracia de nombreux mutins.

[10] L’on estime que 2.6 millions d’obus furent tirés lors de cette offensive.

[11] Falkenhausen, né en septembre 1844, entra à l’école militaire de Berlin en 1856. Servant dans l’Infanterie, il participa à la guerre de 1866 contre l’Autriche, puis au conflit de 1870 contre la France. Travaillant au sein du ministère de la Guerre à compter de 1895, Falkenhausen prit sa retraite en 1902. Cependant, ce dernier fut rappelé à l’été 1914, suite au déclenchement de la Grande guerre.

[12] Lossberg, né en avril 1868, s’engagea jeune dans l’armée allemande. Ce dernier fut un des théoriciens de la défense en profondeur, suite à l’enlisement de la Grande guerre.

[13] L’Empire allemand, ou deuxième Reich, avait été proclamé à Versailles le 18 janvier 1871. Il faisait implicitement référence au premier Reich, c'est-à-dire le Saint Empire romain germanique, qui exista pendant plus de mille ans, de 800 à 1806.

[14] La Kaiserliche Marine étant la flotte allemande.

[15] Abréviation d’Unterseeboot, ce qui signifie « navire sous-marin. » 

[16] Le Lusitania fut nommé d’après le nom donné au Portugal par les Romains, la Lusitanie. A noter que ce paquebot avait deux navires-jumeaux, le Mauretania et l’Aquitania.

[17] Ces derniers rompirent les relations diplomatiques avec l’Allemagne le 1er février 1917.

[18] Suite à la guerre américano-mexicaine de 1846-1848, le Mexique avait dû céder aux Etats-Unis le Texas, l’Arizona, le Nouveau-Mexique, L’Utah, le Nevada et la Californie.

[19] Le Congrès américain est l’équivalent de notre actuel parlement : il réunit la chambre basse (la Chambre des représentants des Etats-Unis.) et la chambre haute (le Sénat des Etats-Unis.).

[20] La SDN était en quelque sorte l’ancêtre de l’ONU. Cependant, elle ne disposait pas de forces armées, et ne pouvait prendre que des sanctions économiques.

[21] La Garde nationale était une armée de réserve depuis 1903, date à laquelle elle avait été « fédéralisée » et détachée de l’armée américaine.

[22] Les « ennemis étrangers » (ennemies aliens en anglais.) étaient les ressortissants d’un pays en guerre avec les Etats-Unis, vivant aux Etats-Unis.

[23] Du nom de l’Oncle Sam, personnification des Etats-Unis (comme par exemple Marianne pour la France et John Bull pour l’Angleterre.).

[24] Pershing, né en septembre 1860, suivit ses études à West Point (en quelque sorte l’équivalent du Saint Cyr français.), d’où il sortit avec le grade de sous-lieutenant. Au cours des années qui suivirent, il participa à plusieurs offensives dans l’Ouest, contre les Indiens révoltés ; fut envoyé aux Philippines en 1899 (les Américains s’étaient emparés de cette colonie l’année précédente, suite à une guerre contre l’Espagne.) ; puis fut affecté à l’ambassade des Etats-Unis à Tokyo. Nommé général en 1906, Pershing décida de repartir aux Philippines, cependant, il fut contraint de rentrer à San Francisco, des troubles ayant éclaté au Mexique menaçant la frontière. En 1917, suite à l’entrée en guerre des Etats-Unis contre l’Allemagne, Pershing fut nommé commandant du corps expéditionnaire américain.    

[25] American expeditionnary forces, en anglais.

[26] L’on estime que furent tirés près de 3.5 millions d’obus.

[27] En référence à la ville d’Ypres.

[28] Bien que ne faisant pas partie du gouvernement, rappelons que Briand avait été nommé à plusieurs reprises président du conseil et ministre des Affaires étrangères.

[29] Rappelons que les Britanniques, recevant les ordres de l’Etat-major français, n’avaient guère apprécié les pertes colossales de l’année 1917.

[30] Robertson était un militaire anglais né en janvier 1860. Envoyé en Afrique du Sud au début du siècle, il prit ensuite par à la première guerre mondiale.

[31] Cadorna, né en septembre 1850, s’engagea dans l’armée italienne en 1868.

[32] Bliss, né en décembre 1853, rejoignit l’Artillerie à sa sortie d’école, en 1875. Il fut nommé général en 1903.

[33] Né en septembre 1841, Clémenceau fit des études de médecine (son grand père était médecin dans l’armée de Napoléon.), puis partit enseigner aux Etats Unis, suite à la guerre de sécession. Pendant la guerre de 1870, il s’installa à Paris, fréquentant les milieux républicains, et manifestant son hostilité envers les partisans de la paix. Par la suite, Clémenceau fut élu maire de Montmartre (novembre 1870.) et député (février 1871.). Surnommé le « tombeur de ministères » (il provoqua la démission de plusieurs présidents du conseil, par exemple Jules Ferry.), Clémenceau fut contraint de se retirer de la vie politique suite au scandale de Panama (pour en savoir plus à ce sujet, voir le 10, section II, chapitre troisième, la troisième république.), se consacrant au journalisme. Retrouvant son siège de député en 1902, Clémenceau fut ministre de l’Intérieur (1906.), puis président du conseil (1906 à 1909.).

[34] Byng, né en septembre 1862, rejoignit l’armée avant d’être envoyé au Soudan et en Afrique du Sud.

[35] A noter que la Russie, utilisant le calendrier julien, n’avait toujours pas adopté le calendrier grégorien, au début du XX° siècle (ce dernier datait de 1582.). Il existait un décalage de 15 jours entre les deux calendriers. Ainsi, la révolution de février (du calendrier julien.), se déroula en mars (selon le calendrier grégorien.). La Russie n’adopta le calendrier grégorien qu’en 1918.

[36] Saint-Pétersbourg, alors capitale de la Russie, avait été baptisée Petrograd au début de la première guerre mondiale (car le nom originel de la ville avait une consonance jugée trop germanique.).

[37] Cette journée de la femme avait été instaurée en 1910 lors d’une conférence de l’Internationale socialiste des femmes (un mouvement apparenté à la Deuxième internationale.). Pour en savoir plus à ce sujet, voir le a), 12, section III, chapitre troisième, la troisième république.

[38] La Douma est le nom de la chambre basse du parlement en Russie (l’équivalent de notre actuelle assemblée nationale.). A noter que le terme « Douma » provient du russe думать, ce qui signifie « penser. »

[39] Soviet, en russe, cове́т, signifie « conseil. »

[40] A l’origine, le terme bolchevik provient du russe большенство, ce qui signifie « majorité. » En effet, les bolcheviks étaient au début du XX° siècle la fraction majoritaire du parti ouvrier social-démocrate de Russie, fondé en mars 1898.

[41] Les mencheviks, à l’opposé des bolcheviks, étaient la fraction minoritaire du parti ouvrier social-démocrate de Russie (en russe, меньшевик signifiant « minorité. »). Contrairement aux bolcheviks qui prônaient l’établissement d’une dictature, les mencheviks étaient partisans d’une alliance avec la bourgeoisie, afin de mettre en place une démocratie socialiste.

[42] Le parti socialiste-révolutionnaire naquit à Berlin en 1901. Ce dernier, majoritairement paysan, s’opposait aux bolcheviks qui prônaient la mise en place d’une révolution ouvrière. A noter que le PSR n’était pas hostile à l’utilisation de méthodes terroristes (assassinats, attentats, etc.).

[43] Ce qui signifie « nouvelles. »

[44] On appelle ainsi une assemblée chargée de rédiger une constitution.

[45] A noter que le KD (en russe Конституционная Демократическая партия) était un parti proche de la bourgeoisie.

[46] Lvov, né à Dresde en novembre 1861, était un descendant des Riourikides, une dynastie varègue (c'est-à-dire viking.) ayant régné sur la Russie entre le IX° et le XVI° siècle. Diplômé de droit à l’université de Moscou, il travailla dans la fonction publique avant de rejoindre le parti constitutionnel-démocratique. 

[47] Lemberg en allemand.

[48] Rappelons que bolchevik signifie « majorité. »

[49] Né en avril 1870, Lénine était le fils d’un fonctionnaire russe anobli par le tsar Alexandre III. Suite à des études de droit, il devint avocat à Saint-Pétersbourg, ou il fréquenta des milieux révolutionnaires et marxistes. Cependant, il fut arrêté en décembre 1895, et condamné à trois années d’exil en Sibérie. Rentré d’exil en 1900, Lénine adhéra au parti ouvrier social-démocrate, prenant la tête de la fraction bolchevik. Préférant quitter le pays en 1908, il voyagea à travers l’Europe jusqu’à son retour en 1917.

[50] Le gouvernement allemand finança et organisa à dessein le retour de plusieurs centaines de bolcheviks en exil, dans le but de déséquilibrer le régime tsariste.

[51] La Pravda (« vérité » en russe.), diffusé à partir de 1913, était un organe de la fraction bolchevique. Ce dernier, anti-tsariste, fut interdit suite à l’entrée en guerre de la Russie, mais il continua d’être publié illégalement. La Pravda rouvrit officiellement suite à la révolution de février. 

[52] La Seconde Internationale étant morte à ses yeux, de par son adhésion à la Grande guerre.

[53] Abréviation du parti constitutionnel-démocratique, nommé Конституционная Демократическая партия en russe.

[54] Kornilov, né en août 1870, était originaire du Kazakhstan. Rejoignant l’armée, il fut envoyé en Afghanistan et en Perse, participa à la guerre russo-japonaise de 1905, puis servit en Chine jusqu’en 1911.

[55] La Garde rouge était une milice ouvrière née suite à la révolution de février, mais sous contrôle des bolcheviks depuis avril 1917.

[56] Trotsky naquit en novembre 1879, en Ukraine, au sein d’une famille de propriétaires terriens de confession juive. Rejoignant des organisations révolutionnaires à la fin du XX° siècle, Trotsky fut incarcéré puis déporté entre 1898 et 1902. A cette date, il parvint à s’évader, émigrant vers l’Angleterre. Rencontrant Lénine en exil, il adhéra au parti ouvrier social-démocrate. Rentrant en Russie en 1905, il fut cependant arrêté à nouveau, et condamné à la déportation en Sibérie. S’évadant à nouveau, il repartit en exil, s’installant en France, en Espagne, puis aux Etats-Unis. Trotsky ne rentra en Russie qu’après la révolution de février 1917.   

[57] Né en juillet 1883 à Moscou, Kamenev se lia très tôt d’amitié avec les milieux révolutionnaires. Mem était un ami de Lénine depuis 1905. Membre actif du parti ouvrier social-démocrate de Russie, il épousa Olga Bronstein (sœur de Trotsky.) en 1900. Il fut aussi un proche ami de Lénine.

[58] Zinoviev, né en septembre 1883 au sein d’une famille de journaliers agricole de confession juive, fut autodidacte. Agé d’une vingtaine d’année, il fut contraint d’émigrer en 1908 en raison de son militantisme aux côtés des révolutionnaires russes. Rencontrant Lénine en exil, ils rentrèrent ensemble en Russie en début d’année 1917.

[59] 25 octobre du calendrier julien, ce qui explique l’appellation « révolution d’octobre. »

[60] Le congrès des soviets était une assemblée réunie une fois par an, constituée de représentants des soviets de toute la Russie.

[61] Cet édifice avait été érigé entre 1754 et 1762, à la demande de la tsarine Elisabeth I°.

[62] Abréviation de Soviet Narodnykh Kommissarov (ou cовет народных комиссаров.), nom russe du conseil des commissaires des peuples.

[63] Les alliés refusèrent que Constantin cède la couronne à son aîné Georges (futur Georges II de Grèce.), ce dernier étant jugé trop germanophile.

[64] Von Below, né en janvier 1857, rejoignit très jeune l’armée prussienne. Il fut nommé général en 1909.

[65] Aujourd’hui Kobarid, en Slovénie, Caporetto se trouve au nord-ouest de Tolmin, à quelques kilomètres au nord de l’Isonzo.

[66] Deventer était un militaire sud-africain né en juillet 1874.

 
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