Comme nous l'avons 
			vu dans 
			un précédent article,
				les colons espagnols ne tardèrent pas à instaurer le système de l'encomienda 
			suite à leur arrivée dans le nouveau monde. C'est ainsi que fut 
			imposé un travail forcé aux peuples amérindiens ne pouvant pas fournir un tribut 
	en métaux précieux. 
			
			
				
			Ayant eu vent des exactions commises en Amérique du sud, La couronne 
			d'Espagne tenta de réduire les abus des encomenderos 
	(c'est ainsi qu'étaient nommés les responsables d'une encomienda) en 
			promulguant les 
				lois de Burgos en 1512 : les indigènes 
	devaient bénéficier de jours de repos, être nourris et logés, être mieux 
				protégés (interdiction de faire travailler les femmes enceintes, 
				interdiction de battre un Amérindien), recevoir une instruction religieuse et un salaire. 
			Toutefois, ces règlements ne furent guère appliqués.
			Par ailleurs, les colons espagnols profitèrent du
			choc microbien, qui dépeupla de nouveau monde de la moitié de 
			sa population en l'espace d'un siècle. C'est ainsi que les 
			conquistadors
 
			purent s'emparer facilement des deux grands royaumes du continent 
			sud-américain, à savoir l'Empire aztèque (1521) et l'Empire 
			inca (1533). A noter que les Européens souffraient des virus 
			qu'ils apportaient avec eux, mais qu'ils disposaient néanmoins d'anticorps dont n'étaient pas 
			équipés les populations amérindiennes.  
			 
			Au fil des années, les mauvais traitements 
			réservés aux populations indigènes firent l'objets de débats. Bartholomé de Las Casas, un dominicain
			espagnol, prit la défense des Amérindiens, dénonçant le système de 
			l'encomienda.
			Ce dernier, recevant l'aval de Charles Quint, 
			Empereur germanique, rédigea les 
			Leyes nuevas ("lois nouvelles" en français) en 1542, abolissant 
	les encomiendas. Toutefois, cette réforme provoqua une importante révolte 
	des encomenderos dans le nouveau monde, et les Leyes nuevas furent 
	finalement abrogées.
			
			
			
			
			
			Charles Quint, par Peter 
	Paul RUBENS, vers 1603, Deutsches historisches museum, Berlin.
		  		  
			
		  		  
		  
			Les Leyes nuevas furent aussi critiquées par le 
			philosophe Juan Gines de Sepulveda, 
			qui rédigea en 1544 un ouvrage intitulé Des causes d'une juste 
			guerre contre les Indiens
, 
			démontrant que la colonisation menée par les Espagnols était juste, 
			les Amérindiens étant destinés par nature à l'esclavage.
			Bartholomé de Las Casas, quant à lui, répliqua en 
			rédigeant Trente proposition juridiques en 1547, se 
			prononçant contre l'esclavage et dénonçant les guerres du nouveau 
			monde comme injuste.
		  
		  
		  
			 
			En raison de ces 
			querelles théologiques, Charles Quint, souhaitant savoir si la 
			colonisation était compatible avec la foi catholique, décida de 
			convoquer une grande assemblée à Valladolid, en 1550. Y 
			participèrent des théologiens, des juristes, des membres du 
			conseil des Indes, 
			des inquisiteurs, etc. Mais la controverse de Valladolid opposa 
			avant tout Bartholomé de Las Casas et Juan de Sepulveda, détenteurs 
			de deux idéologies radicalement différentes.
			Las Casas, hostile à 
			l'exploitation des Amérindiens, s'appuya sur les écrits de saint 
			Thomas d'Aquin, 
			selon lesquels toutes les sociétés humaines étaient égales (y 
			compris les sociétés païennes), et que la conversion devait se faire 
			non par la force mais de façon pacifique.
			Sepulveda, quant à lui, 
			s'appuya sur les pratiques des Amérindiens (sacrifices humains, 
			cannibalisme, inceste, etc.) pour démontrer que les populations du 
			nouveau monde, encore primitives, devaient être placées sous la 
			tutelle des colons espagnols.
			 
			A l'issue de la 
			controverse de Valladolid, les deux principaux acteurs se 
			proclamèrent vainqueurs, même si aucun des deux camps ne remporta 
			véritablement la victoire.
			Ainsi, la conquête du 
			continent sud-américain se poursuivit, bien que connaissant un 
			certain ralentissement (après la chute des royaumes incas et 
			aztèques, il ne restait à conquérir que des zones désertiques 
			présentant peu d'intérêts pour la couronne d'Espagne) ; en outre, le 
			système de l'encomienda ne fut pas supprimé.
			Toutefois, si l'on ne 
			peut nier que les colons espagnols commirent d'importantes exactions 
			dans le nouveau monde, le sort des Amérindiens d'Amérique du sud fut 
			malgré tout plus enviable que celui de leurs homologues du nord.
			
			Ainsi, les Espagnols 
			ouvrirent des université enseignant les langues nahualt (pour 
			les Aztèques) et quechua (pour les Incas) ; les divinités 
			précolombiennes firent l'objet d'un syncrétisme avec la religion 
			catholique ; enfin, de nombreux Amérindiens convertis se 
			prononcèrent en faveur de la colonisation, introduisant un important 
			métissage en Amérique du sud. 
			
			 
			L'on peut donc se 
			demander d'où vient l'idée selon laquelle la conférence de 
			Valladolid aurait disserté sur l'existence de l'âme des Amérindiens, 
			sachant que cette question avait été réglée par le pape Paul III 
			dès 1537 (ce dernier avait promulgué les bulles Veritas ipsa 
			et Sublimus Deus, interdisant l'esclavage des Amérindiens, 
			affirmant leur droit à la liberté et à la propriété). A noter par 
			ailleurs que les Espagnols n'auraient pas envoyé d'évangélisateurs 
			dans le nouveau monde dès la fin du XV° siècle si les populations du 
			nouveau monde étaient considérées comme des créatures sans âme.
			En réalité, cette idée 
			reçue provient d'un roman de Jean Claude Carrière, intitulé
			La controverse de Valladolid, publié en 1992 (puis adapté la 
			même année en téléfilm). 
			L'ouvrage présente 
			l'affrontement de  Las Casas et de Sepulveda sous un nouvel 
			angle, le débat portant cette fois-ci non sur le bien-fondé de la 
			colonisation, mais sur l'existence de l'âme des Amérindiens. A 
			l'issue du débat, Las Casas semble l'emporter, mais, comme les 
			indigènes du nouveau monde ne peuvent plus être réduits en 
			esclavage, l'Eglise décide donc de légaliser la déportation 
			d'esclaves noir vers le continent sud-américain