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Les mensonges de l'Histoire


La donation de Constantin

La donation de Constantin, selon la légende, est un acte par lequel l'Empereur Constantin I° accordait au pape l'autorité sur Rome, l'Italie et tout l'Occident.

Ce texte, censé dater du IV° siècle, ne fut toutefois utilisé par la papauté que bien plus tard, à compter de 979. Cependant, cette donation commença à être critiquée dès le XII° siècle, de nombreux érudits doutant de sa validité.

Plusieurs questions concernant cet acte restent donc en suspens. Ainsi, l'historicité de la donation de Constantin est-elle attestée ? Dans le cas contraire, quand ce texte fit-il son apparition, et dans quel but fut-il créé ?

La donation de Constantin (à noter que ce dernier porte un costume anachronique, typique des Empereurs byzantins du Moyen Age).

 

L'Empereur Constantin, né en 272, parvint à s'emparer définitivement de la couronne impériale en 324, ayant réussi à éliminer tous les membres de la tétrarchie[1].

Buste de Constantin (faisant partie à l'origine d'une statue colossale), IV° siècle, musée du Colisée, Rome.

Ce dernier, qui s'était converti au christianisme (selon la légende suite à la bataille du pont Milvius, en 312, pendant laquelle il vit apparaitre une croix de feu dans le ciel), favorisa l'essor de cette nouvelle religion en organisant plusieurs réformes législatives. Ainsi, le droit au divorce fut restreint, les relations extra-maritales furent punies, le repos dominical fut instauré, et l'Eglise fut autorisé à recevoir des legs.  

La vision de la Croix par Constantin, XVI° siècle, musée du Vatican, Rome.

Par ailleurs, Constantin souhaiter pouvoir s'appuyer sur une Eglise unifiée. C'est ainsi qu'il organisa un concile à Nicée en 325, chargé de débattre sur la nature du Christ. A cette époque, l'idée faisait débat, les uns affirmant que Dieu et son fils étaient tous deux de natures divine ; les autres, comme l'évêque Arius, considéraient que Jésus, de par sa nature humaine, ne pouvait pas être placé sur le même pied d’égalité que Dieu. Finalement, après plusieurs mois de discussions, les participants confirmèrent que le Christ était de nature divine, et Arius fut excommunié (ce dernier donna alors naissance à l'arianisme, courant de pensée considéré comme hérétique par l'Eglise).

En 337, Constantin tomba malade alors qu'il se trouvait à Nicomédie, préparant une invasion de la Perse. C'est à cette occasion qu'il se fit baptiser (ayant refuser de le faire jusqu'à présent afin de ne pas « souiller » ce sacrement par de mauvaises actions). A noter toutefois qu'il reçut le baptême des mains d'un  Eusèbe de Nicomédie, un évêque arien[2].

Le baptême de Constantin (à noter que l'Empereur est représenté comme un homme jeune), par Giovanni PENNI, XVI° siècle, musée du Vatican, Rome.

 

Cependant, force est de constater que nous n'avons conservé aucune trace d'un traité aussi important signé avec le pape Sylvestre I°, alors que les deux actes qui forment la donation de Constantin (la confessio et la donatio) sont précisément datés de 315 et 317.

Les deux textes sont assez courts. Le premier, la confessio, revient sur la conversion de Constantin au christianisme, après avoir été guéri de la peste par Sylvestre I° (ce qui contredit la légende du pont Milvius). Le second, la donatio, est une énumération de privilèges et territoires accordés au pape : les insignes impériaux (c'est-à-dire l'imperium) ; la domination sur Rome et l'Italie ; la primauté sur les Eglises d'Orient ; le palais du Latran (résidence de la papauté depuis le IV° siècle) ; diverses possessions à travers l'Empire romain ; etc. Le texte s'achève sur une déclaration de retrait de Constantin sur l'Orient, laissant le pouvoir à la papauté en Occident.

 

Comme nous l'avons vu plus tôt, cet acte ne fut pas mentionné avant le milieu du IX° siècle, étant cité pour la première fois dans un acte pontifical en 979. Cependant, ce n'est qu'en 1054 que la donation de Constantin fut utilisée comme argument, dans une lettre du pape Léon IX adressée à Michel Cérulaire, patriarche de Constantinople, à une époque où le relations entre les deux évêchés étaient particulièrement tendus (la même années, trois légats romains avaient excommunié Michel Cérulaire lors d'un voyage à Constantinople). Dans son courrier, Léon IX à ce que son homologue reconnaisse la supériorité romaine, conformément aux clauses de la donation de Constantin.

Pendant une bonne partie du Moyen Age, l'historicité de ce texte ne fut pas remis en question. Cependant, des critiques concernant son contenu commencèrent à poindre dès le XII° siècle.

Côté byzantin, la donatio fut analysée d'un point de vue juridique par Jean Cinnamus, secrétaire de l'Empereur Manuel I° Comnène. Ce dernier, revenant sur l'épisode du couronnement de Charlemagne par le pape Léon III, en décembre 800, considérait que le pape n'avait pas le droit de se défaire de l'imperium cédé par Constantin (à noter que dans l'Empire byzantin, Charlemagne était considéré comme un imposteur).

En Occident, les critiques formulées à l'encontre de la donatio furent d'un autre registre. L'Italien Arnaud de Brescia, critiquant la richesse et la corruption de l'Eglise, était hostile au pouvoir temporel de la papauté. Ce dernier, sans remettre en cause l'historicité de la donation de Constantin, y était hostile sur le principe, considérant que seuls les laïcs pouvaient posséder des biens[3]. Plus tard, au XIV° siècle, l'Italie Marsile de Padoue prit le contrepied de la donatio, considérant que si l'Empereur à accorder au pape la suprématie sur l'occident, c'est que le premier est supérieur au second[4].

Ainsi, ce n'est qu'à compter du XV° siècle que la donation de Constantin fut véritablement remise en question, tout d'abord par l'Allemand Nicolas Krebs en 1433, puis sous la plume du philosophe italien Laurenzo Valla, qui publia Sur la donation de Constantin, à lui faussement attribuée et mensongère en 1440. Dans son ouvrage, l'auteur faisait une étude poussée du texte original, démontra que la donatio était en réalité un faux daté du VIII° siècle, destiné à légitimer le pouvoir temporel de la papauté (l'ouvrage, condamné par l'Eglise, ne fut donc véritablement diffusé qu'à compter du XVI° siècle, bénéficiant de l'essor du protestantisme).

 

En effet, la donatio comporte un phrasé, des tournures de style, des incohérences et des anachronismes qui trahissent une conception médiévale.

De prime abord, la confessio mentionne la légende selon laquelle Constantin se serait converti après avoir été guéri de la peste par Sylvestre I°, ce qui est une légende datant du début du Moyen Age (au IV° siècle, les auteurs latins avaient retenu la légende du pont Milvius).

Par ailleurs, si ce souverain fit bien transférer la capitale de l'Empire romain à Constantinople, il convient de préciser que l'Occident ne fut pas « abandonné à son sort », et encore moins cédé à la papauté. En effet, force est de constater que le pape n'eut jamais un grand pouvoir, même après la chute de Romulus Augustule, dernier Empereur d'Occident, étant constamment menacé par les envahisseurs originaires de Germanie (Hérules, Ostrogoths, Lombards, etc.).

En outre, alors que la donatio mentionne la primauté de Rome sur les Eglises d'Orient, il convient de préciser que pendant l'Antiquité, le pape n'était pas l'unique chef spirituel du christianisme. En effet, l'on comptait cinq grands évêchés, formant la Pentarchie (Rome, Constantinople, Jérusalem, Alexandrie et Antioche). Cependant, suite à l'invasion du Proche-Orient et de l'Egypte par les musulmans, au VII° siècle après Jésus-Christ, les évêchés de la région perdirent toute influence. Cela entraîna une lutte de pouvoir entre Rome et Constantinople pendant tout le Moyen Age, s'achevant avec la victoire de l'Eglise catholique romaine suite à la chute de l'Empire byzantin, en 1453.

 

Ainsi, comme l'avait deviné Laurenzo Valla, la donation de Constantin fut effectivement rédigée au milieu du VIII° siècle, à l'époque carolingienne.

A cette date, la papauté était menacée par les Lombards, un peuple originaire de Germanie, qui s'était emparé de toute l'Italie en l'espace de 200 ans (à l'exception de Rome et de la Sicile). Suite à la prise de Ravenne par les envahisseurs, le pape Etienne II se tourna vers l'Empire byzantin, puis appela à l'aide Pépin III, roi des Francs. Ce dernier, membre de la dynastie des Carolingiens, s'était emparé de la couronne en 751, bénéficiant du soutien de la papauté, renversant  Childéric III, dernier membre de la dynastie des Mérovingiens[5]).  

Sacre de Pépin le Bref par le pape Etienne III à Saint Denis, 28 juillet 754, par François DUBOIS, 1837, château de Versailles, Versailles.

Pépin III, s'attaquant aux Lombards dès 754, parvint à remporter la victoire, et le roi Astolphe fut donc contraint de céder à la papauté les villes de Ravenne et Pérouse, ainsi que l'Emilie et la Romagne, donnant naissance aux Etats Pontificaux en 756.

C'est vraisemblablement dans ce contexte que fut rédigée la « donation de Constantin », même si les intentions de son auteur restent floues : s'agissait-il d'un faux fabriqué par la papauté, afin de convaincre Pépin III de céder au pape les futurs Etats pontificaux ? Ou bien s'agissait-il d'un faux fabriqué par le Carolingien (certains auteurs évoquent une rédaction du texte au sein du monastère de Corbie), destiné à faire de Pépin III « l'héritier spirituel » de Constantin ?

 

Dans tous les cas, la donation de Pépin eut d'importantes répercutions, faisant désormais du pape un souverain bénéficiant de l'autorité spirituelle et temporelle.

De ce fait, si la papauté resta dans le giron de l'Empire carolingien jusqu'au milieu du IX° siècle, elle commença à montrer des signes d'indépendance à compter de l'an 1000. Puis, au fil des décennies, Rome s'engagea dans un long combat contre les rois de Germanie, soucieuse d'affirmer la primauté du spirituel sur le temporel.

Mais la papauté, en agissant plus en seigneur de guerre qu'en guide spirituel, perdit dans ce conflit une grande partie de son autorité morale, faisant face à d'importantes crises dès le XIV° siècle

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[1] La tétrarchie était un nouveau système politique, instauré par l'Empereur Dioclétien en 293. A cette date, l'Empire romain était gouverné par deux généraux, recevant le titre d'Auguste, l'un régnant sur l'Occident, l'autre sur l'Orient. En outre, les deux hommes étaient assistés par deux Césars (le terme grec tetrarkhia signifiant « quatre gouvernements »). Mais si à l'origine, ce système devait permettre aux souverains de mieux réagir face aux invasions barbares, Augustes et Césars ne tardèrent pas à s'entretuer. Pour en savoir plus sur cette période, cliquez ici.

[2] Pour en savoir plus sur le règne de Constantin, cliquez ici.

[3] A noter qu'Arnaud de Brescia fut condamné à mort et pendu en 1155, après avoir milité à Rome en faveur de la création d'une république. Ses idéaux furent toutefois repris quelques décennies plus tard par François d'Assise, fondateur de l'ordre des Franciscains, partisan d'une pauvreté similaire à celle du Christ.

[4] A noter que les idées de Marsile de Padoue s'inscrivaient dans un contexte de lutte entre l'Empire germanique et la papauté, qui faisait rage depuis le XI° siècle. Pour en savoir plus à ce sujet, cliquez ici.

[5] A noter toutefois que les Mérovingiens, bien qu'ayant conservé la couronne, n'avaient plus aucun pouvoir depuis 687. Quant à Childéric III, il avait été placé sur le « trône » en 743, suite à la prise de pouvoir de Pépin III, mais ce dernier n'appartenait peut-être pas à la dynastie des Mérovingiens.   

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