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La troisième république (1870 - 1945)

CHAPITRE DEUXIEME : Royauté, République, Empire ?

(mai 1871 à juin 1894) 

 

I : Une république en attendant le rétablissement de la monarchie (1871 à 1879)

           

            1° Au lendemain de la Commune (mai à juin 1871) – La Commune de Paris[1] ayant été réprimée dans le sang en mai 1871, l’assemblée nationale et le gouvernement avaient désormais les mains libres.

Une rue de Paris en mai 1871, par Maximilien LUCE, vers 1903, musée d'Orsay, Paris.

Dès la fin des affrontements, Adolphe Thiers[2] et les députés se mirent au travail, ayant comme objectif de choisir entre centralisation et régionalisme (le chef de l’Etat défendait la première, l’assemblée la seconde.), trouver le moyen de payer les cinq milliards réclamés par la Prusse, doter la France d’institutions définitives et réorganiser l’armée.

Photographie d'Adolphe Thiers.

 

Comme le gouvernement était dans l’obligation de trouver rapidement d’importantes sommes d’argent, Thiers décida, le 27 juin 1871, de lancer un premier emprunt. Cette manœuvre porta rapidement ses fruits, car, le soir même, sur les deux milliards réclamés, déjà cinq millions de francs furent souscrits (l’offre était intéressante car rémunérée à 6%.).

Par la suite, le chef de l’Etat transforma ces sommes en or ou en devises étrangères. Certains députés proposèrent alors l’instauration d’un impôt sur le revenu, mais Thiers, préférant ne pas discriminer les plus grosses fortunes, préféra augmenter les taxes sur certains produits (tabac, sucre, alcool, voitures, etc.).

 

Comme nous l’avons vu lors du chapitre précédent, les élections législatives de février 1871 (qui s’étaient déroulées dans des conditions difficiles[3].) avaient entrainé l’élection d’une assemblée majoritairement conservatrice (400 monarchistes sur 675 sièges.).

Ces députés conservateurs se rapprochèrent alors d’Adolphe Thiers afin de discuter avec lui de la possibilité de rétablir une monarchie. Ce dernier affirma ne pas y être opposé, les monarchistes étant majoritaires à l’assemblée.

Ainsi, le 8 juin 1871, les députés votèrent l’abrogation des lois d’exil[4], ce qui permit aux fils de Louis Philippe I°[5], dernier roi des Français, de revenir en France et de siéger à l’assemblée.

 

Fin juin, des élections complémentaires furent organisées, 114 sièges supplémentaires étant à pourvoir. Le 2 juillet, les résultats furent annoncés, consacrant la victoire des républicains (ces derniers étaient parvenus à décrocher 99 sièges.).

 

            2° Deux prétendants pour une couronne (juillet 1871) – Les royalistes, effrayés par la montée en puissance des républicains, décidèrent alors d’accélérer le pas afin de mettre en place au plus vite une monarchie.

 

Toutefois, en 1871, deux prétendants avaient des vues sur l’hypothétique trône de France.

Le premier était Henri d’Artois, comte de Chambord, né en septembre 1820[6]. Il était le petit fils de Charles X, souverain détrôné en juillet 1830. Son adversaire était Philippe d’Orléans, comte de Paris, né en août 1838. Ce dernier était le petit fils de Louis Philippe I°, détrôné en février 1848[7].

Henri d'Artois et Philippe d'Orléans.

A noter toutefois que les deux prétendants n’avaient pas les mêmes vues politiques, tous deux étant restés fidèles aux idéaux de leurs grands parents respectifs. Ainsi, Philippe d’Orléans était favorable à un régime parlementaire, similaire à la monarchie de Juillet ; Henri d’Artois, au contraire, était bien moins malléable, ne considérant pas la monarchie autrement qu’absolue, et voyant la Révolution française comme une insulte à sa lignée.

 

Cependant, ce premier projet de restauration monarchique échoua, en raison de l’intransigeance d’Henri d’Artois. Ainsi, ce dernier refusa de rencontrer Philippe d’Orléans, qu’il considérait comme un usurpateur (3 juillet.) ; puis,  le 6 juillet, il fit parvenir à l’assemblée un manifeste dans lequel il déclara qu’en cas de restauration il abandonnerait le drapeau tricolore au profit du drapeau blanc de la royauté : je ne laisserai pas arracher de mes mains l'étendard d'Henri IV, de François Ier et de Jeanne d'Arc. [...] Je l'ai reçu comme un dépôt sacré du vieux roi mon aïeul, mourant en exil ; il a toujours été pour moi inséparable du souvenir de la patrie absente ; il a flotté sur mon berceau, je veux qu'il ombrage ma tombe.

A Versailles, la déclaration fit scandale dans les rangs républicains, de nombreux députés refusant d’abandonner un des symboles majeurs de 1789. Finalement, bien que plusieurs propositions soit faites afin d’établir un syncrétisme entre les deux drapeaux[8], l’intransigeance du comte de Chambord retarda pour plusieurs années le projet de restauration monarchique.

 

            3° Composition politique de l’assemblée nationale – Comme indiqué précédemment, les élections de février 1871 avait entraîné l’arrivée d’une majorité monarchiste au sein de l’hémicycle ; toutefois, le scrutin complémentaire du mois de juin fut nettement favorable aux républicains.

Ainsi, l’on pouvait compter au sein de l’hémicycle plus de 400 monarchistes, 200 républicains modérés, une cinquantaine de radicaux, ainsi qu’une trentaine de bonapartistes. Cependant, chaque mouvance était elle-même divisée en plusieurs courants politiques.

 

Ainsi, à l’extrême gauche, l’on retrouvait les radicaux (tels que Georges Clémenceau[9].), proches de l’Union républicaine de Léon Gambetta[10] (ce mouvement était composé de républicains hostiles à la paix avec la Prusse.). La Gauche républicaine, quant à elle, comptait dans ses rangs les députés plus modérés, tels que Jules Favre[11], Jules Ferry[12] et Jules Grévy[13].

Léon Gambetta et Jules Favre, gravures publiées dans Le journal illustré, 1869.

Au centre, l’on trouvait des conservateurs tels qu’Adolphe Thiers, mais aussi le parti orléaniste (dirigé par Albert, duc de Broglie[14], ce dernier étant favorable au rétablissement d’une monarchie parlementaire.).

Enfin, les rangs de la droite étaient occupés par les légitimistes, partisans d’Henri d’Artois, ainsi que par le parti ultramontain (il s’agissait d’une doctrine reconnaissant la primauté du pape[15] face au pouvoir politique[16].).

 

            4° La république de Thiers face à une assemblée monarchiste (août 1871 à mai 1873) – Le 31 août 1871, le titre officiel d’Adolphe Thiers, chef de l’exécutif, fut précisé suite à l’adoption de la loi Rivet : président de la république française[17].

 

a) Les républicains gagnent du terrain sous l’œil bienveillant de Thiers (août 1871 à juillet 1872) : alors que le scrutin de février 1871 avait entraîné l’élection d’une majorité de conservateurs, les différentes élections organisées entre 1871 et 1873 démontrèrent une progression très nette du parti républicain.

Ainsi, lors des élections départementales d’octobre 1871, deux tiers des élus étaient républicains ; Léon Gambetta, organisant des tournées à travers toute la France, fit de nombreux discours enflammés, inaugurant ainsi une nouvelle forme de propagande politique.

 

Thiers, quant à lui, lança un second emprunt le 15 juillet 1872. Les résultats furent plus que satisfaisant, 43 milliards arrivant dans les caisses de l’Etat alors qu’il n’en fallait que trois. Très rapidement, cet argent fut versé à la Prusse, afin que soit libérés plus rapidement les derniers départements occupés[18].

Puis, le 27 juillet, une loi réformant l’armée fut adoptée par l’assemblée. Ainsi, il fut décidé que le contingent serait scindé en deux groupes, grâce à un tirage au sort. Les mauvais numéros effectueraient cinq ans de service militaire, les bons numéros seulement un (plus les périodes de réserves, soit environ un mois par an.). Par ailleurs, les exceptions étaient maintenues : étaient exemptés les enseignants, les ecclésiastiques, et les fils uniques. Par ailleurs, les bacheliers qui devanceraient l’appel ne feraient qu’un an de service. Enfin, les militaires furent privés du droit de vote, faisant de l’armée la « grande muette[19]. »

Le conseil des ministres, en septembre 1872. L'on reconnait Adolphe Thiers, au centre, aux côtés de Jules Simon. A gauche se tient Jules Dufaure.

 

b) L’éviction de Thiers (novembre 1872 à mai 1873) : le 13 novembre 1872, lors de la rentrée parlementaire, Thiers prononça un discours dans lequel il prit parti pour la république : celle-ci existe, elle est le gouvernement légal du pays ; vouloir autre chose serait une nouvelle révolution et la plus redoutable.

Les députés conservateurs, outrés par les paroles du président de la république, décidèrent alors de contre-attaquer en se rassemblant derrière Albert de Broglie, qui venait de démissionner de son ambassade à Londres.

Albert, duc de Broglie.

 

Ainsi, le 13 mars 1873, l’assemblée nationale promulgua la loi de Broglie, décret réglementant et limitant drastiquement la liberté de parole du chef de l’exécutif[20].

Ainsi, il était interdit au président de prendre la parole sans autorisation de l’assemblée ; par ailleurs, l’autorisation ne pouvait être délivrée qu’avec un préavis d’un jour.

Par ailleurs, le chef de l’Etat devait prévenir l’assemblée de sa visite par le biais d’un message contresigné et lu par un des membres du gouvernement. Enfin, n’était accordé au président de la république qu’un monologue, la séance étant levée à l’issue de sa prise de parole.

A l’annonce de l’adoption de cette loi, Thiers rentra dans une colère noire, n’appréciant guère de devoir se plier à ce qu’il surnomma cérémonial chinois (comparant ce procédé à la pesante étiquette régissant la vie de la famille impériale de Chine.).

 

Si la guerre avait été déclarée entre le gouvernement et l’assemblée, ce fut à partir d’avril 1873 que les conservateurs résolurent de se débarrasser de Thiers.

A cette date, Charles de Rémusat[21], un proche du chef de l’Etat, fut battu lors d’une élection législative partielle organisée dans le département de la Seine. Son adversaire, Claude-Désiré Barodet, était un candidat radical et anticlérical, ce qui ne plut guère aux monarchistes.

 

Ainsi, courant mai, les députés conservateurs se réunirent chez le duc de Broglie afin de trouver un successeur à Thiers. Dans un premier temps, leur choix se porta sur un des fils de Louis Philippe, mais certains élus craignirent indisposer les légitimistes. Finalement, le choix se porta sur le maréchal Patrice de Mac Mahon[22].

Le maréchal Mac Mahon, par VERNET, milieu du XIX° siècle, château de Versailles, Versailles.

Ce dernier, issu d’une famille légitimiste, était très populaire dans l’armée, mais ne s’était jamais engagé dans la politique. Finalement, après avoir quelque peu hésité, Mac Mahon accepta d’être le candidat des conservateurs : vous faites appel à mon patriotisme… soit, j’accepte !

 

Le 23 mai, lors d’une séance de l’assemblée, le duc de Broglie interpella Adolphe Thiers, sur la nécessité de défendre l’ordre moral[23], face à la progression du radicalisme.

Le chef de l’Etat voulut prendre la parole, mais, conformément au « rituel chinois », il ne put le faire que le jour suivant.

Le lendemain, se sachant sur la sellette, Thiers prononça le discours suivant : j’ai pris mon parti sur la question de la république. Je l’ai pris, oui, vous savez pourquoi ?... Parce que, pratiquement, la monarchie est impossible : il n’y a qu’un trône, et l’on ne peut l’occuper à trois !

Dans l’après midi, Thiers, absent de l’hémicycle, rédigea sa lettre de démission, espérant intérieurement qu’il serait rappelé[24]. Cependant, dès huit heures du soir, les députés décidèrent de procéder à l’élection du nouveau président de la république.

La gauche entière s’abstint et Mac Mahon fut élu par 390 voix le 24 mai au soir.

Mac Mahon, président de la république.

 

            5° Une restauration monarchique toujours d’actualité ? – Peu de temps après son élection, le maréchal nomma Albert de Broglie en tant que président du conseil des ministres[25].

 

a) La présidence de Mac Mahon, en attendant un roi (mai à juillet 1873) : le nouveau chef du gouvernement, soucieux de préparer la population au rétablissement de la monarchie, s’engagea à rétablir l’ordre moral dans le pays.

Ainsi, l’administration fut épurée de ses cadres jugés trop proches des républicains (plusieurs préfets furent destitués.) ; les maires seraient désormais nommé et non plus élus (ce qui ne plût guère, plusieurs villes voyant arriver des « parachutés. ») ; enfin, cafés et journaux furent surveillés (la célébration du 14 juillet fut interdite.). Par ailleurs, dans un Paris portant encore les stigmates de la Commune, les travaux de reconstruction de l'Hôtel de ville furent lancés.

L'Hôtel de ville en reconstruction, par Victor DARGAUD, XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.

 

Plus tard, du 27 au 28 mai 1873, une cinquantaine de députés conservateurs participèrent au pèlerinage de Notre Dame de Chartres[26] (d’autres se rendirent à Notre Dame de La Salette[27], où bien à Lourdes[28].).

Ces actes de foi ostentatoires ne furent toutefois pas au goût de tous. Ainsi, le duc de Broglie, pourtant conservateur, considéra ces pèlerinages comme des « bizarreries cléricales » ; à gauche, les républicains protestèrent avec véhémence contre cette démarche. Le cléricalisme, voilà l’ennemi, s’écria Gambetta.

A noter qu’en marge de ces évènements, l’assemblée vota en juillet 1873 la construction de la basilique du Sacré Cœur de Montmartre[29].

La construction du Sacré-Cœur de Montmartre, par François Marius BORREL, fin du XIX° siècle, musée Carnavalet, Paris.

 

b) Henri V, roi de France ? : à l’automne 1873, une restauration monarchique semblait inéluctable. Ainsi, Philippe d’Orléans, comte de Paris, avait décidé de céder sa place à son rival Henri d’Artois, comte de Chambord (5 août 1873.) ; en outre, les députés conservateurs avaient mis en place une commission chargée de s’entendre avec le futur roi afin de rédiger une nouvelle constitution (le projet constitutionnel fut validé le 14 octobre 1873.).    

 

Toutefois, tout comme en juillet 1871, le comte de Chambord saborda ses chances d’accéder au trône en manifestant à nouveau son intention de conserver le drapeau blanc en cas de restauration monarchique.

La lettre d’Henri d’Artois fut publiée dans le journal légitimiste L’Union, le 30 octobre 1873 au soir : je ne rétracte rien, je ne retranche rien à mes précédentes réclamations. Les prétentions de la veille me donnent la mesure des exigences du lendemain, et je ne puis consentir à inaugurer un règne réparateur et fort par un acte de faiblesse.

Avant minuit, tous les députés avaient pris connaissance de ce texte, qui fit la joie des républicains et le dépit des monarchistes. En effet, en refusant d’adopter le drapeau tricolore, le comte de Chambord n’était pas en mesure de mettre en place un régime de consensus suffisamment fédérateur pour renverser la république.

 

Marri par ce résultat, Henri d’Artois décida de se rendre en France le 9 novembre 1873, s’installant chez un de ses partisans résidant dans la cité de Versailles.

Le comte de Chambord espérait ainsi rencontrer Mac Mahon, afin de faire son entrée au sein de l’assemblée en compagnie du chef de l’Etat.

Toutefois, si Mac Mahon accepta de rencontrer Henri d’Artois, il refusa de se soumettre à sa proposition et le congédia. Le comte de Chambord, constatant que le projet d’une restauration était dans l’impasse, décida, vexé, de regagner sa résidence de Frohsdorf, en Autriche.

Le château de Frohsdorf, en Autriche.

 

Finalement, le 20 novembre 1873, les députés décidèrent de fixer à sept années la durée du mandat du président de la république. L’objectif officieux des conservateurs était d’attendre la mort du comte de Chambord, déjà âgé[30], afin de pouvoir couronner Philippe d’Orléans.

 

            6° La proclamation officielle de la troisième république (novembre 1873 à décembre 1875) – Suite à l’échec du projet de restauration monarchique, Albert de Broglie présenta sa démission à Mac Mahon, mais ce dernier décida de lui renouveler sa confiance (fin novembre 1873.).

 

a) La fin de l’ordre moral : malgré leurs récents revers, les députés conservateurs étaient toujours persuadés qu’un retour à la monarchie était possible.

Ainsi, le duc de Broglie présenta à l’assemblée, le 15 mai 1874, le projet de création d’un Grand Conseil, s’inspirant des assemblées de notables de l’Ancien régime. Toutefois, cette idée ne fit pas l’unanimité, car ni les républicains, ni les conservateurs n’y étaient favorables.

Broglie, sachant que son projet était un échec, subit une motion de défiance de la part de l’assemblée dès le lendemain, et décida de démissionner.

 

Ainsi, le 22 mai, Mac Mahon remplaça Broglie par un des ses amis, le général Ernest Louis Octave Courtot de Cissey[31], qui forma rapidement un gouvernement sans véritable couleur politique.

Le général Ernest Courtot de Cissey, Le Monde Illustré, N° 740, 17 juin 1871.

 

b) L’adoption d’une nouvelle constitution (janvier 1875) : alors qu’il était au pouvoir, Adolphe Thiers avait mis en place, en novembre 1872, une commission de trente députés afin de donner une constitution au régime. Toutefois, l’hypothèse d’une restauration monarchique avait considérablement ralenti les travaux de la commission.

Toutefois, la situation avait évolué depuis l’éviction du duc de Broglie, en mai 1874, et une majorité de députés semblait désormais vouloir sortir du provisoire et adopter une constitution définitive. Cependant, cette constitution ne pouvant qu’être républicaine, de nombreux conservateurs restaient encore en retrait.

Gambetta, afin de convaincre les députés les plus septiques, prononça le discours suivant : la république, c’est l’inévitable, et vous devriez l’accepter non en hommes de parti, mais en véritables hommes politiques.

 

Finalement, le 6 janvier 1875, l’assemblée décida d’aborder l’examen des lois constitutionnelles.

Ainsi, l’amendement Wallon[32] fut adopté le 30 janvier 1875. Ce dernier précisait le mode d’élection du chef de l’Etat : le président de la république est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et à la Chambre des députés réunis en assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans ; il est rééligible.

Par la suite, trois autres lois furent votées par l’assemblée : le 24 février (officialisation de la création du Sénat.) ; puis le 25 février et le 16 juillet 1875 (organisation des pouvoirs publics.).

 

Cet ensemble de décrets, improprement baptisés « Constitution de 1875 », restaient toutefois empreints de conservatisme.

Ainsi, le président de la république disposait du pouvoir exécutif dans sa totalité : il avait l’initiative des lois (et le pouvoir de les promulguer.), disposait de la force armée, nommait aux emplois civils et militaires, pouvait dissoudre la Chambre des députés avec l’aval du Sénat, etc.

Toutefois, tous les actes du chef de l’Etat devaient être contresignés par ses ministres, qui eux étaient responsable devant les deux assemblées (au contraire du président, qui, à l’instar d’un roi, était irresponsable.).

 

Tandis que la Chambre des députés était élue au suffrage universel masculin, pour une durée de quatre ans, le Sénat, au contraire, était bien plus conservateur (c’était l’objectif des monarchistes qui souhaitaient contrebalancer une Chambre des députés trop à gauche.).

Ainsi, sur les 300 sénateurs, 75 d’entre eux étaient nommés à vie[33] ; les 225 restants étaient élus par des assemblées de notables dans chaque département[34] (le Sénat était renouvelé par tiers tous les trois ans ; le mandat d’un sénateur était donc de neuf ans.).

 

A noter qu’à la fin février 1875, Courtot de Cissey étant démissionnaire, Mac Mahon le remplaça le 11 mars par Louis Buffet[35], qui opta pour une politique résolument conservatrice.

Louis Buffet.

 

Puis, le 31 décembre 1875, l’assemblée nationale décida de se séparer, en vue des élections législatives prévues pour début 1876.

 

            7° Une république conservatrice entre les mains des républicains (janvier à mai 1876) – Suite à plusieurs semaines de campagne électorale, le scrutin à deux tours se déroula entre le 20 février et le 5 mars 1876.

Conformément aux prévisions, ces élections furent un véritable échec pour les conservateurs, car les républicains obtinrent la majorité des sièges au sein de la nouvelle Chambre des députés.

 

a) Composition de la Chambre des députés (mars 1876) : ainsi, les conservateurs ne parvinrent à récupérer que 140 sièges sur les 533 disponibles (soit 76 bonapartistes, 40 orléanistes et 24 légitimistes.).

Les républicains, au contraire, sortaient grands vainqueurs de ce scrutin. A l’extrême gauche, l’on retrouvait les députés de l’Union républicaine de Gambetta (98 sièges.) ; la Gauche républicaine, grande gagnante de ces élections, comptait 193 députés.

Enfin, le centre-gauche et le centre-droit obtenaient à peu près les mêmes résultats, comptant une cinquantaine d’élus dans chaque camp.

 

Au Sénat, le scrutin fut plus favorable aux conservateurs, en raison du mode de scrutin, mais ces derniers ne détenaient qu’un très léger avantage sur leurs adversaires (151 conservateurs contre 149 républicains.).

 

b) La crise ultramontaine, prémices de la crise de mai 1877 (octobre 1876 à mai 1877) : Buffet, n’ayant pas été élu, présenta alors sa démission à Mac Mahon, qui nomma Jules Armand-Stanislas Dufaure[36] au poste de président du conseil. Toutefois, la Chambre des députés désormais républicaine se trouvait face à un Sénat conservateur et un président de la république monarchiste... ce qui n’augura pas une bonne intelligence entre tous les organes de la jeune république.

 Jules Dufaure, Le Monde Illustré, 22 décembre 1877.

 

Suite à la rentrée parlementaire, en octobre 1876, Dufaure fut excédé de ne pas parvenir à concilier la majorité du Sénat avec celle de la Chambre des députés. Ainsi, il préféra donner sa démission le 13 décembre 1876. Mac Mahon décida alors de confier la charge de président du conseil au député Jules Simon[37], républicain modéré, qu’il n’aimait pourtant guère. Le chef de l’Etat lui aurait d’ailleurs dit un jour : ah ! Monsieur Jules Simon, si l’on m’avait dit que je vous prendrais comme premier ministre, on m’aurait bien étonné !

Jules Simon.

 

Pourtant, bien qu’homme de gauche, Simon était malgré tout un conciliateur. Ainsi, le jour de son investiture, il se déclara profondément républicain et profondément conservateur.

Le président du conseil, encourageant officieusement les conservateurs, tout en donnant des garanties aux républicains, se révéla toutefois incapable de mettre un terme à la crise ultramontaine.

 

Ainsi, en mai 1877, des catholiques ultramontains[38] firent diffuser une pétition, suite à l’adoption d’une loi anticléricale par la chambre italienne. Le texte exigeait donc du gouvernement français d’employer tous les moyens pour faire respecter l’indépendance du Saint Siège.

A une époque où une intervention française en Italie était totalement invraisemblable[39], Jules Simon décida de d’interdire la pétition, ce qui fut bien accueilli par la gauche républicaine. Lors d’une harangue au sein de la Chambre des députés, Gambetta félicita Simon de son initiative en disant : qu’un catholique soit patriote, c’est chose rare !

 

Cependant, la déclaration de Gambetta ne plût guère à Mac Mahon, qui se considérait étant l’un et l’autre. Indigné, il fut poussé par son entourage à se séparer de Simon afin de mettre en place un gouvernement plus conservateur, ce qui provoqua la crise de mai 1877.

 

Ainsi, le 16 mai 1877, Mac Mahon saisit le premier prétexte venu (en l’occurrence l’abrogation d’une loi sur les délits de presse à laquelle Simon ne s’opposa pas.) afin de se débarrasser de son président du conseil.

Le chef de l’Etat ayant envoyé à Simon un courrier lui demandant des « explications » quant à sa conduite lors des discussions ayant précédé l’abrogation de la loi sur les délits de presse, le président du conseil, se considérant désavoué par Mac Mahon, décida alors de démissionner.

 

            8° La crise de mai 1877 et ses suites (mai 1877 à janvier 1879) – Suite à l’éviction de Simon, le président de la république, soucieux d’affirmer ses prérogatives vis-à-vis de la Chambre des députés, décida alors de rappeler Victor de Broglie, afin de constituer un ministère résolument conservateur.

 

a) Ministère conservateur contre assemblée républicaine (mai 1877) : toutefois, cette nomination provoqua la vive indignation des républicains, Broglie étant issu d’un petit groupe ne comptant que 40 députés au sein de l’assemblée.

 

La Chambre des députés de tarda donc pas à réagir : dès le 17 mai, Léon Gambetta réclama le vote d’une motion refusant la confiance envers le nouveau ministère.

 

Le lendemain, Mac Mahon tenta d’expliquer son geste en transmettant un message à la Chambre ; en outre, il décréta l’ajournement des chambres pour une durée d’un mois.

Le même jour, les députés de centre-gauche, de l’Union républicaine et de la gauche républicaine décidèrent de se réunir à Versailles, où ils signèrent un manifeste dénonçant la politique réactionnaire du gouvernement.

 

b) La dissolution de la Chambre des députés, les élections législatives (juin 1877 à été 1877) : le 18 juin, suite à la rentrée politique, 363 députés républicains firent adopter un ordre du jour, l’ordre des 363, qui refusa d’accorder sa confiance au nouveau ministère. Gambetta, monté à la tribune, dénonça le gouvernement des prêtres, le ministère des curés qui voulait pousser à la guerre contre l’Italie.

Le même jour, Mac Mahon se rapprocha du Sénat, afin de recevoir l’autorisation de dissoudre la Chambre des députés, comme l’autorisait la constitution de 1875. Cette permission lui fut accordée le 22 juin 1877 ; le 25 juin, la Chambre des députés fut officiellement dissoute.

 

La campagne électorale de l’été 1877 se déroula dans une ambiance fiévreuse et passionnée, car chaque parti savait que le résultat de ce scrutin entrainerait d’importants bouleversements dans la vie politique française.

Ainsi, le gouvernement du duc de Broglie en profita pour destituer de nombreux préfets jugés trop proches des républicains ; par ailleurs, de nombreuses condamnations furent prononcées pour cris séditieux et délits de presse.

En face, les républicains décidèrent de présenter un front uni et discipliné, malgré les divergences qui existaient entre les groupes de gauche à l’assemblée. Ainsi, l’infatigable Gambetta parcourut le pays une fois de plus, prononçant de nombreux discours (parfois improvisés.) : quand la France aura fait entendre sa voix souveraine, il faudra se soumettre ou se démettre.

 

c) L’échec de Mac Mahon (octobre à décembre 1877) : le 14 octobre 1877, les résultats furent annoncés à la population : les républicains remportaient la majorité des suffrages (313 sièges sur 521 au total.), mais leurs résultats furent moins bons que lors du dernier scrutin, en raison de l’intense activité anti-radicale du ministère Broglie.

Les bonapartistes, quant à eux, récupéraient 104 sièges, contre 44 pour les légitimistes. Les orléanistes, qui avaient transigé avec les républicains afin de mettre en place la constitution de 1875, se trouvaient au contraire en difficulté, ne comptant que 11 députés.

A noter enfin que l’on comptait enfin une cinquantaine d’élus sans étiquette.

 

Mac Mahon, qui avait décidé de dissoudre l’assemblée afin d’en faire élire une plus conservatrice, n’appréciait guère ces résultats. Ainsi, il songea dans un premier temps à faire voter au Sénat une nouvelle dissolution, puis il décida finalement de se raviser. Ayant reçu la démission de Broglie, Mac Mahon nomma le 23 novembre le conservateur Gaëtan de Grimaudet de Rochebouët[40] au poste de président du conseil.

 

Mais une fois encore, cette nomination ne plût guère aux républicains. Ainsi, la Chambre des députés refusa de reconnaitre le nouveau gouvernement.

Dessins humoristiques caricaturant les heurts à la Chambre des députés (à gauche, la légende indique : Pourquoi l'orateur n'aurait-il pas son chapeau sur la tête ? Le président lui couperait alors facilement la parole quand il irait trop loin. A droite, alors que deux enfants tentent de vendre fleurets et pistolets à un député, le texte est le suivant :  Excellent commerce à faire à la porte de la Chambre des députés.), Le Monde Illustré, N° 1098, 13 avril 1878.

 

Finalement, le 14 décembre 1877, Mac Mahon décida de s’incliner. Il confia alors la charge de président du conseil à Jules Dufaure, puis envoya un message à la Chambre des députés dans lequel il reconnaissait que son gouvernement devait être représentatif des votes des Français : la constitution de 1875 a fondé une république parlementaire en établissant mon irresponsabilité tandis qu’elle a instauré la responsabilité solidaire et individuelle des ministres[41].

Dessin humoristique caricaturant la crise parlementaire (la légende indique : Chaque fois qu'il viendra à l'idée de mettre le feu aux poudres, regarder avant qui est sur le tonneau.), Le Monde Illustré, N° 1082, 5 janvier 1878.

 

Peu de temps après la soumission de Mac Mahon, la Chambre des députés invalida l’élection de 70 députés, considérés comme élus grâce à des pressions politiques ou cléricales. Des élections partielles, organisées par la suite, furent un nouveau succès pour les républicains.

Dessins humoristiques caricaturant les invalidations ordonnées par la Chambre des députés (la légende indique : Pauvre suffrage universel ! Autant d'invalidations, autant de pavés qu'on lui envoie à la tête ! A droite, le policier chargé de mener une enquête électorale demande à son interlocuteur : Vous aviez reçu de l'argent des deux candidats ? Et l'électeur lui répond : Oui mon président, et comme je suis un honnête homme, je n'ai voté ni pour l'un ni pour l'autre.), Le Monde Illustré, N° 1087 et 1094, 9 février et 16 mars 1878.

 

d) L’exposition universelle de Paris (mai à octobre 1878) : alors que la crise de mai 1877 venait de s’achever, Mac Mahon inaugure le 1er mai 1878 l’exposition universelle de Paris, la troisième de son histoire[42].

L'inauguration de l'exposition universelle par Mac Mahon, à la tribune du Trocadéro, Le Monde Illustré, N° 1102, 11 mai 1878.

Les pavillons des pays participant aux festivités furent exposés sur le Champ de Mars, où fut construit le palais du Champ de Mars (qui fut détruit quelques années plus tard afin de céder sa place à la tour Eiffel.) ; le pont d’Iéna, enjambant la Seine, fut agrandi ; en face, fut bâti l’ancien palais du Trocadéro[43], où Mac Mahon reçut avec faste les délégations étrangères.

Le palais du Champ de Mars.

Le pavillon russe, Le Monde Illustré, N° 1108, 22 juin 1878.

Les grands travaux de l'exposition - Le pont d'Iéna surélevé et élargi, Le Monde Illustré, N° 1100, 27 avril 1878.

L'ancien palais du Trocadéro.

 

L’objectif de cette exposition était de démontrer que la France, à peine huit ans après son désastreux échec contre la Prusse, était capable de se relever et de faire partie du cercle fermé des grandes puissances européennes.

Dessins humoristiques caricaturant la vie à Paris pendant l'exposition universelle (à gauche, la légende indique : Pour honorer les étrangers qui visiteront Paris durant l'Exposition, le président de la Chambre prendra chaque jour le costume d'un pays différent. A droite, le texte est le suivant : Les délégués chinois s'arrangent de façon à ne pas se perdre les uns les autres durant leurs courses dans Paris.), Le Monde Illustré, N° 1101, 4 mai 1878.

Outre les pavillons des différents pays participant à l'exposition, plusieurs activités étaient proposées aux participants : ainsi, ces derniers pouvaient observer la tête de la future statue de la Liberté[44] d’Auguste Bartholdi, exposée sur le Champ de Mars (elle ne fut envoyé à New York qu’au printemps 1886.) ; un ballon captif, capable de transporter une quarantaine de passagers, permettait aux visiteurs de contempler l'exposition universelle depuis le ciel ; enfin, un aquarium fut aménagé sur les flancs de la colline de Chaillot.

Tête de la statue de la Liberté lors de l'exposition universelle de 1878.

Dessin humoristique caricaturant les vols en ballons proposés à l'exposition universelle (l'un des femmes s'exclame : D'ici, comme les hommes paraissent peu de chose. Ce à quoi un bourgeois lui répond : Mais oui, exactement comme si on les voyait de près.), Le Monde Illustré, N° 1120, 14 septembre 1878.

 

D’un point de vue technologique, de nombreuses inventions avaient été brevetées depuis la guerre, bouleversant à jamais la vie des Français : le moteur à quatre temps, entraînant la commercialisation des premières automobiles (1873.) ; le téléphone, le réfrigérateur et le marteau-pilon pour la fabrication de l’acier (1876.) ; ainsi que le praxinoscope[45] et le paléophone[46] (1877.).

Exposition universelle - Le marteau-pilon du Creusot dans le jardin du Trocadéro, Le Monde Illustré, N° 1107, 15 juin 1878.

Automobile à grande vitesse, par Amédée Bollée père, 1873, musée des Arts & Métiers, Paris.

Moteur à essence, à quatre temps et quatre cylindres, 1888, musée des Arts & Métiers, Paris (en haut à gauche) ; Téléphone de Graham Bell, 1878, musée des Arts & Métiers, Paris (en haut à droite) ; Praxinoscope, 1877, musée des Arts & Métiers, Paris (en bas à gauche) ; Paléophone (en bas à droite).

 

e) Le congrès de Berlin (juin à juillet 1878) : à noter que de juin à juillet 1878 se tint le congrès de Berlin[47] dans la capitale allemande.

Le congrès de Berlin, Le Monde Illustré, N° 1108, 22 juin 1878.

L’objectif de cette réunion, organisée par Bismarck, était de fixer les frontières des pays des Balkans, suite à une guerre russo-ottomane ayant tourné en mars 1878 à l’avantage du tsar Alexandre II (un premier texte, le traité de San Stefano, prévoyait la cessation de tous les territoires turcs en Grèce à la Bulgarie ; toutefois, ce projet ne plut guère au Royaume Uni, qui voyait d’un mauvais œil la montée en puissance de la Russie.).

Alexandre II, Le Monde illustré, N° 1052, 9 juin 1877.

 

L’idée de l’Angleterre était de jouer sur la diversité nationale des Balkans en instaurant une série d’Etats faibles, afin de lutter aussi bien contre l’expansionnisme russe que grec[48].

C’est ainsi que furent crées plusieurs royaumes, autrefois principautés sous domination ottomane : la Serbie, qui reçut le district de Nissa ; la Bulgarie, mais avec des frontières bien inférieures à celle du traité de San Stefano ; la Roumélie[49] fut réduite à la Thrace et à la Macédoine. Par ailleurs, la Grèce reçut la Thessalie ; le Monténégro eut Antivari, une ville située sur la côte adriatique ; l’indépendance de la Roumanie fut officiellement reconnue, et elle reçut la Dobroudja, une région bordant la mer Noire ; enfin, l’Autriche établit un condominium[50] sur la Bosnie.

Les Etats des Balkans (1878 à 1912).

 

La portée du congrès de Berlin dans la géopolitique européenne du XIX° siècle ne fut pas anodine. L’Autriche, soucieuse de se prémunir contre la Russie, proposa une alliance à la Prusse, donnant naissance à la Duplice en 1879 ; la Russie, quant à elle, opéra au fil des années un rapprochement vers la France, soucieuse de se prémunir contre l’axe Berlin-Vienne.

Plus grave, cette division arbitraire des Balkans, exigée par l’Angleterre, ne satisfit guère la plupart des peuples de la région. Ainsi, les tensions restèrent toujours vives entre ces différents Etats, entraînant plusieurs conflits à l’aube de la première guerre mondiale[51].

L'armée autrichienne envahit la Bosnie, combats dans Sarajevo, Le Monde Illustré, N° 1123, 5 octobre 1878.

 

            9° Une république enfin républicaine ? – Depuis octobre 1878, si la Chambre des députés était majoritairement républicaine, le gouvernement et le Sénat, au contraire, restaient entre les mains des conservateurs.

 

a) La démission de Mac Mahon (janvier 1879) : cependant, le premier renouvellement par tiers du Sénat se déroula le 5 janvier 1879, donnant la victoire aux républicains.

Mac Mahon se retrouvait donc isolé, ayant perdu tout soutien parlementaire.

 

Courant janvier, les députés républicains réclamèrent au président de la république le renvoi de plusieurs généraux jugés conservateurs. Mac Mahon, outré par cette demande, décida finalement de démissionner plutôt que d’y souscrire.

Dessins humoristiques caricaturant les tensions à la Chambre des députés (à gauche, la légende indique : Tout duel, pour des propos en l'air, devra avoir lieu dans le sens des paroles. A droite, le texte est le suivant :  Projet d'écusson pour surmonter la porte de la Chambre des députés.), Le Monde Illustré, N° 1082 et 1098, 5 janvier et 13 avril 1878.

 

b) Jules Grévy institutionnalise l’effacement présidentiel : suite à la démission de Mac Mahon[52], les députés élurent Jules Grévy président de la république le 30 janvier au soir (à noter que Gambetta ne s’était pas présenté, ne pensant pas pouvoir remporter l’élection.).

Jules Grévy, Le Monde Illustré, N° 724, 25 février 1871.

 

Dès sa nomination à la tête de l’Etat, Grévy annonça sa ferme intention de ne jamais agir en tant que contre-pouvoir : soumis avec sincérité à la grande loi du régime parlementaire, je n’entrerai jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses organes constitutionnels.

Grévy, choisissant de s’effacer devant la Chambre des députés, consacrait ainsi l’évolution du régime vers un parlementarisme absolu.

 

Ce recul du chef de l’Etat devint au fil des années une pratique institutionnelle, surnommée constitution Grévy.

En effet, alors que la constitution de 1875 garantissait de solides pouvoirs au président de la république, le nouvel élu décida d’abandonner de lui-même un grand nombre de prérogatives : initiative des lois, contrôle des forces armées, nomination aux emplois civils et militaires, droit de dissolution de l’assemblée, etc. Cependant, il conserva le droit de négocier les traités, de promulguer les lois, et de présider les commémorations nationales.

 

Au final, la fonction de chef de l’Etat fut cantonnée à un rôle symbolique, le président de la république n’ayant plus guère de pouvoirs (le président du conseil était nommé par la Chambre des députés, un ministre devait contresigner chaque acte présidentiel, etc.).

C’est ainsi que le président du conseil, à l’origine simple intermédiaire entre le chef de l’Etat et les assemblées, gagna en importance et en prestige.
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[1] Pour en savoir plus sur la Commune, cliquez ici.

[2] Thiers, né en avril 1797, occupait la fonction de journaliste lors de la révolution de Juillet. Ayant publié une proclamation appelant Louis Philippe au pouvoir, Thiers fut nommé ministre à plusieurs reprises, et obtint par trois fois la charge de chef du gouvernement (1836, 1840 et 1848.). Sous le second Empire, il fut élu député sous la bannière de l’opposition orléaniste. Plus tard, en février 1871, Thiers fut chargé de former un nouveau gouvernement. C’est lui qui réprima la Commune en mai 1871.

[3] Ainsi, une quarantaine de départements, occupés par les forces prussiennes, furent privés de vote ; les 500 000 soldats français retenus prisonniers en Prusse ne purent pas voter non plus.

[4] Plusieurs lois d’exil furent votées en France. En 1816, une première loi promulgua le bannissement de la famille Bonaparte ; en 1832, ce fut au tour de la famille de Charles X de connaitre le même sort ; enfin, en 1848, la famille de Louis Philippe fut condamnée elle aussi à l’exil.

[5] Pour en savoir plus sur le règne de Louis Philippe, cliquez ici.

[6] A noter que son père, Charles Ferdinand d’Artois, duc de Berry, avait été assassiné par un bonapartiste dans la nuit du 13 au 14 février 1820. Henri, né quelques mois suite à la mort de son père, fut donc rapidement considéré comme un « enfant miracle » par les légitimistes. Pour en savoir plus sur ces événements, voir le b), 3, section III, chapitre premier, les derniers Bourbons.

[7] Lors de la révolution de 1848, Louis Philippe abdiqua en faveur de son petit fils, ce que les députés acceptèrent. Toutefois, les manifestants envahirent le palais Bourbon (siège de l’assemblée nationale.), écartant définitivement l’idée d’une préservation de la monarchie. Pour en savoir plus à ce sujet, cliquez ici.

[8] Mise en place de fleurs de lys sur le drapeau tricolore, création d’un double drapeau, etc.

[9] Né en septembre 1841, Clémenceau fit des études de médecine (son grand père était médecin dans l’armée de Napoléon.), puis partit enseigner aux Etats Unis, suite à la guerre de sécession. Apprenant que la France était entrée en guerre contre la Prusse, il décida de rejoindre Paris, fréquentant les milieux républicains, et manifestant son hostilité envers les partisans de la paix. Par la suite, Clémenceau fut élu maire de Montmartre (novembre 1870) et député (février 1871.). 

[10] Gambetta, né en avril 1838, était un avocat proche des milieux républicains. Ce dernier avait été élu député lors des élections législatives de 1869. Nommé chef de l’exécutif en septembre 1870, Gambetta réorganisa l’armée afin de poursuivre la lutte contre la Prusse. Refusant de baisser les armes, il fut limogé en février 1871.

[11] Favre était un avocat né en mars 1809. Fermement opposé au coup d’Etat de décembre 1851, tenta d’organiser la résistance sur les barricades mais en vain. Ce dernier, chef de file de l’opposition républicaine en 1863, fut néanmoins opposé à la guerre contre la Prusse, à l’instar d’Adolphe Thiers. Nommé ministre des Affaires étrangères en septembre 1870, Favre fut chargé de négocier l’armistice avec la Prusse en janvier 1871.

[12] Ferry, né en avril 1832, était un avocat proche du mouvement républicain. Il fut élu député lors des élections de 1869. Il participa au coup d’Etat du 4 septembre 1870, proposant que seuls les députés de Paris fassent partie du nouveau gouvernement.

[13] Jule Grévy était un avocat né en août 1807. Participant activement à la vie politique de la jeune seconde république (il fut élu député en 1848.), il fut arrêté lors du coup d’Etat de Napoléon III en décembre 1851. Echaudé, Grévy ne revint en politique qu’à la fin du second Empire, et fut élu député en 1868. Opposé à la déclaration de guerre contre la Prusse pendant l’été 1871, Grévy fut un partisan de la paix à l’annonce des premières défaites militaires françaises. En février 1871, suite aux élections législatives, Grévy fut nommé président de l’assemblée nationale.

[14] Albert de Broglie, né en juin 1821, était le fils de Victor de Broglie (ce dernier, membre de la chambre des pairs lors de la restauration, s’opposa à la censure et se prononça en faveur de l’abolition de l’esclavage. Participant à la révolution de Juillet, il fut nommé ministre par Louis Philippe à plusieurs reprises.).

[15] A noter que le concile de Vatican I avait énoncé le dogme de l’infaillibilité pontificale, théorie selon laquelle le pape ne pouvait pas se tromper en matière de foi ou de morale.

[16] Rappelons que la France vécut longtemps dans une tradition gallicane ; c'est-à-dire que le roi était le chef de l’Eglise dans son pays. L’ultramontanisme, très répandu au XIX° siècle, parvint à faire disparaitre le mouvement gallicaniste, qui n’existe plus de nos jours.

[17] Jusqu’alors, Thiers était désigné comme chef du pouvoir exécutif, ce qui ne lui plaisait guère (ce dernier disait souvent : « chef, c’est un qualificatif de cuisinier. »

[18] Le départ définitif des troupes prussiennes s’opéra en septembre 1873.

[19] Les militaires n’eurent le droit de vote qu’à partir de 1945.

[20] Depuis l’adoption de la loi de Broglie, les présidents de la république ont cessé de prendre la parole devant l’assemblée nationale. La réforme constitutionnelle de 2008 autorise toutefois le chef de l’Etat à s’adresser aux parlementaires réunis en congrès (une réunion regroupant sénateurs et députés.). Toutefois, le président de la république reste tenu au monologue, et aucun vote ne peut avoir lieu suite à sa déclaration.

[21] Né en mars 1797, le comte de Rémusat fit des études de droit, mais préféra se consacrer à la philosophie. Proche des doctrinaires, il ne s’engagea toutefois dans la vie politique qu’à partir de la monarchie de Juillet.

[22] Patrice de Mac Mahon, né en juillet 1808, était issu d’une famille irlandaise réfugiée en France depuis la déchéance du roi d’Angleterre Jacques II Stuart au XVIII° siècle. Intégrant les rangs de l’armée après être sorti de l’école militaire de Saint Cyr, le jeune homme fit carrière en Algérie, où il y obtint ses galons de général. Par la suite, il participa à la campagne d’Italie. Participant à la guerre contre la Prusse, il échoua sous les murs de Sedan, et fut fait prisonnier par les Prussiens.

[23] Il s’agissait d’une vieille formule, c'est-à-dire un conservatisme social nuancé de paternalisme et de respect de la religion.

[24] Thiers, retiré de la vie politique, mourut en septembre 1877.

[25] Une charge équivalente à celle de notre actuel premier ministre.

[26] La cathédrale de Chartres, considérée comme l’édifice gothique le mieux conservé aujourd’hui, fut érigée au XII° siècle (sur les ruines d’une ancienne église romane.). Notre Dame est un très ancien lieu de pèlerinage, remontant à l’époque romaine selon certaines sources.

[27] Notre Dame de La Salette était à l’époque un lieu de pèlerinage récent. En effet, c’est en septembre 1846 que la Vierge serait apparue à deux jeunes enfants, Mélanie Mathieu et Maximin Giraud. Bien que cet événement ne fasse pas l’unanimité au sein de l’Eglise, les travaux d’érection de la basilique de La Salette débutèrent en mai 1852.

[28] C’est en 1858 que la jeune Bernadette Soubirous aurait eu plusieurs visions de la Vierge, dans la grotte de Massabielle, à Lourdes. Les apparitions furent reconnues officiellement en 1862, malgré l’opposition de la municipalité. Aujourd’hui, Lourdes est l’un des pèlerinages les plus importants de l’Eglise catholique. 

[29] La basilique, dont les travaux débutèrent en juin 1875, ne fut achevée qu’en 1914 (elle fut consacrée en 1919.). A noter par ailleurs qu’il fallut attendre 1923 pour que la décoration intérieure soit terminée.

[30] Rappelons qu’Henri d’ Artois, né en septembre 1820, avait donc 53 ans en 1873. Il ne mourut cependant qu’en 1883, à Frohsdorf, en Autriche, et fut inhumé à Nova Gorica (autrefois en Autriche, aujourd’hui en Slovénie.), aux côtés de son grand père Charles X.

[31] Courtot de Cissey, né en septembre 1810, était un des neveux de Louis Nicolas Davout, un des maréchaux de Napoléon I°. Sortant de Saint Cyr avec le grade de lieutenant en 1832, il servit en Algérie, puis participa à la campagne de Crimée. Pendant la guerre de 1870, Courtot de Cissey se rendit avec Bazaine à Metz.

[32] Cet amendement reçu le nom du député qui en fut l’instigateur, Henri Wallon.

[33] L’objectif était de constituer un « bloc » conservateur au Sénat. A la mort d’un des 75 sénateurs, ses collègues choisissaient un nouveau membre pour remplacer le défunt.

[34] Ce scrutin favorisait les campagnes, jugées plus conservatrices.

[35] Né en octobre 1818, Buffet fut avocat avant d’être élu député en 1848. Il fut ministre de l’agriculture de Louis Napoléon Bonaparte avant de démissionner, protestant contre la tournure autoritaire du régime. Battu à plusieurs reprises lors des élections législatives sous le second Empire, Buffet retrouva son poste de député en 1864.

[36] Dufaure, né en décembre 1798, avait été ministre à plusieurs reprises sous la monarchie de juillet. Orléaniste, il fut aussi nommé ministre de l’Intérieur en 1849, sous Louis Napoléon Bonaparte ; puis deux fois président du conseil en 1871, sous Adolphe Thiers (même si à cette époque la fonction de Dufaure s’apparentait plus à celle d’un vice-président, Thiers s’arrogeant tous les pouvoirs.).

[37] Simon était un philosophe né en décembre 1814. Républicain, il avait vivement critiqué le coup d’Etat de Louis Napoléon Bonaparte en décembre 1851, ce qui lui coûta sa chaire à la Sorbonne. Il se retira de la vie politique jusqu’en 1870.

[38] Rappelons que les ultramontains soutenaient la primauté du pape (qui avait énoncé le dogme de l’infaillibilité pontificale, théorie selon laquelle le pape ne pouvait pas se tromper en matière de foi ou de morale.) sur le pouvoir temporel, à une époque ou ce dernier avait perdu tous ses Etats suite à la prise de Rome par le royaume de Piémont Sardaigne (devenue royaume d’Italie en 1870.).

[39] A noter que l’Italie, se rapprochant de l’Allemagne et de l’Autriche, adhéra à la Triplice en 1881.

[40] Polytechnicien, Rochebouët était né en mars 1813.

[41] Le droit de dissolution ne fut plus utilisé de toute l’histoire de la troisième république.

[42] Deux expositions s’étaient tenues sous le second Empire, en 1855 et 1867. Pour en savoir plus, voir le 5, section II, chapitre deuxième, le second Empire.

[43] En opposition au palais du Trocadéro, bâti en 1937.

[44] Pour en savoir plus à ce sujet, cliquez ici.

[45] Le praxinoscope était une espèce de lampe autour de laquelle tournait un cylindre sur lequel était posé une bande composée de douze dessins. Grâce à un jeu de miroirs, le spectateur voyait les dessins se mettre en mouvement, formant un cycle infini (un peu similaire à nos fichiers .gif animés d’aujourd’hui.). Cet engin eut un grand succès commercial.

[46] Il s’agissait d’un appareil permettant d’enregistrer et de reproduire des sons, inventé en même temps que le phonographe. Cet engin ne fut toutefois jamais commercialisé.

[47] Ne pas confondre le congrès de Berlin avec la conférence de Berlin, qui se déroula de novembre 1884 à février 1885.

[48] La Grèce, indépendante depuis 1830, ne possédait qu’un petit territoire, correspondant à peu près à l’actuelle région du Péloponnèse. Pour en savoir plus à ce sujet, voir le b), 2, section II, chapitre deuxième, les derniers Bourbons.

[49] La Roumélie, « terre des Romains » en turc, désignait les territoires ottomans dans les Balkans.

[50] Un condominium est un territoire sur lequel deux puissances exercent une souveraineté commune.

[51] Cette division arbitraire des Balkans eut aussi des répercussions tout au long du XX° siècle, particulièrement en ex-Yougoslavie.

[52] A noter que Mac Mahon, retiré de la vie politique, mourut en octobre 1893.

 
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